par Virgile Josz
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Le bien-oublié Virgile Josz, mort en 1904, n’a jamais été cité par Paul Léautaud dans son Journal. Alors que fait-il ici ? Le mérite de cet auteur est d’avoir tracé, d’une assez belle plume, l’histoire du bâtiment du 26, rue de Condé, siège du Mercure de France depuis avril 1903. On peut juste lui reprocher ici d’avoir donné une part extrêmement importante à Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, qui sera désigné par ses initiales PACB dans les notes
Il est toujours particulièrement agréable de redonner vie — ne serait-ce qu’un peu — à un auteur oublié. Ce texte a paru dans le Mercure de France de mai 1904, donc treize mois après l’arrivée du Mercure de France à cette adresse.

Virgil Josz, né en 1859, spécialiste de l’art du XVIIIe siècle (comment voulez-vous qu’il ait survécu ?), est mort 45 jours après la parution de son texte, à l’âge de 45 ans, d’une néphrite chronique. Ce texte est évidemment l’un des derniers qu’il ait écrit, avant toutefois « Quelques notes sur les écoles gratuites de dessin au XVIIIe siècle » parues dans le Mercure de juillet 1904 (page 243), en même temps que sa nécrologie, page 282, que nous pourrons lire ici en annexe I.

Un matin de mars dernier, je descendais la rue de Condé. Un brouillard flottait, brume lumineuse où s’imprécisaient les lignes des maisons, les silhouettes des passants. Au bout, dans la gaze mouvante, vers le carrefour le décor venait mieux en valeur que de coutume, le décor si adroitement planté des petites rues et de la placette1. Au « un » et au « deux » les boutiques s’allongeaient en portants chatoyants ; le rideau de fond tremblait, dans la reculée, avec ses fenestrages d’autrefois, ses arabesques de fer forgé, ses bouts de moulures, la découpure de ses toits, tous ses détails amusants ; de la rue des Quatre-Vents2, côté jardin, sortit, poussée par une vieille femme, une petite voiture de légumes qui, aussitôt, s’arrêta pour ne dépasser le pan coupé ; côté cour, de la rue Monsieur-le-Prince, vers le boulevard, glissa une lourde farinière encapeluchée d’une bâche paysanne3, — tandis que, tenant le milieu du pavé, s’avançait d’un pas alerte le premier rôle, un jeune homme bien pris dans sa veste noire boutonnée jusqu’au col, le pied fin cerclé par le bouillonnement du pantalon, le chef couvert d’un feutre aux bords rigides et assez espagnols… Je m’étais arrêté quelques secondes à goûter cette réalisation, et je pensais, mélancoliquement, que pas un, parmi nos plus malins metteurs en scène4, n’arriverait à donner cette chose si simple, ce coin de ville surpris dans la lumière et dans la vie, — que le jeune homme bien pris, le premier rôle, était devant moi et me demandait en me saluant :

En descendant la rue de Condé, arrivée au carrefour de l’Odéon. À gauche, la rue des Quatre-vents.
Image Street view.
— Le logis du Mercure de France5 S’il vous plaît, Monsieur ?
J’aperçus, seulement alors, que le malheureux avait un manuscrit sous le bras… Premier rôle, lui ! Ah, non, par exemple ! Tout au plus un second comique, une utilité… Je lui indiquai, gravement, le « logis » où il voulait se rendre, le pauvre !
Cependant, il avait eu un joli mot : le logis du Mercure de France… Et, certes, le Mercure ne pouvait avoir qu’un logis, que le logis qu’il lui fallait, en cette rue où, dans la poussière et l’eurythmie des rives, on touche encore de la main le marteau de la porte de Sourdiac, de la porte de Machelet de Vélye6, de celle de François de La Chapelle, de celle de Lucile Desmoulins7… La rue de Condé est restée, n’est-ce-pas ? la rue de ceux-ci, et de bien d’autres qu’il est inutile que je nomme, dont les noms sont sus de tous8.
La rue de Condé9
Les murs qui abritent maintenant le Mercure si anciens qu’ils soient, ne sont les premiers murs de la rue de Condé qui entendirent d’amères et d’amènes discussions littéraires. Bien avant eux, au bord de ce chemin tracé dans le clos Bruneau et qui menait des Chartreux à la porte Saint-Germain10, sur l’emplacement de la maison voisine11, s’élevait vers 1539, le Cheval d’Érain, une hoirie12, maison, grange, jardins entourez de murs, » où déjà on disputait fort sur le divin pourpris13, sur Cupido14 et aussi sur les Luthéristes et les « cardeurs de Meaux15 » ; le Cheval d’Érain16, le logis que François Ier donne à Marot17 « pour ses bons, continuelz et agréables services » ; le Cheval d’Érain, entre l’hôtel de Gondi18 et l’hôtel de Picquigny19, une retraite hors les murs, baignée de silence et d’ombre, où le maître en élégant badinage perd le meilleur de son temps et de son esprit, s’essouffle, halète et s’embarrasse à écrire ses illisibles psaumes :
Qui au conseil les malings n’a esté…
OU
Miséricorde au povre vicieux…
Marot s’en ira mourir loin de sa maison, l’enceinte de Philippe-Auguste20 tombera, le faubourg s’enclavera dans la nouvelle enceinte, Bourbon, le vieux ligueur, s’y bâtira le palais magnifique de Saint- Germain-des-Prés, Savoie, Montpensier, Luxembourg, Gondi feront à l’entour s’embesoigner les délicats et fastueux architectes parisiens, les clos et les vignes disparaîtront, et les cerisaies, et les jardins discrets aux allées bordées de laitues fleuries ; la veuve de Henri IV(21) achètera les terres, les maisons à sa convenance entre la rue de Vaugirard et le couvent pour qu’un huguenot lui bâtisse une superbe demeure, — et voilà le lieu-dit mué en quartier de la ville… Il fait bon être ici, maintenant.
Charles Testu
C’est pourquoi messire Charles Testu, chevalier, capitaine du guet, jette les yeux sur cette petite « place à bas tir » qui existe encore rue de Condé, « un peu plus haut, vers le milieu ». On serait là admirablement. L’endroit cadre avec la dignité de la fonction : Fernand, le lieutenant particulier au Châtelet, est, tout près, rue Serpente, et le prévôt de Paris rue Gît-le-Cœur. Puis, monseigneur le Gouverneur n’habite-t-il pas rue de Tournon ? Est-ce que M. de Luynes et M. de Béringhem n’y furent pas aussi ? L’hôtel des ambassadeurs extraordinaires, tout proche, n’y a-t-il pas été choisi ? Tout ce qui a un titre, ou de l’esprit, loge en ce quartier : l’illustrissime princesse dans le palais neuf et Mme de la Fayette, l’auteur de la Princesse de Clèves au coin de la rue Férou ; sans oublier que Mignot, qui n’empoisonne pas tout le monde, a ses casseroles rue de la Harpe22 ; que Fagnot, l’écuyer de cuisine de M. le Prince, dont l’hôtel est en face, fait de très excellentes andouilles « qu’il veut bien vendre à des personnes de connoissance » ; que, près du guichet du Luxembourg, le cabaretier du Bel Air verse un certain vin paillet23 qui n’a pas son pareil, que le gendre de l’hôte, le musicien Lambert, y est toujours prêt à joyeusement vous y tenir tête ; que Glazer l’apothicaire est à la foire Saint-Germain24 ; qu’on peut, les jours maigres, aller rue Mazarine écouter les tragédies de l’Illustre Théâtre au Jeu de Paume des Métayers25… N’en voilà-t-il pas plus qu’il n’en faut pour faire délaisser la rue du Chevalier-du-Guet26 elle-même, à laquelle on avait, tout d’abord, assez justement pensé, — le fameux Robert Miron27 ne l’avait-il pas autrefois choisie ? n’en voilà-t-il pas assez pour légitimer un choix ?
Messire Testu soigna la maison qu’il fit édifier. Je veux dire que, s’il ne la voulut luxueuse, il la fit solide. La bâtisse semble, sous le rapport de « l’agrément », se ressentir de l’automne du grand règne, de la fin du grand siècle. Peut-être, aussi, le capitaine était-il simple en ses goûts, ou, plus vraisemblablement, n’avait-il, ou ne voulut-il sacrifier les milliers et les milliers de livres indispensables. Quoi qu’il en soit, il obtint de son maçon la demeure honnête et assez cossue, mais sur la façade de laquelle nul fleuron ne joue à l’œil des passants. Ni trop petite, ni trop grande, couvrant entièrement le terrain assez exigu, à part la courette qu’il fallait bien ménager pour le puits, l’écurie, le dégagement du « petit corps de logis en aile pour les domestiques », d’un aspect sobre et quelque peu sévère, quatre fenêtres de façade, des fenêtres sans agrafes ni mascarons, deux étages et une mansarde de quatre croisées, une porte cochère à l’arc peu haut, les jours du logement du portier soigneusement grillés, c’était tout à fait la demeure d’un officier d’épée préposé à la garde de la ville.
Les papiers jaunis, les parchemins à l’ambre chaud, doux et glissants sous les doigts comme de souples lames d’ivoire, tous ces grimoires où les lignes sillonnent, pressées, verbeuses, sonores, ennuyeuses et confuses formules, proses d’huissiers de clercs ou de greffiers, tous ces grimoires, atteints enfin après quelle chasse ne m’ont fait connaître quels temps heureux, ou malheureux, le dit Charles Testu passa dans son logis neuf de la rue de Condé. Mais ce que je sais parfaitement, c’est qu’en mourant il légua sa maison28 à dame Louise Cautelle, son épouse, laquelle, par un testament en bonne et due forme daté du Ier mars 1668, la donna en usufruit à sa sœur Charlotte Cautelle, « comme unique héritière ou légataire particulière ».
Louise et Charlotte Cautelle
Louise meurt ; Charlotte hérite29.
Et voici qu’un nouvel acte m’apprend que la « demoiselle Charlotte Cautelle, veuve de Adrien Dubosc de Cauquéraumont » étant morte le 19 mai 1700, la maison passe « ainsi que les maisons voisines » à sa fille, « demoiselle Marie-Angélique Dubosc de Vitermont, à la suite d’un partage avec les sieurs Vitermont de Coquéraumont, ses frères. »
Cette maison, qui tombait deux fois en quenouille30, ne devait être longtemps la propriété de Marie-Angélique qui, entrée en jouissance le 19 mai 1700 mourait six mois après, presque jour pour jour, le 18 novembre31. À la suite d’un partage encore « entre messire Alexandre Dubosc de Coquéraumont père, de la défuncte », et « messire Adrien Dubosc, chevalier, frère de la défuncte », ce dernier devient légitime propriétaire de l’hôtel de la rue de Condé.
Adrien Dubosc
Messire Adrien Dubosc semble avoir eu quelque importance. Est-ce un Parisien qui, mesurant très intelligemment ses forces, ses facultés, et surtout son crédit, méprisant vite sa ville, s’en est allé en province s’édifier une personnalité certaine ? Est-ce un produit de terroir, est-ce le gentillâtre32 bouffi de son titre, hobereau outrecuidant et superbe que la maintenue du plus mince privilège, du droit le plus vain, trouve prêt aux pires actions ? J’avoue n’avoir ici mené très loin l’enquête, le personnage me suffisant ainsi, sans plus de caractéristiques. Normand ou Français, ce qu’il y a de certain c’est que « ledit Adrien Dubosc, chevalier, seigneur de Vertamont et autres lieux, baron, haut justicier de Garancières, seigneur et patron de Grosseuvre33 », quittait, en novembre 1710, son château de Garancières où il laissait dame Catherine de La Luzerne, son épouse, prenait la poste à Évreux et, par Bonnières, Nantes, Triel et Nanterre, gagnait Paris. Son porte-manteau « acquitté, à la barrière34 », la meute mise en défaut qui le guettait au marchepied du coche, la meute graisseuse et au gosier sonore des enrôleurs-gargotiers, notre homme court s’établir à l’hôtel d’Auvergne, non loin des Augustins, sur le quai même. Il n’est à Paris pour journoyer35 : cette hoirie, rue de Condé, ne lui tient autrement ; il vient pour en réaliser le prix. À cet effet, il lie partie avec maître de Clersin, notaire au Châtelet, — et en moins d’un mois, exactement le 20 décembre, il signe le contrat de vente.
Antoine Augé et Legendre d’Armény
Les acquéreurs « maître Antoine Augé, avocat au Parlement, conseiller du Roi, secrétaire des finances de S.A.R. Mgr le duc d’Orléans, et dame Antoine de Vincent son épouse », ne gardent longtemps l’immeuble ; ils le cèdent en 1713 à Legendre d’Armény36-37
Dans la suite des propriétaires de la maison, ce dernier a droit à une place à part : avec lui, l’espèce prend, de suite, infiniment plus d’allure. Celui-là porte beau et n’a pour la première fois toisé son vendeur que dans la boutique poussiéreuse du tabellion. Il est, très certainement, des Marlys, des Fontainebleaux et des Trianons ; il suit les « heureuses » qui vont aux soupers « très parées, en chaise de poste du roi, avec deux pages, de l’Écurie, à cheval et portant des flambeaux », il les suit en « habit de velours singulier » ; il a le ton, il a l’air, il a la démarche, l’esprit nécessaires : c’est un familier.
Est-il apparenté à ce Legendre, fils d’un marchand rouennais, qui avait une figure « qui intéressoit les dames », à ce Colandre à qui Louis XIV refusa un régiment ? Je ne sais. Mais il a su se ménager dans la banque et dans les fermes de précieuses amitiés. C’est tout à fait quelqu’un ; il préside à des assemblées d’actionnaires, dresse des règlements, souscrit des billets, reçoit des comptes, fait des répartitions, signe des ordonnances, arme et fait partir des vaisseaux : Joseph Legendre d’Armény, écuyer, est directeur général de la colonie française de Saint-Domingue.
Aussi, l’achat de la maison de la rue de Condé n’est-il qu’une bagatelle pour ce personnage qui habite, lui, vers la chaussée d’Antin, dans le quartier aux spéculations, rue Neuve-des-Capucines, en bordure des boulevards un délicieux hôtel au milieu d’un jardin superbe. Un peu plus tard, vers 1740, nous le retrouverons place des Victoires… Le jour même où Me Lamboye dressait la minute de l’acte d’achat de la propriété de la rue de Condé, le 3 mars 1713, « par devant Me Lambon, notaire, et son confrère », Legendre d’Armény faisait immédiatement une « déclaration » au profit de « demoiselle Angélique-Françoise-Maxime de la Motte d’Aulnoye38, fille majeure, pour sa vie durant, de l’usufruit et jouissance de la dite maison ».
Angélique de la Motte d’Aulnoye
Voilà bien, n’est-ce pas, le geste galant du protecteur à « l’objet de son inclination », le don qu’on fait à la « friponne », à la « jolie », la surprise sous la forme d’un rouleau de parchemin glissé au fond d’un sac de pralines. Et, il était du directeur général de Saint-Domingue de donner Mme de Sabran pour voisine à sa maîtresse, Sabran qui habitera cette même rue de Condé pour être près, très près de la duchesse de Berry…
Legendre d’Armény portait « d’azur à la bande dentelée d’or chargée de trois papillons de sable », armes charmantes qui disaient la majesté royale et la beauté suprême, la richesse, la pureté et la force, — mais aussi, les ailes des trois papillons, l’affliction, l’étourderie et l’inconstance…
Et la catastrophe se produisit du fait de Me Nicolas Dixq, marchand-banquier à Paris, rue Neuve et paroisse Saint-Merry, à qui il reste dû 3 000 livres sur 4 000, et qui, las d’attendre, dès 1736 faisait saisir par Jacques Drouard, procureur, assisté de Joseph-Nicolas Laferrne, huissier à verge au Châtelet, et de son confrère Laurent Hybanel, rue Troussevache, 4 792 livres 2 sous de rentes appartenant à son créancier39.
Ce premier acte fut le signal ; les hésitants se décidèrent. Et voici Jean d’Albert de Luynes ; Jean de Durfort, marquis de Duras ; le duc et la duchesse d’Aumont, légataires de Mme de Verrue ; Godefroy de La Rye, chevalier de justice des ordres royaux ; le marquis Duguesclin, premier gentilhomme de la chambre de M. le duc d’Orléans ; et voici le premier valet de chambre de la reine Pierre Dubreuil et Jacques Brion l’écuyer secret du roi ; et des fermiers généraux comme Lallemand de Betz et Léonard Duchâtel, et ce qui reste des Crozat : dame Marguerite Legendre, veuve d’Antoine Crozat, marquis de Mouy ; Louis-François Crozat, marquis Duchâtel ; Antoine Crozat, marquis de Tugny, et Crozat, baron de Thiers ; et Gueffier, receveur général des finances, M. de Torpannes, conseiller au Parlement, et Me François Vander Monde, médecin de la Faculté, voici tous ces gens considérables que suivent et des bourgeois de Paris, et la gueusaille harpaillante de gens du petit, tailleurs, orfèvres, tapissiers, maçons, menuisiers, couvreurs, bouchers… jusqu’à une « demoiselle Bessin, veuve de Jean Fosse, marchand à Pontoise » !…
C’est la fin.
François, puis Charles du Perier
Par sentence de décret du Châtelet de Paris, le 6 juillet 1740 on vend la maison de la rue Neuve-des-Capucines 280 000 livres, et on adjuge celle de la rue de Condé à Me François Chevalier, marquis du Perier, demeurant rue des Poulies, hôtel de Créquy, pour la somme de 40 500 livres40. Mlle de La Motte d’Aulnoye n’habitait plus rue de Condé depuis longtemps.
Sur ce du Périer rien d’intéressant, pas plus que sur Charles-Philippe, son fils, à qui la maison passe par héritage. Si ce n’est, toutefois, que le 31 janvier 1763 « après midy », ce dernier se rencontre rue Saint-André, vis-à-vis la rue Pavée, dans l’étude du notaire Boulard, assisté de son confrère Laideguive, syndic de la compagnie, et qu’il vend le 26 de la rue de Condé « tenant la dite maison d’un côté au Sr La Chapelle, de l’autre côté du Luxembourg au Sr Le Rebours et par devant sur la dite rue de Condé et par derrière tant audit de La Chapelle qu’au Sr Ducellière et autres », — moyennant la somme de 44 000 livres, que lui payera « Marie Julie Caron41, fille majeure, demeurant à Paris, rue Saint-Denis, à ce présente et acceptante pour elle, ses héritiers et ayants cause ».
Marie, puis Augustin Caron
Marie Julie Caron, c’est cette fille d’un horloger de la rue Saint-Denis, qui, avec ses sœurs, Lisette, Fanchette, Bécasse et Mlle Tonton, chérira particulièrement « Pierrot, le frère charmant », — et c’est pour le compte de ce frère-là qu’elle vient d’acheter l’immeuble de la rue de Condé42.
Seulement « Pierrot » est devenu « messire Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, écuyer, conseiller du roi, lieutenant général au bailliage et capitainerie de la Varenne du Louvre, Grande Vennerie et Fauconnerie de France… ». Ceci, pour quelques-uns. Pour d’autres, il est, après une histoire d’invention43, l’horloger du roi, mais surtout celui de la belle Marie-Catherine Aubertin, femme de Franquet, contrôleur de la Bouche, le harpiste de Mesdames, l’homme que Louis XV assied dans son propre fauteuil, le courtisan redouté, craint et jalousé déjà, l’homme qui va partir pour l’Espagne, prenant à résoudre autant d’affaires contraires et difficiles que son cerveau peut en tenir, l’homme qui entame la longue et formidable intrigue qui emplira sa vie, ce débat qu’il soutiendra avec une verve une adresse, un courage et une force incomparables, l’homme-à projets, le brasseur d’affaires qui semble souvent ne cabaler que pour le bizarre et l’imprévu du résultat, ce spéculateur qu’on dirait poussé par une curiosité de dilettante avide surtout de connaitre le point faible, la riposte non calculée, joueur attiré par ce qui subsiste de mystérieux, quand même, dans l’intrigue la mieux ourdie,— l’homme enfin qui s’arrête, de temps à autre, entre un protêt et une assignation, une balance de compte et un devis, pour écrire un étincelant chef-d’œuvre.
En cette pointe du faubourg, Beaumarchais n’a pas à regretter ses derniers domiciles, celui en la maison de M. Tuillier, premier commis de M. de Boulogne, trésorier général de l’Extraordinaire des guerres, celui de la rue Basse-du-Rempart44. Il est à deux pas de la Varenne du Louvre45 et de ses amis ; puis, il n’est pas seul en ce quartier : il s’en faut de beaucoup ! Il a de très charmantes voisines, fort visitées, ce qui donne plus d’une fois au futur auteur de la malheureuse Eugénie46, l’occasion d’une rencontre piquante et d’un bonjour amusant. Autour de lui, des vieilles tuileries de Vaugirard47 à l’Estrapade, les rues se ponctuent d’exquises petites maisons, de garnis « tapissés en bonbonnières », où étaient, où devaient venir, et la Saint-Germain, et Burck la belle angloise, et la demoiselle Belleville, et la d’Herbigny, et la Saint-Hilaire, et Mme de Longwy, et Mme d’Hautefoy, et la Dangeville, et Mme de Perrecourt, et la princesse de Robecq… et combien d’autres ! qui firent toutes, celles-ci et celles- là, s’empresser, courir, brûler le pavé, et, — qui sait ? — rêver peut-être avant que de surprendre la « charmante », rêver le long des clôtures sous l’auvent des branches, rêver ces amoureux très avertis redevenus très jeunes : Hamilton et Jonzac, Stainville et d’Aumont, Gouy et Sermezeel…
La rue où il vient de choisir sa demeure n’est très marchande, depuis Rousseau le bonnetier dont la boutique tient l’angle de la rue des Cordeliers jusqu’à celle de Mme Bosse, dont l’épicerie s’érige au tournant de la rue du Petit-Lion48 ; si on y lit l’enseigne célèbre À la Source des bons Castors d’une chapellerie fameuse49, à peu d’exceptions près les rez-de-chaussée sont bourgeois. La pulsation est ici modérée ; non que ce soit le grand calme de plus haut, le calme de l’entour du clos des Chartreux ou des Ursulines : c’est quelque chose de plus vivant, mais d’infiniment moins agité que le hourvari de la ville même. Ici, on peut à sa fantaisie, et dans un temps court, gagner les champs ou de la cohue ; c’est le chemin naturel des flâneurs qui, le matin, vont se montrer au Luxembourg dans l’allée qui conduit aux Carmes50, et le soir dans la Grande Allée ; c’est, avec la rue de Tournon, la voie que suivent les chaises et les carrosses qui gagnent ou quittent le palais, — et voilà plus qu’il n’en faut pour créer un mouvement appréciable et nécessaire.
Si la maison n’a rien de remarquable, si elle est dépourvue extérieurement de la rocaille capricieuse et élégante d’un Gillot, des courbes spirituelles d’un Meissonnier, s’il la trouve greffée du troisième et bâtard étage dont d’Armény l’a gratifiée, si l’escalier est étroit, la cour exiguë, l’écurie et la remise assez peu commodes, les appartements, pour n’être très grands, sont assez ingénieusement distribués. Mais, surtout, la situation est merveilleuse. De l’autre côté de la chaussée, c’est le mur bas qui relie l’hôtel de Condé aux bâtiments des communs et, des salons et des chambres la vue plonge sur le jardin51 encore à l’ancienne mode, le jardin majestueusement fleuri et dessiné comme une mosaïque, le jardin mettant, très bas sur le sable d’or, la découpure multicolore et gaufrée de ses arabesques de grande broderie superbe où les roses de Hollande, les juliennes, les jasmins, les œillets et les tubéreuses chatoyaient, épandaient les vaguelettes de leurs senteurs entre des palissades d’herbes fines et de myrtes, en avant des treillages d’architecture, des filées d’orangers et du grand bruissement lourd de la haute futaie qui ne s’arrêtait qu’à la rue Monsieur-le-Prince52.
La tradition veut que Beaumarchais, qui toute sa vie fut assez peu chez lui, fit cependant poser, comme pour mieux s’accouder à savourer cette vue, les petits appuis forgés qui se voient aux fenêtres : c’est son chiffre mis sur la maison. Ce chiffre n’est guère élégant, certes, et il ne l’a demandé à Vallée, son voisin, à ce Vallée qui forgeait de si galantes potences pour enseignes, de si incroyables pilastres pour balcons et qui grava même Mme Loison53 en Vénus… Qu’importe ! son monogramme est encore là entre les lourdaudes petites fleurs de fer… Ainsi le veut la tradition.

Cet appui est banal, et Beaumarchais avait infiniment de goût. D’autre part, le dessin de l’arabesque est du XVIIe ; et, quelle que soit la routine des artisans, on imaginait autre chose vers 1763. Puis, changer ainsi toutes les ferrures, voilà un travail relativement important qui correspond plus à une réfection considérable qu’à des réparations locatives et partielles : cet À ne serait-il celui de d’Armény, qui haussa certainement la maison d’un étage et changea maintes choses ? Est-il l’A de Mlle d’Aulnoy ou celui d’Auger, l’avocat au Parlement ?… Il n’en est pas moins celui qui timbrait la façade du logis des « bonnes gens de la rue de Condé ». Ces bonnes gens : l’horloger, les sœurs, une cousine, vivant là joyeusement, grassement même, le père Caron, celui, qui, comme son fils, se mariera trois fois, ayant soin de se tenir, malgré la maladie, dans une « saine gaieté », ne boudant à table chez lui ou chez le traiteur où il retrouve bonne compagnie, les sœurs et la cousine recevant, acceptant des invitations, « rendant les politesses qu’on leur fait », allant souvent à la Comédie, Julie tenant la bourse et présidant aux dépenses pendant les absences de son frère.
Tout ce monde loge aisément dans la nouvelle maison : les deux étages supérieurs suffisent aux chambres ; au second sont les appartements du maitre ; au premier, son salon, son bureau et, à gauche de l’escalier, un délicieux « cabinet rose » à deux issues « chacune sur un escalier différent », une manière de boudoir très petit, prêt pour l’intrigue, le colloque rapide, le mot vite dit, la confidence faite, j’allais écrire l’aveu, cette petite pièce restée, non sans quelque parfum avec sa pénombre et son plafond rococo, et où était, auprès de la cheminée, l’armoire dans laquelle le lieutenant-général de la Varenne du Louvre, serrait les papiers « qui regardaient la chasse ». Au rez-de-chaussée, non loin des cuisines, une gaie et claire salle à manger a été installée. Si on n’oublie le portier, ceux qui occupaient le bâtiment des domestiques et les communs, on avouera que, dans un si petit espace, la vie de tous ces êtres devait parfois mettre un bourdonnement de ruche.
Beaumarchais habitera cette maison de longues années, la quittant pour des courses folles, des aventures qui tiennent du roman, y revenant vivre des heures tragiques, gaies, y revenant pleurer, rire le plus souvent, y revenant s’y replier en brèves méditations toujours suivies de résolutions vives ; la délaissant pour la prison, la Cour ou le « prétoire », s’y remettant des émois, des luttes et des apothéoses glorieuses du théâtre. Maintenant, l’histoire du 26 de la rue de Condé sera l’histoire même de Beaumarchais. Et, cette dernière a été excellemment écrite, n’est-ce pas ? Seulement, dans leurs ouvrages, beaux, ingénieux et savants, les érudits commentateurs n’ont, un seul instant, et c’est fort légitime, raccourci leur vue, limité leur champ d’observation, ramené sans cesse plus près leur horizon, ne se plaçant jamais de manière à mettre, dans leurs perspectives, l’immeuble et l’homme sur le même plan. Et de cela on ne saurait trop se réjouir quand on connaît leurs études, bien souvent définitives54… Cependant, il naît parfois de cette déformation qu’ils négligèrent des jours curieux, des déductions inattendues… M’aidant de quelques documents inédits, ou très oubliés, comme l’on voudra, je vais, à certains moments de la touffue chronique qu’est la vie du père de Figaro, tenter cette mise au point particulière. Non dans la téméraire pensée de projeter une lumière nouvelle sur une figure si complètement et si scrupuleusement étudiée, mais dans le désir de suivre à travers le XVIIIe siècle ces murs bâtis par messire Charles Testu, capitaine du guet, ces mêmes murs qui abritent maintenant le Mercure de France.
Ce matin de printemps, ayant achevé de délicater son corps, ainsi qu’elle aimait tant à le faire, ayant revêtu une preste robe d’avant-midi, une seule mouche piquée à l’aventure, une mante puce bridée sur les épaules, ses petits pieds chaussés d’élégants souliers blancs où miroitaient des boucles d’émail, souliers blancs dont les hauts talons de bois faisaient un si joli martelage sur les carreaux, la belle Mme Buffault sortit de la boutique de son mari, marchand de soie rue de la Monnoye à l’enseigne des Traits Galants, monta dans une vinaigrette55 et se fit conduire 26, rue de Condé. Est-elle brune ou blonde ? Porte-t-elle le teint de couvent, a-t-elle mis de l’eau-de-chair56 ou seulement de la poudre ? Est-elle pour le ruban rayé, pour le « fagot de fleurs », pour le chignon « à la grecque » ? Combien a-t-elle d’amants ?… Il n’y a de certain que son dépit d’être fille de cuisinière et femme de marchand, que ses airs de petite maîtresse, le soin qu’elle a, pour se décrasser, de se frotter aux gens à talents57.
Pour le reste, je ne sais. C’est la belle Mme Buffault.
Le heurtoir retombé, Julie demandée et accourue, c’est, après les premières paroles, Beaumarchais qu’elle veut voir. Lui ? Pourquoi ? Il travaille : faut-il vraiment le déranger ?.. La visiteuse insiste. Beaumarchais, assez ennuyé, descend dans le petit cabinet rose, avec, sans doute, au front le peu engageant « sourcil plissé du frondeur », car, dit un témoin de sa vie58 :
… il parut tel qu’un solitaire occupé de toute autre chose que des agréments de la société, les cheveux épars, la barbe longue, le visage allumé par la méditation.
— Eh ! mon ami, à quoi vous occupez-vous lorsqu’une très aimable femme, veuve depuis peu, recherchée déjà par plusieurs aspirants, pourrait vous préférer ? Sa fortune est considérable, elle arrangerait la vôtre, et elle-même trouverait en vous ce qui vaut mieux que toute son opulence, un excellent mari. Je dois aller demain matin me promener avec elle dans cette allée écartée des Champs-Élysées qu’on appelle l’allée des Veuves. Montez à cheval, vous nous y rencontrerez par hasard, vous m’aborderez et vous verrez si vous vous convenez.
Pendant le couplet, l’ennui de Beaumarchais se dissipa… Et ce fut avec les plus, aimables remerciements qu’il reconduisit la belle, Mme Buffaut jusqu’à sa chaise.

L’allée des Veuves a bien changé depuis et est devenue la partie de l’avenue Montaigne vers la Seine. La partie plus proche de l’avenue des Champs-Élysées était l’allée des Soupirs.
Document d’origine inconnue.
Le lendemain, près de l’heure dite ; intrigué mais sûr de lui sur un cheval d’Espagne qu’il a choisi en, connaisseur59, un cheval aux allures naturelles et parfaites, Beaumarchais, très en selle, faisant montre d’un élégant accord de la main et des jambes qui eût ravi le chef d’académie le plus méticuleux, suivi d’un valet juché sur un limousin, Beaumarchais pénétrait dans ces Champs-Élysées, théâtre de tant de comédies et de combien de drames, promenade des bourgeois, rendez-vous, des Parisiens qui ont à pratiquer, — les Champs-Élysées, luzernières où paissent des ânesses et des vaches, marais d’où émergent des chaumes moussus, cultures entrecoupées de guinguettes et de laiteries, terres et prés sabrés des grandes allées nouvellement plantées par Marigny60, et qu’éclairent, de places en places des lanternes, sommées de grosses fleurs de lys de cuivre.
Après le Louis XV romain de Bouchardon61, le cavalier remonta l’avenue des Tuileries62 ; à la hauteur de la maison de Tournehem et des jardins de l’hôtel d’Évreux63, il s’engagea dans l’allée des Soupirs : au bout, vers la Seine, dans l’allée des Veuves, un carrosse croisait lentement, une manière de diable assez élégant… Un petit, temps de pas raccourci, une pirouette à gauche dans laquelle son cheval prit de l’avantage, puis un air près de terre, imprévu et charmant, et voilà la voiture gagnée, tournée, et dépassée,
Ici, si nous reprenions notre auteur64 ?
La beauté du destrier, la bonne mine du cavalier prévinrent en sa faveur. Quand on le vit de plus près, Mme B… dit à sa compagne qu’elle le connaissait. Cette rencontre inopinée, fortuite, comme celle d’Émile et de Sophie65, produisit une impression d’autant plus vive. Ces voiles, ces crêpes, ces vêtements de deuil faisaient ressortir plus avantageusement la blancheur du teint et la beauté de la jeune veuve. Beaumarchais monta bientôt dans la voiture de ces dames, et comme nul auteur ne dialoguait mieux au théâtre, nul homme ne répandait plus de sel et de grâce dans la conversation, si elle ne fut d’abord qu’un jeu d’esprit, elle devint intéressante par degrés, et finit par être attachante. On ne voulut plus se quitter de toute la journée. Beaumarchais proposa à ces dames, de venir dîner chez lui. Mme B… y fit consentir la jeune veuve après plusieurs refus.
Alors, il renvoya son domestique et son cheval dont il n’avait plus besoin. C’était un signal convenu avec sa sœur afin qu’elle se préparât à recevoir les dames, dont l’une était entièrement inconnue.
Et voilà que Beaumarchais réunit à sa table, dans la salle à manger de la rue de Condé, avec son père et ses sœurs, la belle Mme Buffault et son amie connue aux Menus-Plaisirs66 dont Buffault est fournisseur, — son amie qui n’est autre que la fille d’un menuisier de Paris, née sur la paroisse Saint-Roch, rue des Moineaux67, mais aussi la veuve de Lévêque le garde magasin général des Menus, Lévêque qui vient de mourir laissant une fortune considérable, en plus d’un fonds de diamants et de pierreries estimé 120 000 livres, ce fonds qui servait dans Psyché68 à la légendaire décoration du palais de Vénus69.
Ah ! le joli repas que ce fut ! et, pour l’hôte cette fois, quelle folle journée que cette journée de printemps commencée avec la verdure tendre, les bourgeons, le miroir gai de la rivière, et qui s’achève aux bougies, parmi les blancheurs, les éclats et les feux de l’ordonnance du grand couvert de la rue de Condé, au milieu du fumet fin des plats et du pétillement des vins mousseux, dans la joie de tous, dans la joie surtout précieuse de ces deux belles créatures aux lèvres fraîches et aux yeux brillants.
Et, ce que brutalement nous appellerions aujourd’hui les espérances, sur ce fond soigneusement posé, comme s’enlèvent, heureusement en valeur, ces lignes encore de l’ami70 :
La table dispose à la confiance, le cœur s’ouvre et s’épanche ; ils n’en étaient point sortis, que, déjà sûrs l’un de l’autre, ils ne formaient plus que le vœu de ne point se séparer. Ils se marièrent au mois d’avril…
Tout de même, si le mari n’avait été Beaumarchais, il se fût, certainement, quelque peu fâché après les noces. Assez justement, je crois, il eût été causer quelque scandale aux Traits galants et s’emporter contre la belle Mme Buffault, pour l’avoir entraîné dans une telle aventure, — car il fallut vite rabattre des pierreries fameuses et de la fortune du bonhomme Lévêque le garde magasin71 !
De très bonne heure, un jour de novembre 1770, Tronchin monte l’escalier de la maison de Beaumarchais ; il vient éveiller le mari imprudent, qui, « par excès d’attention72 », dort dans le lit de sa femme malade… de sa femme qui meurt à quelque temps de là, « emportant dans la tombe ses rentes viagères, beaucoup moins regrettables que sa personne ». Le « témoin de sa vie » ajoute immédiatement : « Son mari se trouva encore une fois dénué de fortune73. »
Voilà qui est bien vite dit. À ce moment, à part les tracas de ce compte Duverney qui va engendrer quelles procédures et quels effroyables incidents ! Beaumarchais possède une vingtaine de mille livres de rentes qui lui permettent de vivre assez honnêtement et, dans le calme relatif qu’il goûte, de composer des parades comme ce Jean Bête74 qu’il jouera avec une de ses sœurs et Dugazon, à Etioles, pour la fête de Lenormant, et des opéras-comiques comme ce Barbier de Séville75 que les comédiens italiens viennent d’avoir l’esprit de refuser76.
Mais, surtout, Beaumarchais vient de rencontrer Gudin77.
Gudin est assurément un des plus remarquables familiers de la rue de Condé. On lit quelquefois le livre de Gudin. Mais on ne voit pas assez Gudin ; on ne connaît pas Gudin… Dans l’ombre de Beaumarchais, il y a Gudin.
Et Gudin est infiniment curieux, et Gudin est beaucoup plus étonnant que son livre.
Jamais « Clair de lune » ne fut plus complet. Fils d’horloger, protestant, Genevois d’origine, autour de l’athlète ce petit homme malingre gire, s’empresse, se remue incroyablement avec des contorsions et des airs d’un comique achevé. Nous avons Caron de Beaumarchais ; nous aurons Gudin de la Brennellerie, — il fera de son frère un caissier de son nouvel ami, et ce Gudin-là sera Gudin de la Ferlière. Gudin verra Voltaire, oh ! le pèlerinage à Ferney était indispensable, et, au retour, à Paris, il écrira d’insignes tragédies, Clytemnestre ou la mort d’Agamemnon refusée par les comédiens ; Lothaire et Valrade ou le Royaume en interdit, jouée à Berlin et brûlée à Rome, Hugues le Grand, qui devait avoir le sort mélancolique de Clytemnestre et un Caïus Marius Coriolan ou le Danger d’offenser un Grand Homme, qui sombrera lamentablement. Il écrira encore beaucoup d’autres choses qu’il ne faut oublier, deux opéras-ballets dont les sujets sont au moins imprévus, Lycurgue et Solon, une Histoire de France, des contes, licencieux seulement, hélas ! Graves observations sur les bonnes mœurs faites par le Frère Paul, ermite des bords de la Seine, encore un Essai sur le progrès des arts et de l’esprit humain sous le règne de Louis XV, enfin un Caroléïde ou Napliade qui sera sa Henriade78…
Si vous jugez cela insuffisant, il y a ses concours académiques, ses tentatives électorales, son Supplément au Contrat Social, fatras redondant et vide qui devait lui valoir, assez naturellement, les honneurs de l’Institut79.
On pressent le personnage : très médiocrement intelligent, d’une finesse relative et d’une grande application ; ambitieux et, parfois, d’appétit modeste ; simple et inopinément orgueilleux, aimant à faire l’important, mais ayant aussi une très saine frayeur des risques et des coups. Il est facile d’imaginer l’excellent parti que Beaumarchais devait tirer d’un tel comparse, rencontré pour la première fois chez une de ses sœurs et jugé vite, tandis que le malheureux déclame les alexandrins héroïques de sa Conquête de Naples. Il usera largement du quidam, le faisant courir du nord au midi, le chargeant des missions les plus diverses, l’accablant des besognes les plus curieuses, et obtenant toujours du factotum ce qu’il en attendait.
Naturellement Gudin se trouvera mêlé à l’aventure héroï-comique, dont les péripéties majeures, retentissantes et si hautes de gestes ont pour décor l’hôtel de la rue de Condé, à l’époque même de la mise en œuvre du Barbier de Séville.
Donc, le 11 février 1773(80), après être sorti de son cabinet « par l’ordre de sa mère », Gudin musait dans Paris et passait près du logis de Mlle M***, de la Comédie Italienne.
Mlle M*** n’est autre que Mlle Ménard81. Grimm82 va nous la présenter :
Mlle Ménard a débuté sur le théâtre de la comédie italienne, dans les rôles de Mme Laruette83, qui est allée aux eaux de Spa pour sa santé, et que nous ne verrons reparaître sur la scène que l’hiver prochain. Mlle Ménard a joué Lucine, Rose84, la petite pupille dans On ne s’avise jamais de tout85, et d’autres rôle de ce genre ; mais le rôle dans lequel elle a le plus réussi c’est celui de Louise dans le Déserteur86 : on convient assez généralement qu’elle l’a le mieux joué qu’aucune de nos actrices les plus applaudies et qu’elle y a mis des nuances qui ont échappé à Mme Laruette et à Mme Trial87. Elle a moins réussi dans les autres, et on peut dire qu’elle a joué avec une inégalité vraiment surprenante. Elle s’est fait beaucoup de partisans ; les auteurs, poètes et musiciens sont dans ses intérêts : malgré cela, M. le maréchal de Richelieu88, Kislar Aga89 des plaisirs du public, c’est-à-dire des spectacles de Paris, ne veut pas même qu’elle soit reçue à l’essai ; il sait mieux que nous ce qui doit nous faire plaisir pour notre argent. La voix de Mlle Ménard est de médiocre qualité ; elle a eu un mauvais maître à chanter ; et si elle persiste dans sa mauvaise méthode, son organe deviendra aigre et glapissant ; mais avec de meilleurs principes et apprenant à gouverner sa voix, son chant pourra devenir assez bon pour ne pas déparer son jeu. Quant à celui-ci, elle a d’abord l’avantage d’un débit naturel et d’une prononciation aisée ; elle ne parle pas du crâne et de la petite octave, comme Mme Laruette et Mme Trial. Sa figure est celle d’une belle fille, mais non pas d’une actrice agréable. Mettez à souper Mlle Ménard, fraîche, jeune, piquante, à côté de Mlle Arnoud90, et celle-ci vous paraîtra un squelette auprès d’elle ; mais au théâtre ce squelette sera plein de grâce, de noblesse et de charme, tandis que la fraîche et piquante Ménard aura l’air gaupe91. Elle m’a paru avoir la tête un peu grosse, et la carcasse supérieure de ses joues est un peu trop élevée, ce qui empêche que le visage ne joue. On a beaucoup parlé de la beauté de ses bras ; ils sont très blancs, mais ils sont trop courts et ont l’air de patte de lion. En général, sa figure est un peu trop grande et trop forte pour les rôles tendres, naïfs et ingénus, comme sont la plupart des rôles de nos opéras-comiques. S’il faut dire ce que je pense de son talent, je crois qu’il sera plutôt le fruit de son application que d’un naturel heureux ; mais une étude continuelle et opiniâtre peut aussi lui faire faire des progrès prodigieux : Mme Laruette a été au théâtre plusieurs années sans se douter d’aucun de ces rôles ; elle en joue aujourd’hui plusieurs avec une grande finesse. Je suis donc de l’avis du public, qu’il faudrait recevoir Mlle Ménard à l’essai. Elle paraît être capable d’une grande application. On prétend que son premier métier a été celui de bouquetière sur les boulevards ; mais que, voulant se tirer de cet état qui a un peu dégénéré de la noblesse de son origine, depuis que Glycère vendait des bouquets aux portes des temples à Athènes92, elle a acheté une grammaire de Restaut93, et s’est mise à étudier la langue et la prononciation françaises, après quoi elle a essayé de jouer la comédie. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, pendant son début, elle s’est adressée à tous les auteurs, musiciens et poètes, pour leur demander conseil et profiter de leurs lumières avec un zèle vraiment infatigable et une docilité qui a eu pour récompense les applaudissements qu’elle a obtenus dans les différens rôles qu’elle a joués. M. de Péquigny, aujourd’hui duc de Chaulnes94, protecteur de ses charmes, ou en style vulgaire son entreteneur, l’a fait peindre par Greuze95 : ainsi, si nous ne la conservons pas au théâtre, nous la verrons du moins au Salon prochain.
Le duc de Chaulnes, sorte de colosse aux poings solides et au caractère violent, était une façon de demi-fou qui émailla sa vie des extravagances les plus sottes, des querelles les plus saugrenues et aussi parfois d’étonnantes curiosités, qu’éveillait en lui, aux moments de calme et de lucidité, un goût très prononcé « pour les sciences physiques et naturelles ». Gudin consignera :
Obligé de sortir du royaume, il avait employé le temps de son exil à faire un voyage scientifique. Il avait visité les Pyramides, fréquenté les Bédouins du désert, rapporté plusieurs objets d’histoire naturelle et un malheureux singe qu’il assommait de coups tous les jours.
Le duc s’était lié avec Beaumarchais, lui avait présenté sa maîtresse. Imprudence : « Un des plus grands torts que j’aie connus à Beaumarchais, avoue Gudin, c’était de paraître tellement aimable aux femmes qu’il était toujours préféré ; ce qui lui faisait autant d’ennemis qu’elles avaient d’aspirants à leur plaire. » Dès que le duc se douta de l’inévitable préférence que Ménard accorde à son nouvel ami, « il brutalisa cette jeune femme et ne témoigna que du refroidissement pour son heureux rival ; ils cessèrent de se voir ».
Il y eut, entre les deux hommes, plus d’une altercation à propos de cette belle. Ce billet de Beaumarchais à Chaulnes est très symptomatique :
Mme Ménard m’a donné avis qu’elle était retournée chez elle en m’invitant de la voir comme tous ses autres amis, quand cela me ferait plaisir… Vous cessez de la tourmenter, j’en suis enchanté pour tous deux, je dirais même pour tous trois si je n’avais résolu de faire abstraction de moi dans toutes les affaires où l’intérêt de cette infortunée existera pour quelque chose… En vous parlant de Mme Ménard, j’oublie mes injures personnelles… Je passe encore sous silence la scène horrible pour elle et dégoûtante entre deux hommes, où vous vous êtes égaré jusqu’à me reprocher que je n’étais que le fils d’un horloger… Vous avez exigé pour son propre intérêt que je ne la visse pas ; comme on n’est point déshonoré d’obéir à une femme, j’ai été deux mois entiers sans la voir et sans aucune communication directe avec elle, elle me permet aujourd’hui d’augmenter le nombre de ses amis…
Gudin passe donc près de la maison de l’actrice. Il y a quelque temps déjà qu’il n’a revu Mlle Ménard ; il se dit qu’à cette heure elle doit être seule, que, très certainement, ni Chaulnes, ni Beaumarchais ne sont là, qu’il apprendra peut-être quelque piquant détail, qu’il est impossible qu’il ne soit bien accueilli. Et il monte. Mlle Ménard est encore couchée. Qu’importe ! Il sait qu’il sera reçu. Il l’est en effet. On le fait entrer dans la chambre, on lui pousse un fauteuil près du lit, et voilà qu’il s’installe en familier, s’apprêtant, en dépit des piaillements qui s’élèvent du berceau et du va-et-vient de la camériste, à faire l’intéressant, l’attentionné, à écouter ou à dire quelque badin propos.
Il s’est bien trompé. À peine a-t-il pris place que la beauté s’éplore, fond en larmes, se désespère : les violences du duc semblent maintenant ne plus connaître de bornes, sa jalousie contre Beaumarchais est à l’extrême. Il vient d’entendre ce début peu engageant, que le duc survient et demande, — assez innocemment, — la cause des larmes.
Ici, il me faut citer le texte même du compte-rendu, au lieutenant de police :
Mlle Ménard. — Je pleure, et prie M. Gudin d’engager M. de Beaumarchais à se justifier des propos ridicules qu’on a tenus contre lui.
Le duc. — De quelle nécessité de justifier un coquin comme Beaumarchais ?
Mlle Ménard. — C’est un très honnête homme.
Le duc. — Vous l’aimez ! Vous m’humiliez ! Je vous déclare que je vais me battre avec lui !
Sur ce, Chaulnes disparaît. Les deux femmes se désespèrent sur un ton plus aigu ; Ménard saute du lit… C’est à ce moment que Gudin, qui était allé se cacher96, rentre et « crie à ces femmes éperdues » :
— Je cours chez Beaumarchais ! J’empêcherai ce combat !
En effet, il court rue de Condé. En chemin il croise, rue Dauphine près du carrefour Bussy, Beaumarchais se rendant, dans sa voiture, à la Varenne du Louvre. Il se « précipite » au-devant des chevaux, les arrête, monte à la botte97 et crie à son ami :
— Le duc de Chaulnes vous cherche et veut vous tuer !
— Il ne tuera que ses puces ! réplique le lieutenant du bailliage.
Le cocher touche. Gudin, abasourdi, regagne la place Dauphine où il demeure… Au moment où il monte les marches du Pont-Neuf98, il se sent tiré violemment par la basque de son habit :
… Je tombe renversé en arrière. Je me vois dans les bras du duc de Chaulnes, qui, usant de sa force presque gigantesque, m’enlève comme un oiseau, me jette dans un fiacre, lui ordonne de poursuivre sa route et me demande où est Beaumarchais.
— Si je le savais, je ne vous le dirais pas dans la fureur où vous êtes.
— Je vous y contraindrai bien. Si vous me résistez, je vous donnerai mille coups.
Il y a deux versions de la suite. Je prends la plus à effet :
— Vous ne m’assassinerez peut-être pas ?
— Non, je ne tuerai que ce Beaumarchais, et quand je lui aurai plongé mon épée dans le corps, quand je lui aurai arraché le cœur avec mes dents, cette Ménard deviendra ce qu’elle pourra !…
Ici, il se servit de termes exécrables.
Puis le duc reprend Gudin à partie :
Si vous me résistez, je vous donne un soufflet.
— Je vous le rendrai, Monsieur le duc.
— À moi, duc et pair !
— Quand il s’agit de violence et de voie de fait, tous les hommes sont égaux !
Et voilà la scène de la perruque :
À cette assertion il voulut me prendre aux cheveux et n’enleva que ma perruque.
La scène devint alors aussi ridicule qu’elle avait été extravagante. Les passants s’arrêtent et se mettent à rire. Je reprends mon couvre-chef de ses mains demeurées en l’air ; j’ajoute que, s’il ne cesse ses violences, j’appelle la garde et le fais conduire chez un commissaire qui jugera de quel droit il ose attenter à ma liberté.
Il se contient alors, et nous arrivons en nous querellant vivement, à la porte de Beaumarchais.
Cet arrêt rue de Condé, c’est le salut. Tandis que Chaulnes descend d’un côté et va heurter, Gudin qui en a assez, Gudin « écorché à la gorge, au cou, au menton et à l’oreille », Gudin s’élance par l’autre portière et retourne chez lui « par des chemins détournés ».
Comment Chaulnes, dépité, ne rencontrant Beaumarchais courut à la Varenne du Louvre ; quel scandale il y causa à la stupéfaction de Marcouville le lieutenant en robe courte et de Vinerais l’inspecteur des chasses ; quel sang-froid superbe opposa le lieutenant général à cet énergumène qui voulait « sur-le-champ le tuer, lui déchirer le cœur et boire son sang tant il en avait soif » ; à la suite de quelle convention les deux hommes allèrent chez le comte de La Tour du Pin chercher une épée qu’ils ne trouvèrent pas et en rapportèrent un sage conseil qu’ils ne suivirent qu’à demi ; après quelle originale, narquoise et folle invitation à dîner ; Beaumarchais ramena son adversaire dans sa voiture, — voici des phases sur lesquelles je n’épiloguerai pas.
L’essentiel est que nous retrouvions rue de Condé les protagonistes de cette héroïde99.
Les voilà, tous les deux, dans le cabinet du premier étage. L’un hérissonné, sourd à toute parole qui n’a trait au duel, l’autre commençant froidement l’entretien d’où va sortir enfin, il l’espère, une solution acceptable, lorsque le fou aperçoit sur une table, une mauvaise épée de cour oubliée par Beaumarchais avant son départ pour le Louvre.
Celui-ci, alors, calme et suivant de l’œil tous les mouvements de son ennemi, le saisit corps à corps, et l’enveloppe de ses bras avant qu’il eut achevé de tirer hors du fourreau l’épée qu’il venait de saisir.
Et c’est le colletage, tels deux crocheteurs, le colletage parmi les meubles qui se renversent, les cris étouffés, les jurons, le colletage au cours duquel Chaulnes agite inutilement son épée sans pouvoir s’en servir, écorche au visage Beaumarchais, qui, « moins fort mais plus maître de soi, le pousse vers la cheminée, saisit un cordon de sonnette. Le père Caron, les domestiques accourent ; ceux-ci, voyant leur maître assailli, les cheveux arrachés et le visage en sang veulent assommer le duc ».
Déjà, à cette intention, le cuisinier a saisi une respectable bûche, que le forcené est entraîné vers la porte, et bientôt jusqu’à l’escalier qu’incontinent il descend assez vivement. « Le taureau tombe et roule avec mes gens », a écrit Beaumarchais.
Au moment précis où ce grotesque culbutis s’étalait sur le pavé de l’entrée, du dehors on frappait violemment. Peut-être au nom du roi ?… Un frisson secoue ces diables, subitement un petit silence se fait ; quelqu’un va ouvrir.
Dans l’entrebâillement de la porte, une maigre et inquiète silhouette se dessine : Gudin. « Encore un qui ne sortira pas d’ici ! » hurle le duc, en saisissant l’auteur de la Napliade100 et en le faisant trébucher à l’intérieur.
Et la mêlée recommence.
Les femmes, affolées, dans l’impossibilité de sortir, crient, se désespèrent aux fenêtres, ameutent les voisins, appellent les passants ; en bas le possédé s’excite de plus en plus ; la vue de Beaumarchais, qui est descendu, l’exaspère tout à fait : il veut absolument l’occire. Alors la valetaille se rue à nouveau sur le furieux. C’est un colosse : il blesse le laquais à la tête, coupe le nez au cocher, troue une main au cuisinier ; chaque assistant attrape un horion : Gudin seul n’a rien, et pour cause. Il s’est fort prudemment terré en quelque coin.
Ce n’est absolument sa version ; dans son récit, c’est lui qui, dans l’élégance et la petitesse de sa taille, désarme l’hercule : « Je saisis la main de ce furieux, qu’on désarme avec peine. »
Se voyant sans épée, Chaulnes veut courir à la cuisine chercher un couteau.
« Je monte chercher une tenaille de foyer, » rapportera Beaumarchais.
Dans la cuisine, le duc ne voit plus son adversaire, mais aperçoit les préparatifs du souper… Et une inattendue diversion se produit. Tout à coup, redevenu calme, il entre dans la salle à manger, la petite salle basse très voisine de la porte de la rue, se met gravement à table et se fait, servir une grande assiettée de soupe et des côtelettes qu’il mange tout en buvant deux carafes d’eau.
Tandis qu’il dépêche si congrûment le menu préparé par une de ses victimes, on frappe de nouveau à la porte, cette fois au nom du Roi ! C’est Chenu, le commissaire101.
Le magistrat a à peine pris le temps de saluer et de formuler une première question que Beaumarchais reparaît. Tout se gâte. Le duc, redevenu immédiatement furieux, se jette sur son ennemi à coups de poings ; Chenu a grand’peine à lui faire entendre raison : il ne cesse le pugilat que pour rentrer dans la salle à manger « se donner des coups de poing et s’arracher les cheveux », — tandis qu’on apporte une épée que le maître de la maison avait envoyé chercher chez l’armurier, une épée qui ne servira pas plus que celle que, le lendemain matin, le père Caron lui donnait en l’accompagnant de ces paroles qui semblent une réplique de la Mère coupable une apostrophe d’un des vieillards de Greuze :
— On n’a, aujourd’hui que de mauvaises armes ; en voici une qui m’a servi dans un temps où l’on se battait presque tous les jours ; prends-la, mon fils, et partout où tu rencontreras ce maraud de duc, tue-le comme une bête enragée.
Enfin Chenu triomphe : Chaulnes demande un peignoir, se fait « raccommoder sa frisure » par un des valets qu’il a estropié, monte dans sa voiture et retourne chez lui ; Gudin, qui a repris ses esprits, jette des notes hâtives, et Beaumarchais délivré s’habille et va souper chez Lopes, le maitre d’hôtel du roi, où il lira le Barbier et chantera des séguedilles… Et « les cinq griffes enfoncées dans les yeux », et « le visage ruisselant de sang » ?… Les écorchures de Beaumarchais se cicatrisaient vite.
Gudin courra chez M. de Sartines, se rencontrera avec Chaulnes à l’amphithéâtre de la Comédie, subira un nouvel assaut et de nouvelles menaces, écrira à son ami, ne se souciant trop de reparaître rue de Condé où il fait facilement chaud en ce moment… et le surlendemain, La Vrillère transformera les arrêts que Beaumarchais garde dans sa maison en un emprisonnement au For l’Evêque, — ces arrêts pendant lesquels un jeune homme est venu, Richelieu ou Broglie, frère d’une « très grande dame », redemander un portrait et des lettres, portrait et lettres de la princesse Pignatelli ou de Charlotte Amélie Salbigothon, princesse de Broglie102.
Et Mlle Ménard ?… Elle est allée, la pauvre, se jeter aux pieds de M. de Sartines103 pour lui demander sa protection ; elle le suppliera :
Monsieur,
Quelque témoignage de bonté que vous m’ayez fait connaître en me prenant sous votre protection, je ne peux vous dissimuler mes alarmes et mes craintes ; caractère de l’homme violent que je fuis m’est trop connu pour ne me pas faire redouter un avenir qui seroit aussi funeste à lui qu’à moi. Pour m’y soustraire et le sauver de son jaloux transport, je suis absolument résolue à mettre au couvent. Quel que soit mon asile, j’aurai l’honneur de vous en informer. J’ose vous supplier qu’il soit pour lui inaccessible. Je joindrai cet important bienfait à la reconnaissance dont je vous suis pénétrée d’avance pour vos offres de services. J’y compte si fort, qu’à l’abri de votre autorité et sous votre nom j’ai déjà placé une fille au couvent de la Présentation où, dès ce soir, M. l’abbé Dague m’a fait le plaisir de la conduire. Daignez, Monsieur, protéger également la mère et l’enfant, qui, après Dieu, mettent toute leur confiance en vous, confiance qui n’a d’égale que les sentiments respectueux avec lesquels j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble et très obéissante servante.
Ménard.
Sartines mande alors « Dugué, l’aîné, prêtre, cloître Notre-Dame104 », et le charge de trouver une retraite pour la mère. Ah ! le digne abbé est fort embarrassé. Le voilà avec une fille de théâtre à caser chez les sœurs. Sa peine n’est pas petite. On ne veut, nulle part, de sa protégée … Enfin il trouvera une place, au faubourg Saint-Marceau, chez les Cordelières de la rue de l’Oursine105-106, mais après combien de délicates questions « qu’il a fallu éluder ou essuyer »…
L’affligée recluse ne restera là que deux semaines ; elle ne peut supporter davantage le couvent : il lui faut le bruit, le mouvement, l’air, la vie, la liberté, le théâtre les chansons et les soupers, l’intrigue, les querelles et les baisers… Chaulnes est enfin à la Bastille : elle s’évade…
Beaumarchais lui dépêchera une lettre, dont voici le ton très curieux :
… J’apprends, Mademoiselle, que vous êtes sortie du couvent aussi inopinément que vous y êtes entrée… Croyez-moi, ma chère amie, retournez dans le couvent où l’on dit que vous vous êtes fait chérir. Pendant que vous y serez, rompez le ménage inutile et dispendieux que vous tenez contre toute raison : le projet qu’on vous suppose de remonter au théâtre est fini ; il ne faut vous occuper qu’à tranquilliser votre tête et rétablir votre santé. Enfin, Mademoiselle, quelles que soient vos idées pour l’avenir, elles ne peuvent ni ne doivent m’être indifférentes. Je dois en être, instruit, et j’ose vous dire que je suis peut-être le seul homme dont vous puissiez accepter des secours sans rougir. Plus il sera prouvé par votre séjour au couvent que nous n’avons pas de liaisons intimes, et plus je serai en droit de me déclarer votre ami, votre protecteur, votre frère et votre conseil.
Beaumarchais.
À la sortie des Cordelières, assez tôt on ne sait plus rien de la jolie Mlle Ménard ; son personnage s’embrume pour presque dans le même temps s’effacer, disparaître, se perdre, — comme se perdent sans retour, si vite, si complètement, si lugubrement, les galantes d’hier que la débauche d’en-bas dévore.
Après la bataille rue de Condé, voici l’exode. Le procès La Blache107, la condamnation, et Beaumarchais rompt sa maison et va habiter rue Portefoin108. Julie se retirera dans un couvent, son père109 chez une de « ses anciennes amies »… C’est chez une de ses sœurs, « logée dans le voisinage du palais », que lui-même apprendra le verdict de blâme, — car le voilà noté d’infamie et bien près de la mort civile. Mais ce terrible jouteur se tirera de l’impasse. Au reste, c’est un triomphe ; Conti et Chartres110 s’inscrivent chez lui et après eux combien d’autres !
Au milieu de ces témoignages qui affluent, — son exil au Marais n’a guère duré, et il est vite revenu habiter rue de Condé, — voici que Marie-Thérèse-Émilie Willer Mawlaz vient lui apporter le réconfort de ses vingt ans et de sa beauté111 : « Or, dans cet épouvantable orage, la célébrité de Beaumarchais attira sur lui les regards d’une femme douée d’esprit et de faculté, d’un cœur sensible et d’un caractère ferme, propre à le soutenir dans les combats cruels qu’il avait encore à livrer. »
Ce n’est plus, cette fois, la belle Mme Buffault qui s’entremet ; la belle Mme Buffault vient de mourir affreusement défigurée par la petite vérole… C’est « par la harpe112 » que la troisième Mme de Beaumarchais rencontra celui « qu’elle brûlait du désir de voir ». Le harpiste de Mesdames n’eut grand’peine à achever de séduire cette Lilloise amoureuse et musicienne ; et, il est très amusant, n’est-ce pas, d’assister à la sérénade de Beaumarchais, de voir le calculateur, le blasé, le héros de tant d’aventures surprenantes, penchant la console fleurie, appuyant contre son épaule le grand instrument aux longues cordes qui vibrent mélancoliquement, pinçant, avec des airs de tête, de « ces accords doux et tendres qui vont droit à l’âme », tandis qu’en son émoi profond sa victime pantelle… Peut-être ne faut-il trop sourire, peut-être est-il sincère, le roué, — peut-être est-ce Louis XV prononçant le nom de la princesse de Robecq113 et « rougissant comme un enfant et devenant cramoisi »…
Beaumarchais, porté par la foule de la Grand’Chambre114 jusqu’à sa voiture, c’est la réhabilitation et la maison de la rue de Condé rouverte à tous : le défilé est ininterrompu. Et quelles rencontres, quels saluts, chapeaux clabeaux et à l’androsmane115 ; quels froissements, fracs116 et redingotes en chenille117, ne vit pas l’escalier étroit et malaisé : « les particuliers le consultaient sur tous leurs projets ; les acteurs lui apportaient leurs pièces de théâtre, et il en refaisait quelquefois les plans. Les mécaniciens lui présentaient leurs machines ; les infortunés lui demandaient des conseils et des secours ; les hommes à projets l’entrée chez les ministres ou les fonds, sans lesquels rien ne prospère ».
Pendant un court voyage de Beaumarchais à Nantes et à La Rochelle, un soir, inquiet, affolé, Gudin fait irruption rue de Condé … Il vient, en « grands vers », de célébrer la victoire de son ami, et cela a mal tourné. Imprimée dans le Courrier de l’Europe, l’épître a été lue par les membres du Grand Conseil qui se sont empressés de décréter l’auteur de prise de corps… Mme de Beaumarchais, qui est seule, se soucie peu de voir la maison envahie une fois de plus par la police : aidée de deux amis, elle convainc Gudin qu’il ne peut rester céans, — et, à la nuit close, par des rues détournées, il se rend au Temple, lieu d’asile.
Là, notre homme, qui eût accepté toutes les retraites pour échapper à ses poursuivants, cohabitera avec une fille « perdue d’honneur et de débauche », une drôlesse, une aventurière tarée, mégère que le chantre de la Caroléide mue immédiatement en « une femme fort belle et de beaucoup d’esprit », femme délicieuse avec laquelle il marivaude facile- ment, puisqu’il trouve « chez elle l’asile le plus doux que jamais homme décrété ait rencontré dans le monde. Elle était au Temple pour ses dettes, et nous ne cessions pas de rire en pensant que nous logions ensemble, elle par décret du Châtelet et moi par décret du Grand Conseil. Cela nous parut si gai que, le lendemain, nous l’écrivîmes à M. de Sartines, qu’elle connaissait beaucoup. Nous lui envoyâmes d’assez drôles épigrammes que nous faisions ensemble sur mon affaire… »
De retour à Paris, Beaumarchais met fin à cette idylle imbécile en allant chercher le nigaud et en le ramenant rue de Condé… Gudin sera pardonné, reprendra ses courses, ses sautèlements, ses impairs, ira à Londres où la terrible chevalière d’Éon lui montrera ses jambes, assistera à la transformation de l’Hippopotame en Fier Rodrigue118 qu’on arme en guerre et en marchandises, manquera à Bordeaux « l’escadre qu’il veut voir et tous les préparatifs d’une campagne militaire » », indiquera pour la Folle Journée une morale « plus sensible » avec la même conviction qu’il dira aux ministres : « Lorsqu’un gouvernement sage veut réformer de grands abus sans employer le sabre des janissaires ou le cordon des muets119, que peut-il faire de mieux que d’y préparer par de bons écrits ou par de bonnes plaisanteries ? »
Le bonhomme sera encore assis à la table de l’auteur triomphant du Mariage de Figaro120, le soir où le commissaire Chenu, qui connaît le chemin de la maison ! fait demander Beaumarchais. Celui-ci descendra dans son cabinet, tandis que ses convives attendront anxieusement son retour. Chenu lui apprendra que, par ordre de Louis XVI, Le Noir121 l’envoie, non à la Bastille, For l’Évêque est détruit122 et Vincennes supprimé123, mais à Saint-Lazare124… Et ce sera encore dans le salon, dans le cabinet rose, dans les chambres un indicible émoi, car on pose les scellés125…
Puis, tandis que le maitre de la maison est emprisonné avec les ivrognes, les libertins, les abbés infâmes et les fous, c’est sous l’œil curieux, parmi les commérages des voisins qui en racontent long sur l’hôtel sans cesse bouleversé, c’est à la porte une ininterrompue affluence, de laquais venant inscrire leurs maîtres, princes et maréchaux de France, marquis et comédiens…
Dans trente ans on rira des critiques de ce temps-ci, comme on rit des critiques de ce temps-là. Quand elles étaient bien amères, on les nommait des Philippiques. Peut-être un jour, quelque mauvais plaisant coiffera-t-il celles-ci du joli nom de Mirabelles…
À ceci, il y a une riposte :
Tels furent nos motifs, et peut-être ne sont-ils pas dignes du siècle où tout se fait pour l’honneur, pour la gloire, et rien pour l’argent ; où les chevaliers d’industrie, les charlatans, les baladins, les proxénètes n’eurent jamais d’autre ambition que la gloire, sans la moindre considération de profit ; où le trafic à la ville, l’agiotage à la Cour, l’intrigue qui vit d’exactions et de prodigalités n’ont d’autre but que l’honneur, sans aucune vue d’intérêt ; où l’on arme pour l’Amérique trente vaisseaux chargés de fournitures avariées, de munitions éventées, de vieux fusils que l’on revend pour neufs, le tout pour la gloire de contribuer à rendre libre un des deux mondes, et nullement pour les retours de cette expédition désintéressée… où pour faire un peu de bruit on change le Théâtre français en tréteaux et la scène comique en école de mauvaises mœurs ; on déchire, on insulte, on outrage tous les ordres de l’État, toutes les classes des citoyens, toutes les lois, toutes les règles, toutes les bienséances, dût-on en trouver enfin dans la main exécrable du despotisme la palme du martyre qui devrait être réservée aux grands talents, aux grandes vertus, mais que rencontre quelquefois même, l’impudence…
Pourquoi cet assaut de véhémences ? Est-ce bien parce que les actions de la compagnie des Eaux, les actions des frères Périer126 sont montées de 1 200 livres à 4 000 pour retomber infiniment plus bas que le premier cours, et « que leur chute ne les a pas portées au prix pour lequel avaient parié Panchault et Clavières127 » ? Est-ce bien pour cela ?
Non. La cause est plus simple. Un homme est venu rue de Condé, un homme qui a tournoyé dans combien de bourrasques, mais que l’orage n’a pas abattu, un homme qui a été condamné à avoir la tête tranchée, qui a traduit Boccace et écrit les Lettres de cachet128, un homme qui a lancé combien de fulgurants pamphlets, un homme qui, à son gré, révolutionne, stupéfie ou séduit les gens, Mirabeau, dans la vie de qui Sophie129 a passé, qui est rentré à Paris avec « sa hollandaise », et qui monte demander douze mille livres à Beaumarchais.
— Il vous serait aisé de me prêter cette somme.
— Sans doute. Mais, Monsieur le comte, comme il me faudrait me brouiller avec vous le jour de l’échéance de vos effets, j’aime autant que ce soit aujourd’hui. C’est douze mille francs que je gagne.
De là les Mirabelles, — et, d’autre part, « cet homme que ses libelles avaient rendu si redoutable, chargé aujourd’hui de la haine publique ».
Ici, les derniers loisirs de Beaumarchais se marquent par les vers de Tarare130 :
Calme ta fureur Altamor
Ce sombre feu quand il s’allume
Détruit les forces, nous consume ;
Le guerrier en colère est mort…
la sombre histoire de Tarare le janissaire, d’Atar le superbe « sultan d’Ormuz et de tout l’Orient », du grand vizir Osaïm, d’Amélie, de Fatima et de Chandagor. Cette histoire que Saliéri131 devait mettre en musique fut là échafaudée, comme y fut conçue la machinerie de l’épilogue de plus tard, où la Nature et le Génie du feu apparaissaient sur les plaines de l’Immensité. Le 8 juin 1787 on affichait la première, le public « assiégeait toutes les avenues de l’Opéra », — dont la belle Mme Buffault avait fait son mari co-directeur132, — et dix-huit jours après, par sentence du Bureau de l’hôtel de ville de Paris, l’auteur achetait un terrain abandonné sur les anciens remparts, non loin de la Bastille, dans ce coin de Paris où flottaient les souvenirs de Ninon, de Cossé, de Quélus, de Sévigné et de Marion de Lorme. Au milieu des arbres rares d’un jardin à l’anglaise, peuplé de statues, de grottes, de temples, de rochers, de ponts, de tous les agréments au goût du jour, Moine le jeune bâtira à Beaumarchais la fastueuse demeure aux appartements riches, aux boudoirs galants, aux grands salons133, le salon d’hiver peint par Hubert-Robert134, — la demeure nouvelle qu’il a voulue dans la hâte, maintenant, de changer le décor de sa retraite, ce décor usé, trop plein de souvenirs, d’échos, murs trop bavards à son esprit et à ses yeux avides de calme, avides de choses neuves, imprévues, reposantes, la demeure fastueuse d’où, le lendemain du Dix Août, il s’évadera par le souterrain qui aboutit rue du Pas-de-la-Mule135…
Et puis, rue de Condé, le vis-à-vis charmant n’était plus ; l’hôtel de Condé démoli, le parc rasé, le terrain loti, on traçait des rues, on élevait un théâtre136, et cet immense chantier est un enfer où se débat un monde, terrassiers, maçons, tailleurs de pierres, charpentiers, parmi les décombres, les fondrières, les lourds fardiers137 qui charrient tout le jour… Là-bas, à l’ombre de l’antique donjon138, devant les longues charmilles du boulevard, au milieu des jardinets du faubourg, le silence et le repos sont grands. Du moins, pour quelques mois encore…
Joseph Faure et ses successeurs
Beaumarchais mort, le 15 messidor an IX, le juge tenant l’audience des criées du tribunal de première instance, adjuge, moyennant 2 400 francs, la maison « située à Paris rue de l’Égalité ci-devant Condé139, près de l’Odéon, faubourg Saint-Germain » à de Sainte-Marthe, avoué, qui enchérissait pour le citoyen Joseph Faure, tribun, demeurant à Paris, cloître Saint-Benoît, division des Thermes140-141.
Pendant près d’un siècle, le logis s’embourgeoise ; ceux qui l’habitent ont l’extrême chance de ne défrayer la chronique : ils vivent l’ignorée, heureuse et enviable vie ; ils n’agissent pas : ils regardent, ils spéculent et ils glosent. Ce sont eux qui badaudent, questionnent, s’enquièrent, s’informent : ils sont la foule, ils sont les curieux, — et ils voient de leurs fenêtres, ce jour de mars, ils voient dans la nuit qui tombe cet homme qui saute de ce cabriolet, l’éclair de ce coup de feu rayer le crépuscule, cet autre homme qui roule, mort, et ce forcené sur lequel les argousins se jettent : Cadoudal142…
Désormais, aucun nom à citer, — jusqu’à celui de M. Robert de Bonnières143, qu’il y aurait mauvaise grâce à oublier.
Maintenant le Mercure tient la maison entière, ce Mercure de France où le jeune Caron devait publier sa première prose… Aujourd’hui, le pavé de l’entrée s’encombre de caisses de livres à la couverture timbrée du caducée ; dans la salle à manger qui vit Chaulnes dévorer le souper de l’auteur du Mariage de Figaro, le concierge préside et veille ; les murs de la grande pièce du premier étage sont compartis de casiers où les éditions méthodiquement se rangent ; c’est le miel en rayons : dans l’angle, le grillage de la caisse met sa note claire et grave. Dans le bureau à côté du petit cabinet rose, les rédacteurs ont leurs cases144, les auteurs font leurs services. Tout le jour, par l’étroit escalier, c’est la théorie des courtiers et des coureurs de librairies ; et résonne le pas pesant du facteur qui a un pli chargé ou des épreuves recommandées, et se hâte l’auteur qui, un projet en tête, un manuscrit en poche, monte chez Alfred Vallette…
Et dans le cabinet du directeur, dans ce salon où il fut question et de ce meunier du moulin de Clamart qui laissait courir son chien dans les vignes, et de la Caisse d’Escompte, et de Morande, et de l’honneur de la reine, et des idées de Dugazon145, et de la Jamaïque, et de la flotte anglaise, dans ce salon qui vit s’échafauder et se défaire tant de combinaisons et de projets, s’évanouissent encore combien d’espoirs, et s’épanouissent parfois, combien de joies…
Virgile Josz
ANNEXE I
Nécrologie de Virgile Josz146
Virgile Josz. — Notre collaborateur Virgile Josz est mort le 16 juin, à Paris. C’est avec un sentiment de douloureuse surprise que ses nombreux amis du monde des lettres, des arts et du théâtre ont appris cet événement en apparence subit. Quelques jours avant sa mort, on avait vu Virgile Josz en parfait état de santé, et il avait apporté lui-même au Mercure l’article d’art ancien qui figure dans ce numéro147. En réalité, notre ami souffrait depuis deux ans d’une néphrite chronique qui, ces derniers mois, avait pris, durant les crises, un tel caractère de gravité qu’une issue fatale était désormais à prévoir. S’il s’était soigné, il aurait probablement gagné quelques années ; mais il négligeait tout régime et, le surmenage aidant, le progrès de la maladie fut rapide. À la dernière crise, des accidents d’urémie se produisirent ; il fut emporté en trois jours. Il avait quarante-cinq ans.
Josz appartenait à une vieille famille huguenote française, qui avait émigré en Hongrie, où le nom de Josse s’était transformé en Josz. Les émigrés ne tardèrent d’ailleurs pas, là-bas, à redevenir catholiques, et ils occupèrent des situations importantes. Une légende qui a cours dans la famille, et qui repose, parait-il, sur des données historiques assez sérieuses, veut même qu’un de ces ancêtres, durant une époque de troubles, ait été pendant vingt-quatre heures roi de Hongrie. Le fait est que notre ami, dans son allure, ses façons, son aspect physique et son caractère, avait vraiment quelque chose du magnat. Son père, ingénieur distingué, qui, né à Trieste, avait la nationalité autrichienne, avait beaucoup habité la France et, en 1870, il combattit sous le drapeau français. Du côté maternel, Virgile Josz tenait plus intimement encore à la France, et, né à Paris, il aimait à répéter qu’il était parisien de Paris.
Nul plus que lui n’aima, ne comprit et ne sut faire revivre le génie de la vieille France. Les siècles passés, le XVIIIe notamment, n’avaient pas de secret pour lui. On a surtout connu l’artiste, le critique d’art érudit, précieux, à l’œil impeccable. Mais sous l’artiste se cachait l’historien passionné, le fureteur inlassable de documents, qu’il savait faire valoir de la façon la plus intéressante. C’est pour cela que les livres et les articles qu’il a consacrés à l’art restent avant tout de captivants tableaux d’histoire. À ce titre, ses deux livres sur Fragonard et sur Watteau, qu’il devait compléter par un Chardin, sont bien près d’être des chefs-d’œuvre, et le seul reproche qu’on pourrait leur faire, c’est l’accumulation même des détails, de ces détails d’un pittoresque parfois infime, mais qui n’en avaient pour lui que plus de valeur, chacun d’eux constituant une trouvaille, étant le résultat d’une recherche souvent longue et toujours ingénieuse,
C’est dans les articles qu’il écrivit pour le Mercure de France et dont le dernier fut précisément une étude sur la maison de la rue de Condé, c’est dans sa rubrique d’art ancien toujours si curieuse, c’est dans son Watteau148 et dans son Fragonard149 qu’il faut surtout chercher la manifestation du talent si profondément original de Virgile Josz, II y a là des pages admirables : descriptions de villes, mouvements de rues, évocations de mœurs ou profils de personnages, jusqu’à de maîtresses planches d’histoire telles que la mort de Louis XIV dans Watteau.
Outre sa collaboration à notre revue, Virgile Josz avait donné de nombreux articles au Gaulois et au Figaro, ayant généralement trait à l’histoire anecdotique de Paris, suivant l’à-propos de l’actualité ; des nouvelles à la Revue Bleue et à la Nouvelle Revue ; des articles sur les salons et les expositions à l’Européen. Il avait débuté par un roman, Hans Wyll, publié par le Gaulois150.
Le théâtre, qui sollicitait vivement ce curieux de pittoresque, de décors, d’attitudes et de costumes, fut pour lui l’objet d’une constante prédilection. En collaboration avec Louis Dumur, il donna : Don Juan en Flandre, un acte, à l’Odéon, qui fut pour M. de Max151 l’occasion d’une brillante création152 ; au Nouveau-Théâtre, sous la direction de Paul Franck, Rembrandt, drame en cinq actes153, où Abel Deval, dans le principal rôle, manifesta un talent souple, complet et puissant, et où Armand Bour dessina une silhouette extrêmement originale ; au théâtre Sarah-Bernhardt, l’été dernier, le Maquignon, drame populaire (époque du Consulat), dont le second acte fut très remarqué154 ; tout récemment enfin, Ma Bergère, pièce en quatre actes, dont la première, au Théâtre-Molière, à Bruxelles, pour le premier essai de décentralisation de M. Munié, obtint un véritable triomphe155.
Outre son Chardin, qui n’existe malheureusement qu’à l’état de notes, Virgile Josz laisse, en collaboration avec Louis Dumur, deux pièces : un drame se passant à l’époque de la Régence, et une Dubarry.
Avec Virgile Josz, le Mercure de France perd un précieux collaborateur et la critique d’art un de ses représentants les plus autorisés.

1 En retrait de quelques pas du boulevard Saint-Germain, cette « placette » est ce que l’on nomme le Carrefour de l’Odéon, que beaucoup confondent avec le terre-plein recevant les escaliers du métro et la statue de Danton sculptée en 1891 par Auguste Paris. Ce carrefour de l’Odéon est formé par le départ de trois rues presque parallèles montant vers le nord (à Paris, la numérotation des rues commence à la Seine) et montant aussi la colline qui conduit au Sénat. La rue de Condé, bien sûr puis la rue de l’Odéon à droite, qui rejoint le théâtre, puis la rue Monsieur-le-Prince qui commence là dans un coude pour aller mourir dans le Saint-Michel, ce qui est une belle fin. L’endroit, agrémenté d’un marronnier, est charmant. Le « un » et le « deux » évoqués dans la phrase suivante sont deux angles de ce carrefour qui commence là, boulevard Saint-Germain.
2 Cette rue des Quatre-vents, située une largeur de boutique plus haut, ne commence pas officiellement dans le carrefour de l’Odéon mais dans la rue de Condé. « Côté jardin » indique bien la gauche, face au décor planté par Virgile Josz.
3 C’est le moment de se souvenir que ce Carrefour de l’Odéon, ainsi nommé suite à la construction de théâtre, était auparavant le Carrefour du Riche-Laboureur pour des raisons qui semblent oubliées.
4 En 1904 le cinéma a neuf ans et les metteurs en scène sont ceux du théâtre.
5 Dans ce texte, le nom des revues et des œuvres sont en petites capitales et le mot Mercure respecte l’usage épigraphique « Mercvre ».
6 Ces deux marteaux et les portes auxquelles ils sont fixés sont encore visibles aux dix et douze rue de Condé.
7 Ce n’est plus valable de nos jours que pour le numéro vingt. Le numéro 22, où habitèrent Lucile et Camille Desmoulins a perdu sa porte d’époque.
8 Virgile Josz se fiche manifestement du monde. Ce qu’il n’indique pas ici, pourtant — et l’on peut en être surpris — est que la rue de Condé est ainsi nommée que depuis 1612. Elle était avant cela rue du Clos Bruneau (nom du lieu où elle a été formée), puis rue Neuve de la Foire et enfin rue Neuve Saint-Lambert. La rue de Condé a même été renommée pendant treize ans (de 1792 à 1805) rue de l’Égalité avant de reprendre son nom actuel.
9 Tous les intertitres sont propres à cette page web et ne figurent pas dans l’original. Ils introduisent chaque nouveau propriétaire.
10 La porte Saint-Germain, en référence à l’église Saint-Germain-des-Prés, était une porte de l’enceinte de Philippe-Auguste, tracée vers la fin du XIIe siècle. Il sera plusieurs fois question ici de cette enceinte.
11 Note de Virgile Josz : « Exactement sur le terrain du numéro 30 de la rue de Condé et sur celui du 27 de la rue de Tournon. »
12 Ici, bien indivisible échu aux héritiers d’un hoir. L’hoirie est également l’ensemble des héritiers. Par exemple « L’hoirie est incapable d’agir si l’accord de l’un des héritiers fait défaut. »
13 Enceinte, clôture qui entoure un espace, le pourpris peut être aussi ce qui est entouré.
14 Cupidon. Voir, par exemple, Clément Marot (note 17) Temple de Cupido, poème.
15 Assemblée érudite réunie au début du XIVe siècle. À cette époque, toute discussion érudite était nécessairement sur des sujets essentiellement religieux. Virgile Josz cherche ici, à l’évidence, à nous montrer son savoir.
16 On ne confondra pas le nom de cette demeure avec la statue de bronze destinée à un hommage à Henri II et qui finit en statue de Louis XIII, place des Vosges.
17 Clément Marot (1496-1544), est l’un des premiers poètes français modernes. Il a été valet de chambre du roi (François Ier), ce qui était un titre honorifique. Selon l’archéologue Adolphe Berty (1818-1867), « La maison donnée à Clément Marot par François Ier est représentée aujourd’hui par celle qui porte le no 30, rue de Condé, et par une autre, située derrière, et ayant entrée rue de Tournon, no 27 ; les deux terrains sur lesquels elles sont bâties étaient réunis au XVIe siècle. J’ai pu déterminer, avec une exactitude mathématique, quel était l’emplacement de cette maison, parce que les accensements de 1581 donnent sa largeur et la distance à laquelle elle se trouvait du coin de la rue de Vaugirard. Rien, dans les dimensions indiquées, n’est changé aujourd’hui ». Source : Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français (1852-1865), librairie Droz, août 1865, page 253.
18 Vraisemblablement Jean-François de Gondi (1584-1654), premier archevêque de Paris et oncle du cardinal de Retz.
19 L’hôtel de Picquigny se trouvait rue de Tournon, qui descend « à l’arrière » du logis du Mercure de France.
20 L’enceinte de Philippe-Auguste a été érigée à partir de la fin du XIIe siècle. Sa construction s’est étalée sur vingt-cinq années. Elle a été suivie de l’enceinte de Charles V (milieu du XIVe siècle), puis de l’enceinte de Louis XIII, à la fin du seizième siècle, dont il sera question ici note 44. L’enceinte de Philippe-Auguste partait de l’actuel jardin des Plantes jusqu’aux Tuileries. Au nord, elle longeait la rue Saint-Honoré ; au sud, elle descendait en pointe jusqu’aux Gobelins.
21 Marie de Médicis.
22 « Notre hôte cependant, s’adressant à la troupe, / “Que vous semble, a-t-il dit, du goût de cette soupe ? / Sentez-vous le citron dont on a mis le jus / Avec des jaunes d’œufs mêlés dans du verjus ? / Ma foi, vive Mignot et tout ce qu’il apprête !” / Les cheveux cependant me dressoient à la tête : / Car Mignot, c’est tout dire ; et dans le monde entier / Jamais empoisonneur ne sut mieux son métier. » Boileau, Satyre III.
23 Un vin blanc léger, couleur de la paille.
24 La foire Saint-Germain [des Prés] a été voulue ou acceptée par Louis XI. Elle se tenait, selon les époques, sur deux ou trois semaines comprises entre la Chandeleur et les Rameaux. Les drapiers y étaient nombreux. Les marchands y bénéficiaient de privilèges fiscaux en échange de quoi ils ne pouvaient proposer la même marchandise sur d’autres marchés. La Révolution a mis fin à cette coutume.
25 Ce jeu de paume n’est pas celui que nous connaissons. Il se tenait aussi près de la Seine mais sur l’autre rive, au commencement de la rue Mazarine, qui sépare de nos jours le quai de Conti et le quai Malaquais. La troupe de L’Illustre théâtre, dont tout le monde a entendu parler, qui a effectivement joué dans cette salle avant de déménager pas loin de la place des Vosges, n’a existé qu’une quinzaine de mois, de janvier 1644 à mars 1645.
26 Cette rue, disparue en 1854, se trouvait, parallèlement, entre la rue Jean Lantier et la rue de Rivoli.
27 Robert Miron (1570-1641), prévôt des marchands (équivalent de maire). Ce dernier Robert Miron est le fils de François Miron (1560-1609), magistrat et lui aussi prévôt des marchands de 1604 à 1609. François Miron a sa rue à Paris et sa statue sur la façade de l’hôtel de ville (par Jean-Louis Jaley) et a laissé de plutôt bons souvenirs aux Parisiens.
28 Note de Virgile Josz : « Estant ladite maison en la censive de la manse abbatiale de l’abbaye royale de Saint-Germain-des-Près, et chargée envers ladite manse abbatiale de deux sols un denier tournois de cens par chacun an, et payables le jour de la Saint-Rémy, premier octobre de chaque année. »
29 Note de Virgile Josz : « Inventaire de Me Robusse, notaire à Paris. »
30 La locution Tomber en quenouille, sous la plume rigoureuse de Virgile Josz, est évidemment employé à son sens premier : passer par les mains des femmes.
31 Note de Virgile Josz : « Acte dressé par Me Babusse, notaire à Paris, et son confrère, le 11 juillet 1697. »
32 Gentillâtre : Gentilhomme sans fortune ou de petite noblesse (TLFi).
33 Ces deux dernières villes sont dans l’Eure.
34 Il semble s’agir d’un octroi (la barrière d’octroi), le portemanteau (en un seul mot) pouvant être un laquais ou un bagage, particulièrement un « sac cylindrique s’attachant à la selle, dans lequel le cavalier transporte des effets » (TLFi).
35 Parmi les différentes acceptions de ce verbe, le TLFi propose « Séjourner quelque part (en particulier pour y conférer) ; négocier. »
36 Note de VJ : « Contrat par devant Me Lamboye le jeune, notaire à Paris. »
37 Joseph Legendre d’Armény (ou Le Gendre, ±1683-après 1735), secrétaire des finances du duc d’Orléans en 1735, fermier général du tabac.
38 Marie Angélique, née en 1667, avait donc 46 ans.
39 Note de VG : « Une partie de 1 000 livres de rente perpétuelle au principal de 40 000 liv. sur la ville de Paris ; une partie de 500 liv., idem ; une partie de 500 liv. sur les aydes et gabelles ; de 1 173 liv, idem ; de 669 liv. 2 sous sur la Ville ; de 750 liv., idem, et de 200 livres, idem. »
40 Note de VG : « Du Périer paya son prix (45 500 livres avec les frais) en écus de 6 livres, entre les mains de Robert Sauron, “receveur des consignations du Parlement, Chastelet et autres lieux” »
41 Julie Caron (1735-1798), sœur cadette de Beaumarchais. Voici la liste de la fratrie : Vincent Caron (1723- ?), Marie-Josèphe Caron (1725-1784), Jean-Marie Caron (1726- ?), Augustin-Pierre Caron (1728- ?), François Caron (1730-1739), Marie-Louise Caron (1731-1774), Pierre-Augustin Caron, sieur de Beaumarchais (1732-1799), Madeleine Caron (1734- ?), Julie Caron (1735-1798), Jeanne-Marguerite Caron (1737-1772).
42 Note de VG : « À la date de janvier 1763, la maison est louée au Sr Devilette, par bail de 3, 6 ou 9 années, et moyennant un loyer de 2 400 livres. — Le prix de l’immeuble fut versé, « en écus de 6 livres, monnoye ayant cours », le 14 mai 1765, soit 48 983 livres 11 sols, capital et intérêts. »
43 De fait Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799) a inventé fort jeune — à vingt-et-un ans — un mécanisme dit « d’échappement ». Bien entendu face à ce jeune homme, l’horloger du roi Jean-André Lepaute (1720-1789), resté célèbre dans la profession encore de nos jours, s’est attribué la paternité de l’invention. PACB a dû se tourner vers l’académie des Sciences pour que l’invention lui soit reconnue, ce qui l’a fait connaître et lui a ouvert les portes.
44 Le rempart est ici celui de Louis XIII. Par basse on doit comprendre à l’extérieur du rempart. Cet endroit correspond, de nos jours, à la place de l’Opéra.
45 La Varenne du Louvre était un lieu de chasse, grande vénerie et fauconnerie de France, établi le 25 mars 1594 et placé sous l’autorité du Grand Veneur de la Maison du roi. Cette « grande vénerie » était subdivisée en plusieurs lieux entourant Paris mais aussi aux Tuileries. On peut imaginer que c’est de ce dernier lieu dont il est question mais peut-être Virgile Josz ne pense-t-il qu’à l’endroit où se tenait cette administration et ses amis.
46 Drame en cinq actes en prose de PACB représenté pour la première fois le 29 janvier 1767 à la Comédie-Française. Eugénie est victime d’un faux mariage, comme il s’en produisait à ces époques et dont on trouve d’ailleurs une trace dans Jacques le Fataliste, de Diderot.
47 L’actuelle rue du Cherche-Midi (anciennement Chasse-Midi) conduisait aux tuileries de Vaugirard.
48 Il y a eu plusieurs rue du Lion, des Lions, du Petit-Lion, du Lion d’or, du Petit Lion Saint-Sauveur etc. qui ont tiré, comme souvent, leur nom des enseignes qui se trouvaient là. Virgile Josz évoque ici à la rue du Lion Saint-Sulpice, disparue, remplacée, semble-t-il par la rue des Quatre-vents, dont elle devait être parallèle.
49 Les chapeaux de cette époque étaient en feutre, lui-même fabriqué par un entremêlement de poils de castors, venus du Canada.
50 L’église Saint-Joseph-des-Carmes existe encore, au 70, rue de Vaugirard, proche de (rattachée à ?) l’Institut catholique de Paris.
51 Ce n’est plus le cas. Face au 26, le 21 rue de Condé s’élève sur trois étages sur entresol plus combles aménagés et chiens assis.
52 C’est énorme. La vue traversait donc trois rues avant d’atteindre la quatrième. En effet, face au 26, rue de condé, nous avons la rue Crébillon (qui prend en biais vers le théâtre entre le 15 et le 17), la rue de l’Odéon (qui commence au carrefour de l’Odéon (note 1), la rue Casimir-Delavigne (qui, un peu symétrique à la rue Crébillon prend à droite vers le théâtre dans la rue Monsieur Le Prince), puis enfin la rue Monsieur le Prince.
53 Simon Vallée (ou de La Vallée, 1680-vers 1730). Catherine Loison, veuve Lecornu de la Boissière, gravure d’après une peinture de François de Troy de 1695.
54 Par là, le malicieux Virgile Josz signifie que ces ouvrages ne seront jamais suivis d’une autre édition.
55 La vinaigrette était dérivée de la chaise à porteurs, adaptée pour un seul porteur, complétée par des roues.
56 Cette eau de chair, sans tirets, était, semble-t-il, récupérée de la cuisson du veau.
57 Virgile Josz tire ses informations de la note de la page cinquante de l’Histoire de Beaumarchais de Paul-Philippe Gudin de La Brenellerie (1738-1812). Comme il sera souvent question de lui et que Virgile Josz le nommera tout simplement « Gudin », c’est ainsi qu’il sera aussi nommé dans ces notes. Gudin, donc, était ami, éditeur et historiographe de Beaumarchais. Cette biographie est parue chez Plon en 1888 (508 pages). Elle sera plusieurs fois réutilisée ici par Virgile Josz sans que sa source soit davantage citée.
58 Le témoin de sa vie — et l’on aurait préféré que ce soit Virgile Josz lui-même qui nous l’apprenne — est évidemment Gudin (note précédente). Cet extrait se trouve page 51. Profitons-en pour donner ce portrait de Madame Buffault relevé par Gudin dans sa note de la page 50, exploitée par Virgile Josz : « […] Madame Buffault, femme d’un marchand de soieries qui fut un moment l’un des codirecteurs de l’Opéra, mis en régie (1776). Lorsqu’elle mourut de la petite vérole, au mois d’octobre 1777, les Mémoires secrets lui firent l’oraison funèbre suivante : “C’était une des plus belles créatures de la capitale, et elle faisait bruit par cette raison, Son plus grand chagrin était d’être fille d’une cuisinière et femme d’un marchand. Elle avait fait s’évertuer celui-ci, qui, par la protection de madame Du Barry, était devenu écuyer, receveur général des domaines, dons, octrois et fortifications de la ville de Paris, et conseiller du Roi en ladite ville. Elle délicatait son corps avec une recherche singulière. Pour se décrasser, elle s’était formée une espèce de société d’artistes, de gens à talents et de lettres, et tâchait, par ses airs de petite-maîtresse, de faire oublier son extraction.” »
59 Note de VJ : « “Je suis absolument seul ; mon valet de chambre est resté à Bayonne avec un palefrenier et trois beaux chevaux d’Espagne qui doivent, à Paris, payer leur voyage et le mien,” Lettre du 2 avril 1765, à son père. »
60 Abel-François Poisson de Vandières, marquis de Marigny (1727-1781), directeur général des Bâtiments du roi de 1751 à 1773.
61 Sur l’actuelle place de la Concorde — alors place Louis XV —, peut-être à l’endroit où sera plus tard érigée l’obélisque, se trouvait une imposante statue équestre en hommage à Louis XV, figuré en empereur romain. Commencée par Edme Bouchardon et achevée par Jean-Baptiste Pigalle (oui, celui de la place Pigalle), cette statue, inaugurée en 1763 avait été hissée sur un socle imposant dû à Jean-François-Thérèse Chalgrin. Ce socle était orné à chaque angle d’une statue de bronze représentant les vertus du roi et de bas-reliefs sur les quatre faces. Malheureusement, comme souvent, entre la commande et l’achèvement, le roi était devenu très impopulaire et lors de son inauguration, le monument fut l’objet de moqueries, dont celle-ci : « Ah ! la belle statue, ah ! le beau piédestal, / Les vertus sont à pied et le vice à cheval. » Cette statue a été refondue en 1792, ce qui n’étonnera personne et remplacée par une statue de la liberté, vraisemblablement sur un autre socle.
62 L’actuelle avenue des Champs-Élysées, ainsi nommée en 1864, portait avant cela le nom d’avenue des Tuileries sur la partie comprise entre la place de la Concorde et le rond-point, où débouche, à gauche, l’avenue Montaigne.
63 Actuellement les jardins de l’Élysée. On ne confondra pas avec l’hôtel d’Évreux de la place Vendôme.
64 Paul-Philippe Gudin de La Brenellerie, déjà évoqué notes 57 et 58. Suite de l’extrait précédent, page 52 de son Histoire de Beaumarchais.
65 Note de Gudin non reprise par VJ : « Émile, livre V. » Émile ou de l’éducation « par J. J. Rousseau, citoyen de Genève », édité à La Haye chez Jean Néaulme, libraire, 1762. Émile et Sophie se marieront.
66 Les Menus-Plaisirs étaient à l’origine une branche de l’administration du service de la maison du roi, qui gérait tout ce dont a besoin une maison, royale ou non. Les opéras, par exemple, étaient systématiquement créés à la cour (selon les monarques, à Versailles, Saint-Germain ou Fontainebleau) puis ensuite représentés à l’opéra, qui se trouvait alors rue Le Pelletier. La nécessité du transport et de la conservation des décors (nous dirions de nos jours la logistique), a nécessité, au milieu du XVIIIe siècle, la construction d’un magasin proche de l’opéra, au bas de la rue du faubourg Poissonnière, qui est de nos jours le conservatoire de musique. Ces Menus-Plaisirs ont été parfois nommés tout simplement les Menus, ainsi que nous le verrons dans la note 71 de VJ.
67 Cette rue a disparu dans le percement de l’avenue de l’opéra. C’est dans cette église Saint-Roch que Paul Léautaud, né rue Molière, a été baptisé.
68 Psyché, tragédie-ballet de Molière et Corneille, avec une musique de Lully, Pléiade volume II, page 819 de l’ancienne édition de 1971 de Georges Couton.
69 Note de VJ : « “On a donné aujourd’hui le Magnifique, où le sieur Bernaut, jouant le rôle d’Aldobrandin, a été trouvé détestable. Cette pièce a été suivie de l’acte de Psyché, dont on a paru encore plus content que la première fois ; mais ce qui a surtout étonné, c’est la décoration du Palais de Vénus, dont le trône, le dais, les colonnes intérieures et extérieures, ainsi que tout l’ordre de l’architecture extérieure de la coupole, étaient couverts de pierreries de différentes couleurs, et disposées avec tout l’art possible. Les rideaux du baldaquin or et vert, étaient renoués de gros nœuds de diamants. Ce coup d’œil a surpris tout le monde et surtout l’ambassadeur d’Angleterre que j’avais prié qu’on plaçât en face. Il est convenu, ainsi que les autres étrangers, qu’il n’avait jamais rien vu de si beau dans ce genre. Les princes, les évêques et toute la ville sont accourus jusqu’à deux heures du matin pour jouir de ce spectacle, le roi ayant ordonné qu’on laissât entrer tout le monde après la représentation.” / Journal de Papillon de la Ferté. » La pièce Le Magnifique, citée dans cette note est une comédie en deux actes d’Antoine Houdart de La Motte (1672-1731), représentée en 1752.
70 Gudin, op. cit. p. 53.
71 Note de VJ : « M. le duc d’Aumont s’est plaint du bruit que faisait, dans le public, le mariage annoncé de la dame Lévêque avec le sieur Beaumarchais et de la vente considérable de son mobilier. Au premier article, j’ai répondu que la dame Lévêque ne m’avait pas mis dans sa confidence, parce que je l’aurais détournée de faire une pareille sottise. Sur le second point, j’ai répondu que la vente paraissait beaucoup plus considérable qu’elle ne le serait en effet, la dame Lévêque ayant consenti que plusieurs personnes missent des meubles et effets précieux, dans l’espérance d’en tirer un meilleur parti, la vente se faisant dans un local aussi vaste que celui des Menus, où il pouvait venir plus de monde. J’ai ajouté que la dame Lévêque ayant pris pour ses affaires Me Le Pot d’Auteuil, notaire, que M. le duc d’Aumont avait chargé conjointement avec M. Hébert, des affaires des Menus, il serait en état de lui rendre un compte plus particulier de la fortune laissée par le sieur Lévêque. / À ces observations, M le duc a répliqué, à mon grand étonnement, qu’il avait déjà envoyé chercher ce notaire pour mettre haro sur la succession, voulant absolument que la dame Lévêque abandonnât au roi toutes les pierreries des habits et décorations, soit comme appartenant aux Menus, soit comme dédommagement de ce qu’il en avait coûté de trop pour les Bâtiments ; qu’au reste, il était convaincu que ces pierreries appartenaient au Roi ; qu’il me priait de faire les recherches nécessaires pour en avoir la preuve, et que ce n’était qu’à cette condition qu’il me continuerait sa confiance… Il nous a en même temps marqué beaucoup d’humeur sur le mariage de la dame Lévêque avec le sieur Beaumarchais, qui s’est fait tout de suite, sans que j’en aie été prévenu autrement que par le bruit public… Je n’ai point laissé ignorer à M. Beaumarchais, pour le déterminer, ainsi que sa femme, au sacrifice des diamants, que M. le duc d’Aumont avait à se plaindre et qu’il le faisait, en effet, de la dépense énorme du sieur Lévèque au sujet des Bâtiments… Nous nous sommes séparés après que j’ai eu dit tout ce que j’avais à dire, M. de Beaumarchais m’ayant répondu qu’il allait faire ses réflexions et qu’il m’en ferait part… M Beaumarchais est venu me revoir avant-hier, avec de nombreuses observations qui ne sont que la répétition amplifiée de celles qu’il m’a faites la première fois M. Hébert m’ayant prié de me trouver au compte du sieur Lévêque, chez Me Le Pot d’Auteuil, notaire, je m’y suis rendu avant-hier, et j’ai trouvé M. et Mme de Beaumarchais. Ils ont commencé par les mêmes observations qu’ils avaient faites chez moi, il y a quelques jours ; mais M. Hébert a cru devoir leur confirmer d’une manière très étendue et impérative, les intentions de M. le duc d’Aumont. Par le compte qu’a rendu M. Hébert des sommes qu’il avait payées à valoir au sieur Lévêque sur 1766 et 1767, les héritiers ont reconnu que ce qui restait à recevoir pour les dépenses de ce dernier était moins considérable qu’ils le croyaient. Me Le Pot d’Auteuil ayant ajouté à cela un aperçu du montant de la succession qui, selon les apparences, n’ira peut être pas aux deux tiers de ce qu’on imaginait, M. et Mme de Beaumarchais se sont récriés sur le sacrifice exigé par M. le duc d’Aumont Mais enfin les neveux, qui y sont plus intéressés, ayant fini par y consentir de bonne grâce, on a remis à huitaine pour terminer cette affaire, ainsi que le compte entre M. Hébert et le feu, sieur Lévêque… Nous nous sommes rendus, ces jours derniers, M. de La Touche, M. Hébert et moi, chez Me Le Pot d’Auteuil, où, après une très longue dissertation, les sieur et dame de Beaumarchais, ainsi que les héritiers du sieur Lévêque ont enfin signé l’acte. On a ensuite procédé au compte du sieur Lévêque pour ce qui lui reste dû pour l’année 1766. Les héritiers ont vu, non sans peine, que ce reliquat est bien au-dessous de ce qu’ils espéraient, et que même il ne suffira point pour payer les oppositions faites à l’inventaire. Voilà où aboutit tout ce grand bruit de la prétendue fortune du sieur Lévèque, après quarante ans de travail !”. / Journal de Papillon de la Ferté. »
72 Gudin, op. cit. p. 68.
73 Gudin, op. cit. p. 69.
74 Jean-Bête à la foire (avec un tiret) est une parade qui a peut-être été représentée au début de 1760 et avec certitude en 1772. Pour le détail de ces représentations voir l’édition de Pierre Larthomas dans la Pléiade de 1988, page 1197. L’argument représente un jeune couple, Jean Bête et Isabelle, contrarié par Cassandre, le père d’Isabelle.
75 Le Barbier de Séville ou La Précaution inutile, comédie en quatre actes, en prose, a été créée à la Comédie-Française en février 1775. Cette comédie est le premier volet d’une trilogie composée en deuxième partie du Mariage de Figaro, ou La Folle journée (créé en 1784) et en troisième, de L’Autre Tartuffe ou La Mère coupable, de 1792.
76 À cette époque les pièces étaient acceptées ou refusées par les comédiens qui se réunissaient en comité de lecture. De nos jours le directeur de la troupe ou du théâtre décide seul, sauf encore à la Comédie-Française.
77 Paul-Philippe Gudin de La Brenellerie, plusieurs fois évoqué sous le seul nom de « Gudin » à partir de la note 57.
78 Allusion à l’échec de La Henriade de Voltaire, dédicacée au jeune Louis XV mais refusée par le Régent et fut même interdite.
79 On ne voit pas de quels honneurs il s’agit, Gudin n’ayant même jamais reçu de prix, ni à l’Académie française, ni aux Inscriptions et Belles lettres.
80 Note de VJ : « Et non le 11 mars, comme l’a écrit Gudin. » Op. cit. p. 80 : « La fatalité, qui devait disposer du sort de Beaumarchais et l’arracher aux beaux-arts, la fatalité, qui semble quelquefois la maîtresse du monde, fut cause que moi, qui ne sortais jamais le matin de mon cabinet, si ce n’était pour aller feuilleter à la Bibliothèque du Roi de vieux livres imprimés ou des manuscrits plus anciens, j’en sortis par ordre de ma mère, le 11 mars 1773, pour une affaire dont elle me chargea. Ma commission finie, me trouvant près du logis de mademoiselle M***, que je n’avais pas vue depuis longtemps, j’y montai. »
81 Note de VJ : « Je n’ai trouvé sur elle, dans les comptes, que cette mention sur un État général des Acteurs et Actrices de la Comédie Italienne : “Mesnard… 1 800 livres”. »
82 Correspondance littéraire, philosophique et critique, par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc, Le texte en question se trouve dans le premier volume de la seconde édition de François Buisson de 1812 page 181 correspondant à l’année 1770. Le texte peut en être demandé ici.
83 Le comédien et chanteur Jean-Louis Laruette (1731-1792). Jean-Louis Laruette, qui a évidemment commencé par les rôles de « jeunes premiers » a continué par les rôles de pères ainsi qu’on peut le voir note 86. Il était un comédien si célèbre dans cet emploi que l’on n’a pas tardé à nommer « laruettes » les rôles de pères et de financiers dans l’opéra-comique. En 1763 il a épousé la jeune Marie-Thérèse Villette (1744-1837), comédienne et chanteuse, qui est entrée à la Comédie-Italienne en 1761 où elle a rencontré un très grand succès.
84 Rôle de Rose, dans l’opéra-comique Rose et Colas, de Michel Sedaine sur une musique de Pierre-Alexandre Monsigny, représenté pour la première fois sur le Théâtre-Français à l’Hôtel de Bourgogne en mars 1764.
85 On ne s’avise jamais de tout, opéra-comique en un acte, en prose, de Michel Sedaine. Il s’agit du rôle de Lise, sous le tutorat de Monsieur Tue, médecin.
86 Le Déserteur est aussi un opéra-comique de Michel Sedaine sur une musique de Pierre-Alexandre Monsigny créé en mars 1769 à l’Hôtel de Bourgogne par la troupe de la Comédie-Italienne avec le baryton Joseph Caillot dans le rôle d’Alexis, soldat de la milice et fiancé à Louise. Louise (soprano) était interprétée par la soprano Marie-Thérèse Laruette et le père de Louise par Jean-Louis Laruette (son mari à la ville), tous deux objets de la note 83. Cet opéra-comique a rencontré un grand succès avec des interprètes divers et a été représenté régulièrement jusqu’à la fin du XIXe siècle.
87 Marie-Jeanne Million dite Félicité de Mandeville a épousé en août 1769 le comédien et chanteur Antoine Trial (1737-1795), qui tenait le rôle de Bertrand, cousin de Louise, à la création du Déserteur.
88 Louis-François-Armand de Vignerot du Plessis de Richelieu, prince de Mortagne, marquis du Pont-Courlay, comte de Cosnac, baron de Barbezieux, baron de Cozes et baron de Saujon, maréchal et pair de France (1696-1788), petit-neveu du cardinal de Richelieu (1585-1642).
89 « Kislar Aga, chef des eunuques noirs, un des plus considérables officiers du sérail, surintendant de l’appartement des sultanes, auxquelles il annonce les volontés du grand-seigneur. Il a sous ses ordres un grand nombre d’eunuques noirs destinés à la garde & au service des odalisques. Cet eunuque a un secrétaire qui tient registre de tous les revenus des jamis bâtis par les sultans, qui paye les appointements des baltagis, des femmes employées au service du sérail, & de tous les officiers qui dépendent de lui. Le kislar-aga va de pair en autorité & en crédit avec le capigi bachi ou grand-maître du sérail. Les bachas qui ont besoin de sa faveur, ne font aucun présent au sultan sans l’accompagner d’un autre pour le chef des eunuques noirs ; l’accès facile qu’il a auprès du grand-seigneur l’en rend quelquefois le favori & presque toujours l’ennemi du grand-visir ; d’ailleurs, les sultanes qui ont besoin de lui le servent par leurs intrigues. » d’Alembert et Diderot, Encyclopédie, 1765. La graphie Kizlar Agha semble davantage répandue de nos jours.
90 Peut-être Madeleine-Sophie Arnould (1740-1802), comédienne et chanteuse de renom. Les femmes maigres étaient délaissées, à cette époque. On peut donc en conclure que cette Mademoiselle Ménard, dont on sait tout et dont on ne sait rien, est plus jeune.
91 Gaupe : « Femme malpropre et désagréable. » (TLFi).
92 Glycère ou Glycera était une fleuriste athénienne, comme on l’a compris, et dont on sait encore moins de choses que sur Mademoiselle Ménard. Il nous reste un portrait par Rubens de 1615, Pausias et Glycera et l’ouvrage d’érudition de Julien Benda, qui avait le génie des titres, La Corbeille de Glycéra (trois dialogues) paru chez Émile Paul en 1918 (63 pages). Mais le nom de Glycera ne figure pas dans le texte, c’est juste pour la beauté du titre. « Où cours-tu ainsi, Philarète, dès le lever du soleil, le casque en tête, la lance au poing et l’œil en feu, toi que je ne vois jamais paraître avant le milieu du jour, toujours plein de modestie et ne semblant concevoir d’autre tuerie que par le sorite ou lenthymème ? »…
93 Pierre Restaut (v. 1695-1764), Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise par demandes et par réponses dédié à Monseigneur le duc de Chartres, à Paris chez Jean Dessaint, libraire et juré de l’université, rue Saint-Jean de Beauvais, vis-à-vis du collège (1730). Le collège en question peut être le Collège de France. Cette rue Jean de Beauvais (saint a été supprimé), coupée dans sa longueur par un escalier, est peu connue.
94 Vraisemblablement Louis Joseph d’Albert d’Ailly (1741-1792), vidame d’Amiens, duc de Picquigny en 1762 et sixième duc de Chaulnes en 1769, officier et chimiste.
95 Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), peintre.
96 Note de VJ : « Dans son livre, Gudin, resté dans la chambre, fait bettement tète à l’orage : “… Le duc de Chaulnes survient. La fureur le saisit, à mon aspect, il s’écrie tout haut devant moi et devant plusieurs autres personnages qu’il veut tuer Beaumarchais, et il sort. Ne craignez rien, dis-je à Mademoiselle M*** prête à s’évanouir d’effroi ; je vais prévenir mon ami…” » Page 83 de l’Histoire de Beaumarchais, op. cit.
97 Botte : « Ce qui sert de marche-pied pour monter en voiture. » Dictionnaire de l’Académie, IVe édition (1762).
98 Le Pont neuf traverse la pointe ouest de l’Île de la Cité et est un des accès à la Place Dauphine. Pour ces marches, disparues de nos jours, voir Louis-Sébatien Mercier, Le Tableau de Paris Mercure de France 1994, volume I, chapitre L, « Le Pont neuf », pages 135-140 et notamment l’avant-dernier paragraphe : « Les marches du Pont-Neuf s’usent visiblement vers le milieu, et en peu d’années, sous les pieds des innombrables passants. Elles deviennent glissantes, et l’on est obligé de les renouveler.
99 Héroïde : « Épître élégiaque dont l’auteur attribue la composition à un héros ou à une héroïne célèbres ; composition qui traite de la vie d’un héros. » (TLFi). Les Héroïdes d’Ovide.
100 Paul-Philippe Gudin n’est pas encore, dans ces années 1770 l’auteur de son poème héroïque, La Conquête de Naples par Charles VIII, qui ne paraîtra qu’en 1801 chez Jean-Jacques Fuchs, rue des Mathurins, en trois tomes. Il semble que ce premier titre de Napliade (rappelant la Henriade de Voltaire, objet de la note 78) n’a pas été conservé, ce qui semble heureux.
101 Peut-être Gilles Pierre Chenu. Ce commissaire a opéré de 1747 à 1791 au Châtelet de Paris. Il a été élu par ses pairs « syndic » des commissaires, sorte de représentant du corps. Il semble que ce soit lui qui ait eu la plus grande longévité dans cette fonction, onze années consécutives.
102 Note de VG : « “M. de Loménie n’a rien dit de cet épisode dans la crainte, sans doute, d’être obligé de soulever les masques.” Note de M. Maurice Tourneux. »
103 Peut-être Antoine de Sartines (1729-1801), comte d’Alby, conseiller (en 1752), puis lieutenant criminel du Châtelet en 1755, lieutenant général de police en 1759 et enfin ministre de la Marine de Louis XVI en 1774.
104 Peut-être Jean-Baptiste Guilleminot Dugué (1727-1797), maître de musique, a officié à Saint-Germain-L’auxerrois en 1763 puis à Notre-Dame de Paris en 1770.
105 Il ne reste plus de nos jours que quelques fragments de ruines de ce couvent, fondé à la fin du XIIIe siècle par la veuve de saint Louis. Ces ruines sont dans un jardin à l’angle de la rue Pascal, mitoyen de l’hôpital Broca.
106 Les noms de ces rues évoquent chez chacun de nous Les Misérables : « Un matin, matin mémorable, en juillet 1845, on vit tout à coup fumer les marmites noires du bitume ; ce jour-là on put dire que la civilisation était arrivée rue de Lourcine et que Paris était entré dans le faubourg Saint-Marceau » (deuxième partie : Cozette, Livre quatrième : La Masure Gorbeau, dernières lignes du premier chapitre : Maître Gorbeau. Pléiade 1951, page 451.) La rue de Lourcine est de nos jours la rue Broca.
107 Cette affaire est compliquée, comme toutes les affaires de droit. Simplifions. Le financier Joseph Pâris Duverney (1684-1770) avait un peu intrigué avec Beaumarchais (PACB) dans des échanges de bons procédés (PACB était introduit à la Cour et pas Pâris). À sa mort, Pâris lègue ses biens à PACB, ce qui ne convient pas du tout à son petit-neveu Alexandre Joseph de Falcoz, troisième conte de La Blache (1739-1799). Il y a un procès, que gagne PACB. Mais lors du second procès, PACB perd…
108 La rue Portefoin, qui relie la rue des Archives à la rue du Temple, est proche de la mairie de Paris-Centre.
109 Le père de Julie Caron (note 41) et, évidemment de PACB est André-Charles Caron (1698-1775) qui ne va donc pas tarder à mourir. On peut d’ailleurs noter que le 18 avril 1775 il a épousé (troisièmes noces) Suzanne Geanzot et qu’il est mort le 23 octobre de la même année.
110 Louis-Philippe d’Orléans, duc de Chartres, puis duc d’Orléans (1747-1793), dit Philippe Égalité après 1792, est le père de Louis-Philippe.
111 Marie-Thérèse Willermaulaz (1753-1816), a épousé PACB le huit mars 1886 et lui a donné une fille, Amélie-Eugénie Caron (1777-1832).
112 Jean-François de La Harpe (1739-1803), enfant trouvé (rue de La Harpe ?), auteur dramatique et critique proche de Voltaire, élu à l’Académie française en 1776.
113 Anne-Marie de Montmorency-Luxembourg, princesse de Robecq (1729-?), fut la maîtresse de Louis XV vers 1749. On dit qu’en demandant à sa mère la reine d’introduire Anne-Marie à la cour que Louis XV rougit. Il avait pourtant trente-neuf ans… Cette liaison dura peu.
114 Cette grand’chambre du parlement de Paris — ou salle Saint-Louis — dans le palais de la Cité, où était rendue la justice, a disparu lors de l’incendie du palais de Justice lors de la « semaine sanglante » de mai 1871. Son entrée, aujourd’hui condamnée, était sur le quai de l’horloge, entre les deux tours rondes.
115 Le chapeau clabaud est à bords penchants, à l’image des oreilles de certains chiens de chasse. Le chapeau à l’Androsman est une sorte de bicorne au bord arrière largement relevé. Un spécialiste des chapeaux dirait sans doute le contraire mais on peut penser au chapeau du Napoléon à Wagram de 1810, assez mauvaise peinture de Joseph Chabord (1783-1848) visible au musée Napoléon du Palazzo Primoli de Rome.

116 « Vêtement masculin, habit de ville ou d’uniforme, consistant en une veste courte à collet, s’arrêtant à la taille et pourvue à l’arrière de longues basques étroites. » (TLFi).
117 Chenille : « Habillement négligé pour homme. Ces charmants déshabillés, appelés par le peuple chenilles (E. de Goncourt) » (TLFi).
118 L’Hippopotame était un navire de cinquante canons de la marine française acheté en 1777 par PACB pour fournir des armes aux insurgés indépendantistes américains. Ce navire avait été acheté pour le compte de la Roderigue Hortalez and Company et c’est pour cette raison qu’il a été baptisé Fier Rodrigue en 1778, avant de quitter Rochefort pour l’Amérique. Après bien des péripéties, ce navire est revenu à l’île de Ré en août 1780 (PACB était mort en mai 1799), a été désarmé en 1782 et détruit à Rochefort en 1784.
119 La pendaison. L’emploi du mot janissaire (soldat turc) à côté de l’expression cordon des muets n’est pas innocent, ce cordon ayant été utilisé en Turquie pour l’étranglement des condamnés. Les derniers emplois de l’étranglement d’état ont été en Espagne, sous la dictature de Franco, mort en 1975.
120 La première représentation officielle (après des lectures et représentations privées), a été donnée à l’Odéon le 27 avril 1784.
121 Jean Charles Pierre Lenoir (ou Le Noir, 1732-1807), lieutenant général de police depuis 1774.
122 Fort-l’Évêque est détruit depuis l’année précédente, en 1783, mais n’est plus utilisé comme prison depuis 1781. C’était le siège du tribunal ecclésiastique depuis 1222. Suite aux rivalités entre pouvoir royal et pouvoir épiscopal, ce tribunal a été supprimé en 1674 et transformé en prison. Cette prison se trouvait dans la petite rue Saint-Germain l’Auxerrois, parallèle au quai de la Mégisserie (à l’époque, vallée de la Misère) et occupait l’espace entre ces deux voies. Cette prison était ordinairement celle des comédiens ou des endettés.
123 La prison de Vincennes, située dans le donjon, était sans doute la plus petite prison de France, ne pouvant recueillir que quatorze détenus. Y étaient accueillies que des personnes de la noblesse. L’un des plus célèbres prisonniers est évidemment le marquis de Sade, et Mirabeau, dont il sera question infra.
124 La prison Saint-Lazare, fermée en 1927, se trouvait dans le haut de l’actuelle rue du faubourg Saint-Denis, au numéro 107. C’était à l’époque une prison pour gens de biens et fils de famille avant d’y devenir la prison des prostituées au début du XIXe siècle.
125 Note de VJ : « Est-ce bien rue de Condé que cette scène se passa ? Est-ce rue de Condé que vint Mirabeau ? Et Beaumarchais demeurait-il encore rue de Condé lorsqu’il écrivit Tarare ?… L’Almanach Royal indique clairement la rue Portefoin, puis le retour rue de Condé, puis le domicile qui suivit, temporairement, Vieille rue du Temple, hôtel de Hollande. Mais, jusqu’à la Révolution, l’Almanach n’en n’indique pas d’autre ; il ignore celui du boulevard. Il est à présumer que Beaumarchais laissa subsister cette adresse de la rue du Temple, jugeant absolument inutile un cinquième changement, et un sixième, » Cette note se termine indiscutablement par une virgule sur l’exemplaire du Mercure mais il s’agit peut-être d’une faute du typographe. Toujours est-il que la phrase n’est prolongée nulle part.
126 La Compagnie des eaux de Paris a été fondée en 1778 par Jacques et Joseph Périer, qui ont copié sans véritable autorisation la pompe centrifuge de Watt. Ils ont installé une pompe au pied de la colline de Chaillot et devaient ainsi alimenter la capitale en eau de la Seine. L’endroit est signalé de nos jours par la rue des frères Périer, un peu en aval du pont de l’Alma. On ne confondra pas avec l’eau minérale Perrier.
127 « Une discussion d’intérêts financiers, la nécessité de défendre contre les manœuvres intéressées de Panchault et Clavières la compagnie pour les eaux de Paris, dont il était le promoteur et le principal actionnaire, mirent Beaumarchais aux prises avec un nouveau venu à la solde de ses adversaires et qui n’était rien moins que Mirabeau. » Eugène Lintilhac, Beaumarchais et ses œuvres — Précis de sa vie et histoire de son esprit, d’après des documents inédits, Hachette, 1887, 447 pages, chapitre II, « Beaumarchais et la Révolution », page 108.
128 Honoré Gabriel Riquetti Comte de Mirabeau (1749-1791), Des lettres de cachet et des prisons d’état, Hambourg 1782, annoncé comme ouvrage posthume, deux parties en un volume.
129 Il s’agit de Sophie Richard de Ruffey, marquise de Monnier (1754-1789). Richard de Ruffey est son nom de famille. Voir Benjamin Gastineau, Les Amours de Mirabeau et de Sophie Monnier, suivi des lettres choisies de Mirabeau à Sophie et de lettres inédites de Sophie et du testament de Mirabeau, par Jules Janin, à Paris, chez tous les libraires, 1865. C’est elle que VJ nomme « Sa Hollandaise » parce qu’elle s’était enfuie en Hollande (à Amsterdam) avec lui d’octobre 1776 à mai 1777 où ils seront arrêtés ensemble et reconduits en France
130 Tarare, tragédie en musique de Beaumarchais, en cinq actes et un prologue sur une musique d’Antonio Salieri, représentée à l’Académie royale de musique en juin 1787.
131 Le jeune Antonio Salieri (1750-1825), on s’en souvient, va terminer le Requiem de Mozart en 1791. Antonio Salieri sera un compositeur particulièrement prolifique dont l’œuvre est largement oubliée — y compris ce Tarare. La mode était aux « turqueries », et pas seulement en France. On peut se souvenir que neuf ans auparavant, en 1782, Mozart avait écrit la musique de L’Enlèvement au sérail sur un livret allemand.
132 Note de VJ : « Buffault, “qui mesure avec une aune la voix de ce grand flandrin de chanteur planté devant lui la bouche béante et fendue jusqu’aux oreilles”, Buffault qui baptisera une rue de Paris. »
133 Le plan de cette demeure est conservé dans les archives de Paris. Elle a été bâtie « Boulevard et Porte Antoine » et, en fonction de la note 135, devait se trouver au tout début de l’actuel boulevard Beaumarchais, côté impair.
134 Hubert Robert (1733-1808), conservateur du Louvre, spécialiste des ruines, est surtout connu pour sa Vue imaginaire de la galerie du Louvre en ruine de 1797, visible au Louvre.
135 Il s’agit d’une toute petite rue, qui commence place des Vosges et se termine boulevard Beaumarchais.
136 Le théâtre de l’Odéon, évidemment.
137 Fardier : « Véhicule à deux ou à quatre roues, dont le plateau est très bas et qui sert à transporter des blocs de pierre, des grumes ou d’autres matériaux lourds. » (TLFi).
138 Le donjon de la Bastille.
139 La rue de Condé (note 8) a été renommée rue de l’Égalité de 1792 à 1805. « Ci-devant » était l’expression révolutionnaire désignant le temps d’avant.
140 Note de VJ : « Beaumarchais poursuivait cette vente, non sans difficulté, depuis le 6 floréal an VI ; il meurt le 28 floréal an IX, avant l’adjudication définitive. Au moment où Faure devient propriétaire, l’immeuble est loué, sans bail au citoyen Devienne. Est-ce Devienne le basson, l’auteur des Visitandines ? / Est-ce le portier de la rue de Condé, que Beaumarchais désigne ainsi, dans un billet écrit le 13 mai 1789, à M. de Crosne, lieutenant de police : /“Les poissardes du cimetière Saint-Jean parlaient tout haut en plein marché, il y a peu de jours, de nos maisons comme de lieux dévoues. / Un infâme sujet, jadis mon portier, nommé Michelin, loge sur ce marché, au coin de la rue de la Verrerie, chez un potier de terre au second.” » « lieux dévoues » sans accent chez VJ.
141 Ce cloître Saint-Benoît est le cloître de l’église Saint-Benoît-le-Bétourné (en hommage à deux martyrs syriens), datant du VIe siècle. Elle se trouvait à l’actuel emplacement de la rue des Écoles. « La division des thermes » indique à l’évidence les thermes de Cluny, donc la partie de la rue des Écoles proche du boulevard Saint-Michel.
142 Georges Cadoudal (1771-1804, guillotiné), général chouan, a été arrêté place du Panthéon, ce qui est un peu loin pour voir quelque chose depuis la rue de Condé. Journal de Paul Léautaud au douze mars 1929 : « Je lis en ce moment un ouvrage, d’intérêt secondaire du reste, de Lenôtre sur Georges Cadoudal. Les chouans avaient vraiment grande allure »…
143 Robert de Bonnières de Wierre (1850-1905), poète, romancier, journaliste et critique. Lire l’article d’Henri de Régnier, deux colonnes de une des Nouvelles littéraires du sept mars 1931.
144 Ce sera le bureau de Paul Léautaud.
145 Le comédien Dugazon (Jean-Henri Gourgaud, 1746-1809) a eu la chance d’être le cadet de ses deux sœurs, Marie et Françoise, comédiennes à la Comédie-Française, qui l’y on fait entrer en 1771. Il y joue les valets et les bouffons et sait amuser le public par ses pitreries.
146 Cette nécrologie, vraisemblablement rédigée par Louis Dumur, est parue dans le Mercure de France de juillet 1904, page 282.
147 « Quelques notes sur les écoles gratuites de dessin au XVIIIe siècle », pages 244-250, faisant preuve d’une grande érudition, comme on l’imagine.
148 Watteau, mœurs du XVIIIe siècle, Mercure 1903, 493 pages. Une édition limitée à 500 exemplaires a été réalisée l’année suivante par l’éditeur d’art Piazza donnant une large place aux illustrations et enrichie d’une introduction de Léonce Bénédite, conservateur du musée du Luxembourg. L’ouvrage, relié en tissu, d’une taille bien plus importante (40 x 52 centimètres) est de 226 pages.
149 Fragonard, mœurs du XVIIIe siècle, Mercure de France 1091, 339 pages. On lira avec intérêt « Les trois femmes de Fragonard » dans le Mercure de décembre 1900, page 642.
150 Dans son numéro d’avril 1887 avant de paraître en volume chez Dentu en 1888. Cette parution a été annoncée dans La Revue indépendante de mai, page 392 : « Un roman historique, fin XVe siècle, avec Léonard de Vinci scandalisant la Suisse de ses aventures érotiques. » Il se peut que cette parution annoncée n’ait pas eu lieu.
151 Édouard de Max (1869-1924), comédien d’origine roumaine. On le retrouvera dans les chroniques de Maurice Boissard. Journal littéraire de Paul Léautaud à la fin de la journée du 30 mai 1908 ; « Détails donnés par Bienstock sur l’intérieur du comédien de Max, 66, rue Caumartin. Il reçoit dans une pièce où il y a un vaste lit, à côté duquel un bassin avec un jet d’eau. Un oiseau artificiel qui chante à volonté. Quatre chiens superbes. Là-dedans, de Max habillé de vêtements blancs, flottants et souples, et toujours en compagnie de quatre ou cinq petits jeunes gens très jolis. » Selon Ernest Raynaud, Souvenirs de police, mémoires d’un commissaire de police, Édouard de Max servit de modèle pour la statue de Baudelaire au cimetière du Montparnasse. La partenaire d’Édouard de Max dans Don Juan en Flandre était Mademoiselle Thomsen.
152 On peut lire, dans La Plume d’août 1897 (page 152) un article un peu délirant d’Alfred Jarry.
153 Le texte de cette pièce a été édité — au Mercure évidemment — en 1896. Edmond Stoullig dans l’hebdomadaire Le Monde artiste du neuf octobre 1898 (pages 644-645) a été dur avec cette pièce en commençant sa critique par : « Rembrandt, je le crains, n’attirera guère le public au Nouveau-Théâtre, et ce n’est pas là, croyons-nous, l’œuvre qu’aurait dû choisir M. Paul Franck pour inaugurer sa direction. » et se termine par « À M. Abel Deval qui, à la Renaissance, obtint de si vifs succès, est échu le long rôle de Rembrandt : disons que, du commencement à la fin, il le “déblaie” et le joue avec un vrai talent. Fort bien secondé, d’ailleurs, par Mme Marcelle Valdey, la Rosine d’Alfred Capus au Gymnase, qui personnifie Saskia, par Mlle Renée Benier, sous les traits de la fidèle Hendrickje, et par MM. Schutz, Bour et Germain, sous ceux de Stopperge, d’Egma et de Ruysdaël. »
154 Lire la critique de Henri de Curzon dans le mensuel Le Théâtre de septembre 1903.
155 Cette pièce a été reprise au théâtre des Bouffes du Nord le dix octobre 1903.