Aurel III (1922-1923)

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L’affaire de la lettre anonyme       Un salon littéraire       Le Courrier littéraire d’Alfred Mortier

L’affaire de la lettre anonyme

Samedi 17 Juin [1922]

Aurel a témoigné hier dans le procès Bessarabo68. Rachilde, montant l’escalier du Mercure ce matin avec Vallette, lui disait à ce propos : « Cette pauvre Aurel ! Elle fait rigoler tout Paris69 ! » Elle est jalouse.

Mercredi 28 Juin

Une histoire Aurel. Ce matin, Vallette, à l’arrivée de Cassou70, lui dit : « J’ai reçu une lettre d’Aurel. Elle demande à me voir particulièrement. Je viens de lui envoyer un petit bleu pour lui dire qu’elle peut venir tantôt. Si elle vient, vous la laisserez entrer. Ce doit être naturellement pour rien. Elle est folle. Ce doit être pour rien. » Vallette nous lit alors la lettre d’Aurel, dans laquelle elle lui dit qu’elle a reçu une lettre signée de deux hommes qui se couvrent du Mercure et qu’elle tient à lui demander de se désolidariser d’avec eux.

L’après-midi arrivée d’Aurel. C’est Mlle Blaizot71 qui me dit qu’elle vient de la voir monter. Un moment après, j’ai à monter à la rédaction, voir Bernard72. Lui et Cassou me font signe en riant qu’Aurel est là et se mettent à me dire qu’il est question de moi dans ce qu’elle raconte à Vallette et qu’ils entendent de leur place. Je crois à une farce de leur part et je redescends chez moi. Peu après, Cassou vient me dire que Vallette me demande de monter. Je crois toujours à une farce. Cassou assure qu’il dit vrai. Je monte et j’entre chez Vallette. Aurel est assise sur le fauteuil des visiteurs. Je lui dis : « Bonjour, Madame », et je vais me poser à ma place habituelle devant Vallette, accoudé sur son bureau.

Le vingt rue du Printemps de nos jours, vraisemblablement peu différent d’en 1922

Vallette me tend alors une lettre dans son enveloppe, adressée à Aurel au Mercure et que j’ai fait suivre il y a quelques jours en biffant l’adresse du Mercure et en écrivant l’adresse d’Aurel : 20, rue du Printemps, ce que je fais chaque jour pour de nombreuses lettres. Je reconnais tout de suite cette enveloppe. Vallette me dit alors : « Mme Aurel a reçu cette lettre qui est signée de Rouveyre et de vous et qui contient des grossièretés et des dessins obscènes. » Je réponds que je n’ai jamais rien écrit de ce genre ni à Mme Aurel ni à personne et que je crois même Rouveyre aussi incapable que moi de le faire. Vallette retourne alors l’enveloppe et m’y fait lire ceci : Expéditeurs : À. Rouveyre et M. Boissard. Je n’avais pas retourné l’enveloppe quand j’ai fait suivre la lettre et n’avais pas vu ces mots, sans quoi je m’en serais étonné et je dis à Vallette que je serais venu lui en parler. Vallette me dit alors qu’avant de me faire monter il s’est porté garant à Aurel que je n’étais pas l’auteur de cette lettre, que ce n’est ni mon écriture, ni ma façon, personne n’étant moins grossier que moi, au point qu’on ne m’entend jamais dire un gros mot. Il fait de plus remarquer à Aurel la singularité qu’il y aurait eu, si cette lettre eût été de moi, à l’adresser au Mercure pour la faire suivre ensuite. Aurel paraît bien se rendre à l’évidence. Je lui dis : « Je n’ai pas des yeux très aimables pour vous, mais je n’emploie pas de ces façons. Quand je dis ou fais quelque chose, je le fais ouvertement. Je n’ai jamais usé de pareils procédés et je ne commencerais pas aujourd’hui. Je suis sûr que tous les gens qui me connaissent se refuseront à croire que cette lettre soit de moi. » Vallette me dit alors que ma signature, dans cette lettre, est assez bien imitée pour quelqu’un qui ne la connaît pas très, très bien. Par exemple, je ne fais pas de paraphe et il n’y en a pas. C’est certainement quelqu’un qui sait comment je signe. Aurel se déclare enchantée que je ne sois pas l’auteur. Elle me dit : « Je trouvais bien cela un peu fort, mais je me disais : Avec ce Satan (c’est moi) sait-on jamais. Ce Satan a encore voulu me jouer un tour… Alors, j’ai voulu en avoir le cœur net, et demander au moins à Vallette de se désolidariser d’avec les auteurs. » Je dis à Aurel « Moi-même je suis enchanté que vous soyez venue. Je préfère beaucoup cela, plutôt que vous n’ayez rien dit, que vous ayez gardé en secret l’idée que j’étais l’auteur d’une pareille chose. Maintenant, je tiens à vous faire remarquer que même si j’étais l’auteur de cette lettre, je ne vois pas en quoi le patron aurait à se désolidariser d’avec moi. Ce n’est pas parce que cette lettre a d’abord été envoyée au Mercure qu’il y est mêlé le moins du monde. Il est tout à fait en dehors, d’une façon ou de l’autre. » Point sur lequel Vallette me donne raison. Il paraît que cette lettre vise la conduite d’Aurel dans l’affaire Bessarabo. Je dis alors à Aurel : « Et voyez comme ça tombe. J’ai trouvé justement très bien votre démarche dans cette affaire : aller témoigner pour une personne que vous avez connue. Cette lettre ne concorderait encore pas avec mon opinion. » Vallette résume alors tout ce qu’il a dit à Aurel avant de me faire demander : la lettre n’est ni de mon écriture (facile à juger puisque j’ai écrit l’adresse d’Aurel sur l’enveloppe pour la rendre à la poste) ni de mon style, ni de mes manières, ni dans mon caractère. C’est une farce qu’on a voulu lui faire à elle autant qu’à moi, pensant qu’elle ne douterait pas que l’envoi vint de moi. Ce n’est pas davantage l’écriture de Rouveyre, qui à la date de la lettre, était au lit, malade, et peu en train, on peut le supposer, de s’amuser à ce jeu. « Mais alors qui, demande Aurel. — Ah ! ça, je n’en sais rien, répond Vallette. Ça n’a d’ailleurs pas grande importance et je crois que le mieux est de ne pas s’en occuper. »

Écriture de Jehan Rictus.

Aurel est alors partie. Nous avons continué à parler de cette affaire, Vallette et moi. Il croit, il a comme une idée, que l’auteur de la lettre est Rictus, dont c’est à peu près l’écriture, et qui, avec le caractère qu’il a, a dû trouver là une farce drôle à faire. Je fais remarquer que le procédé est néanmoins un peu excessif à mon égard et que je regrette bien de n’avoir pas retourné l’enveloppe (ce que du reste je ne fais jamais, faisant ce travail en courant, ayant presque toutes les adresses dans la tête) car alors je serais monté lui en parler. Il me dit : « Vous auriez même eu le droit de l’ouvrir. En tout cas moi je l’aurais ouverte. Enfin, cette pauvre Aurel n’a pas de chance. Elle est partie sans rien savoir, pas plus que nous. »

Mardi 11 Juillet [1922]

Suite de l’histoire Aurel. Ce matin, Vallette me lit une lettre d’Aurel. Elle a écrit à Rouveyre. Elle dit qu’il ne lui a pas répondu. Donc que c’est lui l’auteur de la lettre. En même temps, est arrivée à Vallette une lettre de Rouveyre. Il dit qu’Aurel lui a écrit une lettre impertinente, qu’il l’a envoyée promener et il demande des détails sur l’histoire. Vallette décide : il va écrire à Rouveyre pour le renseigner et l’engager à répondre à Aurel. Il me donnera un double de sa lettre et je l’enverrai à Aurel avec quelques mots. Ce qui a été fait.

Un salon littéraire [printemps 1923]

Un an passe et une dizaine de chroniques. À la mi-mars 1923, Maurice Boissard assiste, dans la toute nouvelle salle du Théâtre des Champs-Élysées, à une représentation de la comédie de Jules Romains Monsieur Le Trouhadec saisi par la débauche. Il n’aime pas cette pièce et il l’écrit. Mais voilà, Jules romains est un auteur influent à La NRF et Jacques Rivière censure les trois pages. Là-dessus notre PL donne sa démission par une lettre datée du dimanche 25 mars. Aussitôt la chose connue, le 28 mars — ça ne traîne pas — Maurice Martin du Gard, patron des Nouvelles littéraires le récupère et publie, avec d’autres, la chronique sur la comédie de Jules Romains.

Le soir du vendredi 20 avril 1923, Paul Léautaud commence la rédaction de sa deuxième chronique pour Les Nouvelles littéraires mais il a du mal. Le mardi 24 avril il note :

J’avais commencé vendredi soir, continué samedi soir et dimanche dans la journée. Comme sujet : Sacha Guitry et ses dernières pièces. Cela marchait si mal et j’étais si peu à mon sujet que dimanche, à 6 heures, j’ai envoyé au diable tout ce que j’écrivais, pour me mettre à une autre chronique, sur le salon d’Aurel, d’après un petit schéma que m’a remis Auriant, qui est allé à un récent jeudi.

Ce sera « Un salon littéraire ». Cette chronique, sans doute parce que plus littéraire que théâtrale, n’a été reproduite dans aucune des éditions du Théâtre de Maurice Boissard parues chez Gallimard. Elle est présente, remaniée, dans Passe-Temps, réédité au Mercure de France en 1987 et donc encore facilement accessible de nos jours. L’édition parue dans Passe-Temps compte 23 191 caractères contre seulement 17 894 caractères pour l’édition des Nouvelles littéraires d’avril 1923. Cette édition, assez mal lisible dans les mauvais scans de la BNF, est reproduite dans l’image ci-dessous.

Je l’ai dit souvent : il n’y a pas que la comédie que nous voyons au théâtre : il y en a une autre, souvent mieux réussie et plus amusante : celle que nous offre la société, surtout le monde littéraire, et au premier plan dans celui-ci : les salons littéraires. Je ne les ai jamais beaucoup fréquentés. Je suis sauvage. Je suis timide. J’aime la solitude. Les grandes réunions m’effraient. Les conversations bruyantes me fatiguent. Je peux me plaire avec trois ou quatre amis qui ont de l’esprit, qui connaissent ce dont ils parlent, qui ne font pas de phrases, qui se font entendre à demi-mot et comprennent de même. Passé ce nombre, et surtout si je ne vois plus que la prétention et l’ignorance, j’ai envie de me sauver. Je manque aussi de loisir. Quand on est obligé de passer toutes ses journées à recevoir des gens, à les écouter et à leur répondre, on n’est pas fâché de rentrer le soir chez soi, dans le silence et l’isolement, pour penser un peu à ce qui vous intéresse. On est peu disposé à aller se mêler à de beaux esprits mâles et femelles, se jetant mutuellement à la tête des coups d’encensoir et parlant à tort à travers, sous prétexte de littérature, de mille choses dont ils ne connaissent pas le premier mot. Pourtant, il me fallait donner aujourd’hui une chronique dramatique. Je n’en avais pas le premier mot. Je ne suis pas allé au théâtre ces dernières semaines. Sur quel sujet allais-je bien écrire ? Un ami m’a tiré d’affaire en me parlant d’un salon littéraire qu’il fréquente et qui a d’ailleurs une certaine réputation chez une cinquantaine de personnes à Paris. Il m’a offert le moyen d’y entrer, en mettant à ma disposition son carton d’invité73. Le programme que ce carton annonçait était attrayant ! « Une heure de bavardage privé. Une heure de conversation générale. Et l’heure du poète. Un argument et des récitations. » Tout cela de 4 à 8 heures ! J’aurais là une vraie comédie, et je pourrais encore passer une soirée chez moi, tranquille, à lire ou à rêvasser. Ma foi ! je me suis laissé tenter. Une seule chose m’inquiétait. Je ne me souciais pas d’être pris pour un habitué de ces folâtres réunions. Après réflexion, j’ai trouvé un moyen. J’ai un ami de jeunesse que la vocation dramatique a fait devenir coiffeur dans un de nos théâtres subventionnés. Je suis allé le trouver. Je lui ai exposé mon affaire. « Je brûle d’aller voir ces pantins, lui ai-je dit, mais je voudrais bien ne pas être ensuite reconnu par l’un d’eux. De plus, la maîtresse de la maison me connaît. Elle m’accablerait de gentillesses. Je n’aurais plus ma liberté. J’ai besoin d’être n’importe qui pour jouir en paix du spectacle. » Mon ami le coiffeur de théâtre m’a assuré que rien n’était plus facile. « Fiez-vous à moi m’a-t-il dit, en me remettant une barbe postiche. Le moment venu, fixez-vous cela sur le visage. Le diable si la maîtresse de la maison et aucun des invités vous reconnaissent. » J’ai emporté la barbe postiche et j’ai fait comme il m’a dit. Le jour fixé, je me suis dirigé vers l’hôtel de notre bas-bleu74. Je me suis arrêté un moment sous la porte cochère d’une maison voisine. J’ai tiré de ma poche une petite glace, la barbe postiche, le petit flacon de colle et le petit pinceau que mon ami y avait joints. Quelques minutes, pour m’habituer un peu à ma nouvelle physionomie. Quand je me retrouvai dans la rue, je ne me reconnaissais pas moi-même dans les glaces des boutiques. Je pouvais sonner avec tranquillité chez Madame de Paladines75.

L’hôtel de Madame de Paladines est un singulier mélange d’habitation privée et de lieu public76. On y a, dès l’entrée, avec sa porte au vitrage de couleur, la même impression qu’en pénétrant dans certains cabarets « artistiques » de Montmartre. Je me débarrassai d’abord au vestiaire, où, sur une table, s’étalait, bien en évidence, une petite collection de pièces de un franc, auxquelles je me crus obligé d’ajouter la mienne. J’allais ensuite monter l’escalier, pour gagner le salon, quand une bonne me barra le passage et me dirigea vers une petite pièce, où elle me présenta une sorte de registre, en me priant d’y inscrire mon nom et mon adresse. Il fallait bien m’exécuter, malgré mon étonnement pour ce procédé à l’égard d’invités. J’inscrivis sur ce registre mon nom et mon adresse. Pas les vrais, vous pensez bien ! Ceux que j’avais préparés : Célestin Beaubinet77, d’Orléans, de passage à Paris, Hôtel des Bons-Enfants, rue du même nom78. Cela me donnait un petit air de curieux provincial tout à fait rassurant. Un homme qui descend rue des Bons-Enfants ne peut pas être un méchant homme. Je pus ensuite monter l’escalier, décoré de tableaux imposants et de tableautins d’un impressionnisme démodé, tous œuvres du premier mari de Madame de Paladines, m’assura un invité en les déclarant d’ailleurs exécrables. Je n’étais pas arrivé à la dernière marche qu’un bruit de voix semblable aux petits cris aigus d’une volière en agitation m’indiqua que j’approchais de ce salon fameux, dans lequel, tous les jeudis, on ajoute quelques scènes aux Précieuses ridicules. J’y entrai. C’est une pièce tendue de papier jaune, abondamment éclairée à l’électricité, décorée d’une foule de tableaux également œuvres du premier mari de la dame, m’assura le même invité, en ne les trouvant pas meilleurs que les premiers, et dont l’un la représente en personne, grandeur nature, dans l’attitude inspirée d’une pythonisse79 sur son trépied80. Là, assis dans des fauteuils, en deux groupes bien distincts, séparés par une sorte de passage conduisant à la porte, une trentaine de femmes et une douzaine d’hommes bavardaient et faisaient ce bruit qui, dès l’escalier, avait charmé mes oreilles.

Il était cinq heures et demie. J’avais malheureusement manqué la première partie du programme : Une heure de bavardage privé. La deuxième partie battait son plein : Une heure de conversation générale. Je ne m’étonnai pas qu’on ne s’entendit plus.

Aurel

Dès l’entrée, je reconnus Madame de Paladines, avec cet air, qui lui va si bien, de morte profanée81, et cette afféterie et cette vulgarité à la fois qu’on retrouve à chaque ligne dans tout ce qu’elle écrit. Elle avait les cheveux d’un roux artificiel. Une sorte de diadème d’argent vaguement grec lui serrait le front et les tempes. Le regard gris et dur, les lèvres minces et peintes, forte en chair, assez commune dans ses attitudes, les bras mus et roses sous des voiles orangés, les jambes dans des bas couleur crème dorée, et chaussée de souliers de même nuance un peu plus foncée, elle portait une toilette qui semblait la tatouer, de face et de dos, de motifs orangés et bleus se détachant sur fond blanc et figurant des Minerves casquées et des guerriers grecs sur des chars. Debout au milieu des assistants, elle bavardait avec celui-ci, celui-là, celle-ci ou celle-là, disant probablement de ces choses obscures et délicieuses comme celles qu’on trouve dans ses livres et qui révèlent une connaissance si particulière de la langue française comme de la grammaire. En même temps, très attentive aux coups de sonnette annonçant d’autres invités et inspectant du haut en bas chaque nouvel arrivant dès son apparition à la porte du salon. Quelqu’un se présente-t-il qui vient pour la première fois et est inconnu d’elle, elle s’avance aussitôt, esquisse une sorte de salut et interroge du regard : Monsieur ?… À-t-on l’air embarrassé ou ne va-t-on pas assez vite à répondre, elle insiste : « Il faut me dire votre nom. » C’est ce qui m’arriva. Je croyais pouvoir entrer sans être remarqué. Cet arrêt me surprit un peu. Je m’étais préparé à mon rôle, heureusement. J’eusse été capable, sans cela, de déclarer ma véritable identité. Je me nommai donc, dans les mêmes termes que je m’étais inscrit sur le registre du rez-de-chaussée : « Célestin Beaubinet, d’Orléans, de passage à Paris, Hôtel des Bons-Enfants, rue du même nom », et j’ajoutai, avec toute la grâce dont je suis capable : « qui a entendu parler de vos belles réunions littéraires et se sent très honoré d’y être admis. » « Vous écrivez ? » voulut bien me demander Madame de Paladines avec un petit air protecteur. « Hélas ! Madame, lui répondis-je, je n’ai pas cet honneur. Je m’intéresse seulement… » Je me dandinai ainsi pendant quelques secondes pour me donner une contenance. Tout se passa le mieux du monde grâce à ces gentillesses, Madame de Paladines parut flattée de ma curiosité. Elle regagna les groupes de ses invités. Je la suivis. J’eus l’honneur d’être présenté par elle à quelques-unes des personnes présentes, dames et messieurs, qui brillent à leur façon, paraît-il, dans le monde des lettres. Après quoi, débarrassé de tout ce protocole, il me fut loisible de m’asseoir dans un coin et de m’abandonner au charme de la réunion.

J’examinai alors les assistants. Du côté des hommes presque tous des jeunes gens. J’interrogeai l’invité si bienveillant pour les peintures de la maison : « Des poètes me dit-il, des critiques, des faiseurs d’essais, qui viennent briller, se congratuler réciproquement, faire admirer leur talent. — Vous savez leurs noms ? lui demandai ? — Moi ? me répondit-il. Pas du tout. Je ne les vois jamais qu’ici… J’ai essayé de savoir ce qu’ils ont fait. On n’a jamais pu me le dire. Tout ce que je sais, c’est qu’ils écrivent, comme la maîtresse de la maison. Les beaux esprits se rassemblent. » À côté de ces poussins littéraires, trois ou quatre personnages assez drôles d’âge incertain, soignés, raclés, sanglés comme des grooms pour se donner l’air jeune, affectés en paroles et en manières, avec des frétillements de marquis du répertoire dans des théâtres de province. Madame de Paladines n’a pas de plus chauds admirateurs, paraît-il. Elle tient beaucoup à eux de son côté, pour leur air distingué. Ils tiennent dans son salon le rôle d’hommes du monde. Comme me l’a dit mon invité, en complétant ses renseignements sur ces messieurs : « Faute de grives on mange des merles. » Était même présent un nègre crépu et sombre ouvrant surtout de gros yeux blancs, arrivé récemment de sa savane pour se destiner à la littérature et qui vient, parait-il, apprendre le beau style auprès de Madame de Paladines. Du côté des femmes, deux catégories. Les jeunes, entre vingt-cinq et trente ans, muses d’arrondissements ou de départements82, auteurs timides, gauches et ignorés d’un recueil de vers, d’un roman payé chez un éditeur de comptes d’auteurs avec les économies d’un mari ou la générosité d’un amant, en ayant toujours dans leur réticule un exemplaire à offrir dans l’espoir de trouver enfin un lecteur. L’une d’elles, blonde, opulente, une chair merveilleuse, un visage plein d’expression, dont le prénom et le nom rappellent un empereur romain et un personnage de Shakespeare, et qui s’occupe, m’a-t-on dit, de recherches d’érudition, était fort jolie, et sans ma barbe postiche dont la bonne tenue m’inquiétait… Ensuite les autres, plus que mûres, défaites, molles, vacillantes, les cheveux teints, le visage outrageusement fardé, parées de bijoux douteux, de falbalas criards, vieilles muses montrant la corde, qui viennent là jouir un moment du bruit et des lumières. « Vous remarquerez, me dit mon invité, que Madame de Paladines se tient de préférence dans leur groupe.» Et il ajouta : « Elles évoquent ensemble de communs souvenirs de jeunesse. »

Aurel et Alfred Mortier.
Cette image semble avoir été réalisée par un photographe ambulant comme il en existait de très nombreux à l’époque, et tirée sur Velox.

À six heures et demie, on fit un petit arrêt, pour descendre prendre le thé. C’est à ce moment que M. Alfred Maçon, le mari de Madame de Paladines, entra en scène, pour nous guider, une dame à son bras, vers la salle à manger. On connait un peu M. Alfred Maçon. C’est un auteur tragique83 qui refait de nos jours, en plus modéré, les tragédies de Campistron84 et de Népomucène Lemercier85. M. Alfred Maçon est israélite. Il s’est converti, il y a quelque temps, au catholicisme. On s’est demandé en vain la raison de cette conversion chez un homme qui a dépassé la soixantaine. On n’est nullement antisémite dans le monde littéraire et sa qualité de juif ne lui avait jamais valu aucune animosité. Cela cachait-il une certaine ambition ? Cela se pourrait, si on s’en rapporte à une anecdote que je dirai plus loin. Cette conversion a fait en tout cas de M. Alfred Maçon un personnage assez amusant par une certaine façon qu’il a prise de s’exprimer, quant à son ancienne qualité d’israélite. Lui arrive-t-il de parler d’un fait, d’une circonstance, d’un événement quelconques remontant avant sa conversion : « Du temps que j’étais juif » dit-il. Ou : « C’était quand j’étais encore juif… » On croit d’abord qu’il parle ainsi pour plaisanter. Pas le moins du monde. M. Alfred Maçon est sérieux. Il est convaincu qu’il n’est plus aujourd’hui le même homme qu’il était. M. Alfred Maçon s’est surtout acquis quelque réputation par sa force au billard. C’est à ce propos qu’on a raconté une anecdote qui donnerait à penser que sa conversion ne fut peut-être pas une pure affaire de foi. M. Alfred Maçon, qui villégiaturait dans le Midi, rencontre un jour un de ses amis de jeunesse aujourd’hui membre de l’Académie française. On parle littérature et au bout d’un moment, M. Alfred Maçon demande à son ami ce qu’il penserait de sa candidature à l’Académie et s’il croyait qu’il aurait des chances, « Mais certainement, mon cher lui répond l’immortel. Certainement. Vous êtes assez connu pour cela. Vos succès sont célèbres. Vous avez fait assez parler de vous. » M. Alfred Maçon ne se tient plus : « Alors, vraiment, mon cher ami, vous croyez ?… Vous me comblez de joie. Vous croyez vraiment, que ce ne serait pas trop oser, que je peux poser ma candidature, que j’ai quelques chances ? — Comment ? réplique l’immortel. Mais vous serez élu tout de suite. Il n’y a pas à l’Académie un homme aussi fort que vous. » Ces derniers mots surprennent un peu M. Alfred Maçon. Un homme aussi fort que lui ?… Si belles que soient ses tragédies il y a, hélas ! d’autres auteurs qui le valent. Il croit donc bon d’insister : « Vous me comprenez bien, mon cher dit-il à l’immortel. Je parle de l’Académie française. Ah ! s’écria l’autre, je croyais que vous parliez de l’Académie de billard. »

Alfred Mortier champion du monde de Billard amateur (photo : BNF)
On peut observer que les lumières de la salle sont éteintes, Alfred Mortier étant uniquement éclairé par la lumière provenant d’une fenêtre. Le tirage original doit être assez beau.

Je passe sur la conférence que nous fit, après le thé, solennellement présenté à l’assistance par M. Alfred Maçon, transformé décidément en maitre de cérémonie, un M. Constant Bourquin86, sur un romancier suisse, M. Ramuz87, que le bonheur doit remplir d’avoir été « célébré » ainsi, et sur des lectures du même que nous firent des dames éminentes en ridicule par leurs toilettes, leurs manières et leur débit. L’une s’appelait, ni plus ni moins, à peu près comme Charlemagne, en latin88. L’autre vestige d’un Odéon ancien, comme l’héroïne d’un roman de Barbey d’Aurevilly. La troisième, comme le héros d’un roman de Ferdinand Fabre joignant à cela une remarquable voix d’homme. On éblouit comme on peut ! Quand ces perruches eurent terminé, nous passâmes à l’heure du poète et Madame de Paladines elle-même tint à nous le rappeler : « Nous étions là surtout dans une maison de poètes. » Mon invité, qui paraissait renseigné sur ce point comme sur le reste, se pencha vers moi : « Vous allez entendre de beaux vers ! » Le poète du jour était, en effet M. Alfred Maçon lui-même. Un monsieur se leva, et, avec force soupirs et des yeux levés au plafond, nous déclama un poème. Qui eût dit qu’un auteur tragique pouvait être aussi léger ! Le maître de la maison, dans ces vers invitait tout bonnement les dames présentes à répudier toute pudeur, à se mettre nues, à se donner sans répit et concluait que ce n’est que « le remords de la faute qui est le péché ». On n’est pas plus galant pour un champion de billard.

Mais tout cela n’était pas le plus beau. La séance remportait une autre partie que ne mentionnait pas mon carton. Il est en effet, habituel que chaque jeudi se termine par une question que Madame de Paladines pose à ses invités. Je peux dire que je suis bien tombé en assistant à ce jeudi. Il paraît qu’une rivale s’est conduite indignement avec Madame de Paladines en ravissant à son salon cinq ou six jeunes filles pour en orner le sien propre. Action impardonnable ! Le public de Madame de Paladines n’est pas déjà si nombreux. Si on lui enlève encore du personnel, c’est le vide à brève échéance. Cette dame a répandu en outre les bruits les plus fâcheux sur elle, attaquant sa « grâce de femme et d’artiste », colportant partout qu’elle n’est pas jolie, qu’elle n’est plus jeune, qu’elle n’a aucun talent, qu’elle écrit comme elle marche : tout de travers, que son salon est un pétaudière, ses habitués ridicules, son thé et ses gâteaux mauvais et M. Alfred Maçon seul un écrivain de valeur. Odieuses calomnies ! Il paraît que tout le monde connaissait cette dame et pouvait la reconnaître au portrait et signalement qu’en faisait Madame de Paladines, disant qu’elle est « en plein âge ingrat » et qu’elle porte sur la tête « un voile passé de mode depuis deux ans89 » Madame de Paladines avait appris ses charmants propos, car « il fallait qu’on le sache : elle a sa police ». Il fallait donc exécuter cette « mégère », cette « matrone », cette « menteuse » comme elle l’appelait, et même d’un autre nom plus vif, l’exécuter « publiquement » et lui infliger un châtiment. Mais quel châtiment ? Voilà la question qu’elle nous posait. « Je propose pour ma part, dit-elle, de la faire fouetter en pleine place de la Concorde, sans lui permettre de changer de dessous, et ensuite de l’y empaler. » À ces mots, toute la volière, excitée, se mit à piailler. Cette idée d’empalement semblait rappeler mille choses agréables à ces beaux esprits. Mon invité, qui s’était levé et avait gagné la porte, souriait et me faisait signe. Je le rejoignis. « Je pense que vous vous êtes amusé ? me dit-il pendant que nous descendions l’escalier. Quels tableaux ! » Parlait-il des peintures devant lesquelles nous repassions ou des célébrités que nous venions de quitter ?… Deux secondes après nous étions dehors. Le printemps était dans la rue.

Maurice Boissard

Les commentaires seront nombreux :

Samedi 28 Avril [1923]

Ce matin, à mon arrivée, Vallette me dit : « Eh ! bien, vous l’arrangez bien, Aurel ? Votre chronique est très amusante. J’ai passé Les Nouvelles littéraires à Rachilde. Elle est en train de lire votre feuilleton. »

Lundi 30 Avril

Ma chronique sur Aurel paraît avoir du succès. Tout le monde m’en parle et en parle. Je continue à recevoir des lettres de compliments et de regrets au sujet de mon départ de La N.R.F.

Le mercredi 2 mai

Dumur m’a dit ce matin, montrant une lettre qu’il venait de recevoir d’elle : « Voulez-vous une histoire sur Aurel ? » Il m’a raconté ce qui suit.

Aurel voulait consacrer un de ses jeudis à l’écrivain suisse Carl Spitzler90. Elle avait demandé à Dumur de faire la conférence. Dumur avait prétexté des empêchements et lui avait indiqué Maurice Muret91. Celui-ci s’était prétendu trop occupé. En fin de compte, elle s’était rabattue sur René de Weck92, chancelier à la légation suisse à Paris et qui tient au Mercure la rubrique des lettres suisses. Une Madame Dunan93, dame de la haute société suisse, belle-sœur du ministre de Suisse à Paris et qui a un certain talent de diseuse, devait faire les lectures. Mais voilà René de Weck qui arrive hier à midi au Mercure, chez Vallette, Dumur présent. Il dit : « Avez-vous lu le feuilleton de Boissard sur Aurel ? Il n’est pas possible de mettre les pieds dans un pareil endroit. J’ai fait lire Les Nouvelles littéraires à mon ministre. Vous savez que sa belle-sœur, Madame Dunan, devait faire les lectures de Spitzler ? Il lui a aussitôt envoyé le numéro en lui disant qu’elle ferait mieux de rester chez elle. »

Là-dessus, lettre pressante d’Aurel, reçue ce matin par Dumur, pour lui demander de lui faire d’urgence des « traductions » de morceaux de Spitzler, de les lui envoyer aussitôt, et se terminant par cette perle, qui la montre encore tout entière : « Si vraiment vous n’avez pas le temps de ce travail, demandez tout de suite à Henri Albert, qui ne me refusera pas. » C’est tout à fait — plus que jamais — La Mère La Chaise. Voilà qu’elle veut faire écrire les morts, maintenant94.

Le Courrier littéraire d’Alfred Mortier

Le couple Aurel-Mortier évidemment très mal vécu cette affaire, et cherche à se venger. Alfred Mortier, qui a de l’argent, va faire très fort.

Mardi 8 Mai [1923]

J’ai porté aujourd’hui ma chronique aux Nouvelles littéraires. Maurice Martin du Gard m’a montré le placard95 du journal que Mortier a fondé tout exprès pour me répondre, Le Courrier littéraire, imprimé à la même imprimerie que Les Nouvelles et qu’il a eu sous le sceau de la discrétion la plus absolue. Aussi grossier que faux et bête. Il paraît que ce numéro, unique probablement, tiré à 3 000 exemplaires, a coûté à Mortier 1 500 francs96. Il aura vraiment dépensé plus d’argent que d’esprit.

J’ai raconté cette histoire de journal à Vallette. Il me dit : « Ils sont bêtes comme leurs pieds. Pas pour deux sous d’esprit. Passe encore pour Aurel. Elle est folle ! Mais Mortier ? C’est décidément un nigaud. Il faut qu’ils aient été joliment atteints par votre feuilleton. »

Nous rions tous les deux de cette contradiction d’Aurel dans son article à mon sujet ! « Il a menti et n’est pas venu — Pourquoi ce refus d’ôter son pardessus ? » Si je ne suis pas venu, je n’ai pas eu à refuser d’ôter mon pardessus. Si j’ai refusé d’ôter mon pardessus, c’est donc que je suis venu.

Vallette me dit : « Il paraît que vous avez eu la visite de Madame L… ? » Je la lui raconte en détails, avec le joli mot de la fin, et la réponse qui m’a si bien manqué sur le moment. Il me dit : « C’est encore une sotte et une ridicule. Le même genre qu’Aurel, et connue comme telle. Vous ne la connaissez pas ? Elle est venue quelquefois ici (aux mardis de Rachilde). Ici même des gens se sont amusés à la mener en bateau. »

Mercredi 9 Mai

Ce matin, Rachilde demande à me parler. Elle me raconte (toujours l’affaire Aurel) qu’il y a une affaire en préparation. On soulèverait cette question : M. Léautaud a été remercié comme critique dramatique du Mercure. Or, il est toujours dans la maison. N’y aurait-il pas un secret entre M. Vallette, Madame Rachilde et lui ? On irait même jusqu’à dire : un lien charnel.

J’ai éclaté de rire. La question ne tient pas debout. Et la rubrique qu’on a créée tout exprès pour moi au Mercure pour remplacer celle du théâtre97 ? Et ce que j’ai écrit dans la revue depuis mon départ de la chronique dramatique ? On m’y a donc fort bien gardé comme écrivain et au vu et su de tout le monde.

Quant au lien charnel ? Je ne l’ai pas dit à Rachilde, mais en admettant qu’il n’y a pas là une trouvaille de son esprit roman feuilleton, singulier lien et en tout cas de peu d’effets, quand on songe que c’est justement à ses manigances auprès de Vallette que je dois d’avoir perdu la chronique dramatique du Mercure.

Rachilde m’a aussi donné charitablement cet avis : « Je ne sais pas exactement ce qu’il y a sur vous dans le journal de Mortier, mais c’est un conseil que je vous donne : vous commencez à avoir une situation littéraire un peu en vue. Vous auriez peut-être tort de laisser passer sans rien dire certaines choses graves. Vous vous en moquez, je sais bien, mais il faut penser à l’effet sur les autres. Vous pourriez arriver à ce que les journaux vous soient fermés. »

Je lui ai répondu : « Moi ! Je m’en moque. Je suis prêt à quitter Les Nouvelles. »

Elle a jouté : « En tout cas, à votre place, je ne recommencerais pas à écrire de pareils articles. — Comment cela ? Mais au contraire ! J’ai bien l’intention d’en écrire d’autres. »

L’après-midi à l’imprimerie des Nouvelles, pour corriger ma chronique. Pas moyen d’avoir un seul numéro du journal de Mortier. L’imprimeur a confirmé à Martin du Gard que c’est un numéro unique. Même les typos, qui ont un numéro de tous les journaux qui s’impriment à l’imprimerie, n’en ont pas eu un seul exemplaire. Mortier a eu l’engagement formel de l’imprimeur sur ce point.

Jacques Guenne et Martin du Gard m’ont dit qu’ils veulent envoyer l’huissier à Mortier, pour diffamation à leur égard dans son numéro de journal, relativement à ce qu’il dit de leur caractère littéraire. Je les ai dissuadés de cette exagération : « Il n’y a rien pour vous. Tout est pour moi. Et moi je m’en moque. Faites donc comme moi. »

Comme je ne savais pas trop ce qu’ils pouvaient penser de cette affaire, avec l’espèce de poltronnerie qu’ils ont, je leur ai demandé s’ils n’en étaient pas ennuyés. Ils se sont récriés, en me disant qu’ils sont bien plutôt enchantés pour la réclame et l’effet résultant de mon feuilleton : « Comment ! un de nos rédacteurs écrit un article et on fonde tout exprès un journal contre lui. C’est merveilleux ! »

Vendredi 11 Mai

Ce matin, à l’arrivée, Vallette a reçu sous enveloppe le journal Mortier. Il trouve cela grossier et bête. Il me donne raison de ne pas vouloir bouger. Rachilde n’a pas reçu de no, comme brouillée avec Aurel. Vallette lui passe le sien.

Un moment après elle vient me trouver dans mon bureau. Le jeune André David98 est traité par Aurel de : Le triste André David. Rachilde me dit qu’il ne va certainement pas manquer de lui répondre et comment. Jusqu’ici elle l’avait retenu. Cette fois-ci, elle collaborera avec lui et, s’il manque de mordant, elle y suppléera.

Auriant arrive. Le journal de Mortier est en vente au boulevard. Il en a acheté 4 ex. Il m’en cède deux.

Quand je remonte chez Vallette, Dumur. Il était hier chez Aurel pour la séance Carl Spitzler. Il nous raconte : « Au début Mortier a fait un petit speech : Mesdames, Messieurs, vous connaissez l’article abominable qui a paru dans Les Nouvelles littéraires sur cette maison, ce monceau d’infamies, etc… » Tous les invités : « Mais non. Qu’est-ce que c’est ? Dans quel journal ?… » Mortier continuant : « Si vous ne l’avez pas lu, eh ! bien… vous le lirez. Nous n’en donnerons pas lecture ici. Nous ne donnerons pas lecture non plus du journal que Madame Aurel et moi avons fait paraître pour répondre à ces infamies. Le salon terminé, vous en trouverez en bas un numéro, tous, à votre disposition. » Dumur a ainsi emporté trois exemplaires. Il en a néanmoins reçu un ce matin sous enveloppe. Il me donne 2 ex.

Régismanset99 passe prendre sa case, descendant de chez Vallette, qui lui a parlé de l’affaire et du journal Mortier. Il me raconte ce qui suit, qui est assez amusant. Il est aussi grand joueur de billard et se trouve souvent à jouer avec Robert Mortier100, le frère d’Alfred. Mon feuilleton sur Jules Romains venait de paraître. Robert Mortier dit à Régismanset « Vous avez vu le feuilleton de Boissard sur Romains et ses commentaires. C’est tapé ! » — Régismanset lui dit qu’à son avis il comprend que la N.R.F. n’ait pas voulu laisser critiquer ainsi son collaborateur et que mon feuilleton est en effet un peu méchant. Robert Mortier lui dit alors : « Laissez donc ! C’est toujours très amusant, la méchanceté. »

Quelques jours après se trouvant ensemble, Robert Mortier lui dit : « Dites donc, avez-vous lu le feuilleton de Léautaud ? »

Régismanset avait Les Nouvelles littéraires dans sa poche mais n’avait pas encore lu ma chronique. Il répond négativement. Robert Mortier lui dit alors : « Oh ! vous savez, il exagère. Il arrange cette fois-ci ce pauvre Alfred. C’est vraiment aller un peu loin. »

J’ai dit à Régismanset comme il a manqué une belle réponse : « Mais, mon cher, c’est toujours amusant, la méchanceté. »

À midi et demi, M. M. du Gard vient me prendre pour déjeuner comme convenu. Il ne sait pas au juste la conduite que vont observer Les Nouvelles littéraires : insertion ou non de la réponse Aurel — huissier à Mortier pour les imputations calomnieuses à l’égard des Nouvelles littéraires, ou, comme moi, ne pas bouger. Il y a le point de la Maison Larousse101 et de l’effet que va lui faire l’article de Mortier sur moi. Un personnage de la Maison Larousse fait partie du conseil d’administration des Nouvelles littéraires. Maurice Martin du Gard me dit qu’il l’emportera auprès de lui avec ce simple mot : « Mortier est un juif. » Cet argument, peu relevé, serait paraît-il d’un effet sûr. Il a aussi cette idée : demander à quatre écrivains mes aînés, à cinq ou six de ma génération, à cinq ou six mes cadets, si j’ai démérité jamais en rien de leur estime comme homme et comme écrivain. La Maison Larousse serait ainsi renseignée et rassurée. Je déconseille : j’aurais l’air d’un monsieur qui se fait délivrer un certificat de bonne vie et mœurs. Il reste néanmoins, à mon avis, que le point Maison Larousse reste un point un peu sérieux. Ces gens peuvent très bien ne pas me connaître.

Toutefois, Léon Roux102 avait raison ce matin en disant : « Vous êtes toujours au Mercure comme rédacteur, comme employé. C’est la meilleure réponse et le meilleur démenti à toutes les imputations de Mortier. »

[…]

Dans l’après-midi, visite de Billy. Le journal Mortier ne lui a pas été envoyé. Il l’a lu dans l’exemplaire de Longeaud-Desbrosses103. Il a beaucoup ri de l’article Mortier. Il a dit : « Je l’ai bien annoncé. Vous êtes célèbre, célèbre, mon cher. » Il m’a raconté qu’Aurel a écrit une longue lettre à au moins vingt écrivains de l’Association des Écrivains combattants104, notamment à Emmanuel Bourcier105, pour leur demander de me disqualifier. C’est Bourcier, tout éberlué de cette demande, qui l’a raconté à Billy. Une sorte de comité s’est réuni. Il a jugé qu’Aurel a un mari pour la défendre, il a fait un paquet des lettres et rien de plus. Aurel se serait aussi adressée, dans le même but, à je ne sais quelle Association de journalistes ou de critiques. Voilà qui me ferait bien rire, si ces associations, dont je ne fais pas partie et que j’ignore, se mêlaient de me juger. J’espère qu’ils s’entoureraient au moins d’autres renseignements que ceux d’Aurel. Comme j’étais monté dire cela à Vallette, Dumur a dit qu’hier Mortier lui a dit en effet qu’il va porter cette affaire devant diverses associations littéraires ou de ce genre.

Dans L’Intransigeant ce soir, dans la rubrique des Treize, une note, évidemment favorable à Mortier et Aurel, ce qui n’est pas étonnant de la part de Divoire106, trop heureux qu’on ait dit ou qu’on puisse dire de ses vers chez eux, annonçant en effet que Mortier va en appeler à l’appréciation de quelques Associations littéraires.

Arrivée d’André David. Vallette lui donne à lire le journal Mortier, qu’il n’a pas encore vu. André David demande ce qu’il doit faire : répondre, se taire ? Il a mille choses drôles sur Aurel. Je lui dis que Rachilde désire le voir et en parler avec lui.

Je raconte à André David la visite que m’a faite Madame Lagoutte, avec ses petites manières, ses frétillements, ses « habillée toujours dernier cri » et son « ce ne serait peut-être pas un si vilain spectacle » à propos de la proposition d’empalement d’Aurel. Je mime la scène, à mon habitude. Un moment, David commence à dire : « C’est merveilleux… » Vallette l’arrête « Laissez… Et puis, il (moi) joue cela d’une façon si extraordinaire. »

Quand David part, il trouve en bas Rachilde qui rentre. Conversation. Elle le pousse à répondre. Il va faire cette réponse ce soir. Il viendra demain matin la montrer à Rachilde. Nous partons ensemble. Il me dit : « Je vais faire cela ce soir. Je suis enchanté de me trouver associé à vous dans cette affaire. — Prenez le ton de la plaisanterie. Visez au ridicule. S’il vous manque quelques pointes, Madame Rachilde y suppléera. — Mais certainement. Demain matin, je lui apporterai cela. Elle a été très gentille pour moi. Elle m’a donné d’excellents conseils… — Fiez-vous à une femme pour écrire contre une autre femme. »

Notes

La numérotation des notes continue celle de la page Aurel II.

68     Il s’agit de la fameuse affaire dite « de la malle sanglante ». Georges Bessarabo (Jacob Providence Weissmann) a été assassiné par Héra Mirtel (Louise Grouès 1868-1931), femme de lettres féministe, épousée en 1915. Voir Le Temps du cinq août 1920, page quatre, Le Gaulois de la même date, page deux. Pour le procès, Le Temps du dix juin 1922, page trois.

69     À l’audience du 16 juin, Aurel a avancé que son amie, la poétesse érotisante Berthe de Nyse (vraisemblablement un pseudonyme), lui aurait affirmé que l’accusée se taisait pour ne pas nuire à un « homme célèbre ». Dans sa rubrique « Le Courrier des muses » de La NRF d’octobre (page 381), Georges Gabory écrira : « Madame Berthe de Nyse a affirmé avoir entendu le nom de l’assassin dans un jardin de Passy. […] Madame Aurel a été témoin. Qu’on me sache gré d’éviter tous les jeux de mots qu’on peut faire et qu’on a faits sur son nom. »

70     Jean Cassou (1897-1986) a tenu la rubrique des « Lettres espagnoles » au Mercure entre janvier 1921 et septembre 1929. En 1936 il fera partie du Cabinet de Jean Zay et sera conservateur du musée d’Art moderne. Avant cela nous le verrons journaliste aux Nouvelles littéraires. Jean Cassou était à l’époque employé au Mercure depuis au moins octobre 1921.

71     Louise Blaizot est la fille de Jean Blaizot, le caissier. « Louisette » a été employée au Mercure du 2 janvier 1919 à juillet 1958 avec l’arrivée de Simone Gallimard. Louisette Blaizot est citée 108 fois dans le Journal littéraire. Il ne semble pas qu’elle se soit mariée. Lire l’article d’Édith Silve dans les Cahiers Paul Léautaud numéro 33 page 28 accompagné d’une très intéressante lettre de Louise Blaizot datée du 11 décembre 1961 et résumant sa carrière.

72     Jacques-Antoine Bernard (1880-1952), est arrivé au Mercure en 1906 sans qu’on sache vraiment à quel titre, mais sensiblement à la même époque que Paul Léautaud, qui y a effectivement été embauché le 1er janvier 1908. Jacques Bernard sera administrateur du Mercure en 1935, à la mort d’Alfred Vallette, sous la direction de Georges Duhamel, puis directeur au départ de celui-ci à la fin de février 1938. Avant cela Paul Léautaud et Bernard se sont plutôt bien entendus. Pendant l’occupation, Bernard se livrera à la collaboration et sera jugé à la Libération pour « Intelligence avec l’ennemi » et condamné à cinq ans de prison (mais laissé en liberté), à la privation de ses biens et à l’Indignité nationale. Convoqué comme témoin en juillet 1945, Paul Léautaud, rétif à toute autorité, refusera de l’accuser.

73     Dans sa monographie, Une vipère lubrique, Paul Léautaud, Ambassade du livre, Bruxelles, 1965, page 91, Auriant révèle que : « C’est moi qui suis allé rue du Printemps en ses lieu et place ».

74     Si le phénomène demeure, l’expression est de nos jours tombée dans l’oubli. Le TLFi indique « Femme savante, d’une pédanterie ridicule. Avoir la réputation d’un bas-bleu ; pérorer comme un bas-bleu ; le pédantisme d’un bas-bleu ». Dans ce même article le Trésor propose l’exemple d’une phrase de Paul Léautaud extraite de son Journal littéraire au 17 juillet 1924 « Il paraît que Tristan Derême est en ce moment l’amant de Mme de Noailles. Il a bien de la chance. Pas pour le bas-bleu ! Pour la femme. »

75     C’est l’écrivain provençal Paul Mariéton (note 15) qui avait baptisé ainsi Aurel en référence au nom du militaire Louis d’Aurelle de Paladines (1804-1877) (Journal littéraire au 16 juillet 1909). Nous retrouverons cette Madame de Paladines dans le texte « Dialogue », paru dans La NRF de décembre 1928 et à la fin de Passe-Temps, sous le titre « Mots, propos et anecdotes ».

76     Dans L’Intransigeant daté du cinq mai, cette note des Treize, page deux, colonne trois : « M. Maurice Boissard a publié l’autre jour, dans les “Nouvelles littéraires” une chronique désobligeante sur l’impression qu’il avait ressentie d’une visite dans un salon littéraire bien connu. / Or M. Maurice Boissard, nous assure une personnalité de son entourage, ne serait jamais allé dans cette rue printanière. Et c’est sur les dires d’un ami qu’il aurait brossé son tableau. » La « rue printanière » en question est la rue du Printemps, où Aurel habite, au numéro vingt.

77     Célestin Beaubinet est un des pseudonymes récurrents de PL, déjà utilisé en janvier 1906.

78     La rue des Bons-Enfants est proche du Palais-Royal, parallèle à la rue de Valois, pas très loin de la rue Richelieu où Paul Léautaud a souvent écrit qu’il aurait aimé vivre.

79     Dans la Bible, « Femme qui évoqua l’ombre de Samuel et prédit à Saül sa défaite. » (TLFi). Samuel 1-28, 7 et 8 : « Et Saül dit à ses serviteurs : Cherchez-moi une femme qui évoque les morts, et j’irai la consulter. Ses serviteurs lui dirent : Voici, à Endor il y a une femme qui évoque les morts. / […] Ils arrivèrent de nuit chez la femme. Saül lui dit : Prédis-moi l’avenir en évoquant un mort, et fais-moi monter celui que je te dirai. »

80     On peut penser que Paul Léautaud se souvient ici d’une image de son enfance trouvée dans une tablette de chocolat, où la Pythonisse faisait apparaître l’oracle dans une vasque posée sur un trépied métallique.

81     Journal (pages retrouvées) au 27 décembre 1911 : « J’ai trouvé le mot pour peindre Aurel : L’air d’un cadavre profané. »

82     Allusion évidente au roman de Balzac, où se trouve évoquée George Sand.

83     Alfred Mortier a fait jouer en août dernier au Théâtre des Arènes, une Penthésilée (reine des Amazones).

84     Jean Galbert de Campistron (1656-1723), académicien en 1701. Dans Hugo, Contemplations VII (Pléiade 1967, page 497) nous trouvons ces trois vers datés de janvier 1834 : « voyez où l’on en est : la strophe a des bâillons, / L’ode a des fers aux pieds, le drame est en cellule. / Sur le Racine mort le Campistron pullule ! ». Voir aussi la préface des Odes et Ballades de 1826.

85     Népomucène Lemercier (1771-1840), poète et dramaturge prolifique.

86     Constant Bourquin sera connu vers la fin des années 1940 comme gérant indélicat des très vichystes éditions du Cheval ailé.

87     Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947) écrivain suisse, publiera Passage du poète en novembre.

88     Il peut s’agir de Marie Anne Carolus Duran (1869-1936) fille de peintre Carolus-Duran (1937-1917), très apprécié de son temps.

89     Voir dans le JL au 7 mai 1923, la visite de « Madame L. » : « Ce soir, à 6 heures, on vient me dire dans mon bureau qu’une dame demande à voir M. Maurice Boissard. Je dis de faire entrer. Une dame entre, jeune, élégante, pleine de petites manières. « Monsieur Maurice Boissard ? Je suis Madame L. Je suis la dame dont vous avez parlé dans votre feuilleton sur Madame Aurel. Vous ne le saviez pas ? »… Le tapuscrit de Grenoble nous apprend qu’il s’agit d’une Madame Lagoutte, dont nous ne savons rien, ce qui n’est pas vraiment grave. Voir aussi au lendemain huit mai.

90     Plus vraisemblablement Carl Spitteler (1845-1924), écrivain suisse allemand, prix Nobel de littérature en 1919. En visite officielle en Suisse en 2017, l’actuel Président chinois Xi Jinping a commencé un discours par ces mots « Comme disait le grand poète suisse Carl Spitteler, prix Nobel de littérature, le plus grand bonheur est de “trouver des amis avec qui on partage le souffle comme le destin” », sans se douter que ce « grand poète suisse » était complètement tombé dans l’oubli même dans son pays, ce qui a obligé les journalistes locaux à redécouvrir au moins son nom à défaut de son œuvre. Voir Le Temps, de Lausanne, du 15 janvier 2017.

91     Maurice Muret (1870-1954), homme de lettres suisse vivant essentiellement à Paris, licencié ès lettres, essayiste et auteur d’ouvrages politiques. Maurice Muret a été rédacteur au Journal des débats et à La Gazette de Lausanne (en 1909) et membre correspondant de l’Institut.

92     René de Weck (1887-1950), romancier, poète et diplomate suisse, auteur, notamment de Journal de guerre (1939-1945) — Un diplomate suisse à Bucarest, extrait de son Journal (semblant inédit dans son intégralité) tenu en même temps que celui de Paul Léautaud, de 1887 à 1950, a tenu la « chronique de la Suisse romande » du Mercure entre novembre 1913 et août 1939. Voir également au deux mai 1923 et au trois février 1933.

93     Alphonse Dunant (1869-1942), docteur en sciences politiques à Heidelberg en 1894, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de suisse à Paris de 1917 à 1938 (aussi accrédité à Bruxelles en 1918-1920). Alphonse Dunant est un neveu d’Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge. La belle-sœur d’Alphonse Dunan peut être la sœur de sa femme et donc née Suzanne Marcuard (1883-1974), qui a épousé un Dunant, ou bien l’épouse d’un des six frères d’Alphonse Dunan, qui a eu trois sœurs.

94     Henri Albert est mort en août 1921.

95     Un placard, « destiné à être plaqué », est ici une feuille non pliée. En imprimerie il s’agit d’une épreuve destinée à la correction, imprimée sur une seule face et, dans le cas d’un journal, sur une autre qualité de papier.

96     C’est peut-être le prix que se vendrait, de nos jours, un seul exemplaire de ce journal. S’il nous passait en main il serait évidemment publié ici.

97     « Gazette d’hier et d’aujourd’hui », qui a paru la première fois dans le Mercure du quinze janvier 1924, page 548 avec l’excellent « Madame Cantili ».

98     André David (1899-1988), homme de lettres catholique ignoré, publiera Rachilde, Homme de lettres – Son œuvre en 1924 à La Nouvelle revue critique (86 pages). Rachilde et André David publieront ensemble Le Prisonnier aux Éditions de France en 1928 (218 pages). Rachilde — comme Aurel —, pour des raisons diverses (et pas toutes littéraires), s’est souvent intéressée aux jeunes auteurs.

99     Charles Régismanset (1877-1945), docteur en droit, fonctionnaire de l’administration coloniale, membre de l’Académie des sciences coloniales en 1922, directeur de l’Agence générale des colonies en 1924. On peut être surpris que Charles Régismanset, qui n’a signé que deux articles au Mercure de France en 1912, ait sa « case » dans le bureau de Paul Léautaud en 1923. La raison est qu’il écrivait sous le pseudonyme de Carl Siger (170 articles entre mars 1901 et février 1926), essentiellement de « Questions coloniales ».

100   Robert Mortier est né en 1878-1940). Il était le cadet de treize ans d’Alfred Mortier. Sa peinture, de tendance cubiste, est assez sombre.

Robert Mortier et son épouse, la pianiste (connue) Jeanne Mortier vers 1900

101   La maison Larousse était commanditaire des Nouvelles littéraires.

102   Léon Roux, ami d’Alfred Vallette, a partagé quelques années le bureau de Paul Léautaud. Journal littéraire au 29 novembre 1920 : « Léon Roux, un camarade de jeunesse de Vallette, vieilli et tombé dans la débine, vivant dans un Asile de vieillards du côté de Charonne, et qu’il a recueilli pour lui faire gagner un peu d’argent… » Nous n’entendons plus parler de lui après 1926.

103   François Longeaud-Desbrosses (1898-1956), homme de lettres ayant parfois écrit sous le nom de Saint-Elme. FL-D a été secrétaire de rédaction au Mercure de 1920 à 1923. Voir sa brève nécrologie dans le Mercure d’août 1956.

104   Site web de l’AEC en décembre 2017 : « Fondée en 1919, l’association des Écrivains combattants réunit des gens de lettres les plus éminents ayant porté les armes pour la France. Fière d’avoir eu comme membre d’honneur Sir Winston Churchill, et d’avoir compté parmi ses présidents Roland Dorgelès, Claude Farrère, Henry Malherbe, Maurice Genevoix, Jacques Chabannes, Erwan Bergot… »

105   Journaliste et romancier, Emmanuel Bourcier (1880-1955) sera vice-président de l’association des Écrivains combattants en 1938.

106   Fernand Divoire (1883-1951), écrivain belge naturalisé français en 1912. Dans La Terrasse du Luxembourg, André Billy décrit sa première rencontre avec Fernand Divoire, dans la nuit du 11 au 12 mai 1906 : « Fernand Divoire, alors secrétaire de rédaction de L’Intransigeant et qui, revenant d’une soirée chez Léon Bailby, s’était, par curiosité professionnelle, détourné du chemin de Montrouge pour voir brûler la halle au cuir. Le Divoire de 1906 n’avait pas le crâne éléphantin et la physionomie ascétique triangulaire qui donnent à son personnage un cachet si caractéristique, il portait la barbe longue, comme moi, et un mince turban de cheveux, mais son regard, ses silences, ses mots réticents avaient déjà l’inquiétante acuité qui lui ont fait dans les milieux de presse la réputation à laquelle il tient tant. » Lire la suite. Lire aussi un cuisant portrait par Paul Léautaud le 16 novembre 1941.