Benjamin Crémieux I

Benjamin Crémieux II ►

1924-1933

Liens dans la page : 1924,      1927-1929,      1930,      1932-1933      et notes

La première apparition du nom de Benjamin Crémieux dans le Journal littéraire de Paul Léautaud est le seize avril 1923. Paul Léautaud a 51 ans, Benjamin Crémieux en a 34, presque une génération les sépare.

Benjamin Crémieux est de Narbonne et vraisemblablement une partie de l’accent que l’on avait alors dans le sud de la France. En même temps il est agrégé de lettres et sera docteur en 1928. Tout les sépare.

À la fin mars 1923, Paul Léautaud, qui écrit sous le nom de Maurice Boissard dans La NRF quitte cette revue mensuelle pour un hebdomadaire, Les Nouvelles littéraires, dont le premier numéro est paru en octobre précédent. Les conditions à l’origine de ce changement ont suffisamment été détaillées dans ces pages pour qu’il soit nécessaire d’y revenir.

Bandeau des Nouvelles littéraires du 14 avril 1923

Sa première chronique paraît en page cinq du numéro du 14 avril 1923 et donne sa critique de la pièce de Jules Romains Monsieur Le Trouhadec saisi par la débauche, refusée par La NRF.

Début de la chronique de Maurice Boissard dans Les Nouvelles littéraires du quatorze avril 1923

Paul Léautaud se trouve à côtoyer de nouveaux auteurs. Les auteurs, dans les journaux, sont toujours très sensibles aux gens qu’ils côtoient et il le note dans son Journal littéraire au seize avril 1927 :

Une chose amusante, c’est de voir le feuilleton littéraire de Benjamin Crémieux1(2) dans le même numéro que ma première chronique dramatique. Cette petite attaque contre la critique impressionniste pourrait avoir tout l’air d’être dirigée contre moi. La critique de Crémieux sera amusante s’il s’en tient au programme qu’il se fixe là. Encore un qui va faire le savant et le pédant.

Heureusement cet état d’esprit à propos de Benjamin Crémieux ne durera pas.

Début de la chronique de Benjamin Crémieux dans Les Nouvelles littéraires du quatorze avril 1923

Ainsi que nous le comprenons à la première ligne de la chronique de Benjamin Crémieux, c’est pour lui aussi son premier texte dans Les Nouvelles littéraires, qui viennent donc de récupérer deux auteurs de talent. Sur les deux, il y en a déjà un qui râle (en privé, il est vrai).

Le premier novembre de cette même année 1923, ils se rencontrent au théâtre du Vieux-Colombier, ce qui peut démontrer qu’ils se sont déjà rencontrés sinon comment reconnaître quelqu’un qu’on ne connaît pas ?

Au Vieux-Colombier, ce soir-là, on donne La Locandiera, de Carlo Goldoni, ce contemporain de Molière, que Benjamin Crémieux connaît mieux que personne pour être son traducteur français. Cette traduction est encore choisie de nos jours3 par des metteurs en scène.

Le soir, au Vieux-Colombier pour L’Imbécile4 et La Locandiera5. Je rencontre Benjamin Crémieux. Nous parlons des Nouvelles et de mon aventure actuelle6. Je le fais rire en lui disant ma réponse, que j’aurais pu faire à Maurice Martin du Gard7 me priant de rendre compte des cirques et Music-hall et que cette rubrique reviendrait bien mieux à Gregh8 qui a commencé en littérature par des « imitations ». Nous parlons aussi de la visite de Jacques Guenne9 à la prison de Beauvais sous la conduite de Marcel Coulon10. Crémieux désapprouve comme moi cette exhibition à un étranger de malheureux prisonniers comme des curiosités et il me dit qu’il a même dit sa désapprobation à Jacques Guenne lui-même. Il me dit à ce sujet « Guenne m’avait dit : Vous lirez mon article sur Rimbaud11, et sur la prison de Beauvais. Vous verrez : j’ai fait mon Boissard. » J’ai répondu à Crémieux en riant : « Ces gens-là sont encore plus comiques que moi, et le dommage pour eux, c’est qu’ils ne le font pas exprès. »

1924

Benjamin Crémieux par Jean Texcier dans Les Nouvelles littéraires du premier novembre 1924

La dernière chronique « Les lettres françaises », de Benjamin Crémieux est parue dans Les Nouvelles littéraires du premier décembre 1923. Il n’aura pas tenu l’année. Dans le numéro suivant (huit décembre) cinq pages sont réservées à la mort de Maurice Barrès12 (le quatre décembre), ce qui occasionne une transition en douceur pour le remplacement de Benjamin Crémieux par Edmond Jaloux13 et sa rubrique « L’Esprit des livres » dans le numéro du quinze décembre 1923.

21 janvier 1924

Nous sommes dans le bureau de Paul Léautaud, au Mercure de France :

Tantôt visite de Benjamin Crémieux venant me remercier, me dit-il, de la lettre de condoléances que je lui ai écrite à propos de son aventure analogue à la mienne aux Nouvelles littéraires. Il me raconte comment la chose s’est passée. Un jour, Martin du Gard et Jacques Guenne lui disent : « Vous devriez nous faire de grands portraits littéraires. » Crémieux répond : « Mais j’ai déjà mon feuilleton de critique. On ne verra plus alors que ma signature dans les Nouvelles ! » Martin du Gard et Guenne lui disent alors : « Mais non. Vous ne ferez plus votre feuilleton. C’est Jaloux qui va faire maintenant la critique des livres. » Là-dessus démission de Crémieux. Cela s’est raccommodé ensuite. Crémieux fera désormais des feuilletons généraux sur la littérature. Il était en train de me dire comme conclusion : « Le tort que j’ai eu, c’est de ne pas leur demander de me faire un contrat… » Juste à cette minute arrive Maurice Martin du Gard, venant me voir. Il y a eu une petite minute de gêne, Crémieux a vite rattrapé cela en lui disant : « Nous parlions justement de vous… en mal. — Comment ? en mal », se mit à dire en riant Martin du Gard. Je dis à mon tour : « On ne peut guère parler de vous autrement. C’est une habitude qui commence à se répandre dans tout Paris. » J’ai demandé ensuite à Martin du Gard ce qui l’amenait. « Vous voir, me dit-il, vous demander ce que vous devenez. — Ce que je deviens ? Vous le voyez. Je suis employé. C’est plus sûr que d’être critique dramatique. Je ne vaux peut-être pas mieux dans le premier cas que dans le second, mais j’ai un patron plus fidèle : il me garde malgré tous mes défauts. » Crémieux s’est alors lancé dans une grande critique de ce que sont les Nouvelles littéraires, la critique littéraire de Jaloux et la critique dramatique de Gregh ressemblant aux critiques qu’on lit partout, leur reprochant de manquer de hardiesse, « si vous ne manquiez pas de hardiesse, vous n’auriez pas congédié Boissard », de manque d’idéalisme, de jeunesse14, de combativité, du besoin de démolir quelque chose. Il a donné comme exemple Bourget15, et qu’un journal comme les Nouvelles se devait de montrer à ses lecteurs le néant qu’est Bourget, cet homme qui occupe une situation littéraire considérable. Il a reproché aussi aux Nouvelles de s’occuper toujours des mêmes gens : « Vous en êtes, je crois bien, au septième article sur Mauriac. Il y a vraiment autre chose à faire. Vous tournez de plus en plus aux Annales16. Alors ? à quoi bon. » Martin du Gard ne répondait guère de choses, sinon que rien n’est facile et surtout de faire un journal de ce genre, ce qui est assez juste.

[…]

À propos de notre conversation, Crémieux, Martin du Gard et moi, le nom de Barrès est venu dans la conversation. J’ai dit alors tout ce que je pense de Barrès, comme écrivain : mauvais écrivain, selon moi, faiseur de pathos, et comme homme : m’inspirant à moi le plus complet mépris, tant par son attitude lors de l’affaire Dreyfus que par son attitude pendant la guerre. Martin du Gard ne disait mot : Barrès, sa grande admiration. Crémieux m’approuvait sur beaucoup de points, bien que n’étant pas, a-t-il dit, « anarchiste et individualiste comme moi ».

Cela dit, Benjamin Crémieux retrouvera parfois sa chronique « Les Lettres françaises » dans Les Nouvelles littéraires, dans la page suivant « L’esprit des livres » d’Edmond Jaloux, même parfois accompagné de celle de Maurice Boissard…

1927-1929

Le vingt novembre 1926 paraît à La NRF le premier volume du Théâtre de Maurice Boissard.

Premier février 1927

Dans la Nouvelle Revue française, no février, excellent article de Benjamin Crémieux sur mon premier volume de chroniques dramatiques. Encore une lettre de remerciements à écrire. J’en ai quelques-unes en retard.

Cet article sera donné en annexe I, dans la seconde partie.

Benjamin Crémieux n’a pas rejoint La NRF après avoir quitté Les Nouvelles littéraires, il y écrivait bien avant, bien qu’épisodiquement, principalement des textes de critiques littéraires. Le premier texte que l’on connaisse de lui dans La NRF date de juillet 1920. On peut lire aussi dans le numéro d’octobre 1920 un article sur « La condition présente des Lettres italiennes ».

Cette année 1927 Benjamin Crémieux prépare sa thèse de doctorat sous forme d’un « Essai sur l’évolution littéraire de l’Italie de 1870 à nos jours », qu’il soutiendra à Grenoble le 27 février 1928 et qui sera publiée chez Kra, achevée d’imprimer le lendemain (341 pages).

Dans La NRF du premier décembre 1928, page 760, parait un « Dialogue » signé Paul Léautaud.

3 décembre 1928

Auriant17 prend dans la case18 de Hirsch19 le numéro de la Nouvelle Revue française pour lire mon Dialogue. Il feuillette la revue et découvre un petit compte-rendu par Benjamin Crémieux des lettres Fagus, que je n’aurais certainement pas vu sans lui20. Crémieux trouve que je suis (Fagus également) « un peu court et trop simpliste dans mes façons de raisonner et de penser » ce qui n’est pas loin, je crois, de trouver que je suis un imbécile. Robert Télin, dans son petit volume, me compte, lui, au nombre des rares écrivains d’aujourd’hui, « intelligents ». Il y en a certainement un, de Crémieux et de lui, qui doit se tromper. Crémieux nous couvre d’ailleurs d’éloges, Fagus et moi, pour notre naturel et notre franchise et notre détachement complet des conséquences de ce que nous écrivons. C’est toujours cela.

Au début de 1929 paraît au Mercure le premier tome de Passe-temps. Le bon à tirer a été envoyé à l’imprimerie le trois janvier, les volumes ont été livrés au Mercure le huit février et la mise en vente a commencé le douze. Le dix-huit dans l’après-midi, Benjamin Crémieux est passé au Mercure prendre son exemplaire pour écrire un article dans Les Annales du 1er mars. Cet article est donné ici en annexe II, dans la seconde partie.

5 avril 1929

Paul Petitot21 m’a écrit il y a bien une quinzaine, me disant qu’il y avait eu un article de Benjamin Crémieux sur Passe-Temps dans Les Annales. Ne voyant rien venir dans les coupures d’Argus22 qui viennent au Mercure, j’ai écrit à Benjamin Crémieux pour lui demander s’il était vrai qu’il eût fait cet article et le prier de m’indiquer le numéro, que je me procurerais. Il a eu la gentillesse de me l’apporter tantôt. C’est peut-être, au point de vue critique littéraire, l’article le plus intéressant que j’ai eu à ce jour. C’est de la critique littéraire, et de la critique morale. Benjamin Crémieux étudie le livre et il étudie l’auteur. Beaucoup de choses de moi sont définies là très justement. Mon unique morale, par exemple : la morale du plaisir. Je crois bien en effet que je n’en ai jamais eu et n’en ai pas d’autre. Quant aux éloges : esprit, style, indépendance d’esprit, courage (lui aussi) j’ai beau être modeste par nature : ils sont de premier ordre.

[…]

Benjamin Crémieux, dans son article, fait grands éloges de mon style simple, naturel, qui fait qu’on voit ce que je peins qu’on croit y être, cela obtenu à l’aidé des moyens de style les plus simples. Il cite mon passage sur Valéry : Oronte n’a pas changé23… et dit qu’il ne voit pas présentement quel écrivain serait capable de donner des lignes aussi justes, aussi simples, aussi équilibrées, aussi suggestives. Je ris bien en songeant combien tout cela a été écrit facilement, en quelques minutes.

Benjamin Crémieux est le premier qui dit des choses justes sur les sentiments qui m’ont amené aux animaux. Il est réel qu’il y a en moi un penchant très grand à la pitié, à la charité. J’aurais fait quelquefois de grandes folies inutiles si la raison, toujours présente, ne m’avait arrêté.

7 avril 1929

J’ai trois ou quatre lettres de remerciements d’articles à écrire : Corday24, Crémieux, Arland25, Fernand Martin26. J’ai remis à un autre jour, tant cela m’assomme.

À Benjamin Crémieux

Paris le 12 avril 1929

        Mon cher Crémieux,

J’ai lu, grâce à vous, votre article sur Passe-Temps dans Les Annales. (Je ne suis pas peu fier qu’il ait été parlé de moi dans cette vertueuse publication.) J’ai à vous en remercier tout particulièrement. Je pense que vous prendrez, me connaissant, comme argent comptant ce que je vous dis ici, sans aller, n’est-ce pas, le répandre par tout Paris : votre article est, à ce jour, le meilleur article de critique littéraire que j’aie eu, et de critique morale aussi, si je puis dire, puisque, en même temps que vous rendez compte de l’ouvrage, vous définissez la personnalité de l’auteur. Si je mérite les éloges que vous voulez bien me faire, je n’en suis pas sûr. Comme vous le marquez, je n’ai jamais eu d’autre objet que mon plaisir, cela diminue beaucoup le mérite. Mais je me retrouve beaucoup dans vos appréciations. Cela m’a intéressé. Vous êtes aussi le premier à dire des choses justes sur les sentiments qui m’ont porté vers les animaux : la pitié, un certain sentiment de la justice. Cela ne vous fait pas rire, je pense ? J’ai horreur de la violence, de la contrainte, en quelque domaine qu’elles s’exercent, et les bêtes sont par excellence, les êtres innocents et sans défense. Je n’ai pas du tout peur du ridicule en exprimant ces sentiments.

        Cordialement à vous

P. Léautaud

28 novembre 1929

Type de chapeau que pouvait porter Marianne Crémieux à la fin des années 1920 »

Je venais ce soir de donner la pâtée aux chats du Luxembourg (coin École des Mines). J’avais posé mon sac sur le banc du boulevard et je faisais une cigarette27. Une femme venait vers moi que je regardais, pour son visage qui me plaisait. Elle s’arrête devant moi en riant : « Bonjour, M. Léautaud. Vous ne me reconnaissez pas ? » J’avoue que je ne la reconnais pas. « Je suis Madame Benjamin Crémieux28. » Tout de suite les paroles les plus charmantes. Je lui dis que je suis excusable de ne pas l’avoir reconnue 1o à cause du chapeau à la mode qui modifie complètement la physionomie des femmes, 2o ne l’ayant vue qu’une fois, il y a longtemps, au Vieux-Colombier. (Je ne l’ai même pas trouvée jolie, ce jour-là, l’air d’une vraie mulâtresse. C’est peut-être ce chapeau à la mode, ce soir, qui la rendait jolie ? Dommage : elle roule terriblement les R.) Elle me dit : « Vous m’avez vue deux autres fois. La première, chez van Bever, il y a longtemps, j’avais dix-sept ans, j’étais jeune étudiante. Vous m’avez beaucoup plu par une sortie que vous avez faite contre l’Université et les professeurs. La seconde, rue de Condé, un soir, il n’y a pas longtemps. Vous m’avez même regardée… — Ce soir aussi, je vous ai regardée. Je ne vous aurais pas regardée si j’avais su que c’était vous. » Elle me dit, revenant à la rencontre rue de Condé : « Vous m’avez regardée ce jour-là comme il n’est jamais désagréable à une femme de l’être… »

Invitation à dîner chez elle, un jour prochain, elle va m’écrire au Mercure. Il y aura Paulhan29. Je lui dis que Crémieux a été très gentil pour moi dans les Annales. Elle me dit qu’il m’aime beaucoup, que Paulhan aussi m’aime beaucoup. Étonnée de mon grand rire à ces paroles.

Que c’est charmant, une femme d’un joli visage, intelligent et expressif, qui vous parle aimablement. Comme cela me change de ma chère amie. Je suis aussitôt un tout autre homme. J’ai tout mon esprit, et cette grâce que je cache le plus souvent.

Vendredi 13 décembre 1929

Ce vendredi 13, avant d’aller dîner chez les Crémieux, Paul Léautaud se rend compte que le fond de son pantalon « a le fond crevé, d’usure, en deux endroits ». Il se rend aux grands magasins du Louvre, non pas au rayon chalcographie, qui n’existe pas, mais à celui des pantalons en solde mais ils sont bien chers. Il gardera son vieux pantalon pour se rendre au dîner.

Dîner chez Benjamin Crémieux, 40, rue Denfert-Rochereau30. Au premier étage d’un petit bâtiment au fond de la cour, avec un petit carré de jardin devant. Un atelier d’artiste, avec une petite partie appartement. J’aurais beaucoup aimé un logement de ce genre quand j’étais jeune. Je n’aimerais plus du tout cela aujourd’hui.

Je me suis fendu d’un bouquet de violettes de dix francs pour Mme Benjamin Crémieux, dans l’idée du plaisir que m’a donné notre rencontre de l’autre soir. Mais voilà bien ma chance. Toujours ces sacrés chapeaux à la mode, qui font jolies même les femmes qui ne le sont pas. Mme Benjamin Crémieux (vue ce soir sans chapeau) n’est pas du tout jolie, pas du tout. Beaucoup de gens la trouveraient même laide. Son fils, sept ans, qui tient d’elle à la fois et du visage si bien juif de Crémieux, n’est pas non plus très joli à mon goût. Une vraie petite face de bélier. Il faut sans doute l’habitude de ces visages-là.

Quand j’arrive, Paulhan est là. Crémieux est en train de lui parler avec vivacité d’un article désagréable qu’a écrit sur lui dans les Nouvelles littéraires Paul Chauveau31(32) et d’une conversation qu’il a eue à ce propos avec Maurice Martin du Gard. Arrive ensuite Mme …33, je ne me rappelle jamais son nom. Crémieux parle de l’article extrêmement perfide que Jaloux a écrit sur L’Ordre de Marcel Arland34(35), puis de l’article tout sucre et tout miel que Miomandre a écrit dans le même numéro des Nouvelles sur X. à propos de son nouveau roman Lœtitia36. Crémieux dit qu’on sait bien que X. a eu des maîtresses dans sa vie. Sa femme37 est devenue amoureuse d’un Suisse, ami de X. X. a lui-même aidé à nouer leur liaison, à les faire devenir amant et maîtresse. Cette histoire est le sujet même de Lœtitia, ce qui en fait peut-être le roman le plus intéressant de X. Mme Crémieux dit qu’elle n’a jamais pu lire les romans de X., mais qu’elle aime beaucoup les romans dans lesquels un écrivain raconte sa vie et qu’elle va lire celui-ci.

On attend Marcel Arland, qui habite une maison ou deux à côté des Crémieux. Il arrive. Intention visible de faire de l’esprit. Son premier mot à Mme Benjamin Crémieux en entrant : « Mon Dieu ! Madame, que vous habitez donc un quartier perdu. »

Encore un peu de conversation avant de se mettre à table. Arland explique qu’il est en train de faire ses visites de remerciements aux académiciens Goncourt pour son prix. Il est embarrassé à l’égard de Dorgelès38. Il a écrit autrefois quelque part sur lui, qu’« il brossait les habits de M. Marcel Prévost39 ». Il se demande s’il doit aller le voir ou se contenter de lui écrire, et s’il lui écrit, en quels termes le faire ? Doit-il rappeler ce qu’il a dit de lui et lui dire que cela ne l’empêche pas de le remercier aujourd’hui ? Embarrassé également à l’égard d’Ajalbert40, pour une raison plus ou moins analogue. Il fait sur tout cela des phrases entortillées et à visées spirituelles. Manque complet de simplicité. Mme Benjamin Crémieux dit très sagement qu’une lettre de remerciements très courtoise et très simple est ce qui convient le mieux. Je dis pour ma part que je sais bien que cela ne m’irait pas du tout de faire des gentillesses à des gens dont j’aurais dit du mal.

Ensuite, le dîner. Conversation. Crémieux se trouve d’accord avec moi pour trouver que la carrière de forçat écrivain de Hirsch est lamentable, aboutissant à zéro. Il dit quelques mots de la vie conjugale de Hirsch, divorçant avec sa femme, puis la reprenant41. Mme Crémieux dit qu’elle comprend cela, qu’elle l’a compris quand elle a vu pour la première fois Mme Hirsch, qu’elle trouve très jolie, avec un corps admirable. Je ne me rappelle pas pour ce dernier point. Mais de visage, Mme Hirsch est l’insignifiance même. Aucun éclat réel. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelait autrefois « le mal blanc »42. Je ne dis qu’un mot, sans donner tous les détails que je sais, sur la façon dont Hirsch a connu sa femme et dont elle s’est accrochée à lui. On parle de la façon dont les papiers posthumes des écrivains sont souvent tronqués, dénaturés, quand ce n’est pas détruits, par les veuves ou les héritiers. Je cite Mme Bloy43, Mme Mirbeau44, Mme Jules Renard45, résistant pour la publication de son Journal, n’en laissant publier qu’une petite partie, et froidement brûlant le reste46. Benjamin Crémieux parle de Mme Michelet : « Heureusement, il y a le Journal de Michelet47. Nous l’aurons un jour48. » Il paraît qu’il y a des choses qui ne sont pas dans un sac. Michelet raconte qu’il allait regarder par le trou des serrures des bonnes se déshabiller. Je dis : « Eh ! bien, les voilà les gens à grandes phrases. Ils sont des hommes comme les autres. Il y a le grand style, et il y a la vie vraie. Après tout… Il y a deux époques auxquelles on peut s’amuser à faire ce que faisait Michelet. Quand on est un tout jeune homme, ou un vieux monsieur. » Crémieux me dit que Michelet avait quarante ans quand il notait cela. Il me dit que Daniel Halévy49, qui a lu le Journal de Michelet et qui lui a raconté ce détail lui a dit que depuis qu’il a lu cela il n’aime plus Michelet. Daniel Halévy serait un niais, alors ?

J’ai eu pendant tout le dîner toute une suite de bonnes répliques sans rien d’appuyé.

Ensuite, le café, dans le bureau-atelier, et conversation. Benjamin Crémieux avait dit au début de la soirée qu’il y a trois sujets, quand on écrit des articles, qui suscitent des lettres de lecteurs : la religion, les questions sexuelles, et la guerre. Cet intérêt, que suscite la guerre, après plus de dix ans qu’elle est finie, m’a intéressé et fait parler sur ce sujet, mon état d’esprit à son égard pendant toute sa durée, mon désintéressement complet, ma complète tranquillité et indifférence quant à la façon dont elle pouvait tourner (Mme Pascal et Benjamin Crémieux un peu effarés), ensuite le côté drôle, bouffon, pitoyable : Barrès, Suarès50 (que je n’ai pas nommé), Gourmont51, Descaves52, Haraucourt53, guerriers de coin de feu, Gaston Rageot54, harnaché comme un Templier sans jamais quitter Paris ; raconté des anecdotes : l’écrivain de la rue Cassette empoisonné par le pamphlet patriotique qu’il a écrit55, Miomandre56 à la Maison de la Presse vendant son pseudonyme pour un reliquat de sept sous sur son prêt57, mon mot à un sot, un jour d’appel, en plein soleil, dans la cour de l’École Militaire, au moment que les Allemands avaient enfoncé si fort le front français : Ce n’est pas le Soleil d’Austerlitz58. Tout cela avec beaucoup d’entrain et de comique mordant.

À dix heures et demie, départ avec Paulhan et Mme …59 Je vois dans l’antichambre un singulier flambeau à sept branches, en bronze doré. Je dis, par simple courtoisie : « Tiens ! Qu’est-ce que c’est que ce flambeau ? » Crémieux me dit « C’est un flambeau juif. Vous voyez : sept branches… » Mme Crémieux me dit alors : « Il vous plaît ? Je vous le donne ? » Elle le prend et veut à toutes forces le mettre dans mon sac à provisions que je venais de reprendre avec mon chapeau et mon pardessus. Insistance répétée. Il a presque fallu que je me fâche pour qu’elle remette son flambeau en place et me laisse la paix.

Retour dans le train avec Jean Paulhan et Mme … Elle me dit que Fontenay lui plaît beaucoup. Elle a voulu y habiter. Ils avaient trouvé une maison mais on leur a fait la tête quand on a su qu’ils n’étaient pas mariés.

14 décembre 1929

Ce soir, à 6 heures, comme je venais de donner la pâtée au coin de l’École des Mines, tout comme l’autre soir, nouvelle rencontre de Mme Benjamin Crémieux. Très amusant : de nouveau assez jolie sous ce sacré chapeau transfigurateur. Toute une conversation dont je ne pouvais me dépêtrer. Elle m’a mis en retard d’un train. Reparlé de son fameux flambeau, qu’elle se proposait de m’envoyer chez moi, à Fontenay, avec une longue lettre. J’ai dû la prier un peu fermement de le garder. Grandes protestations de sympathie, d’admiration « pour mon esprit », grand étonnement pour ma façon de rire à ces propos. Elle m’a expliqué qu’elle est, par ses origines, à la fois grecque et corse, m’a demandé si je ne suis pas heureux de la sympathie que je lui inspire. Je lui ai fait part sans tourner autour de deux observations que j’ai faites hier soir sur son compte et à quoi justement je pensais, rentré chez moi : qu’elle a tout à fait l’air de se moquer des gens (j’ai eu en effet pendant le dîner, une ou deux fois cette impression que se renversant un peu sur sa chaise et se trouvant de cette façon un peu derrière moi, elle s’amusait de mes façons d’être) et ensuite que dans tout ce qu’elle dit elle donne l’impression qu’elle récite les choses. Elle m’a répondu que je me trompe complètement et que ces apparences tiennent sans doute à ce qu’elle venait de me dire de ses origines à la fois grecques et corses — un rapport, pour ma part, que je ne vois pas très bien, mais je manque peut-être des connaissances nécessaires. Elle s’est même répandue ce soir en de telles effusions que j’ai récidivé mes observations en lui disant : « Tenez. Vous voyez bien que je ne me trompe pas. Vous vous moquez encore de moi. » Une véritable comédie, en effet. Je suis même renversé qu’on puisse débiter de pareilles choses, sur un tel ton de théâtre. Il m’a fallu lui promettre de répondre à une autre invitation, prochaine. J’ai été vraiment délivré quand elle m’a laissé partir. Je n’ai pas d’illusion sur mon compte, quand je parle et que ma bouche se montre comme elle est60.

20 Décembre 1929

Nouvelle invitation à dîner de Mme Benjamin Crémieux pour samedi 28. Elle manque vraiment de simplicité dans ses lettres. Je n’ai pas l’intention d’accepter des invitations si répétées. Une fois ou deux, cela va. J’aime mieux mes soirées chez moi. Je lui ai écrit un petit mot.

23 décembre 1929

Écrit ce matin à Mme Benjamin Crémieux pour son invitation à dîner samedi prochain. Je n’irai pas. Rentrer à minuit à Fontenay avec des chemins pleins de verglas ne me va pas du tout.

28 décembre 1929

Dîner chez Benjamin Crémieux. Convives : Marcel Arland et sa fiancée, jeune artiste peintre, assez jolie61 — le petit Claude Roger-Marx62 et sa femme. Je ne me suis pas amusé et parti à minuit 10 pour prendre le dernier train à minuit 40, j’étais furieux d’avoir perdu une soirée chez moi.

Comme je disais en arrivant à Mme Benjamin Crémieux que je trouvais un peu excessif de me retrouver chez elle à si peu de temps depuis la première fois, Crémieux m’a dit qu’il y a cinq ans que sa femme lui a demandé de m’inviter et qu’il n’osait pas. J’ai dit alors : « Il y a cinq ans ? Eh ! bien, Madame, en voilà alors pour cinq autres années. »

Crémieux s’est mis à table à parler de ce qu’on dit que j’écris mes Mémoires et qu’il ne veut pas le croire. J’ai perdu une belle occasion de dire que c’est en effet tout à fait faux. Comme je lui disais que je pourrais dire une chose bien drôle à ce sujet, qu’il insistait pour que je la dise et que je déclarais m’y refuser absolument, il s’est mis à dire : « Je sais ce que c’est. Je suis sûr que je le sais. » Je lui ai dit : « Dites-le. Si c’est cela, je vous le dirai. » Il a fini par sortir ceci, comme la chose en question, moi la disant : « La preuve que j’écris mes Mémoires, c’est que l’autre jour, en sortant de dîner chez vous, j’ai écrit le compte-rendu de ma soirée. » Je lui ai lit que ce n’était pas cela du tout. Ce que je voulais dire était en effet ceci : « C’est très curieux. Les gens peuvent savoir que je tiens un Journal. Pour la plupart, cela ne les empêche pas de me raconter leurs affaires. On pourrait m’objecter qu’ils le font peut-être exprès ? Je crois bien plutôt que c’est parce qu’ils oublient que je tiens un journal. » N’empêche que j’aurais mieux fait de confirmer Crémieux dans son incrédulité sur mes Mémoires.

Crémieux, qui est chargé au ministère des Affaires étrangères du dépouillement de toute la presse italienne et qui est très renseigné sur l’état intérieur de l’Italie, dit que le régime qu’elle subit actuellement vaut absolument dans son genre le régime que subit la Russie. Il dit que sa fortune serait faite s’il voulait se laisser acheter par Mussolini63, qu’il a été sondé indirectement à ce sujet, et qu’on ne lui demanderait pas beaucoup, nullement de célébrer le régime fasciste dans sa totalité, mais seulement de dire qu’à côté du mauvais il y a du bon, cette manière développée selon les circonstances. Mais il est par toute la nature de son esprit trop profondément républicain pour accepter de faire ce métier.

Beaucoup parlé religion et des écrivains catholiques ou convertis : François Mauriac, Charles Du Bos64, Cocteau, Claudel. Crémieux dit qu’il est plein de respect pour Mauriac, catholique sincère au point de souffrir véritablement de ses mauvaises actions ou de ses mauvais propos. Cocteau considéré comme un farceur. Crémieux dit qu’il a de la peine à admettre une conversion qui n’empêche pas de demeurer dans le siècle. Il n’admet la conversion que poussée dans toutes ses conséquences, c’est-à-dire le retrait de la vie et l’entrée au couvent.

J’ai raconté l’apologue d’Oscar Wilde65, le bref dialogue entre Jésus et Lazare, dans lequel toute la religion est contenue à mon avis. Comme je disais : « Je voudrais bien avoir écrit cela66 ! Arland m’a dit : « Vous en avez écrit bien d’autres. » (C’est lui qui a fait le compte rendu de Passe-Temps dans la Nouvelle Revue française67.)

Je ne me dissimule pas que j’ai dû éberluer par mon absolutisme contre la croyance religieuse. J’ai reconnu d’ailleurs tout le premier ce qu’il peut avoir de déplaisant et pour me faire mal juger.

Comme je venais de dire que je n’ai absolument aucune inquiétude (dans le sens religieux) et que je sais que je suis né de rien et que je deviendrai rien, sans en être en rien attristé ou déçu, j’ai rappelé à Benjamin Crémieux, Clemenceau, athée jusqu’à la gauche pourtant et faisant mettre dans son cercueil avec lui une canne à laquelle il tenait, un petit coffret venant de sa mère, des fleurs à lui données par un soldat au front, disant de tout cela : « Un enfantillage, voyons ! » Benjamin Crémieux m’a fait cette remarque très juste : « Évidemment. Un enfantillage. Mais pour lui, en voulant cela, il le vivait… »

Crémieux a parlé de Gide qui prétend avoir trouvé dans la Bible la justification de ce qu’il est, même dans ses mœurs sexuelles. Tout simplement parce qu’il y a dans la Bible, à un certain endroit, ceci : Sois ce que tu es.

Il y a ceci qui m’ennuie un peu dans ces réunions avec de jeunes écrivains dont je suis de beaucoup l’aîné, c’est qu’ils ne disent rien ou presque rien et me laissent parler seul. J’aimerais bien mieux que ce soit eux qui parlent et moi les écouter.

Benjamin Crémieux montre aussi Mussolini comme un homme qui redoute toujours le poignard ou le revolver d’un adversaire politique. Il a raconté qu’un jour, lors d’une conférence politique à l’étranger, comme il devait venir rendre visite à Philippe Berthelot, Mme Berthelot qui désirait beaucoup le voir en avait demandé le moyen à Berthelot. Berthelot lui avait dit : « Il doit venir me voir tout à l’heure. Il restera environ dix minutes. Tu n’as qu’à rester dans le couloir. Quand il sortira, tu le verras. » Quand Mussolini fut entré chez Berthelot, Mme Berthelot se plaça comme convenu. Mussolini sortit de chez Berthelot, et en la voyant plantée là, eut tout de suite un mouvement de recul.

1930

21 janvier 1930

Dans les premiers jours de l’année, Marianne Crémieux a envoyé ses vœux à Paul Léautaud.

Cela fait bien trois lettres, je crois bien, que je reçois depuis une quinzaine de Mme Benjamin Crémieux pour m’inviter encore à dîner. Je n’avais pas répondu, n’étant guère d’humeur à écrire des lettres. La dernière que je reçois, hier lundi, pour me demander si je ne suis pas fâché de son insistance, ou malade et me proposant un nouveau jour pour le dîner. Je me suis décidé à lui répondre ce matin, une lettre qui la renseignera sur mon peu de goût et mon peu de loisir pour aller ainsi me promener à droite et à gauche. Ce pauvre Benjamin Crémieux doit être assommé, avec cette manie de sa femme d’inviter des gens chez lui.

À Mme Benjamin Crémieux

Paris le 21 janvier 1930

        Chère Madame,

Non, je ne suis pas fâché, non plus malade. Je suis mal tourné, voilà tout, ce qui m’arrive souvent. Dans ces moments-là tout me déplaît : la vie, les autres, moi-même encore plus. Je suis tout entier au seul vrai plaisir que je connaisse : grogner contre tout, envoyer tout au diable, me ficher de tout, n’avoir qu’un désir : silence, et seul. Si vous voulez le savoir, c’est mon état d’esprit le plus général. Je lui dois de grandes jouissances, si drôle que cela puisse paraître.

Il faut vous résigner : ne comptez pas sur moi. Aucun rapport avec l’état d’esprit ci-dessus. Mais vous me gâtez trop. L’habitude me manque, et le loisir, pour me donner ainsi des distractions. J’ai passé ma vie enfermé, retiré. Le pli est pris, sérieusement. Comme il s’accorde avec mon caractère, aucun espoir de changement. Songez aussi que je n’ai à moi que mes soirées. Il me faut me les garder comme j’ai toujours fait. Là-dessus je transigerai encore moins. Vous croyez me séduire en me parlant de la société de deux jolies femmes ? Je n’aurais pas les raisons que je vous expose que vous m’en donneriez là une fameuse. Je ne suis plus à l’âge auquel on accourt se montrer aux jolies femmes. Je suis à l’âge auquel on se cache d’elles. À regret, certes, mais sagement.

Dites à Benjamin Crémieux que j’ai lu avec vif intérêt dans la dernière Nouvelle Revue française la citation de son article sur l’état d’esprit des combattants68. Preuve : j’ai mis la page de côté. Je voudrais bien savoir ce qu’il pense de cette campagne qu’on voit se dessiner contre les livres de guerre qui la peignent dans ses côtés affreux et qu’on commence à trouver dangereux pour la conservation de l’héroïsme guerrier. Après avoir tant célébré les héros, tant vanté leurs sacrifices, avoir fait tant de discours sur ce qu’on leur doit, on va vouloir les faire rentrer dans le rang et les ramener au silence et à l’obéissance. Ce sera drôle à voir.

Les duettistes Alain-Valéry sont bien drôles69. Un poète dont les vers se prêtent à mille interprétations différentes et toutes possibles, tant ils sont obscurs dans leur vocabulaire comme dans leur expression, c’est déjà comique. Mais que dire du commentateur ? C’est alors de la plus haute bouffonnerie. J’ai été surpris l’autre soir d’entendre Benjamin Crémieux compter cet Alain70 au nombre des écrivains d’aujourd’hui dont il faut tenir compte. Je ne vois chez ce phraseur que des trucs, des effets calculés. Singe de Pascal. Il suffit d’en lire trois lignes pour le juger : sot sentencieux et pédant. Notre époque aime cela. On aime de nos jours, la plupart des gens ne sachant rien, qui instruit ou qui émerveille qui joue la profondeur. Mettez donc à côté de cela l’article de Benda71(72) — qui m’a ravi par sa façon de dire son fait à Loriquet-Banville73(74) ou la lecture de Vigny75. C’est curieux le nombre de gens, tenant une plume, qui croiraient déchoir s’ils n’écrivaient pas en phraseurs guindés.

J’ai bien raison de lire si peu. La façon dont on écrit aujourd’hui m’agace. Cette manie de commencer une phrase par L’on. Autant une faute qu’une pose. Encore plus une pose. Quand je vois cela, je me rappelle toujours ce que j’ai vu un jour chez un écrivain élégant : L’on l’a lu76… j’ai bien ri. De même l’emploi de où : « … des romans belliqueux les soldats… » est adverbe de lieu et un roman n’est pas un lieu. Et Benda lui-même qui donne dans cette bêtise à la mode : j’aimerais aussi de parler… que je le rencontre comme il m’arrive une fois par an. Je lui ferai mon compliment.

Vous avez été charmante de m’adresser vos vœux. Je suis, au moins sur ce point, un être privilégié. À cette époque de l’année, je n’ai ni visites à faire ni à recevoir, ni lettres à écrire ni à lire. La tranquillité la77

P. Léautaud

À la fin du mois de janvier ou au début du mois de février (la date exacte n’a pas été notée) paraissent les trois tomes de la troisième édition des Poètes d’aujourd’hui (datés MCMXXIX sur la couverture). Dans son Journal au deux février Paul Léautaud écrit :

Je me tâte, depuis huit jours, pour écrire à Benjamin Crémieux et à Billy pour leur recommander la nouvelle édition des Poètes pour un bon article. Crémieux, surtout, dans les Annales, ce pourrait être excellent. Grande hésitation. Jamais rien demandé à personne. Commencer aujourd’hui ? Ma foi, je me suis décidé aujourd’hui78.

Ce même jour, Paul Léautaud écrit deux lettres presque identiques à André Billy et, reproduite ci-dessous, à Benjamin Crémeux.

À Benjamin Crémieux

Paris 2 février 1930

        Mon cher Crémieux,

Je viens vous faire une demande que je ne ferais pas pour des ouvrages de moi au sens exact du mot. Vous allez recevoir la nouvelle édition des Poètes d’aujourd’hui en 3 volumes. Je me permets de vous la recommander pour les Annales, milieu extrêmement favorable pour un travail de ce genre. Raison d’argent, je ne m’en cache pas. Mes droits d’auteur, ramenés très sensiblement en arrière pour ces 3 volumes, sont mangés plus qu’à moitié en avances successives ces dernières années, car ce n’est pas avec mes 750 francs par mois du Mercure que je vis. Je suis donc fort intéressé à une bonne marche.

Je pense que Madame Crémieux ne m’en veut pas de ma sauvagerie. Présentez-lui mes hommages et croyez à toute ma cordialité.

P. Léautaud

7 Février 1930

Lettre de Benjamin Crémieux en réponse à ma lettre à propos de la nouvelle édition des Poètes. Tout à fait charmante. Je commençais à regretter beaucoup de lui avoir fait faire pareille démarche, pour la première fois de ma vie. Je n’aime pas beaucoup être l’obligé des gens. Un jour ou l’autre, ils sont tentés d’en prendre avantage sur vous. Une autre chose aussi me chiffonnait, au regard de moi seul, qu’il voit peut-être dans ma demande un certain désir de gagner de l’argent, alors que j’en ai et que je n’en fais rien, que de le garder. La lettre de Benjamin Crémieux adoucit un peu mon mécontentement sur les premiers points.

Cette lettre de Benjamin Crémieux n’a pas été retrouvée, mais nous avons la réponse de Paul Léautaud :

À Benjamin Crémieux

Paris le 11 février 1930

        Mon cher Crémieux,

Je vous remercie de votre réponse. Figurez-vous qu’après avoir hésité plusieurs jours à vous écrire comme je l’ai fait, j’ai été fort mécontent de moi, ma lettre mise à la poste. Furieux, c’est le mot, d’avoir fait une pareille demande, pour la première fois de ma vie. La manière charmante dont vous y répondez me calme un peu, — je dis : un peu, seulement.

Vous savez que rien ne presse. Faites à votre gré, et le plus librement du monde, n’est-ce pas ? Un ouvrage de ce genre prête à toutes les critiques. Chacun déplore de ne pas y trouver tel poète et d’y trouver tel autre. Je suis moi-même dans ce cas. C’est dire si je comprends toutes les objections.

        Cordialement à vous

13 février 1930

Ce matin, lettre de Billy, réponse à ma lettre pour le remercier de son article sur la nouvelle édition des Poètes. Je crois bien qu’il me donne une leçon à la fin en me disant qu’il a horreur des articles de complaisance. Allusion à ma première lettre, certainement. Que diable me suis-je laissé aller à l’écrire, comme celle à Benjamin Crémieux. Moi qui n’ai jamais rien demandé à personne, je serai long à me consoler de cette bêtise.

D’autant que — comme bien d’autre observateurs — André Billy trouvera que ces poètes d’aujourd’hui sont surtout des poètes d’hier et que le Mercure de France a bien vieilli79.

1932-1933

Le sept mars 1932 meurt Aristide Briand. De nos jours nous avons perdu de vue l’importance de cet homme, artisan de la laïcité en 1905 et prix Nobel de la Paix en 1926. Au moment de sa mort il est président du Conseil sous la présidence de Gaston Domergue, et ministre des Affaires étrangères. Ses funérailles ont été suivies par des milliers de parisiens.

Aujourd’hui, après déjeuner, je pars, pour voir l’exposition du catafalque au ministère des Affaires Étrangères, dans la salle même où a été signé le pacte Briand-Kellogg80. J’ai trouvé ce à quoi je m’attendais. Une file de gens sur toute la longueur du quai devant le ministère, chaque rang de cinq ou six personnes, contenue entre le parapet et des barrières le long du trottoir, entrant par petits groupes, des agents de place en place assurant le service. Des gens de toutes conditions, hommes, femmes, beaucoup d’enfants amenés. Des mutilés avec leurs béquilles, des aveugles de guerre. Je n’ai rien vu, j’en ai été pour mon dérangement.

[…]

Je suis alors entré au ministère, monté jusqu’au bureau de Benjamin Crémieux81 pour lui demander de m’avoir deux cartes pour l’enceinte privée aux obsèques. Pas encore arrivé. Déjà deux heures et demie. Je ne pouvais me retarder davantage. […] J’ai donc écrit à Benjamin Crémieux, rentré au Mercure. Mais je regrette de n’avoir pas fait la visite à l’avenue Kléber82.

11 mars 1932

Reçu un pneumatique de Mme Benjamin Crémieux, m’avisant que je recevrai demain matin une carte, mais une seule, impossible deux. Je me demande maintenant si je l’utiliserai. Il faut peut-être être en habit. J’ai un habit. Mais je n’ai pas de chapeau noir. Rien que mon chapeau claque, qui m’est devenu trop petit. Aller là-bas avec mon chapeau d’étoffe claire, et déformé comme il est ? Je ne vais certainement pas dépenser soixante ou quatre-vingts francs pour acheter un chapeau noir.

Le jour des obsèques d’Aristide Briand, Paul Léautaud ne se rendra pas dans le carré VIP, ce qui lui vaudra, dans la foule, de rencontrer Véronique Valcault, perdue de vue depuis longtemps.

10 février 1933

Mme Benjamin Crémieux m’a fait porter ce matin par son fils83 deux vues de la salle de la Scala de Milan qu’elle a fait rechercher pour moi par un ami italien : une photographie, l’autre en couleurs. D’un trop petit format, à mon goût, malheureusement. Suite de notre conversation, un soir, dans une rencontre boulevard Saint-Michel, le long du Luxembourg84.

La Scala de Milan de nos jours


Notes 1 à 84

1       Tout le bas de la page deux des Nouvelles littéraires du 14 avril 1923, « Les Lettres françaises ». Cette première chronique commence par ce paragraphe : « L’usage veut qu’un critique emploie son premier feuilleton à assurer ses lecteurs de son indépendance, de sa sincérité et de sa force d’âme. On souffrira que je ne m’y conforme pas. Le premier devoir du critique est de parler des autres et non pas de lui-même, son rôle est d’analyser et de juger des œuvres, non pas de briller ni de se mettre en avant. L’impressionnisme est la plaie, la négation même de la critique. »

2       Benjamin Crémieux (1888-1944), docteur ès lettres, critique littéraire et traducteur de l’Italien, fera connaître Luigi Pirandello en France. Benjamin Crémieux sera collaborateur de La NRF. Il est l’oncle de Jean-Louis Crémieux-Brilhac. Benjamin Crémieux écrira, dans Les Annales du premier mars 1929 un article élogieux de Passe-Temps. Pour le poste de Benjamin Crémieux au ministère des Affaires étrangères, voir note 81 ci-dessous.

3       Quand Benjamin Crémieux a-t-il traduit cette pièce ? au plus tard en 1918 pour l’interprétation des Pitoëff en novembre 1918 en Suisse.

4       Comédie en quatre actes de Pierre Bost (1901-1975), publiée chez Gallimard en janvier dernier.

5       Comédie en deux actes de Carlo Goldoni (1752). Ces deux pièces sont aussi jouées en matinée, en alternance.

6       Aux Nouvelles Littéraires, Paul Léautaud est évincé afin de laisser la place à Fernand Gregh, homme à relations qui sera élu à l’Académie française. On lui propose une rubrique moins en vue. En même temps la partie théâtrale prend davantage d’importance avec une rubrique sur le théâtre étranger tenue par Lugné-Poe et des entretiens de Joseph Kessel avec des auteurs.

7       Maurice Martin du Gard (1896-1970), écrivain et journaliste, petit-cousin de Roger Martin du Gard (le grand-père de Roger était le frère du grand-père de Maurice) et fondateur des Nouvelles littéraires sous la coupe des éditions Larousse. Direction : Jacques Guenne et MMG, rédacteur en chef : Gilbert Charles.

8       Fernand Gregh (1873-1960), poète, critique littéraire et historien, président de la Société des gens de lettres en 1949-1950, membre de l’Académie française en 1953, à 80 ans, après treize échecs. Les débuts de Fernand Gregh sont décrits par Paul Léautaud dans sa notice des Poètes d’aujourd’hui.

9       Jacques Guenne (1896-1945), critique d’art. Après Les Nouvelles littéraires, Jacques Guenne fondera L’Art vivant en 1924.

10     Marcel Coulon (1873-1959), traducteur du Provençal tout en étant magistrat, procureur de la République. Marcel Coulon écrit dans les journaux sous la signature de Marc Testis. Il a été « horriblement long et lourd » dans son discours d’inauguration du buste de Remy de Gourmont à Coutances le 24 septembre 1922. Pour l’activité de procureur de la République de Marcel Coulon voir le Journal littéraire à la fin de la journée du 14 décembre 1925.

11     Dans Les Nouvelles littéraires du 22 septembre 1923, l’article commence au bas de la dernière colonne de une et se poursuit page deux, au-dessus d’un article de Benjamin Crémieux sur Victor Margueritte.

12     Maurice Barrès (1862-1923), écrivain et homme politique, figure de proue du nationalisme français. Maître à penser de sa génération et de ce courant d’idées, sa première œuvre est un triptyque qui paraîtra sous le titre général du Culte du Moi chez Alphonse Lemerre lu et admiré, un temps, par Paul Léautaud.

13     Edmond Jaloux (1878-1949), journaliste, poète et romancier, a fondé une revue à l’âge de dix-huit ans et a ensuite participé aux plus grandes revues françaises. On lui doit une trentaine de volumes et, après la guerre, une Introduction à l’histoire de la littérature française chez Pierre Cailler à Genève (deux tomes de 220 et 354 pages). L’ensemble était prévu en six volumes (un par siècle) mais la mort a arrêté sa main. Edmond Jaloux a été élu à l’Académie française en 1936, au fauteuil de Paul Bourget.

14     Maurice Martin du Gard a 27 ans.

15     Allusion à l’article de Paul Bourget en premier Paris (la première colonne de une) du numéro du huit décembre à propos de la mort de Maurice Barrès. Paul Bourget, de l’Académie française, va mourir dans dix ans.

16     Les Annales politiques et littéraires, « revue universelle paraissant le dimanche ». « Directeur et rédacteur en chef : Adolphe Brisson. » Cette revue a paru de 1883 à 1939 et avait la réputation d’être appréciée de la bourgeoisie de province. À partir du trente mars 1927, Benjamin Crémieux tiendra aux Annales la rubrique des « Livres » à la suite de Gaston de Pawlowski.

17     Auriant (Alexandre Hadjivassiliou, 1895-1990), a partagé le bureau de Paul Léautaud au Mercure de 1920 à 1940 et s’est trouvé de ce fait son principal confident, et réciproquement. Voir le Dictionnaire des orientalistes de langue française sur le site web de l’EHESS. Lire également les mémoires de Francis Lacassin : Sur les chemins qui marchent, éditions du Rocher 2006 : « Séduit par sa passion érudite et par ses qualités polyglottes, Vallette l’engagea dans la maison d’édition qui accompagnait la revue. C’est ainsi que chaque jour pendant vingt ans, dans le même bureau, il travaillait avec Paul Léautaud en vis-à-vis. Plus misanthrope et plus grincheux que moi, tu meurs… Rapports courtois et distants. Après la Seconde Guerre mondiale, Léautaud réserva à son ancien vis-à-vis quelques piques désobligeantes dans son Journal. Procès à l’appui, Auriant l’obligea à remplacer son nom par des initiales. Ensuite, il se vengea tout seul, sans l’aide de la justice, en lançant le pamphlet cinglant apprécié des connaisseurs, Une vipère lubrique : M. Paul Léautaud. »

18     Les responsables de rubrique avaient tous une case de courrier dans le bureau de Paul Léautaud.

19     Charles-Henry Hirsch (1870-1948), poète, romancier et dramaturge, responsable, au Mercure, de la rubrique des « Revues » depuis 1898. En même temps qu’il était employé de banque jusqu’en 1907. C.-H. Hirsch est aussi un auteur de romans populaires ou naturalistes, comme son célèbre (à l’époque) Le Tigre et Coquelicot de 1905 chez Albin Michel (dont il sera de nouveau question ici note 105), ou licencieux comme Poupée fragile, chez Flammarion en 1907. En 1910, il a été un des défenseurs des Fleurs du mal. Charles-Henry Hirsch est l’un des auteurs Mercure les plus prolifiques avec 792 textes, d’août 1892 à décembre 1939. Il est aujourd’hui essentiellement connu comme l’auteur du scénario du film Cœur de lilas (Anatole Litvak 1931) avec Jean Gabin. Le quatre septembre 1935 ci-dessous, Benjamin Crémieux évoquera CHH rencontré dans sa jeunesse en Italie. Voir aussi la page « Monsieur Batule et ses amis ». On ne confondra évidemment pas Charles-Henry Hirsch avec son homonyme Louis-Daniel Hirsch, administrateur de la NRF.

20     La NRF de décembre 1928, page 888.

21     Paul Petitot « rédacteur dans un journal de l’est » (Journal littéraire au premier mars 1927) sera davantage connu par sa future épouse, la romancière Marie Madeleine de Swarte (1885-1951), immortelle auteure, avec Willy, de Mady écolière, paru chez Albin Michel en 1922 (321 pages). Il semble que Marie Madeleine de Swarte ait, avant Paul Petitot, été l’épouse de Sylvain Bonmariage.

22     L’Argus de la presse, créé en 1879 et existant encore de nos jours.

23     Dans les « Mots, propos et anecdotes ». Sous la plume de Paul Léautaud, Oronte, le personnage du Misanthrope (et son fameux sonnet), est Paul Valéry : « Oronte n’a pas changé. Je l’ai revu après plus de vingt ans. Il est toujours simple, moqueur, camarade. Il parle toujours les dents un peu serrées. Comme au temps de notre jeunesse, il est plein de mots grossiers dans ses propos. La renommée, l’Académie, ne paraissent pas, sous ce jour, du moins, l’avoir changé. Je n’aime pas ses vers, ni en général tout ce qu’il écrit. C’est pour moi bien du mystère pour des choses souvent assez ordinaires. Mais le retrouver, dans ses façons, tels que je le connus, cela me plaît. »

24     Michel Corday (Louis-Édouard Pollet, 1869-1937), romancier, fondateur du Lys Rouge (1932), société d’hommage à Anatole France.

25     Marcel Arland (1899-1986) a publié son premier article de critique littéraire dans La NRF d’avril 1922 (avant ses 23 ans) et son premier article « Sur un nouveau mal du siècle » dans le numéro de février 1924. C’est lui qui critiquera, dans le numéro suivant, le livre d’André Billy Apollinaire vivant.

26     Journal littéraire au cinq avril 1929 : « Article très élogieux d’un M. Fernand Martin, professeur dans un collège de Villefranche-sur-Saône, dans une feuille obscure La Gazette française. Il m’avait écrit pour me demander un exemplaire pour compte-rendu. Des éloges de la part d’un professeur ! Je vais bien. Article fort bien écrit, appréciations très justes. »

27     Paul Léautaud roulait ses cigarettes à la main.

28     Benjamin Crémieux avait épousé en 1916 Marianne Regazzacci-Stephanopoli (1887-1978), née en Corse, romancière sous le nom de Marie-Anne Comnène, adaptatrice, historienne et professeur.

29     Jean Paulhan (1884-1968), professeur, écrivain, critique et éditeur. Entré à la NRF comme secrétaire en 1920 il est devenu le directeur à la mort de Jacques Rivière en 1925. Pendant la seconde Guerre mondiale, Jean Paulhan, entré dans la clandestinité, collaborera à Résistance, participa à la création des Lettres françaises en 1941, et participera à la fondation des Éditions de Minuit, avec Vercors, en 1942. Jean Paulhan sera élu à l’Académie française le 24 janvier 1963 au fauteuil de Pierre Benoit, où il sera reçu par Maurice Garçon. Selon Jean Galtier-Boissière, Mon Journal dans la grande pagaïe (La Jeune Parque 1950, page 82), Paulhan se prononce Paulian.

30     La rue Denfert-Rochereau n’existe plus. À la Libération cette rue, assez parallèle au boulevard Saint-Michel, sera renommée, en deux tronçons. La partie nord est renommée rue Henri Barbusse et il est possible que l’ancienne numérotation ait été conservée. Dans sa partie sud cette rue croise le boulevard de Port-Royal et arrive en mourant dans l’avenue de l’observatoire qui prend alors le nom d’avenue Denfert-Rochereau.

31     Paul Chauveau a écrit une chronique dans le Mercure du premier novembre 1926 (page 582) : « Notes sur Alfred Jarry ». Paul Chauveu est surtout connu de nos jours pour son ouvrage Alfred Jarry, ou la Naissance, la vie et la mort du Père Ubu, avec leurs portraits, Mercure 1932. Pour cet ouvrage, voir le Journal littéraire au deux juin 1933.

32     Dans sa chronique des Nouvelles littéraires du seize novembre 1929, dernière page, dernière colonne de la rubrique des « Théâtres » que Paul Chauveau partage avec Maurice Martin du Gard. Il semble que Paul Chauveau réagisse à la chronique de Benjamin Crémieux dans La NRF de novembre 1929 à propos du roman Guerre, de Ludwig Renn, traduit de l’allemand chez Flammarion, 333 pages.

33     Vraisemblablement Madame Pascal, qui sera cité infra dans la soirée. Germaine Dauptain (1885-1976), a épousé Paul Pascal dont elle divorcera pour épouser Jean Paulhan en décembre 1933.

34     En mai 1929 parait à la NRF L’Ordre, copieux roman en trois tomes, qui obtiendra le prix Goncourt en décembre. Lors de la timide renaissance de La Nouvelle NRF avec le numéro spécial de novembre 1951 à l’occasion de la mort d’André Gide, on retrouvera sa signature et en 1954 il dirigera la revue au côté de Jean Paulhan. Marcel Arland sera élu à l’Académie française en juin 1968 au fauteuil d’André Maurois.

Portrait de Marcel Arland illustrant l’article de Maurice Martin du Gard des Nouvelles littéraires du sept décembre 1929 avec la forte trame des images des journaux de cette époque. Le début de cet article est donné en illustration ci-après

35     Marcel Arland a obtenu, à trente ans, le Goncourt pour ce roman en trois tomes. Le site web de Gallimard indique une parution le dix décembre alors que la remise du prix s’est faite le quatre et que le roman est paru début mai. L’article d’Edmond Jaloux en page trois des Nouvelles littéraires n’est pas acide que pour le trop copieux roman en trois tomes de Marcel Arland, il l’est aussi pour l’académie Goncourt : « En couronnant Marcel Arland, l’Académie Goncourt n’a pas fait une découverte. Et cela vaut mieux ainsi. Il est rare que l’avenir ait ratifié ses décisions lorsqu’elle a sorti de l’ombre un écrivain inconnu ; le plus souvent, il y est aussitôt rentré. Par contre, quand elle a couronné la carrière d’un homme de lettres qui avait déjà donné des preuves de sa valeur, elle s’est rarement trompée. » Voir aussi l’article d’André Rousseaux dans Le Figaro du cinq décembre. Ci-dessous, le début de l’article de Maurice Martin du Gard en une des Nouvelles littéraires du sept décembre 1929.

36     « X » est Edmond Jaloux, auteur de Lœtitia chez Plon cette année 1929, 275 pages. L’article de Francis de Miomandre (note 56) « Réflexions sur Edmond Jaloux — À propos de Lœtitia » est en une du même numéro des Nouvelles littéraires (une colonne et demie).

37     Edmond Jaloux (1878-1949) a épousé en 1916 Jéronine Koiré (difficilement lisible sur l’acte d’état-civil).

38     On a un peu de mal à imaginer Roland Dorgelès (Rolland Maurice Lecavelé, 1885-1973), auteur des Croix de bois en 1919 comme un joyeux luron. C’est pourtant ce qu’il a été avant la première guerre mondiale où il est devenu journaliste après des études d’architecture. Réformé deux fois, Roland Dorgelès a dû se faire appuyer par le directeur de son journal, Georges Clemenceau, afin de pouvoir se faire engager en août 1914. Cet entêtement qui lui a valu d’écrire son premier roman lui a donc apporté la fortune et la gloire. Ces Croix de bois n’ont pas obtenu le prix Goncourt, qui sera devancé par À l’ombre des jeunes filles en fleurs. La concurrence était rude et le pari ingagnable. Il faut dire aussi que les cinq précédents prix Goncourt avaient été réservés à des écrivains combattants (Adrien Bertrand, René Benjamin, Henri Barbusse, Henry Malherbe et Georges Duhamel) et que l’on voulait peut-être passer à autre chose. Dix ans plus tard Roland Dorgelès a toutefois pu être consolé en prenant le huitième couvert de l’académie Goncourt suite à l’excellent Georges Courteline. Il sera même élu président de cette académie en 1954 en remplacement de Colette.

39     Marcel Prévost (1862-1941), polytechnicien, romancier et auteur dramatique. Après des premiers romans consacrés à la vie de province, Marcel Prévost s’engage dans l’étude du caractère féminin. Les Demi-vierges (1894), lui vaudront la célébrité. Le filon sera exploité à satiété. Le 2 mai 1908, Paul Léautaud a évoqué les « âneries d’un Marcel Prévost » et dans une lettre à Adolphe Paupe datée du 3 mai 1907 il n’a pas hésité à s’octroyer, à titre de plaisanterie, la rédaction des Doubles déflorées, réponse à M. Marcel Prévost. On ne confondra pas Marcel Prévost avec son homonyme Ernest Prévost (1872-1952).

40     Jean Ajalbert (1863-1947), critique d’art, avocat et écrivain naturaliste. Anarchiste et dreyfusard engagé, Jean Ajalbert fut aussi un soutien des peuples autochtones sous la férule coloniale. La fin de la vie de Jean Ajalbert sera hélas moins glorieuse puisqu’il sera incarcéré à Fresnes au printemps 1945 pour faits de collaboration. On pourra lire une opinion de Paul Léautaud sur Jean Ajalbert au 28 décembre 1923. Voir également au 17 août 1937.

41     Charles-Henry Hirsch (1870-1948) a épousé en 1905 Marie Angèle Godivier (1877-1950) dont il a divorcé en 1910 avant de la réépouser en 1927. Les aventures du trio CHH, Madame, et Catulle Mendès qui faisait vivre le ménage Hirsch en échange des faveurs de Madame Hirsch sont décrites tout au long du Journal littéraire au cours de l’année 1908 et suivantes où CHH est indiqué par l’initiale C et Catulle Mendès par B.

42     Journal littéraire au onze décembre 1909 : « Un surnom donné à Mme Hirsch pour son air pâle, mol, insignifiant, son teint très crème Simon : “Le Mal blanc” ».

43     Léon Bloy (1846-1917), polémiste catholique, mystique et sulfureux. La langue exacerbée de Bloy — que l’on pourrait rapprocher de celle de Céline — conduit parfois à une lecture difficile. Le caractère de cet homme, exigeant et intraitable a conduit toutes ses relations à l’éloignement (y compris les milieux catholiques), ce qui l’a entraîné dans une extrême pauvreté. Léon Bloy a été particulièrement proche de Jules Barbey d’Aurevilly et il est impossible de citer celui-ci sans celui-là. On peut noter ici qu’Henri Cayssac a fréquenté (et vraisemblablement secouru) Léon Bloy. C’est Remy de Gourmont qui a introduit Léon Bloy au Mercure, qui a publié plusieurs de ses œuvres. Léon Bloy a épousé en mai 1891 Jeanne Molbech (1859-1928), née au Danemark, rencontrée chez François Coppée. Elle lui a donné quatre enfants (deux garçons, deux filles).

44     Octave Mirbeau (1848-1917), auteur célèbre et populaire mais également reconnu par les avant-gardes littéraires et artistiques. Octave Mirbeau a épousé en mai 1887, à Londres, Alexandrine-Augustine Toulet, plus connue sous son nom de comédienne : Alice Regnault. Alice Regnault (1849-1931) a d’abord commencé comme comédienne en 1871 avant de s’enrichir grâce à sa beauté. Elle a rencontré Octave Mirbeau en 1884 avant de l’épouser en 1887 à Londres, par discrétion.

45     Jules Renard (1864-1910, à 46 ans), a été, en 1889, l’un des premiers actionnaires du Mercure de France. Il était aussi le plus important, achetant six parts sur vingt-cinq. Il est membre de l’académie Goncourt depuis 1907 au couvert de J.-K. Huysmans grâce à Octave Mirbeau, qui a dû menacer de démissionner pour assurer son succès. En avril 1888, Jules Renard a épousé la riche Marie Morneau (1871-1938), qui lui a donné deux enfants (un garçon et une fille).

46     Voir ici la page « Henri Bachelin publicateur de Jules Renard »

47     Jules Michelet (1798-1874), historien libéral et anticlérical extrêmement respecté jusqu’à la fin du XXe siècle. Jules Michelet a été marié deux fois, la première en mai 1824 avec Pauline Rousseau (1792-1839) et la seconde fois en mars 1849 avec Athénaïs Mialaret (1826-1899), auteure de Mémoires d’une enfant (Marpon & Flammarion 1888). L’ouvrage a été réédité au Mercure de France en mars 2010 (256 pages).

48     Ce Journal, tenu de 1828 à la mort de Jules Michelet a été publié par Gallimard de 1959 à 1976 en quatre volumes de 936, 837, 776 et 642 pages. Un choix de 1152 pages en a été réédité en « Folio classique » en 2017.

49     Daniel Halévy (1872-1962), historien et homme de lettres, est le fils du librettiste Ludovic Halévy. Daniel Halévy a été le condisciple de Marcel Proust au lycée Condorcet. Il est le beau-père de Louis Joxe et le grand-père de Pierre Joxe. Voir Sébastien Laurent, Daniel Halévy, Grasset, 2001, 595 pages, préfacé par Serge Berstein.

50     André Suarès (1868-1948), poète et écrivain, est surtout connu pour Le Voyage du Condottière, roman rédigé depuis ses voyages en Italie, en trois tomes, le premier chez Édouard Cornely en 1910 et les deux suivants chez Émile Paul en 1932. Pour ce titre il sera parfois nommé le condottière des lettres. André Suarès a été le premier des nombreux conseillers de Jacques Doucet pour la confection de sa bibliothèque, léguée à l’Université à sa mort en 1929. Marie Dormoy en sera la directrice.

51     Sans prénom il s’agira toujours de Remy de Gourmont (1858-1915), romancier, journaliste et critique d’art, proche des symbolistes, figure majeure du Mercure de France. Paul Léautaud a été son intime. Jean de Gourmont (1877-1928, cadet de 19 ans de son frère) sera salarié du Mercure.

52     Lucien Descaves (1861-1949), journaliste, romancier et auteur dramatique naturaliste et libertaire. Lucien Descaves s’est rendu célèbre par Les Sous-offs, roman antimilitariste pour lequel il a été traduit en cour d’assises pour injures à l’armée et outrages aux bonnes mœurs. Acquitté en 1890, il a donné d’autres œuvres dans le même ton. Rédacteur au journal L’Aurore au moment de l’affaire Dreyfus, il lui apporte son soutien. Lucien Descaves est secrétaire de l’Académie Goncourt.

53     Edmond Haraucourt (1856-1941), poète, romancier et conservateur de musée.

54     Gaston Rageot (1871-1942), normalien, agrégé de philosophie, romancier, essayiste et critique.

55     André Suarès (qui habitait 20, rue Cassette), a écrit pendant presque toute la durée de la guerre un volumineux ouvrage (cinq volumes) paru chez Émile Paul de 1915 à 1917, Commentaires sur la guerre des Boches : I Nous et eux, II C’est la guerre, III Occident, IV La nation contre la race (deux volumes). C’est peut-être à cela que pense Paul léautaud.

56     Francis de Miomandre (Francis Durand, 1880-1959) a reçu le prix Goncourt en 1908 pour Écrit sur de l’eau.

57     Journal littéraire au 19 juin 1917 : « Un Écho de la Maison de la Presse : Francis de Miomandre s’appelle de son vrai nom Durand, ce que très peu de gens savent. L’autre jour, le sergent de la section, affecté au service intérieur de la Maison de la Presse, se présente dans les services et dit : « Je cherche le soldat Durand. Qui est le soldat Durand ? » Personne ne répond, pas même Miomandre, qui pourtant était présent. Découragé, le sergent se met à dire : « Je cherche le soldat Durand. C’est pour de l’argent à lui remettre… » Pour de l’argent ?… Cela fit sans doute réfléchir Miomandre, car il se décida enfin à dire que le soldat Durand, c’était lui. Le sergent lui tendit alors quatorze sous, reliquat de je ne sais quel prêt, et que ce pauvre Miomandre empocha, prix de la révélation de son vrai et peu élégant nom. »

58     Journal littéraire au cinq juin 1918.

59     Madame Pascal.

60     Paul Léautaud pense ici à ses dents qui manquent. Il n’aura pas toujours cette clairvoyance.

61     Marcel Arland (1899-1986) (note 34), épousera le 23 janvier Lucienne Jeanne Beraud (un é est parfois marqué), sans lien de parenté évident avec Henri Béraud qui ne semble pas avoir de sœur.

62     Claude Roger-Marx (Claude Marx, 1888-1977), poète, romancier, auteur dramatique, critique et historien d’art. Marcel Arland est plus jeune de onze ans que Claude Roger-Marx mais c’est tout de même l’aîné qui est nommé « le petit ».

63     Président du Conseil du Royaume d’Italie depuis 1922.

64     Charles Du Bos (1882-1939), écrivain et critique littéraire, traducteur de l’anglais. Charles Du Bos a participé à la création de l’édition de La Pléiade au côté de Jacques Schiffrin. Charles Du Bos est essentiellement auteur de son Journal, neuf volumes couvrant la période 1921-1939 dont on pourra lire quelques pages dans le Mercure du 1er mars 1948. Le 16 novembre 1932 Georges Duhamel confiera à PL que Charles Du Bos est représenté dans son Notaire du Havre sous le nom transparent de Carolus Delbeuf.

65     Oscar Wilde (1854-1900, à 46 ans), auteur dramatique, romancier et poète irlandais. Son roman le plus connu est sans doute Le Portrait de Dorian Gray (1890-1891). Emprisonné pour homosexualité, Oscar Wilde une fois libéré en 1897 s’est réfugié en France où il a fini ses jours dans la déchéance.

66     Paul Léautaud le confirmera en 1947 dans Propos d’un jour : « Je suis en admiration devant ce petit apologue d’Oscar Wilde : / “Jésus rencontre Lazare, après qu’il l’a ressuscité. Se penchant vers lui, à l’oreille : « Dis donc, Lazare ? Toi qui as été mort, qu’est-ce qu’il y a, de l’autre côté ? » / Lazare, en confidence : « Seigneur, il n’y a rien. » / Jésus, vivement : « Ne le dis pas ! »” Toute la farce de la religion est là. »

67     Dans le numéro d’avril 1929, page 556.

Début du compte rendu de Marcel Arland sur Passe-Temps dans La Nouvelle Revue française d’avril 1929

68     Dans La NRF du premier janvier 1930, la « Revue des revues », chronique non signée, reprend, page 147, un large fragment de l’article de Benjamin Crémieux paru dans Candide du cinq décembre dernier « L’Homme à la guerre », deux longues colonnes de la page trois. À gauche de ce texte, une colonne « Un quart d’heure avec Marcel Arland » signé d’André Rousseaux.

69     Allusion à la parution, dans le même numéro de La NRF d’un texte de huit pages, Air de Sémiramis, essentiellement poétique, signé Alain et Paul Valéry. Sémiramis est une reine légendaire de Babylone ayant inspiré nombre d’artistes. On peut aussi lire, dans ce même numéro « Propos d’Alain », pages 90-91.

70     Alain (Émile-Auguste Chartier, 1868-1951), normalien, agrégé de philosophie en 1892, puis professeur de khâgne au lycée Henri-IV en 1909 où il aura comme élèves Simone Weil et Raymond Aron. Paul Léautaud n’a jamais aimé les professeurs, voir à ce propos l’ironie de la note 26 : « Des éloges de la part d’un professeur ! Je vais bien. »

71     Julien Benda (1867-1956), critique et philosophe a publié La Trahison des Clercs chez Grasset en 1927, son ouvrage le plus connu. Julien Benda sera, dans ces années 1930, une des figures intellectuelles les plus respectées de la gauche antifasciste. Julien Benda sera pressenti à quatre reprises entre 1952 et 1955 pour recevoir le prix Nobel de littérature. PL et Julien Benda se fréquenteront régulièrement tout au long de leurs vies. Voir aussi note 106 (dans la deuxième page sur Benjamin Crémieux)

72     Dans le même numéro, par Julien Benda : « De quelques avantages de l’écrivain conservateur » (huit pages).

73     Jean-Nicolas Loriquet (1767-1845), jésuite, pédagogue et historien fanatique qui prétendit que Bonaparte était un général du roi de France. Voir Pierre Bliard, Le Père Loriquet, légende et histoire, Perrin 1922.

74     Théodore Faullain de Banville (1823-1891), poète, auteur et critique dramatique. Considéré de son vivant comme un poète majeur, il était l’ami de Victor Hugo, de Charles Baudelaire et de Théophile Gautier. Théodore de Banville habitait la maison où a logé plus tard Maurice Garçon, au dix rue de l’Éperon.

75     Le nom d’Alfred de Vigny vient à l’esprit de Paul Léautaud par le fait qu’une lettre d’Alfred de Vigny à Auguste Brizeux de mai 1846 est reproduite dans ce même numéro de La NRF (page 86), que PL semble avoir lu très attentivement.

76     Jean Paulhan. Voir Robert Mallet : Entretiens avec Paul Léautaud (troisième entretien) : « PL : Ce style fiorituré me rappelle la phrase de Paulhan commençant par : « L’on l’a lu. » Vous entendez ? / RM : Oui, j’entends. / PL : L’on l’a lu ! ! » PL n’a hélas jamais donné sa source. Lire aussi l’excellent article du médiateur du Monde du quatre avril 2018 : « L’on n’est pas une faute. L’on peut l’employer mais… »

77     Entre crochets dans la Correspondance générale : « fin non retrouvée ». Comme il s’agit ici de la reproduction d’un brouillon de lettre on peut imaginer que PL avait suffisamment sa conclusion en tête pour qu’il n’ait pas jugé nécessaire de l’écrire dans ce brouillon.

78     Commentaire du catalogue de l’exposition à l’Arsenal en 1972 réalisé par Lise Dubief et Marie-Laure Prévost, conservateurs au Cabinet des Manuscrits de la BNF : « Paul Léautaud était très anxieux quant au succès de la troisième édition des Poètes d’aujourd’hui, au point même de solliciter de Crémieux un article sur ces volumes. Son inquiétude était fondée, le recueil des Poètes n’étant plus d’actualité. Les critiques ne furent pas favorables à cette réédition, en particulier André Billy qui, dans L’Œuvre du 11 février 1930, se montre sévère à son égard. Léautaud, ulcéré, note dans son Journal, après avoir lu l’article hostile de Thérive dans Le Temps : “En réalité c’est Billy qui a ouvert la voie à ces éreintements de la nouvelle édition des Poètes. C’est lui qui a commencé. Voilà les amis.” »

79     Article paru dans L’Œuvre du onze février 1930, page cinq.

80     Le pacte Briand-Kellogg a été signé le 27 août 1928 par soixante-trois pays « condamnant le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu’instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles ». L’Américain Frank Kellogg (1856-1937), était, de 1925 à 1929, secrétaire d’État (ministre des Affaires étrangères). L’intitulé de ce pacte résonne singulièrement, ce printemps 2022.

81     Benjamin Crémieux est crédité par de nombreuses sources du titre de « directeur du bureau italien du ministère des Affaires étrangères ». Le conservateur en chef de la direction historique du ministre des Affaires étrangères, précise : « Benjamin Crémieux a été nommé sous-chef de section au service d’Information et de presse, probablement sur la recommandation de Philippe Berthelot, par arrêté du 9 novembre 1920. Son nom figure dans les annuaires de 1921 à 1939 ; pour la dernière année, la mention “analyse de la presse étrangère” s’ajoute à l’indication de son titre. Le dossier personnel conservé au quai d’Orsay ne donne que très peu d’informations sur le déroulement de sa carrière. »

82     Aristide Briand habitait dans le bel immeuble du 52 avenue Kléber, à l’angle de l’actuelle rue Paul Valéry.

83     Le couple Crémieux a eu trois enfants dont un garçon, Francis, né en octobre 1920. Il n’a donc pas encore treize ans. Il sera Résistant à partir de 1941 et journaliste proche des Communistes.

84     Vraisemblablement le 14 novembre 1932, rencontre non reproduite ici.