Page publiée le quinze juin 2021
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Deuxième partie : 1929-1939
La fête des Rosati

Le comédien Georges Baillet dans le rôle de Don César de Bazan (Ruy Blas) en 1879 et peint en 1922 par Lucien Jonas.
Dimanche 9 Juin [1929]
Fête des Rosati à Fontenay61, les honneurs de la rose décernée à Baillet62, le sociétaire retraité de la Comédie. Je suis allé voir cela, uniquement pour revoir Baillet. J’ai commencé à le voir à la Mairie, à son arrivée, reçu et salué par la Municipalité. Ah ! Seigneur, où est le Baillet de mon enfance et de ma jeunesse, le Baillet si beau garçon, portant si beau ? Un très vieux monsieur, le visage tout ridé, les yeux, sous les paupières plissées, comme deux points brillants dans le ton un peu parchemin du visage, comme on voit aux vieillards. Droit encore, pourtant, mince, tous ses cheveux tout blancs, une bonne démarche. Il était en haut du perron de la Mairie. Il a mis son monocle pour regarder l’assistance pendant le speech de bienvenue du Maire. Au moment du départ pour la cérémonie au buste de La Fontaine63, un Rosati s’est fait présenter à lui. J’ai entendu cette « perle » « J’ai vu le portrait de M. Baillet dans Le Matin64. Hélas !… Mais on vous reconnaît ! » Le portrait du Matin doit être un portrait du temps de la Comédie. Au : hélas ! Baillet a eu un léger hé ! hé ! comme pour dire : il faut se résigner.
Je l’ai vu ensuite quand il a prononcé son Éloge de La Fontaine, devant le buste, dans la cour de l’ancien collège Sainte-Barbe. Un vieux monsieur, vraiment. Merveilleusement conservé, voilà tout.
Je me suis trouvé là avec Henri Malo65, Rosati, et présent chaque année en cette qualité. Il me dit l’âge de Baillet : 81 ans. Je n’en revenais pas. Ces gens de théâtre ! Il n’y a qu’eux pour vieillir de cette façon et si bien.
La cérémonie devant le buste terminée, on s’est dirigé vers le parc, où se rendaient les honneurs de la rose. Baillet, embarrassé par une serviette qu’il portait contenant ses papiers, et voulant assujettir à sa boutonnière la rose qu’on lui avait donnée à la Mairie, s’est arrêté au bas du perron d’entrée du collège, a posé sa serviette sur une marche et s’est mis à arranger sa rose. J’étais à côté de lui, et presque seul avec lui. J’ai pris sa serviette pour qu’il n’eût pas à se baisser une nouvelle fois pour la reprendre. Comme il me remerciait déjà, je lui ai dit : « Je vous en prie. C’est avec plaisir. Je vous connais depuis longtemps, M. Baillet. Depuis bien longtemps. » Il me regardait. « Je m’appelle Léautaud. » Une exclamation, alors ! « Comment ! Léautaud ! Je crois bien. Votre père !… Je me rappelle bien ! » Je lui dis : « Vous m’avez vu tout enfant… — Je me disais aussi : Voilà une physionomie… (Parole de politesse, car je ne ressemble pas à ce point à mon père). Je lui dis alors : « Je suis heureux de vous voir en bonne santé… C’est du bonheur, cela… » Nous nous sommes quittés sur ces mots.
Qu’est-ce que cela ? Est-ce question de nerfs, est-ce sensibilité extrême, est-ce tout ce que cette rencontre me rappelle de mon enfance et de ma jeunesse, après avoir parlé à Baillet, et ce soir encore, en écrivant ceci, c’est tout juste si je retiens mes larmes.
La journée comprenait une partie de concert. Baillet jouait, à la fin, dans une petite pièce de Michel Carré66. Je suis retourné à l’heure voulue pour le voir jouer. Je voulais voir quelle impression j’en aurais. Baillet n’a jamais eu grand talent. Conventionnel en diable, jusque dans la voix. C’était simple curiosité. Je me suis dérangé pour rien. La pièce en question une pure ineptie et Baillet forcément sans intérêt.
Je l’ai suivi à son départ, jusqu’à l’auto dans laquelle il est reparti pour Paris, fumant un énorme cigare. Un trajet de cinq minutes. Une démarche pareille à 81 ans ! C’est merveilleux.
Je suis brisé ce soir de ce besoin de pleurer que j’ai contenu.
Un détail amusant. D’avoir vu Baillet, ce matin, le visage si dégagé, malgré son âge, avec ses cheveux coupés nets, c’est-à-dire rien ne dépassant l’ovale de la tête, je me suis mis à me raccourcir beaucoup les cheveux, rentré chez moi pour déjeuner. Coupé toutes les mèches débordant de mon chapeau, me bouclant derrière les oreilles et dans le cou. Ma chère amie me dit quelquefois que cela fait un peu vieux. Le fait est que je suis très rajeuni à avoir les cheveux coupés à peu près comme tout le monde. Ah ! si j’avais des dents.
Cette fête des Rosati m’a encore fait sentir combien je suis différent de ce que sont les autres. Ces gens qui se couvraient ainsi d’éloges, qui se décernaient des diplômes, qui se célébraient les uns les autres. Ils avaient vraiment l’air enchantés de se trouver là. Ils prenaient tout cela au sérieux. Baillet lui-même venant se faire décerner les « honneurs de la rose », et jouer devant ce public de banlieue. Évidemment, si tous les hommes avaient de ces amusements, cela vaudrait mieux. Mais quand même, c’est un peu ridicule.
Le feu de cheminée
Mardi 4 Mars [1930]
À cinq heures 25 je reçois au Mercure un petit bleu de ma bonne ainsi conçu : « J’ai eu un feu de cheminée dans ma cuisinière, cela a chauffé chez vous (ma chambre et mon bureau au premier) tout est éteint mais revenez le plus tôt. » Je quitte le Mercure. À la gare une demi-heure à attendre pour avoir un train. Je prends un taxi et je roule vers Fontenay. Il est curieux à quel point j’étais calme pendant le trajet. Pourtant : « cela a chauffé chez vous ». Cinquante mille francs dans le tiroir de mon petit bureau Maple dans mon bureau ! Toute ma fortune, toute ma sécurité du lendemain ! Eh ! bien, je ne me disais pas autre chose que ceci : « Cela va être une jolie tuile. Et mes papiers, et tous les cahiers de mon Journal, qui représentent une bien autre somme ! » À l’église de Montrouge, embarras de voitures, léger arrêt. Je n’avais aucune fébrilité. Quand la voiture s’est arrêtée à ma porte et que j’ai vu de loin mon pavillon intact, je me suis dit : « Allons ! il ne doit y avoir rien de bien grave. Cela vaut tout de même mieux. » En effet, simplement quelques petites marques de brûlure à la corniche dans ma chambre, au-dessus de la cheminée et au montant de la porte de communication de ma chambre et de mon bureau, avec une bonne petite odeur de brûlé qui persistait encore.
À Monsieur Biais67
Paris le 5 mars 1930
Cher Monsieur,
Voilà plusieurs fois que vous vous montrez un voisin extrêmement obligeant avec ma maison. Je vous en suis grandement obligé et je vous l’ai dit. Laissez-moi ajouter à mes remerciements cette petite gâterie pour vos enfants ou petits-enfants. J’ai grand plaisir à la leur offrir.
Avec ma plus cordiale poignée de main
P. Léautaud
À Monsieur Flechmann, (entrepreneur)
Fontenay 11 mars 1930
Monsieur Flechmann,
Je ne pense pas que les ouvriers viennent chez moi dès demain. Je vous dis cela parce que je voudrais bien avoir deux ou trois jours pour garer un peu mes affaires. Je ne pense pas que cela puisse vous contrarier.
Je m’excuse encore de vous avoir tant dérangé ces derniers soirs et je vous prie de recevoir mes salutations.
P. Léautaud
Lundi 17 Mars
Je vis depuis quelques jours au milieu des plâtras, le mur séparatif de ma chambre et de mon cabinet démoli à moitié, pour réparations à la suite de mon feu de cheminée. Je passe mes soirées dans une autre pièce, encombrée de mes affaires, à lire, ne pouvant travailler dans tout ce désordre.
[…]
Les travaux ont été commencés chez moi vendredi dernier. Ce matin, la réfection de la cuisine presque terminée, arrive un ordre de ma propriétaire de tout arrêter, pour visite par sa compagnie d’assurance. Va-t-elle me chercher une chicane ? Il est probable que l’assurance va regimber, trouvant tout démoli, et ses constatations rendues difficiles. Pour moi, j’ai pris mes précautions, avec une visite d’architecte, avant qu’on ait touché à rien.
Je fais de plus le nécessaire pour que la visite de l’inspecteur de la Compagnie d’assurances se fasse en ma présence et celle de mon architecte. Il y a des mois et des mois que j’ai signalé les fissures des murs aux endroits où passent les cheminées et rappelé que les ramonages, à la charge de la propriétaire, pas une fois n’ont été faits par elle, alors que mon bail dit expressément : le propriétaire fera ramoner les cheminées à ses frais chaque année au mois de septembre. Voici dix-neuf ans que je suis dans les lieux. Pas une fois le propriétaire ne s’est occupé de cette question. Je pense bien être complètement couvert par cette clause du bail. Cela ne fait même pas de doute.
Le seize juillet, Paul Léautaud écrit à sa maîtresse Anne Cayssac en villégiature à Pornic :
Savez-vous ce que Madame Sommet a payé pour l’arrangement de son jardin, assez bien fait, il est vrai ? 2 800 francs. Voilà qui me donne envie de faire arranger le mien.
Conversation avec elle lundi soir. Très aimable. Vous savez qu’elle m’a fait recueillir ce chien de son locataire, que celui-ci rouait de coups. Elle m’a dit en riant, devant une de ses amies qui était avec elle : « Hein ! M. Léautaud, moi, votre propriétaire, qui vous fais recueillir un chien ! Vous ne trouvez pas ! Cela mériterait même d’écrire un petit quelque chose. »
Sa fille a horreur de Toulon. Elle va obliger son mari à laisser son industrie là-bas pour revenir ici. Elle viendra peut-être habiter le petit pavillon que je devais prendre. Madame Sommet le voudrait bien. Mais cette fille a également horreur de Fontenay. Ce ne pourra être durable. Madame Sommet dit : « Je n’ai pas de chance avec ma famille. Personne n’aime Fontenay. Mon mari n’a jamais voulu venir y habiter. Ma fille ne veut pas non plus. Je suis seule à m’y plaire. »
Mercredi 30 Juillet [1930]
|…]
Le petit pavillon à côté de chez moi est occupé depuis peu par un jeune prix de Rome avec sa femme ou sa maîtresse. Il illustre un livre pour Hachette et c’est la maison Hachette qui l’a installé là pour son travail. J’ai su cela par ma propriétaire, qui l’est également de ce petit pavillon. J’y ai trouvé ce soir en rentrant le dessinateur Gandon68, qui s’est levé de table (tous dînaient dans le jardin) pour me dire bonjour par-dessus la clôture. Ils étaient là trois jeunes gens et autant de jeunes femmes. Tous ne font que rire, je les entends de chez moi, les femmes encore plus. Qu’ils ont de la chance !
La visite des « Doucettes » à Fontenay
Le huit juin 1932, Marie Dormoy, de la Bibliothèque Doucet69 (dépendante de la bibliothèque Sainte-Geneviève), propose à Paul Léautaud de lui acheter le manuscrit de son Journal.
J’ai dit à Marie Dormoy que je n’ai pas la moindre idée de ce que je peux demander. Il paraît aussi qu’il serait difficile de compter sur une somme un peu élevée payée en une fois. Elle a imaginé 1 000 francs par an, sans dire combien de temps. Je lui ai dit que je n’ai pas besoin de 1 000 francs par an, qu’une somme plus élevée est plus utile, par exemple, si on fixait 20 000 francs, cette somme en deux ou trois versements en deux ou trois ans.
Jeudi 9 Juin
Parlé ce matin à Vallette de la proposition Marie Dormoy, sans la nommer. Lui non plus n’a pas du tout idée de la somme à demander. Il a eu seulement ce mot : « Supposons qu’on propose 5 000 francs, ce ne serait pas la peine. »
À la bibliothèque Doucet, un comité préside aux décisions d’achat. Paul Valéry en fait partie :
Mon cher Léautaud,
Il paraît que la Bibl. Doucet achèterait votre Journal. On se réunira mercredi. J’espère pouvoir assister à la séance. Si vous avez qq. chose à me dire sur ceci, un mot, avant la séance.
Il s’agit de fixer un chiffre — me dit-on. — Je voudrais que ce soit le plus élevé possible. Mais je n’ai aucune idée ni de ce qu’on pourrait donner, ni de ce que vous accepteriez ? Voilà pourquoi je vous écris.
Bien à vous.
P. Valéry
Le problème est que pour fixer un chiffre, il faut voir.
Mercredi 22 Juin
Ce matin, lettre de Marie Dormoy. Le comité de la Bibliothèque Doucet se propose de venir voir le manuscrit de mon Journal. Elle me demande si samedi après-midi prochain me va.
Voici la réponse de Paul Léautaud
Paris, le jeudi 23 Juin 1932
Chère Mademoiselle70
Voici l’adresse : 24 rue Guérard, Fontenay-aux-Roses Ci-contre un itinéraire.
Vous ne serez pas quinze, je pense, car, vous savez, chez moi, où personne ne vient jamais, il n’y a pas de quoi s’asseoir pour tout le monde.
Espérons que quelque chose se fera, car, à force de me faire ainsi miroiter de l’argent, je commence à compter dessus et déjà à le dépenser.
[…]
Mille hommages
P. Léautaud
J’ai eu la visite de Gide l’autre matin au sujet du manuscrit Journal.
Prendre : boulevard Saint-Michel, ou plus haut, avenue d’Orléans ou à Saint-Germain-des-Prés (il y a deux lignes) le tramway pour Fontenay-aux-Roses.
Ensuite prendre le chemin indiqué ici71 7 minutes à marcher
Cette visite mémorable a eu lieu le samedi 25 juin :
Visite, tantôt, pour les manuscrits : l’ensemble préparé et mon Journal. Mme Jeanne Walter72, présidente du comité de la Bibliothèque Doucet, Mlle Adler73, Mlle Friedmann74, ces deux dernières déjà vues chez le docteur le Savoureux75 et toutes deux fort jolies, et Marie Dormoy. Je ne crois pas que rien résulte de cette visite. Rentré avec elles à Paris jusqu’à la Porte d’Orléans dans la voiture de Mme Walter avec Marie Dormoy, Mlles Adler et Friedmann suivant dans la voiture de celle-ci. Monté un moment chez Marie Dormoy. Elle est revenue sur la proposition : 3 000 francs pour option de la Bib. Doucet sur le manuscrit de mon Journal, quitte à rembourser le jour que je trouverai amateur mettant gros prix. À voulu me démontrer comme grand intérêt pour moi dans cette combinaison que je serais sûr que mon Journal ne serait pas détruit ou dispersé à ma mort, que je saurais qu’il est conservé dans une bibliothèque. Renversée, déconcertée, que je lui dise que je me moque complètement de ce qui se passera après ma mort pour mes papiers, conservés ou non, publiés ou non, ce qui est parfaitement vrai. Je n’ai pas de ces soucis posthumes. Je ne vois dans l’achat du manuscrit de mon Journal qu’un point intéressant : une certaine somme d’argent, qui me donnerait une certaine sécurité. Encore n’ai-je qu’à me mettre à publier mon Journal : 4 ou 5 volumes, à environ 15 000 francs de droits chacun, je l’aurai, cette sécurité. Il lui était venu aussi cette idée que Vallette et Valéry ont formulé leur estimation exprès, dans un sens prohibitif, c’est le mot qu’elle a employé, pour que l’affaire ne réussisse pas, à cause de ce qu’ils peuvent se douter qu’on trouve dans mon Journal les concernant. Ce qui ne tient pas debout.
Mlle Adler m’a bien dit qu’elle va tâcher de me trouver des amateurs pour les manuscrits composant l’ensemble réuni. Je n’y compte guère. Mes rêves d’argent sont par terre.
C’était une vraie corvée pour moi de recevoir ces dames, et une grande gêne. Cet air que cela me donnait d’un homme qui montre sa marchandise pour la vendre… Je suis parti dans une autre pièce pendant qu’elles regardaient ces papiers.
Je les ai laissées emporter, pour leur peine, toutes les roses du jardin.
Lisons maintenant le récit de cette visite par Marie Dormoy, qui deviendra, en février prochain, la maîtresse de Paul Léautaud. Ce texte est donné dans un document capital, l’« Histoire du Journal ». Marie Dormoy décrit d’abord la constitution de ce comité :
Quand je suis entrée en fonction à la Bibliothèque Doucet, l’Université ne m’allouait qu’un budget dérisoire : quatre cents francs par an. Pas même de quoi suffire aux frais de première utilité : papier à lettres, timbres, etc., bulletins de lecteurs. Je fus heureusement aidée par une Société d’Amis de la B.L.J.D76. que j’ai créée avec l’aide d’André Joubin77, directeur de la Bibliothèque d’Art et d’Archéologie, Fondation Jacques Doucet. Tout de suite nous eûmes des gens célèbres. Cette Société comptait un Comité littéraire dont faisaient partie : Jean Giraudoux, président ; Paul Valéry, André Gide, Jean Paulhan78, Adrienne Monnier79. Parallèlement, nous fondâmes un Comité mondain chargé de recueillir des fonds et, sous-entendu, d’en fournir. La présidence fut offerte à Jeanne Walter, la première femme de l’architecte de ce nom ; Jean Dubrujeaud80, neveu de Doucet ; René Gimpel81 et plusieurs autres. Comme trésorière Rose Adler, que Doucet avait connue à l’École des Arts décoratifs des Jeunes Filles où elle avait appris l’art de la reliure et qu’il avait fait travailler.
Jeanne Walter, très heureuse d’être en rapports avec quelques-unes de nos gloires littéraires, avait, comme don de joyeux avènement, fait un premier versement de dix mille francs (Poincaré82), et avait laissé entendre qu’il serait suivi de plusieurs autres.
Puisque Doucet recherchait avant toutes choses les auteurs les plus ignorés, les plus originaux, les plus marquants de l’époque, sachant, avec son instinct de couturier, les découvrir mieux que quiconque, je proposai en première ligne pour rester dans sa tradition, l’achat du manuscrit du journal de Léautaud. Les membres du Comité littéraire, non seulement, acceptèrent tout de suite ma proposition, mais encore me félicitèrent de mon choix. Le Comité mondain s’inclina devant cette décision, plutôt par courtoisie que par conviction, car tous ces gens du monde ignoraient totalement le nom aussi bien que l’œuvre de Léautaud.
[…]
La réunion se tint, comme prévu, le mercredi 15 juin. Valéry eut la gentillesse d’y assister, « pour Léautaud », me dit-il en entrant. Giraudoux avait donné son accord par lettre, Jean Paulhan et Adrienne Monnier étaient présents. Mon exposé fut suivi d’un silence qui me déçut. Le Comité mondain n’osait pas refuser un projet si chaleureusement défendu par le Comité littéraire, mais hésitait parce qu’au cours de l’exposé, Valéry, voulant avant tout venir en aide à Léautaud, avait proposé, comme à l’improviste, la somme de cent mille francs. Heureusement Jeanne Walter, avec justesse, précisa qu’on ne pouvait conclure un achat aussi important sans bien savoir en quoi il consistait. Pensant qu’on ne pourrait transporter à Paris le mètre cube, ou à peu près, que représentait le journal, je proposai d’aller le voir à Fontenay. Comme cette proposition n’engageait à rien, elle fut acceptée aussitôt. Trois membres du Comité mondain furent désignés, la présidente Jeanne Walter, la trésorière Rose Adler, Yolande Friedmann parce qu’elle appartenait à une famille très riche. Toutes trois étaient de grandes mondaines, aussi distantes que possible du Solitaire de Fontenay-aux-Roses.
[…]
J’eus quelque peine à organiser l’expédition à Fontenay. Après des pourparlers, des échanges de lettres, de pneumatiques, d’appels téléphoniques — pas avec Léautaud puisque à cette époque le Mercure n’avait pas de téléphone83 ! — notre visite fut fixée au samedi 25 juin, deux heures et demie. En même temps qu’il m’avait donné son accord, Léautaud m’avait envoyé une liste de manuscrits qu’il consentirait à vendre si l’achat du Journal ne se faisait pas.
J’en étais bien convaincue, hélas ! que cela ne se ferait pas. Le Comité mondain qui, malgré mon avis, avait offert la présidence à Jean Giraudoux, auteur à grand succès, homme du monde, diplomate brillant, plutôt qu’à Valéry qui avait connu et fréquenté Doucet dans sa jeunesse, qui avait été reçu chez lui à de fréquentes reprises, aurait peut-être consacré toute la somme disponible à un auteur à succès bien plutôt qu’à l’œuvre d’un écrivain dont ses membres ne connaissaient ni le nom ni même le pseudonyme de Maurice Boissard, pourtant célèbre, aucun d’eux n’ayant jamais rien su ni rien lu du Mercure de France. Malgré cela, j’espérais contre toute espérance, et ce n’était pas sans raison que je m’acharnais à poursuivre l’aboutissement de mon projet. Emmenant les trois Doucettes — c’est ainsi qu’on les nommait à Sainte-Geneviève — grandes mondaines, s’habillant chez les plus célèbres couturiers, j’espérais que le dénuement de Léautaud, dont elles ne pourraient pas ne pas s’apercevoir, susciterait un geste généreux qui grossirait la somme initiale insuffisante. Il leur aurait suffi de se priver d’une robe, de deux ou trois chapeaux, de quelques fantaisies. Je l’aurais fait de grand cœur, moi, si je l’avais pu.
Nous partîmes en deux équipes. Moi, dans la voiture de Jeanne Walter, Rose Adler dans celle de Yolande Friedmann. Malgré le plan très exact que m’avait envoyé Léautaud, nous fîmes quelques erreurs et il était presque trois heures quand je découvris enfin la rue Guérard. Comme elle n’était pas carrossable, je fis arrêter les voitures dans la rue du Plessis-Piquet — aujourd’hui rue Boris Vildé — et montai seule, en éclaireuse, le raidillon qui devait me conduire chez le Solitaire.
Cette rue Guérard n’était, en fait, qu’une ruelle bordée de grilles noyées dans du lierre, ce qui isolait complètement les maisons de la rue. Arrivée en haut du raidillon, j’entendis la « voix de théâtre » de Boissard qui lançait, sarcastique : « Vous n’êtes pas en avance ! » Me retournant, je découvris Léautaud accroché des deux mains à sa grille, à la façon d’un chimpanzé, la tête seule émergeant au-dessus de la haie formée par le lierre. Ayant compris que j’étais enfin arrivée, je retournai en arrière pour avertir les Doucettes. Pendant ce temps, Léautaud ouvrait toute grande sa grille afin de nous mieux accueillir. Il le fit avec ces façons désuètes, ces grâces surannées, qu’il avait apprises jadis à la Comédie-Française quand il assistait, aux côtés de son père, dans la boîte du souffleur, aux représentations des œuvres de Dumas fils ou d’Émile Augier84.
Ce ne fut pas dans un jardin que nous entrâmes, mais bien dans une forêt vierge. Le sentier qui conduisait de la grille à la maison, presque invisible à travers les branchages, était si étroit qu’on n’y pouvait marcher qu’à la file indienne. Les arbustes, jamais élagués, nous obligeaient souvent à nous plier en deux, les ronces retenaient les belles robes de Patou et de Lanvin, ce qui indisposait quelque peu les visiteuses. Arrivés devant la porte du pavillon, Léautaud, crispé, proposa « Voulez-vous voir le jardin ? » comme s’il se fût agi du parc d’un château historique. Nous acceptâmes aussitôt ; et, contournant la maison, pénétrâmes dans le maquis.
Du côté opposé à la rue, devant les fenêtres du rez-de-chaussée, une petite terrasse formée de pavés inégaux propres aux entorses. « Il n’y a pas de chaises », dit Léautaud presque bas tant il était intimidé par l’élégance, l’aisance, l’amabilité — du moins apparente des visiteuses. « Cela ne fait rien, répondit Jeanne Walter avec bonne humeur, nous nous promènerons. » Comment se promener dans une forêt vierge ? Avec cela, dans tous les coins, quelques chiens et beaucoup de chats, deux ou trois très beaux, les autres pelés, galeux, miteux, certains étendus, inertes comme s’ils allaient agoniser.
Quand nous nous fûmes extasiées sur le calme et le bon air dont on jouissait dans cette solitude, il fallut bien en arriver au Journal. « Pouvons-nous voir votre manuscrit ? hasardai-je enfin. — Oui, répondit Léautaud d’une voix encore plus éteinte, mais il faut entrer dans la maison. » Ce que nous fîmes à sa suite.
Je pensais bien que l’intérieur de Léautaud n’était ni luxueux ni même confortable, mais, un semblable dénuement, je ne l’aurais jamais imaginé. Il me semblait entrer dans une de ces maisons où je suivais ma mère quand, dans ses visites obligatoires à titre de Dame de la Charité, elle m’emmenait à sa suite chez des habitants de la zone. Aux murs, des lambeaux de papier déteints laissant voir des plâtres lézardés. Les boiseries étaient recouvertes d’une peinture écaillée dont on n’aurait pu définir la couleur, les portes fermaient mal ou pas du tout, les fenêtres étaient presque toutes clouées aux chambranles parce que, sans cela, elles seraient tombées, le plancher, sans poussière il faut le dire, semblait avoir été passé au rabot et, planant sur le tout, une tenace odeur de pipi de chat.
Suivant Léautaud qui nous guidait, je montai sans oser trop regarder mes co-visiteuses. Les chats et les chiens nous faisaient cortège. À chaque pas s’affirmait l’odeur féline. Arrivés sur le palier de l’unique étage, Léautaud nous ouvrit une porte, puis tout de suite une autre, nous découvrant une pièce donnant sur le jardin et dans laquelle il nous pria d’entrer. L’odeur féline était devenue à ce point suffocante que les trois Doucettes, tirant des étuis à cigarette de métal précieux, se mirent à fumer avec conviction.
La pièce dans laquelle nous entrâmes servait à tous usages. Sur une table de bois qui avait été blanc, un petit réchaud sur lequel étaient empilés deux casseroles bossuées et un plat en émail constellé de pièces métalliques85. Contre le mur extérieur, une autre table, en chêne, celle-là, de bonnes proportions, sur laquelle se trouvaient une lampe pigeon, une petite bouteille d’encre, quelques papiers recouverts de la fine écriture du maître des lieux, mais abrités par des journaux étendus afin que les chats ne les lacèrent pas et, couronnant le tout, quelques plumes d’oie à peu près chauves. Au milieu de la pièce étaient disposés quatre sièges disparates, et, dans l’espace laissé vide entre eux, un énorme paquet enveloppé avec de vieux journaux, mal emballé, mal ficelé : le manuscrit du Journal.
Les Doucettes n’en revenaient pas. Elles s’assirent avec précaution, car les robes de Patou et de Lanvin couraient de plus en plus de risques. Comme j’étendais la main pour ouvrir le paquet du Journal, Léautaud, d’une voix brusque et crispée : « Je vous laisse, moi, je n’ai rien à faire ici. » Il s’en fut, mélancolique, déchiré, suivi de son habituel cortège de chats et de chiens.
Je tirai du paquet informe quelques liasses de papier noircies de la célèbre écriture et les passai aux visiteuses. Cette écriture était si menue, si empâtée, qu’elles ne purent rien lire, sauf Jeanne Walter qui s’attardait sur une page. Dans la crainte qu’elle n’y découvrît des choses excessives, je lui dis très bas, mais très nettement : « Moi, je regarde, mais je ne lis pas. » Les feuillets me furent tout de suite rendus et Jeanne Walter leva la séance en déclarant qu’on ne pouvait discuter d’un achat d’une telle importance de façon si hâtive. Nous redescendîmes dans le jardin où nous trouvâmes Léautaud assis sur un vieux tronc d’arbre, pensif, dolent, sans réaction, sans curiosité. Les cigarettes s’éteignirent aussitôt que nous nous retrouvâmes au grand air. Jeanne Walter, toujours très courtoise, dit à Léautaud quelques mots aimables, mais évasifs, auxquels il répondit en lui offrant, selon les meilleures traditions, quelques roses sauvages sur lesquelles s’exclamaient les Doucettes, y trouvant un terrain d’entente moins épineux que le Journal. Jeanne Walter accepta de ramener Léautaud en même temps que moi parce qu’il lui fallait assurer le ravitaillement de sa ménagerie. Je le sentais si désemparé, si navré, qu’aussitôt arrivés à la porte d’Orléans nous quittâmes Jeanne Walter et je le fis monter chez moi, tandis que les Doucettes, pour oublier une telle misère, pour se dégager de telles visions, de telles odeurs, s’en allaient chez Pons86 croquer de succulents gâteaux et se délecter de sorbets aux parfums les plus rares.
Dès que je me retrouvai en tête à tête avec le Solitaire, il redevint semblable à lui-même et l’orage tomba sur moi : « Cette affaire n’a pas de sens. Vous auriez mieux fait de vous occuper d’autre chose que de faire venir chez moi ces donzelles qui n’ont jamais lu une ligne de ce que j’ai écrit. » C’était malheureusement vrai ! « Ce n’est pas comme cela qu’on juge d’un manuscrit. » C’était encore plus vrai. « Je ne veux plus rien savoir. Je veux qu’on me laisse tranquille. »
Je tentai quelques paroles de conciliation. Léautaud ne répondit que par un grognement. Pour l’aider à se remettre, je lui offris une tasse de café. Peu à peu, il retrouva son aplomb. En même temps que les forces revenaient les gémissements, les sarcasmes, les moqueries : « Comme c’était gai pour moi de recevoir ces trois dames que je ne connaissais pas ! Je n’ai que trois chaises et vous étiez quatre. J’ai dû en emprunter une à ma voisine.
— Je pouvais très bien rester debout puisque c’est moi qui faisais les honneurs du Journal.
— Quelle affaire, quand je pense que je me suis levé à six heures du matin pour faire à fond mon ménage…
— Votre ménage ?
— Pour sûr, j’ai balayé le pavillon, j’ai nettoyé les allées du jardin, tout cela m’assomme ! »
Qu’aurait-ce été s’il ne l’avait pas fait, son ménage !
Annexe I
L’article du Matin du cinq juin 1929
Les Rosati fêteront la rose dimanche à Fontenay-aux-Roses

Les Rosati célébreront dimanche prochain, à Fontenay-aux-Roses, leur fête annuelle des roses. On sait que pour cette importante association régionale, qui comprend l’élite artistique et littéraire du nord de la France, la réunion de Fontenay est une sorte de pèlerinage dont l’objet apparent est un hommage fleuri au buste de La Fontaine, fabuliste septentrional, érigé par ses soins dans la cour d’honneur de l’ancien collège de Sainte-Barbe-des-Champs.
En réalité, les Rosati vont à Fontenay-aux-Roses exalter le culte de la rose à la manière de leurs précurseurs, les Rosati de l’avant-dernier siècle, régulièrement constitués, le 12 juin 1778, à Blangy, près d’Arras, sous un berceau de roses. Au cours de la fête, plusieurs personnalités reçoivent des honneurs particuliers suivant un cérémonial immuable. Le gardien de cette tradition est M. Jean Ott, ingénieur en chef des ponts et chaussées, poète et directeur des Rosati.
Donc, les honneurs de la rose et le titre de Rosati d’honneur seront conférés dimanche à trois notables septentrionaux :

M. Georges Baillet, ancien sociétaire de la Comédie-Française, où il poursuivit une brillante carrière de jeune premier. En 1908, avant sa représentation de retraite, il y tenait encore les rôles qu’avait laissés à son départ sen illustre camarade Coquelin aîné87. Il n’eut pas le temps de jouer les pères nobles. M. Baillet est président de l’œuvre des Trente ans de théâtre ;
M. Félix Planquette88, artiste peintre, paysagiste de l’Avranchin, titulaire du prix Rosa-Bonheur de 1912 ;
M. Émile Langlade89, poète, essayiste et critique d’art et, par surcroît, chancelier des Rosati.
L’éloge d’usage de La Fontaine sera prononcé par M. Georges Baillet.
Notes
La numérotation des notes de cette page poursuit la numérotation de la page précédente et commence donc au numéro 61
61 Le mot Rosati est l’anagramme d’Artois. En effet, c’est à Arras que naquit le groupe des Rosati, en 1778. Des jeunes gens réunis par le goût des vers, des roses et du vin se réunirent dans un jardin, chacun lisant sa pièce de vers appropriés au lieu, évidemment fleuri de roses. Le rite d’initiation était simple : cueillir une rose, la respirer trois fois, la fixer à sa boutonnière et vider un verre de vin rosé à la santé des Rosati. (D’après François Joyaux, La Rose, une passion française, histoire de la rose en France 1778-1914, Complexe 2001, page 27).
62 Georges Baillet (1848-1935), a intégré le théâtre de l’Odéon à sa sortie du Conservatoire en 1872, puis la salle Richelieu en 1875 dans des rôles de jeune-premier de Molière et Marivaux. On le remarque aussi dans le rôle de Don César de Bazan de Ruy Blas au départ de Constant Coquelin en 1892. Il a pris sa retraite en 1908. Georges Baillet sera cité deux fois dans les chroniques de Maurice Boissard, notamment dans le Memento du 16 avril 1908 : « Comédie-Française : représentation de retraite de M. Georges Baillet : Ma Générale, comédie en un acte de M. Jules Claretie. »
63 Ce buste de Jean de La Fontaine est originellement un bronze de Louis Noël datant de 1894 et inauguré la même année, sur la place de l’Église. En 1929, il est transféré dans la cour d’honneur du château Sainte-Barbe, puis dans le parc, en 1930. Il sera réquisitionné pendant la Seconde Guerre mondiale et fondu en canon. (Source : mairie de Fontenay).
64 Le Matin du cinq juin, page sept : « Les Rosati fêteront la rose dimanche à Fontenay-aux-Roses ». Le texte de cet article et la photo l’accompagnant sont reproduits infra en annexe I, avant les notes. Voir aussi La Croix du six juin, Comœdia des sept juin page trois et dix juin page deux, Excelsior du neuf juin page deux, Le Petit Parisien du dix juin page deux, Le Journal du dix juin, L’Ami du peuple du soir du dix juin page deux, La Croix du onze juin page cinq et autres nombreux journaux à ces dates, reprenant tous à peu près le même texte. Seul Le Matin présente une photo.
65 Henri Malo (1868-1948), homme de lettres, bibliothécaire à Paris, puis conservateur du musée Condé de Chantilly.
66 Il y a deux Michel Carré, père et fils, tous deux auteurs dramatiques. Le père, (1822-1872), librettiste d’opéras et auteur dramatique ; le fils, (1865-1945), cinéaste (films muets de 1907-1911), auteur dramatique, librettiste.
67 Fernand Biais, voisin de Fontenay.
68 Pierre Gandon (1899-1990), dessinateur, peintre et graveur. Pierre Gandon deviendra l’un des spécialistes français de la gravure des timbres-poste à partir de 1941. Il est le cousin d’Yves Gandon (1899-1975), journaliste, poète et romancier, secrétaire d’Adolphe van Bever. À la mort d’AVB, Yves Gandon sera conduit à rédiger certaines notices des Poètes d’aujourd’hui.
69 Fils de famille, Jacques Doucet (1853-1929) a été l’un des premiers à créer une « maison de couture », qui a eu un immense succès et a engendré la fortune correspondante. Il collectionne les objets d’art et finance des recherches. En 1917 Jacques Doucet lègue sa bibliothèque d’histoire de l’art à l’université de Paris. Parallèlement à sa collection d’art, Jacques Doucet demande à quelques auteurs de lui constituer une bibliothèque. Parmi ces auteurs le premier et le plus connu est son ami André Suarès, alors amant de Marie Dormoy. Juste avant de mourir, Jacques Doucet a fait don de sa bibliothèque littéraire à l’université de Paris. Cette bibliothèque a été rattachée à la bibliothèque Sainte Geneviève.
70 Note de MD : « Pneumatique. »
71 Ce plan n’a pas été reproduit dans l’édition papier du Journal littéraire.
72 Jeanne Rigal, née en 1884, a épousé en 1906 Jean Walter (1883-1957), architecte de l’hôpital Beaujon (1933-1935) à Clichy, en banlieue parisienne, dont elle va divorcer en février 1934. Jeanne Walter est surtout connue pour avoir été directrice de la revue d’avant-garde d’urbanisme et d’architecture Préludes, qui parut de 1933 à 1935.
73 Rose Adler (1890-1959), relieuse et décoratrice, a écrit son Journal (1928-1959), paru en 2014 aux éditions des Cendres (490 pages, 39 €uros).
74 Yolande Friedmann (1904-1987), épousera en 1945 l’avocat et homme politique Pierre-Olivier Lapie (1901-1994).
75 Henry Le Savoureux (1881-1961), psychiatre, médecin-directeur de la Maison de Santé de la Vallée-aux-Loups (Chatenay-Malabry), fondateur de la Société Chateaubriand. Henry le Savoureux et son épouse, le docteur Lydie Plekhanov (Sofia Lydia Gueorguievna Plekhanov 1881-1978) dirigent la maison de santé et y animent un salon littéraire très fréquenté. Paul Léautaud a souvent été invité à la Vallée-aux-Loups.
76 Bibliothèque littéraire Jacques Doucet. Il y avait aussi, comme on le verra plus bas, une bibliothèque d’art et d’histoire. Voir aussi la note 69.
77 Archéologue détaché au musée de Constantinople en 1893, André Joubin (1868-1944) a le projet de création d’un Institut français d’archéologie à Constantinople, réalisé en 1930. Entretemps, André Joubin a été nommé titulaire de la chaire d’archéologie classique de Montpellier, conservateur du Musée Fabre de 1915 à 1920 puis enfin directeur de la Bibliothèque d’art et d’archéologie, fondation Jacques Doucet.
78 Jean Paulhan (1884-1968), professeur, écrivain, critique et éditeur. Entré à La NRF comme secrétaire en 1920 il en deviendra le directeur à la mort de Jacques Rivière en 1925. Pendant la seconde Guerre mondiale, Jean Paulhan, entré dans la clandestinité, collaborera à la revue Résistance, participa à la création des Lettres françaises en 1941, et participera à la fondation des Éditions de Minuit, avec Vercors, en 1942. Jean Paulhan sera élu à l’Académie française le 24 janvier 1963 au fauteuil de Pierre Benoit, où il sera reçu par Maurice Garçon. On peut profiter de cette note pour signaler, après la parution en mai 2015 des années 1939-1945 du Journal de Maurice Garçon, la sortie, le seize septembre 2022, des années 1912-1939.
79 Adrienne Monnier (1892-1955), libraire, éditrice, écrivain et poétesse, a installé sa libraire au sept rue de l’Odéon en 1915. On lira avec intérêt son livre de souvenirs Rue de l’Odéon, Albin Michel 1960, réédité en 1989.
80 Corrigé de Dubrugeaud. Jean Dubrujeaud sera en 1958 héritier de la veuve du couturier Jacques Doucet (1852-1929). Voir son portrait dans André Billy, La Terrasse du Luxembourg, pages 264-268.
81 René Gimpel (1881-1945), collectionneur, galeriste et marchand d’art.
82 Suite à la déroute économique causée par la première guerre mondiale, l’Allemagne devait payer mais n’a pas payé longtemps, et peu. Ce défaut a lourdement pesé sur l’économie française. À l’été 1928, Raymond Poincaré décide d’une importante dévaluation, ramenant le franc au cinquième de sa valeur, entrainant l’appellation populaire de « franc de quatre sous » puis les nombreuses locutions en découlant (« fichu comme quatre sons ») et même le titre de L’Opéra de quat’sous créé en français au théâtre Montparnasse en octobre 1930.
83 C’est Georges Duhamel, reprenant la direction du Mercure de France à la mort d’Alfred Vallette le 28 septembre 1935, qui a fait installer le téléphone en octobre suivant.
84 Émile Augier (1820-1889), est le fils d’un avocat à la Cour de cassation. Après ses études au Lycée Henri IV, il se destine au barreau tout en écrivant ses premières pièces de théâtre. Sa première pièce représentée, La Ciguë, une comédie en deux actes et en vers, obtient un important succès à l’Odéon. Après cela les pièces se sont enchaînées au rythme d’une par an. Sa comédie L’Habit vert, une pochade contre l’Académie française en collaboration avec Alfred de Musset et jouée au théâtre des Variétés en février 1849 ne l’a pas empêché d’être élu quai Conti en mars 1857. Un boulevard parisien porte encore son nom.
85 À cette époque et même jusque dans les années d’après-guerre il était courant dans les familles pauvres de réparer les casseroles percées à l’aide de deux rondelles maintenues par un boulon. Ces pièces se trouvaient chez les quincaillers.
86 Cette pâtisserie Pons, au 2, place Edmond Rostand, près du jardin du Luxembourg, tient une place surprenante dans le Journal littéraire. Voir notamment l’affaire du bouquet de violettes offert à Verlaine le 24 août 1894. À cet emplacement s’est ensuite installée une pâtisserie Dalloyau jusqu’en 2020.
87 Constant Coquelin (1841-1909), dit Coquelin aîné (par rapport à son frère Ernest), est l’un des comédiens les plus notoires de son temps, pour avoir créé le rôle de Cyrano de Bergerac. Après son premier prix de comédie au conservatoire en 1860, Constant Coquelin a débuté à la Comédie-Française la même année et en est devenu sociétaire en 1864 pour la quitter en 1886 et y revenir en 1891 comme pensionnaire. En 1895, Constant Coquelin entre au théâtre de la Renaissance, puis prend la direction du théâtre de la Porte-Saint-Martin avec son fils Jean, jusqu’en 1901 où il laisse cette direction à son fils seul. En 1897, il y crée le rôle de Cyrano de Bergerac, ce qui lui assure une gloire éternelle. En 1911, son nom a été donné à une avenue à Paris (en fait une impasse prenant sur le boulevard des Invalides). Constant Coquelin est le fondateur de la maison de retraite des vieux comédiens de Pont-aux-Dames, au sud de Meaux.
88 Félix Planquette (1873-1964), peintre animalier et paysagiste, a peint un nombre incalculable de vaches, toutes aussi paisibles que sa peinture.
89 Émile Langlade (1863-1939), érudit et homme de lettres, a écrit sur de nombreux sujets, dont les roses et les animaux.