Les listes Otto

Ces listes n’ont que peu de choses à voir avec le Journal littéraire de Paul Léautaud et c’est d’ailleurs pourquoi cette page a été classée à la fin de la liste des pages, dans les annexes.

De nombreux ouvrages traitent de ces listes, parfois savamment mais pourtant — et curieusement — ces listes sont peu présentes sur le web ou alors assez inexploitables en tant que listes, la plupart en version image. La liste de 1942 est introuvable (enfin nous ne sommes par parvenu à la trouver).

C’est pour combler cette lacune que nous avons voulu mettre à la disposition de tous les quatre listes Otto qui portent officiellement des noms différents :

— 1940, sans autre date « Liste Otto » sans autre précision, trente-huit pages dactylographiées sur deux colonnes plus une page de titre suivie d’une page blanche. Tri par auteur ;

— Septembre 1940, Ouvrages retirés de la vente par les éditeurs ou interdits par les autorités allemandes (un peu plus de 1 000 ouvrages). Tri par éditeur ;

— Juillet 1942, Ouvrages littéraires français non désirables (1 170 titres). Tri par éditeur ;

— Mai 1943, Ouvrages Littéraires non désirables en France — troisième édition (complétée et corrigée).

La première liste

En entreprenant ce travail notre projet n’était pas de donner une liste Otto de plus, par rapport à celles que tout le monde peut trouver facilement sur le web. L’ambition était d’abord de l’organiser sur Excel afin de la rendre facilement manipulable mais aussi de corriger certaines imprécisions comme parfois les noms et prénoms exacts des auteurs (on le verra dès le premier auteur), fautes de frappe et autres éléments de cette nature très présents dans une liste a l’évidence établie dans l’urgence, par un(e) Français(e) (une faute à Bismarck), semblant peu familier(e) des lettres (les titres de collection précédant souvent le nom de l’éditeur).

Cette liste dactylographiée de 1940, d’un format de 21 x 27 cm, d’une facture toute artisanale et vraisemblablement établie dans l’urgence, est répartie sur 38 pages, sur deux colonnes, par ordre alphabétique d’auteurs. À cela il faut ajouter une page-titre suivie d’une page vierge. Les noms d’auteurs sont tout en capitales, ce qui peut poser des problèmes avec les caractères accentués qui n’existaient pas sur les majuscules des machines à écrire de cette époque.

Cette liste comprend 1 069 lignes dont certains doublons, le même ouvrage étant parfois paru chez plusieurs éditeurs différents. C’est ce qui explique — en partie — des chiffres différents quand on nombre de titres réellement concernés.

Certains titres sont parus sans nom d’auteur ou indiqués « XXX ». Il s’agit souvent d’œuvres collectives ou de textes officiels Cette liste sous Excel a été rapidement revue mais pas entièrement corrigée. Un gros travail reste à faire. Le chercheur consciencieux se reportera évidemment à l’original, pas toujours très lisible.
Les titres allemands, nombreux, n’ont pas été corrigés et sont “bruts d’OCR” et une colonne spécifique les distingue.

La deuxième liste

Cette deuxième liste, datée de septembre 1940 est un document de 18 pages. Elle est indiquée « Complément à la liste des ouvrages dont la vente est interdite » — (Liste OTTO).

Les deux premières pages ajoutent 32 ouvrages nouveaux et en retirent trois de la liste précédente. Ces trois sont :
Alexandre Arnoux : Indice 33 (Fayard 1920) ;
Ely Halpérine-Kaminsky (pseudo) : La Tragédie de Tolstoï et de sa femme (Fayard 1931) ;
Imam Raguza : La Vie de Staline (Fayard 1931).

On trouvera en pièce jointe une petite feuille Excel concernant les 32 ouvrages ajoutés en septembre 1940.

La page trois de cette deuxième liste porte le titre « Ouvrages retirés de la vente par les éditeurs ou interdits par les autorités allemandes »

La page quatre est blanche et la cinquième porte un préambule en deux langues, dont voici le texte français dans son prégnant fumet de dictature :

« Désireux de contribuer à la création d’une atmosphère plus saine et dans le souci d’établir les conditions nécessaires à une appréciation plus juste et objective des problèmes européens, les éditeurs français ont décidé de retirer des librairies et de la vente, les œuvres qui figurent sur la liste suivante et sur des listes analogues qui pourraient être publiées plus tard. Il s’agit de livres qui, par leur esprit mensonger et tendancieux ont systématiquement empoisonné l’opinion publique française ; sont visées en particulier les publications de réfugiés politiques ou d’écrivains juifs, qui, trahissant l’hospitalité que la France leur avait accordée, ont sans scrupules poussé à une guerre, dont ils espéraient tirer profit pour leurs buts égoïstes. / Les autorités allemandes ont enregistré avec satisfaction l’initiative des éditeurs français et ont de leur côté pris les mesures nécessaires. /Paris, Septembre 1940 »

Suit une page blanche (tout le papier nécessaire a été utilisé sans compter) puis enfin les onze pages de la liste, triée par éditeurs, sur trois colonnes, qui est sensiblement identique à la première liste.

La troisième liste

Cette troisième liste est indiquée « deuxième édition » ce qui semble indiquer que la première liste, dactylographiée, n’a existé dans l’esprit des éditeurs, que lorsqu’elle a été imprimée. Elle est datée du huit juillet 1942 et difficilement trouvable sur le web, même en mode image. Voici l’« Avertissement » de cette liste de 1942 :

Avertissement pour la 2e édition / Paris, 8 juillet 1942.
La liste des ouvrages interdits, dite liste OTTO, a été publiée en octobre 1940 [mais datée de septembre].

Deux ans après, une édition de cette liste paraît nécessaire pour permettre de faire le point et tenir compte des mesures intervenues depuis cette date.

Dans cette deuxième édition, figurent :
D’une part, certains ouvrages égarés par-ci, par-là, dans les librairies, ou plus particulièrement chez les bouquinistes, qui avaient échappé au premier recensement ;
D’autre part, les ouvrages nouvellement interdits suivant les décisions du Militärbefehlshaber en France, décisions régulièrement communiquées aux éditeurs, et visant :

a) les traductions des ouvrages anglais (exception faite des ouvrages classiques), et polonais ;
b) les livres d’auteurs juifs (exception faite des ouvrages scientifiques) ;
c) les biographies, d’auteurs même aryens, consacrés à des juifs.

Il s’agit de l’application de mesures conformes à l’esprit de la convention de censure. Ces dispositions, qui ne semblent pas causer un préjudice matériel sérieux à l’édition française, laissent à la pensée française le moyen de continuer son essor, ainsi que sa mission civilisatrice de rapprochement des peuples.

Le Président : Philippon.

René Phlippon (1891-1972), était le directeur de la librairie Armand Colin et président du syndicat des éditeurs.

La quatrième liste

Cette quatrième liste présente 976 titres avec quelques doublons (le même ouvrage chez deux éditeurs différents) que nous n’avons pas voulu retirer, mais sous Excel, tout le monde peut le faire. C’est pourquoi de nombreux auteurs avancent le chiffre un peu plus faible de 934 titres.
Elle est répartie sur deux couples de colonnes par page, la première colonne contenant les auteurs et les titres (tri par auteur) la seconde colonne indiquant les éditeurs.

Ce document est réparti sur 28 pages.
— Une page de titre (deux langues, encadré) : Ouvrages littéraires non désirables en France ;
— Une page (deux langues, deux colonnes) indiquant « Troisième édition (complétée et corrigée) — avec un appendice donnant la liste des auteurs juifs de langue française — 10 mai 1943 » ;

— L’avertissement de l’édition du huit juillet 1942 signée René Philippon donné ci-dessus.
— 18 pages de liste telle que décrite ci-dessus
— Sur six pages, en deux paires de colonnes, la liste des écrivains juifs de langue française. La première colonne donne les noms et prénoms et la deuxième le nom de ou des éditeurs.

La dernière page, enfin, indique que sont interdits les ouvrages en langue anglaise, polonaise ou russe ainsi que les ouvrages traduits de l’anglais (excepté les classiques).
Sont interdits également tous les livres d’auteurs juifs, y compris les ouvrages collectifs auxquels un juif aura collaboré « à l’exception des ouvrages à contenu scientifique au sujet desquels des mesures particulières sont réservées »
Sont aussi interdits « des biographies, même rédigées par des Français aryens consacrées à des juifs, comme par exemple les biographies relatives aux musiciens juifs Offenbach, Meyerbeer, Darius Milhaud, etc… »

Cette quatrième liste vient de Wikisource, dont une bonne moitié est inexploitable et c’est pourquoi nous avons voulu la rétablir ici.

Elle est disponible en mode image chez Gallica mais mal référencée dans Google, on ne la trouve pas facilement.
Le lien est https://is.gd/eHERfS.

Une telle liste, de nos jours, c’est forcément de l’Excel mais d’autres formats (texte — refusé par l’hébergeur — ou Word) peuvent être demandés ici.

Cordialement à toutes et tous.

Michel Courty