Texte du Mercure de France du premier septembre 1937
À l’été 1937, Paul Léautaud pense à une nouvelle version d’In Memoriam.
Ce court texte, rédigé à l’été 1905 est paru uniquement dans les deux numéros du Mercure des premier et quinze novembre. Autant dire qu’en 1937, plus personne ne le connaît.
Georges Duhamel est alors directeur du Mercure de France. Choqué par la teneur du récit il fera bonne figure mais ne publiera ce texte que du bout des lèvres, et seulement parce qu’il a pour Paul Léautaud une affection sincère. Paul Léautaud mettra plusieurs jours à s’en rendre compte mais quelques détails — et quelques collègues — l’éclaireront. C’est pour cette raison que la suite ne paraîtra que deux ans plus tard, dans La NRF de Jean Paulhan en octobre 1939.
En fait le premier In Memoriam n’est paru en volume qu’après la mort de Paul Léautaud, au début de 1957 (achevé d’imprimer le cinq décembre 1956, dans un ouvrage au titre compliqué : “Le Petit Ami, précédé d’Essais et suivi de In Memoriam et Amours”. 277 pages. Paul Léautaud écrivait resserré. Pas autant que Jules Renard mais quand même.

Si le texte d’In Memoriam est toujours disponible en librairie courante (éditions Sillage, mai 2016, huit €uros cinquante), ce Portrait de mon père n’est paru que dans ces deux revues il y a plus de quatre-vingts ans. Plus personne ne s’en souvient et les seuls à l’avoir lu à l’époque sont largement aussi morts que le dernier des anciens combattants, même si on peut le regretter. C’est pour cette raison que cet inédit au livre parfaitement oublié est publié ici, en deux parties comme ce fut le cas en 1937 et 1939.
La première fois que PL évoque ce texte est le 19 juillet 1937 :
Il m’est venu subitement l’idée de publier dans le Mercure les premières pages de mon nouvel In Memoriam, auquel je travaille toujours, quand un morceau me vient tout seul à l’esprit, et pas avec énormément d’entrain, tant je suis loin de l’état d’esprit dans lequel je l’ai écrit la première fois.
Duhamel a toujours des masses de monde. Les conversations m’assomment. Je lui ai fait remettre ce matin par sa secrétaire ce petit mot :
« Je voudrais bien publier dans le Mercure le début (qui forme un tout et qui ferait une dizaine de pages) d’une petite affaire que j’écris, — uniquement pour me débarrasser de la manie d’y revenir.
« Si vous y consentez, je verrai à faire taper cela à la machine immédiatement. »
Sa secrétaire n’a pu le lui remettre qu’à son départ. Il l’a fourré dans sa serviette et il est parti.
Il revient demain, pour signer des actions. Évidemment, la réponse sera oui, il ne peut faire autrement, mais avec l’inquiétude qu’il puisse se trouver là-dedans certaines choses, soit qu’il m’en parle, soit non. Je suis, en tout cas, nerveux du résultat. En tout cas, je n’enlève rien et s’il m’impose d’attendre deux ou trois numéros, je renonce.
J’ai écrit les passages nouveaux très facilement, mais le texte ancien, pour le mettre dans le même ton, il y a des morceaux que j’ai bien recommencés quatre fois. Jusqu’à ce qu’ils me viennent dans le ton nécessaire.
La veille, Paul Léautaud s’en était déjà ouvert à Marie Dormoy, ainsi que nous l’apprenons grâce à Édith Silve dans son édition du Journal Particulier publié en septembre 2020. Même date du 19 juillet 1937 :
Je lui ai parlé, hier, de mon idée de donner le début d’In memoriam au Mercure, si cela ne la contrarie pas, puisqu’elle doit l’éditer. Me laisse libre. M’a offert très gentiment de me taper ces dix pages. Occupée comme elle est, j’ai dit : « Non. » Je me propose de les faire taper par Mme Lucien Combelle1(2) qui s’est mise à ma disposition pour des travaux de ce genre. Je ne peux donner mon manuscrit tout écrit si vite qu’il est, par moment, illisible, même pour moi.
Puis le lendemain vingt juillet :
Je n’étais pas au Mercure quand Duhamel est venu tantôt. Il est parti avant que je sois rentré. Il m’a laissé sa réponse sur mon bureau sur le même papier que je lui ai fait ma demande. Réponse beaucoup trop aimable. J’aimerais mieux plus de simplicité. Il tient à lire mon manuscrit. Je m’y attendais. Reste à savoir comment il va prendre certains deux ou trois petits passages… Je ne les enlèverai certes pas.
Ce soir, visite de Marie Dormoy, qui renonce à me taper à la machine mon début d’I. M. pour le Mercure, devant la difficulté à lire mon écriture. Le fait est que je perds de plus en plus la patience de m’appliquer un peu pour être lisible.
Reste le problème de la dactylographie. Le jeune Lucien Combelle passe par là et s’offre. Mais…
Combelle est venu ce matin. Il ne lit guère mieux que M. D. En un quart d’heure il n’avait pas lu complètement, exactement le tiers d’un feuillet. Il a tout de même emporté mon manuscrit. Il fera pour le mieux. Les mots qu’il ne pourra pas lire, il les laissera en blanc. Il viendra dimanche matin à Fontenay m’apporter son tapage. Il est probable que j’aurai beaucoup à compléter.
[…]
Je ne sais pas ce qu’on pensera de ce début d’I. M. s’il paraît dans le Mercure. (Je reste dans le doute à cause des deux ou trois passages qui peuvent faire tiquer Duhamel.) Moi, je le trouve remarquable. Un écrivain doit toujours savoir ce qu’il a fait.
La dactylographie est prête le 25 juillet. Nous sommes dimanche :
Combelle m’a apporté le « tapage » de mon début d’I. M. Ce n’est pas trop mal. J’ai corrigé les fautes, rempli les blancs qu’il a laissés (mots illisibles). Je ferai demain matin mon cadeau à Duhamel.
Combelle était avec son amie, un petit bout de femme de rien. Je les ai emmenés tous les deux déjeuner au Val d’Aulnay.
Le lundi :
J’ai été pris soudain ce matin dans le train d’une véritable émotion en relisant mon premier morceau d’I. M., le passage où je rappelle mon père chantant dans son trou en même temps que les acteurs. Après si longtemps !
J’ai remis mes feuillets à Duhamel : « Voici ce dont je vous ai parlé. Vous voyez que je ne vous encombre pas. » (Cela fera, en effet, au plus dix pages du Mercure). Lisant le titre, il se met à dire : « Portrait de mon père. Nous allons lire des choses… » Je lui dis : « Ne faites pas trop le moraliste. » Il a relevé le mot en me disant : « Nous sommes l’un et l’autre des moralistes, mais ne croyez pas que je sois un moralisateur. J’entends dire simplement que la revue n’est pas le livre… »
[…]
Il lira demain. Il ne revient que jeudi. Je n’aurai sa réponse que jeudi. Il y aura deux motifs pour que je reprenne mon manuscrit : qu’il me demande des suppressions, qu’il me fasse attendre plusieurs semaines.
Et le jeudi :
Eh bien ! cela s’est très bien passé. Moi qui me croyais si assuré d’avoir à me chicaner avec Duhamel. Dès mon arrivée : « Puisque vous voilà Léautaud, nous allons parler de votre manuscrit. Bien entendu, je le publie tel quel. Je ne vous demanderai, si vous le voulez bien, que de changer un mot. » Comme je demande lequel, il cherche dans mon texte, arrive au passage des époux Caron, me montre le mot : sperme. « Si vous voulez bien, nous mettrons : semence. » Je lui ai dit qu’il va me faire prendre pour un précieux, que jamais ce mot ne serait venu à cette commère. Il a voulu me persuader que c’est le terme exact. J’ai bien dû me laisser faire. Mais que c’est ridicule, et que ce mot semence est ridicule, lui aussi. Et Duhamel tenir à ce changement. C’est du Delille3 : noble coursier pour cheval.
[…]
Et enfin, le deux septembre, lendemain de la publication :
Je rencontre à midi, comme souvent, rue Dauphine, Plan4 (nous avons le même tripier pour nos chats). Il a lu mon Portrait dans le Mercure et me demande si on lira la suite. Je lui dis qu’il est probable que non, car je n’oserai jamais l’offrir à Duhamel, que ce premier morceau a même été toute une petite affaire.
Le brave Pierre-Paul Plan devra en effet attendre deux ans, jusqu’en octobre 1939, pour lire la suite… Dans La NRF !
Portrait de mon père
On me demandera pourquoi j’écris ce récit ? Parce que j’aime écrire. Comme je n’ai aucun don d’invention, — laquelle ne m’intéresse pas, — j’écris sur ce que me fournit la vie. Écrire un roman, inventer des personnages, ce peut être amusant, mais bien arbitraire. Moi, j’écris sur des gens vrais, réels, que j’ai connus, qui ont composé, comme aujourd’hui ; ce que j’ai eu de famille. Je suis un historien de mœurs, un biographe, un moraliste, un anecdotier, un écrivain de choses vues. Chacun son genre.
Mon sujet, aujourd’hui, c’est la mort de mon père. Auparavant, raconter ce que je sais de lui. Occasion éminente pour parler en même temps de moi, revenir sur ces souvenirs d’enfance que je n’ai pas épuisés dans Le Petit Ami. Je peux faire avec tout cela une centaine de pages qui auront leur intérêt, peut-être ? Qu’elles m’amusent à écrire, ce sera beaucoup, déjà.
J’imiterai les grands écrivains. Je ferai le portrait de mon héros, d’abord.
Mon père était un homme grand, solide, large d’épaules, les extrémités fortes, le teint mat, les cheveux très noirs un peu crêpelés, les yeux gris, les traits gros, la bouche aux grosses lèvres, la moustache aux pointes conquérantes, portant beau dans toute sa personne. Ce qu’on appelle un bel homme. Il en a eu les bénéfices, on le verra. Comme comédien, il avait été pendant longtemps complètement rasé. Quand il avait une occasion, et qu’il allait jouer quelque part, il faisait couper sa moustache. Quel changement pour l’enfant que j’étais ! Je retrouve mon impression à me rappeler quand j’allais au-devant de lui à son retour et qu’il se penchait pour m’embrasser. C’est à lui que je dois d’avoir été, dès mes dix-huit ans, complètement rasé. Je l’ai peu connu sous ce bel aspect que je décris : coquet, soigné, portant des chemises sur mesure à 40 francs pièce (pour le temps !) Poulain, chemisier, rue de Châteaudun, chaussé de ces jolies petites hottes à la mode à cette époque, des jaquettes5 de ratine bordées d’un galon de soie. Parti habiter Courbevoie, obligé aux économies pour payer les annuités de la maison qu’il s’était fait construire, vieilli, devenu commun, lourd d’aspect, l’origine reparaissant avec l’âge, il s’habillait et se chaussait grossièrement, ayant perdu toute élégance, comme ces femmes qui, vivant en banlieue, peu à peu se négligent. Sa retraite venue, il passait ses journées au café, à jouer aux cartes ou au jacquet avec des habitués, gens des plus communs, se laissant souvent griser par eux, au point de rentrer chez lui en titubant. Quand j’allais le chercher pour le dîner, quelle gêne il me causait à le ramener en cet état !
Comme pilier de café, pas mieux. Il y était le matin. Il y était avant le dîner. Il y était au retour du spectacle. Rue des Martyrs, il fallait qu’on le mette dehors pour qu’il se décide à rentrer se coucher. Il ne se refusait rien : vingt-cinq francs par jour au dit café, des fusils de douze cents francs (pour le temps !), mais il me laissait sans vêtements, donnait cent sous par jour à ma vieille bonne pour faire marcher la maison, et, à Courbevoie, refusait trois francs à ma future belle-mère6 pour s’acheter des bas. Toujours sans le sou et couvert de dettes, c’était son état. Il empruntait à tout le monde, jusqu’au concierge du théâtre, jusqu’à ses garçons de café, jusqu’aux fournisseurs auxquels il devait. Je l’ai vu, un jour, à Courbevoie, entrer chez un quincaillier, auquel il devait un bon millier de francs, et en sortir ayant réussi à se faire prêter par-dessus le marché cinq cents francs, le visage épanoui de cette opération. Il ne brillait pas non plus par la délicatesse du vocabulaire ni des manières, diseur de grosses plaisanteries malpropres, pétant en société et trouvant cela très drôle, se décrottant le nez à table et s’essuyant les doigts aux barreaux des chaises. Seigneur ! qu’il m’a répugné, tout enfant que j’étais ! Et quelle éducation il m’a donnée, sans le vouloir, par le seul fait de la réaction instinctive que j’éprouvais ! J’étais déjà tout à l’opposé de lui. Comme caractère : violent, emporté, autoritaire. À propos de rien, ce mot à la bouche : « Je suis le maître, je crois ! » La brutalité même. Je l’ai vu taper sur ses chiens, jusqu’à ce que la force lui manquât. Un jour, dans sa colère, rue des Martyrs, je l’ai raconté dans Le Petit Ami, pour l’école manquée pendant quinze jours, ouvertement, ayant inventé une maladie du maître, il me marchait positivement dessus. Il a été ma terreur jusque vers dix-sept ans. Je n’en reviens pas quand j’y pense. On vantait partout au dehors son entrain, sa gaîté, la joie qu’il mettait partout. À la maison, muet, bourru, sans patience. Aux repas, le nez dans son journal, il ne fallait pas dire un mot. Même ma future belle-mère, nous n’avions de soulagement que lorsqu’il était parti. Après cela, cette merveille : cet homme sans instruction, qui ne connaissait rien, qui n’avait rien lu, qui ne lisait que son journal, que je n’ai jamais vu un livre à la main, connaissait fort bien sa langue, s’exprimait merveilleusement, reprenant avec grande justesse les fautes qu’on faisait devant lui. Cette autre merveille chez un homme de théâtre : la modestie même, ne parlant jamais de lui, à aucun sujet. Que n’a-t-il été plus bavard ! Je risquerais moins d’être incomplet dans sa biographie.
Je le peins là tel que je l’ai connu. Peut-être y avait-il l’être secret, que nous avons tous, que je n’ai pas connu. Qu’on puisse être en tout cas si différents comme père et fils, c’est un prodige. Différence physique, qui emporte la différence morale. Lui-même, un jour, il m’a tenu ce propos, avec une sorte d’effarement : « Se peut-il que tu sois mon fils ? » Mon Dieu ! je le suis peut-être… d’état-civil ! Peut-être ma mère… ? Hé ! hé ! cela s’est vu dans les meilleures familles.
Ne sera-t-on pas satisfait du ton net, rapide, de ce qui précède ? Cela ne vaut-il pas mieux que d’ennuyer avec de jolies phrases ? La musique du style, quelle niaiserie ! Ces sucreries littéraires me font sauver. Quant aux répétitions de mots… Je leur trouve pour ma part un charme particulier. Il m’arrive d’écrire des phrases dans lesquelles il y a jusqu’à trois fois le même mot. Elles me ravissent. Elles me sont venues ainsi. Je n’y toucherais pour rien au monde. J’ai un culte pour ce qui est venu spontanément, si je dis bien ce que j’ai à dire. Ainsi voilà le lecteur prévenu. Je ne suis pas un styliste. Que je n’ennuie pas, c’est tout mon objectif. Pour le reste : au petit bonheur. C’est mon genre littéraire. Je l’ai noté une fois pour moi dans une de ces notes qui sont ce que j’ai le plus de plaisir à écrire : Je n’aime pas la grande littérature. Je n’aime que la conversation écrite.
J’ai dit plus haut que mon père était toujours sans le sou. Je veux noter à ce propos un de mes meilleurs souvenirs. Le vingt du mois arrivé, j’avais alors la corvée, — au temps de Courbevoie, — d’aller emprunter une cinquantaine de francs à un ami voisin, l’excellent Montsallut, employé sérieux, coquet, rangé, avec une femme affreuse, je les revois si bien tous les deux, et leur garçon, joufflu, si bien tenu. « Monsieur Montsallut, papa m’envoie vous demander si vous pourriez lui prêter… » Qu’est-ce qu’il y avait là de difficile, l’habitude aidant ? Eh ! bien, chaque fois, les mots sortaient à peine de ma bouche, tant j’avais la gorge serrée. L’angoisse des fins de mois ! Je l’ai connue de bonne heure, dans mon genre.
Mais entrons dans le sujet.
Quand était-il né, ce père des pères ? Je n’en sais rien. On a mis deux dates sur sa tombe. Je ne me rappelle jamais la première7. Il avait soixante-neuf ans, paraît-il. Je compte : 1903 moins 69. Cela fait 1834. Mettons 1834. Je ne sais rien non plus de ses origines ni de sa première jeunesse. Il était né dans les Basses-Alpes, du côté de Barcelonnette, de parents vrais paysans, je crois. Il disait qu’il avait gardé les troupeaux dans son enfance. Il a prononcé une ou deux fois un nom : Fours, celui de son village natal, disant qu’il voudrait bien le revoir. À vingt ans, il vint à Paris et entra comme apprenti chez un oncle, horloger-bijoutier, qui tenait, faubourg Montmartre, à deux pas de Notre-Dame de Lorette, le magasin de bijouterie-horlogerie À la Maison Rouge. Ce magasin existe encore, voisin du magasin de bonneterie À François les Bas-Bleus, qui fait l’angle de la rue Fléchier8, et j’ai vu, jusque peu avant sa mort, trôner dans la salle à manger une admirable horloge Louis XVI, en bois peint de petites fleurs, ornée de bronzes dorés, remontoir au cordonnet, qui portait notre nom sur le cadran. Il y avait aussi une horloge italienne, d’un si beau son grave dans la sonnerie des heures, que j’ai chez moi aujourd’hui. Il y avait également l’établi de l’oncle, un beau meuble en acajou massif, avec une multitude de petits tiroirs remplis d’outils délicats qui faisaient mon émerveillement. Au milieu, une sorte de niche, pour placer les jambes. J’ai passé une partie de mon enfance dans cette niche, -— quand je n’étais pas fourré sous la table de la salle à manger, — assis en tailleur, dérobé à la vue de tous, trouvant mon bonheur à être ainsi caché.
Étonnant à quel point je revois mon père remonter cette horloge italienne, placée dans la salle à manger, avec des gestes si délicats, lui si brutal de manières. Une cérémonie. Il fallait que plus rien ne bouge dans la maison, le temps qu’il vérifiait le mouvement du balancier.
Un homme bien sympathique, cet oncle horloger. Il a bien sa place dans ce récit, comme digne oncle de son neveu. Il était déjà, à l’entrée de mon père chez lui, un vieil homme. Marié à une fort jolie femme, de beaucoup d’années de moins que lui. Malgré cela, resté grand amateur de femmes, ayant plusieurs ménages en ville, passant ses soirées dans l’un ou dans l’autre, les occasions par-dessus le marché. Une nuit, une concierge accourut à La Maison Rouge. II était mort chez une de ses maîtresses, en faisant l’amour. Il fallut aller l’enlever là et le ramener chez lui. J’ai connu cette histoire Par ma future belle-mère, à qui mon père l’avait racontée, et qui me la raconta à son tour. Mourir en faisant l’amour ? À ce moment, cette confidence ne m’en disait pas plus que les autres dont elle me gratifiait, comme on le verra. Aujourd’hui ?… Hé ! mon Dieu, je le dis sans feinte : un beau trépas.
Mon père ne gardait pas de lui un très bon souvenir. II le traitait de vieil avare, qui le faisait travailler en lui donnant à peine à manger, à un âge auquel on dévore. « Sans ma marraine (la femme de l’oncle), je serais mort de faim. » Voyez cette ingéniosité bien féminine. Chaque soir, après le dîner, s’adressant à mon père d’un ton sec : « Firmin, allez donc voir dans ma chambre s’il n’y a rien à ranger. » Firmin obéissait, allait voir dans la chambre s’il n’y avait rien à ranger et trouvait là un second dîner servi en cachette. Ces petits soins étaient-ils désintéressés ? Mon père avait un bien drôle d’air en évoquant ce temps. Et quand on regarde les personnages ! Cette marraine encore jeune et jolie, épouse délaissée. Ce beau garçon de neveu qu’elle avait sous la main. Chacun ayant à se payer de l’oncle, l’une pour ses gourgandineries, l’autre pour son avarice. Situation classique. Il est bien probable que l’oncle n’était pas trompé que sur le chapitre du dîner.
Était-ce aussi en souvenir de ce temps ? Il eut longtemps le portrait de cette marraine accroché dans sa chambre, à la tête de son lit. Une miniature, dans un cadre rococo. Ce souvenir s’était-il effacé avec la vieillesse ? Peu avant sa mort9, j’ai sauvé cette miniature de la mise à la poubelle. J’ai mis la date au dos du cadre : 8 avril 1901. On voit une jolie femme, visage à la mode du temps, de beaux yeux, une bouche sensuelle, de belles épaules, une poitrine engageante au peu qu’on en voit. Le mot probable écrit ci-dessus est insuffisant. C’est sûr qui convient.
J’ai sauvé de la même façon tout un lot de photographies : mon père en costumes de théâtre, ma mère, moi enfant, Fanny et sa fille Hélène10, mon père avec des camarades du Conservatoire11, même une très belle robe de chambre en soie brochée avec laquelle il jouait Le Malade. Où tout cela serait-il allé sans moi ? Dieu sait pourtant si je me doutais peu que j’écrirais un jour Le Petit Ami et que je serais aujourd’hui son historiographe.
Je reviens un peu à ses origines. (J’ai oublié de dire que je me moque aussi de l’art des transitions.) Souchon12 s’était intéressé à ce récit. Un été qu’il passait ses vacances dans ces pays, il m’a envoyé quelques cartes postales illustrées, montrant un village des Basses-Alpes, Fours, en effet, et sur une de ces cartes une maison, qu’il a indiquée d’un trait au crayon, qui serait la maison natale de mon père13. Souchou a trouvé là-bas des gens qui l’avaient connu tout enfant, d’autres qui se le rappelaient alors que, déjà comédien à Paris, il vint faire un tour au pays, émerveillant tout le monde par son entrain, son bagout, les scènes de théâtre qu’il jouait, sa façon de faire le mort en se laissant tomber tout d’une pièce en arrière. (Je lui ai entendu expliquer combien c’est facile. On se tient bien raide. On se laisse tomber en tenant la tête un peu penchée en avant. On ne se fait aucun mal.) Il y avait même encore à ce moment des Léautaud là-bas. Souchon a fixé là un point d’histoire important.
Il faut croire que la bijouterie-horlogerie n’emballait pas Firmin Léautaud. Je l’ai dit : muet comme il était sur son compte, je sais très peu de choses sur lui. J’écris ce récit avec ce que j’ai surpris moi-même, ce que m’ont raconté des tiers, ce que j’ai lu à droite et à gauche. Quand il a pris sa retraite de la Comédie-Française, on l’a interviewé comme un personnage. J’ai lu ainsi dans les journaux à ce moment qu’il avait été élève au Conservatoire, dans la classe de Régnier. Il en sortit en 1858, avec un deuxième prix de comédie, je crois, et un accessit de tragédie, joua à l’Odéon, au petit théâtre de la rue de La Tour d’Auvergne14, à la Porte-Saint-Martin, à Beaumarchais15, aux Matinées Ballande16, dont il fut régisseur, ailleurs encore. Autre pièce que j’ai encore sauvée chez lui de la mise au rebut : un portrait-charge, fait par un de ses amis à cette époque, le représentant avec la médaille de son prix à la main, et, l’encadrant, les affiches de quelques pièces dans lesquelles il avait déjà joué : La Joie fait peur, Le Barbier de Séville, Le Bonhomme Jadis, L’Avare, L’École des Vieillards, Le Roman chez la Portière17… Je dis ce qui précède pour garnir un peu. Moi, — je suis né il avait déjà trente-huit ans, — je ne l’ai connu que souffleur à la Comédie, où l’avait fait entrer, vers 1874 ou 75, son camarade Maubant18. Il occupa ces fonctions jusqu’en avril 1897(19). On jugera de mon état d’esprit en écrivant ce récit par mon soin à rapporter le bon comme ce qui pourra paraître blâmable. J’écris vraiment comme je ferais le portrait d’un étranger, et, pour ce qu’il a été avec moi, comme s’il s’agissait d’un autre enfant. Comme nous sommes le père et le fils, cela donne un petit intérêt. Il paraît qu’il était remarquable dans cet emploi de souffleur. Ce grand fou de Mounet ne voulait avoir que lui. J’ai vu traîner dans son armoire à glace une brochure de L’Étrangère, avec cet envoi : On dit que souffler n’est pas jouer. Ce n’est peut-être pas sûr. Il avait une mémoire prodigieuse. Il savait tous les rôles du répertoire. Je l’ai vu souvent souffler, la brochure fermée, suivant des yeux les acteurs. Il apprenait en une matinée un rôle qu’il devait aller jouer le soir. On lui demandait souvent, à une répétition, de venir indiquer une intonation, un jeu de scène. Il sortait de son « trou », jouait le passage demandé et retournait à sa brochure. Un soir, on jouait Tartuffe. J’étais assis à côté de lui. On en était à la scène de la déclaration à Elmire, Orgon caché sous la table20. Il me dit : « J’ai joué Orgon. » Le plaisir du théâtre était sur son visage. Il jouait positivement le rôle en même temps que l’acteur. Il paraît qu’il faillit jouer un soir en remplacement de Thiron qui manquait. Je l’ai appris dans un petit livre publié récemment : Souvenirs d’un claqueur et d’un figurant21. Il devait avoir une cinquantaine d’années. Quelle joie dut le prendre ! Il aurait peut-être recommencé à jouer ? Thiron arriva quand on allait lever le rideau22. Quelle merveille, écrire ! Comme les choses revivent ! Il me semble que je suis à côté de lui dans ce « trou » où j’ai passé tant de soirées. Je l’entends chanter en même temps que les acteurs le Dignus est intrare de la Cérémonie du Malade, ou la chanson des moissonneurs de L’Ami Fritz23, ou, tout bas, la romance de Fortunio, du Chandelier24. À côté de cela, ce prodige : sa voix dans la conversation, plus rien. Il est vrai, nous n’avons guère fait les causeurs ensemble. Ce trait suffira. Quand j’habitais rue Monsieur-le-Prince, ou rue de Savoie, ou rue de Condé, le soir, après avoir lu ou travaillé, j’allais vers onze heures le retrouver dans son « trou », écouter un dernier acte. Je l’accompagnais jusqu’à la gare Saint-Lazare. Tout le chemin sans un mot.
Je le montre là à sa belle époque. Dans les dernières années, dormant comme un plomb, malgré les cafés qu’il se faisait monter du café du théâtre. Je le poussais du coude, gêné de l’inquiétude que je voyais aux acteurs.
Voilà pourquoi j’ai fréquenté pendant si longtemps la Comédie-Française. J’ai passé mon enfance dans ce théâtre, assidu dans le « trou » à côté de mon père. J’étais partout chez moi : la scène, les coulisses, le foyer des artistes. J’étais un enfant lent, muet, timide, curieux, attentif sans en avoir l’air, voyant, entendant et retenant tout. Cajolé par les dames pour les beaux yeux que j’avais, paraît-il. Que de compliments à mon père sur ce sujet ! Il s’inclinait, avec un air engageant : « Si vous en voulez un pareil, il ne tient qu’à vous. » On va me croire plus tard un garçon bien heureux. Hélas ! je devais voir un jour ces mêmes dames se montrer beaucoup plus réservées. Juste au moment que leurs gentillesses et leurs petits cadeaux m’eussent été le plus agréables. La logique des femmes ?… Un petit souvenir. Mlle X…, qui s’occupait de moi pour une place. Un soir, j’eus à lui remettre une lettre qu’elle devait transmettre. La mettant entre ses seins : « Vous voyez, pour ne pas l’oublier, je la mets là. » J’eus la hardiesse de lui répondre : « Je voudrais bien être à sa place. » Elle venait jouer Zanetto, du Passant25, et montait devant moi le petit escalier conduisant à la régie, son confortable postérieur moulé dans son maillot de travesti26. On voyait à la porte du théâtre, les soirs qu’elle jouait, le député, ancien communard, qui devait en faire ses délices. Il les faisait précédemment, n’étant encore que conseiller municipal, d’une chanteuse montmartroise dont les gourgandineries l’avaient lassé. Il avait voulu monter en grade comme mandat et comme maîtresse. Naturellement, ce monsieur n’a jamais rien fait pour moi. Heureusement ! Employé à la Préfecture de la Seine, ce qui était l’objectif ! J’aime mieux tous les métiers que j’ai faits. C’est comme le fils d’un Président de la République27, mon collègue comme clerc d’avoué, à qui mon principal m’avait recommandé. Tout ce qu’il trouva à m’offrir, ce fut gérant d’un magasin de chapeaux ou surveillant de marché. (Il est vrai qu’il m’assurait, pour ce dernier, qu’on pouvait se faire de bons profits en fermant les yeux sur de petites coquineries.) Faut croire que ces messieurs ne me devinaient pas. Il est vrai : étais-je devinable ?
Je n’ai donc pas fait l’amour au théâtre. Une maîtresse comédienne m’aurait plu, cependant. J’ai dû me contenter de la comédie de celles de la ville. J’ai eu d’autres profits. Involontaires. Sans aucun mérite. Je n’ai jamais rien appris. Les choses sont entrées en moi le diable si j’ai jamais su comment. Je crois bien qu’écouter ou lire m’a toujours suffi. Je sais ainsi des vers de poètes de toutes les époques, des tirades de tragédies, des morceaux de comédies, en même temps que je prenais une certaine culture : vocabulaire, langage, littérature dramatique. La mémoire est un phénomène prodigieux. Pourquoi ai-je retenu tout cela, comme je sais des pages de certains livres, et, dans certains livres, où se trouve tel passage, verso ou recto, haut ou bas de page, ou telle conversation tenue ou entendue il y a vingt ans, avec le lieu précis, les mots restés dans leur ordre original ? Ce qui m’a été quelquefois bien défavorable avec les dames. Une d’elles me raconte un jour un petit fait. Deux ans après, oubliant qu’elle me l’a raconté, elle me le raconte de nouveau. Plus du tout le même. Je rappelle la première version mot à mot. Un regard, alors ! « Vous avez une mémoire… » On pourrait m’enfermer avec une plume, de l’encre et du papier. Une liaison de dix-neuf ans que j’ai eue, je la raconterais dans tous ses rendez-vous, ses circonstances, ses propos. Ces tirades de tragédies que j’ai ainsi retenues sans le vouloir, — je me les récite de temps en temps par amour du comique, — m’ont été bien utiles. Quand j’étais clerc d’avoué, pour augmenter un peu mes honoraires, on me donnait de temps en temps à faire chez moi des grossoyers. On sait ce que c’est : gros cahiers écrits largement, pour grossir les frais28 et que personne ne lit. J’écrivais soigneusement en tête la Chambre, la date, les noms des juges, les noms des parties avec leurs qualités et par qui comparaissant. Je filais ensuite jusqu’au conclusum avec des tirades de Phèdre, d’Athalie, d’Andromaque, etc. Avec moi, toutes les causes étaient dramatiques.
J’ai encore du bon à raconter. Il paraît qu’il avait été irrésistible, que toutes les femmes en étaient amoureuses et qu’il eut de ces bonnes fortunes qui comptent dans la vie d’un homme. Dans les derniers temps que je vivais chez lui, il m’emmena un jour à un déjeuner d’artistes, à Asnières, chez Silvain29, le sociétaire de la Comédie-Française, avec qui il était très lié, Silvain et la Mme Silvain de cette époque parrain et marraine de son autre fils30. Au moment de se mettre à table, Silvain le présenta aux autres convives comme un homme ayant eu, en son temps, les plus jolies femmes de Paris, compliment sous lequel il s’inclina sans embarras. Les plus jolies femmes de Paris, tel que je le voyais, ayant bien passé la cinquantaine, et commençant à s’abîmer, et ne sachant rien de lui sous ce rapport ? Je voyais là un propos d’homme de théâtre. Sa mort m’a été une occasion d’être éclairé. La femme d’un de ses amis de jeunesse, le chanteur Luron, de l’Opéra, qui habitait à deux pas de chez lui, à Courbevoie, les cinq jours qu’il mit à mourir venait chaque après-midi à la maison, se mêler à ce spectacle, suit ce qui se passe au chevet d’un mourant. On célèbre ses qualités, ses mérites, ses belles actions. Mme Caron, qui devait le tenir de son mari, m’apprit ainsi que, dans ses beaux jours, qui durèrent longtemps, il lui arrivait souvent de coucher avec deux femmes à la fois et de les sauter chacune, j’ai retenu le mot, trois ou quatre fois sans se faire prier. À la bonne heure ! Ses succès m’étaient expliqués. Je m’étonnais plus qu’il ait été aimé, adoré, poursuivi. C’est très joli, le sentiment en amour. Mais le sentiment tout seul ?… Tandis que des prouesses comme ci-dessus ! On devrait les répéter à la ronde et chacune de se présenter.
Je ne peux résister à dire un mot sur ces époux Caron. Lui, chanteur à l’Opéra31, je l’ai dit, haut comme trois pommes. C’est la mule de Pedro ! C’est la mule de Pedro !32 ce que je l’ai entendu chanter cela chaque année aux concerts de bienfaisance de Courbevoie ! À croire qu’il ne savait pas autre chose. Elle, une femme énorme, vraie commère, mal embouchée, ancienne chanteuse de café-concert, et même, je crois bien, ancienne… je ne veux pas insister. Elle ravissait de son côté les habitants de Courbevoie, aux mêmes concerts de bienfaisance, avec des chansons obscènes, qu’elle rehaussait d’une mimique et de gestes appropriés. Se mêlant de tout, entrant chez tout le monde, régentant tout le voisinage. Les Caron habitaient une maison qu’ils avaient fait construire. Dans chaque pièce, une cheminée mobile. Mme Caron s’amusait de temps en temps à les changer de place. Le chanteur, le lendemain, dans le train, pestait contre mon père. « J’ai encore été assommé hier au soir, mon cher. Je vais à la cheminée pour prendre mon bougeoir. Rien. Ma femme l’avait encore changé de place. J’ai dû me promener à tâtons le long des murs. » Mme Caron racontait qu’ils ne pouvaient avoir d’enfants, le sp… de son mari arrivant brûlé.
Quand j’habitais encore chez mon père, que je rentrais avec lui du théâtre — à condition que j’aie de quoi payer mon voyage, — nous avions dans le train ce Caron, un autre choriste de l’Opéra nommé Garet, avec une barbe rousse immense, qui habitait de l’autre côté de Courbevoie, passé le boulevard Bineau33, un endroit tout à fait champêtre, mon père fumant son perpétuel cigare, faisant à ses pieds des lacs de crachats qui me faisaient lever le cœur. On peut trouver sur lui des traits, des anecdotes, des souvenirs dans des ouvrages sur le théâtre à son époque, des mémoires, des souvenirs de comédiens, des recueils de chroniques sur la vie à Paris. Comme auteurs, Sarah Bernhardt, Mounet-Sully, Tessandier34, Émile Bergerat35, Claretie36, Moreno37, d’autres. Tout cela sans aucun intérêt. C’est de la littérature comme celle qu’on voit partout : du décor. Il est vrai que pour un homme de théâtre…
Quand il prit sa retraite de la Comédie, je voulus lui faire écrire ses Mémoires. (J’aurais tenu la plume. Il avait horreur d’écrire. Je ne connais pas qu’il ait écrit dix lettres dans sa vie. Il était plus naturel que moi. Car, écrire, — littérairement, — quoi de plus anti-naturel ? Comme tous les arts. Tous les arts sont anti-naturels). Il m’opposa gravement le « secret professionnel ». Un peu une niaiserie.
Nous passerons un autre jour au chapitre des femmes38.
Paul Léautaud
1 Lucien Combelle (1913-1995), écrivain et journaliste, a été secrétaire d’André Gide et demeurera proche de Paul Léautaud. En 1937, Lucien Combelle vient de fonder une revue bimestrielle, Arts et idées, qui n’a paru sur 19 numéros, de mai 1936 à avril/mai 1939. Membre de l’Action française, Lucien Combelle s’engagera activement dans la collaboration pendant la guerre. À la Libération, Combelle sera condamné à quinze ans de travaux forcés puis amnistié en 1951 comme une grande partie collaborateurs. Il déclarera ne rien renier de ce qu’il a fait. L’essentiel de ses livres d’après-guerre sera réservé à cette époque : Prisons de l’espérance (1952), Péché d’orgueil (mémoires, 1978), Liberté à huis-clos (1983).
2 Lucien Combelle vient d’épouser (en novembre 1936) Simone David (1909-1966). Ils divorceront en février 1945 pour des raisons qu’on imagine. Simone David se remariera en décembre 1946.
3 Enfant trouvé, abbé de Saint-Séverin, poète et traducteur de Virgile, Jacques Delille (1738-1813) a été élu à l’Académie française en 1774 (à l’âge de 36 ans). La littérature de Jacques Delille était très appréciée de son temps mais elle a vite et mal vieilli.
4 Pierre-Paul Plan, érudit, spécialiste de Rousseau, a écrit « Jean-Jacques Rousseau aviateur » dans le Mercure du 16 octobre 1910. Il est aussi traducteur de l’italien.
5 « Vêtement d’homme, ajusté à la taille, à longs pans arrondis ouverts sur le devant (ce qui le différencie de la redingote), qui ne se porte plus actuellement que dans les cérémonies officielles et certaines manifestations mondaines. » (TLFi).
6 Louise Viale, seule épouse de Firmin (en 1895) et mère de Maurice Léautaud né en 1884.
7 Firmin Léautaud est né le dix juillet 1834.
8 La rue Fléchier longe l’église Notre-Dame de Lorette sur la droite et finit rue du faubourg Montmartre. À l’angle aigu de ces deux rues est, de nos jours, une épicerie italienne. Trois boutiques au moins portent la même adresse de l’immeuble de six fenêtres qui les surplombe, 67, rue du Faubourg Montmartre.
9 Firmin Léautaud est mort le 26 février 1903.
10 Fanny Forestier, mère d’Hélène était la sœur de Jeanne Forestier, mère de Paul. Hélène est morte de la fièvre typhoïde en 1882, à seize ans et demi.
11 Ces photos sont reproduites dans le livre de photos de Marie Dormoy paru au Mercure de France en 1969.
12 Paul Souchon (1874-1951), poète, dramaturge et romancier, spécialiste de Victor Hugo et Juliette Drouet. Il fut conservateur de la maison de Victor Hugo, place des Vosges.
13 Paul Léautaud l’a remercié le 12 août 1912.
14 Vraisemblablement 22, rue de la Tour d’Auvergne. Ce théâtre, dirigé par Talbot (Denis-Stanislas Montalant, 1824-1904)), a été actif de 1840 à 1882.
15 Cette salle se trouvait près de la Bastille, au 23 ou 25, boulevard Beaumarchais et a été active de 1835 à 1892 avant d’être démolie.
16 Hilarion Ballande (1820-1887), comédien, directeur de théâtre, fondateur, en 1859, des “Matinées littéraires du dimanche” dans ses théâtres (Dejazet, Gaité, puis de la Porte-Saint-Martin), dans lesquelles les pièces étaient précédées de conférences. Ballande fut aussi directeur du Dejazet de 1876 à 1880 puis du Théâtre des Nations jusqu’en 1885. Sources diverses, dont : Émile Goudeau, Dix ans de bohème, librairie illustrée 1888, repris en 2000 chez Champ Vallon.
17 La Joie fait peur, comédie en un acte et en prose de Delphine de Girardin créée au Théâtre-Français, le 25 février 1854. Le Barbier de Séville, comédie en quatre actes de Beaumarchais créée le 23 février 1775. Le Bonhomme Jadis, comédie en un acte, en prose, d’Henry Murger créé au Théâtre-Français le 21 avril 1852. L’École des Vieillards, comédie en cinq actes de Casimir Delavigne créée le six décembre 1923 par les comédiens ordinaires du roi (Louis XVIII). Le Roman chez la Portière, Folie-Vaudeville en un acte créée au théâtre du Palais-Royal le dix février1855.
18 Henri-Polydore Maubant (1821-1902), était voisin de Firmin à Courbevoie. Il avait débuté à la Comédie-Française en 1852.
19 En fait Firmin a quitté son emploi plus tôt, le 17 février, pour cause de maladie.
20 Acte IV, scènes IV et V : Elmire souhaite convaincre son mari Orgon de la malignité de Tartuffe et l’enjoint à se cacher sous la table, dont la nappe déborde largement : “J’ai mon dessein en tête, et vous en jugerez. / Mettez-vous là, vous dis-je ; et quand vous y serez, / Gardez qu’on ne vous voie, et qu’on ne vous entende.” Tartuffe entre et tente de séduire Elmire. Le stratagème fonctionne : “Le Ciel défend, de vrai, certains contentements ; Mais on trouve avec lui des accommodements”…
21 Maximin Roll : Souvenirs d’un claqueur et d’un figurant, aux bureaux du Magasin pittoresque, rue Monsieur-le-Prince, 1904, page 54 : « Un soir, Got, malgré toute sa vaillance et cette intransigeante probité professionnelle dont il donnait constamment à tous le bel exemple, dut renoncer au dernier moment à se rendre au théâtre, terrassé par le mal. On jouait précisément les Effrontés, et nul n’ignore à quel point Got était admirable dans Giboyer. / Grand désarroi. Quelqu’un proposa, tout uniment, de confier Giboyer à Léautaud, le souffleur (second prix de comédie au Conservatoire, vingt ans… avant). Delaunay s’interposa. Le doyen ne pouvait être remplacé par le souffleur ! » Définition de uniment sous la plume de Maximilien Roll : « avec simplicité ». Les Effrontés, comédie en cinq actes et en prose d’Émile Augier, créée au Théâtre-Français le 10 janvier 1861. Edmond Got (1822-1901). L’ouvrage Souvenirs d’un claqueur et d’un figurant a été chroniqué par Maurice Boissard dans la page À la Comédie-Française. Il est prévu de le donner entièrement ici un jour.
22 PL est ici trahi par sa mémoire. Le rôle fut lu par Joliet. Il y a plusieurs comédiens de la même famille ; le plus probable est Auguste Joliet (1839-1915).
23 Émile Erckmann et Alexandre Chatrian, L’Ami Fritz, comédie en trois actes d’après le roman de 1864 créé à la Comédie-Française le quatorze décembre 1876 avec une musique d’Henri Maréchal.
24 Alfred de Musset, Le Chandelier, comédie en trois actes d’abord parue dans la Revue des deux Mondes en 1835 avant d’être créé au Théâtre-Historique le dix août 1848, sans succès, et avant d’être reprise enfin à la Comédie-Française le 29 juin 1850 avec une musique de Jacques Offenbach. Le chandelier en question est un jeune homme inoffensif qui a pour objet de détourner sur lui la jalousie du mari afin que mieux dissimuler l’amant véritable. Cette pièce est parfois reprise de nos jours.
25 François Coppée, Le Passant, comédie en un acte, en vers, publiée chez Alphonse Lemerre en 1869 et créé au théâtre de l’Odéon le 14 janvier de cette même année.
26 Zanetto est un rôle d’homme.
27 Le fils d’Armand Fallières fut clerc d’avoué de l’étude Barberon, en même temps que Paul Léautaud, en 1901.
28 À raison d’un timbre à chaque page d’acte. « — Oui, répondirent les deux copistes et le grossoyeur, dont les plumes recommencèrent à crier sur le papier timbré en faisant dans l’étude le bruit de cent hannetons enfermés par des écoliers dans des cornets de papier » Balzac, Le Colonel Chabert, Pléiade 1976 page 519.
29 Eugène Silvain (1851-1930), pensionnaire, sociétaire de la Comédie-Française puis doyen de la troupe de 1878 à 1928.
30 Maurice, déjà évoqué note 2.
31 Une photo de ce chanteur est dans les collections du Musée Carnavalet.
32 Chanson stupide de Victor Massé, compositeur d’opéras surtout connu pour Les Noces de Jeannette de 1853.
33 Il n’y a pas de boulevard Bineau à Courbevoie. Il s’agit peut-être de l’ancien nom du boulevard de Verdun, qui sépare Courbevoie de Bécon-les-Bruyères. Ce boulevard de Verdun prolonge le boulevard Bineau qui sépare Neuilly-sur-Seine de Levallois-Perret.
34 Aimée Tessandier (1851-1923), robuste comédienne ayant surtout joué au Gymnase et à l’Odéon. Petite carrière cinématographique. On peut encore lire ses Souvenirs, rédigés par Henri Fescourt (Flammarion en 1912) réédités par Nabu Press en 2010. Voir le Journal littéraire au 22 janvier 1923.
35 Émile Bergerat, dit Caliban (1845-1923), poète et auteur dramatique. Chroniqueur au Voltaire (journal anti-clérical de Charles Marpon et Aurélien Scholl) et au Figaro, membre de l’Académie Goncourt, il fut également le directeur de publication de La Vie moderne de l’éditeur Georges Charpentier. Émile Bergerat se maria en 1872 avec Estelle Gautier (1848-1914), fille de Théophile Gautier. À la toute fin de la journée du 2 mai 1908, PL a dit d’Émile Bergerat qu’il était « un type indiscutable du raté ». Émile Bergerat a été élu à l’Académie Goncourt en 1923, au couvert de Paul Margueritte.
36 Jules Claretie (1840-1913), collabore à de nombreux journaux sous plusieurs pseudonymes, notamment au Figaro et au Temps ; rédige la critique théâtrale à l’Opinion nationale, au Soir, à La Presse ; aborde un peu tous les genres de littérature ; comme historien, il écrit une Histoire de la Révolution de 1870-1871 ; comme romancier, Monsieur le Ministre, Le Million, Le Prince Zilah ; il est aussi conférencier et auteur dramatique ; président de la Société des Gens de Lettres, et de la Société des Auteurs dramatiques. Il est administrateur du Théâtre-Français en 1885. Élu à l’Académie française le 26 janvier 1888. Jules Claretie apparaîtra souvent dans les chroniques de Maurice Boissard.
37 Marguerite Moreno (Marguerite Monceau 1871-1948), a pris le nom de jeune fille de sa mère. Elle intègre la Comédie-Française en 1890. Après avoir été la maîtresse de Catulle Mendès, elle épouse Marcel Schwob (en 1900). Malade, celui-ci meurt en 1905 à l’âge de 37 ans. En 1903, Marguerite Moreno rejoint le Théâtre de Sarah Bernhardt, puis plus tard le Théâtre Antoine. Pendant sept ans, elle dirige à Buenos Aires la section française du Conservatoire.
38 Ce chapitre des femmes sera publié dans La NRF d’octobre 1939 et sera donné ici le quinze février 2021.