Ambroise Vollard

Gens de peinture II

Fernande Olivier

Émile Bernard ►
Marie Laurencin ►

Cette page continue la série sur les peintres fréquentés par Paul Léautaud. Cette série, commencée le quinze septembre 2021 avec Fernande Olivier va se poursuivre le quinze décembre 2021 avec Émile Bernard puis le premier février 2022 avec Marie Laurencin.

Ambroise Vollard, par Auguste Renoir

Dans cette peinture de 1908, Ambroise Vollard examine une statuette d’Aristide Maillol (Institut Courtauld, Londres).

Ambroise Vollard (1866-1939) est un personnage difficile à appréhender. Marchand génial selon les uns, le niveau intellectuel d’un adolescent selon les autres1. Vraisemblablement les deux.

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, l’art était officiel, bourgeois, ou n’était pas. De vieux barbons, maîtres des académies et des Beaux-Arts, décidaient de ce qui était de l’art ou n’en était pas, imposant le carcan de leur triste goût. Ils étaient, comme le dit Claude Rich dans Les Tontons flingueurs, « Portés sur la morale et les soubrettes, la religion et les jetons de présence » et « témoignaient en matière d’art de perversion les faisant défenseurs de Puvis de Chavannes et de Reynaldo Hahn. » Il n’est pas certain que les choses aient vraiment changé depuis.

Napoléon III, qui n’est jamais passé pour un homme d’avant-garde, s’est lui-même inquiété de cette rigidité — c’est dire ! C’est ainsi qu’a pu être organisé en 1863 le premier Salon des refusés, exposant 1 200 œuvres refusées par les jurys officiels. Puvis de Chavannes n’a évidemment jamais fait partie des Refusés et Reynaldo Hahn n’était pas encore né. On le croit toujours plus âgé qu’il n’est, ce qui est rarement bon signe.

Cela faisait longtemps que le feu couvait sous la glace. En 1846, une radicale suppression du jury avait conduit à n’importe quoi, ce qui n’était pas mieux. C’est à partir de cette époque que sont intervenus les marchands d’art. Si certains suivaient le mouvement officiel et s’assuraient des rentes de comptables, d’autres, comme Paul Durand-Ruel (1831-1922) — qui avait aussi exposé Pierre Puvis de Chavannes (Journal littéraire au 23 septembre 1896) — ou Alexandre Bernheim et ses trois fils (Journal littéraire au 28 décembre 1907), ont alors une conception de l’art moins confortable, cherchent de nouveaux talents, prennent des risques, multipliant ainsi les mini-salons des refusés au sein de leurs galeries.

Comme Paul Léautaud qui, pendant huit années, s’est nourri d’un Bondon par jour2, l’indolent Réunionnais Ambroise Vollard s’est nourri, à peu près à la même époque, de biscuits de mer parce que meilleur marché et plus substantiels que le pain3 mais exposait en décembre 1895, au 59, rue Laffitte, des Cézanne dont personne ne voulait. Dans le même temps à quelques pas de là, dans une salle de billard désaffectée du boulevard des Capucines portant le nom délicieusement suranné de Salon indien, naissait une attraction foraine : le cinématographe.

Paul Léautaud a quelques fois rencontré Ambroise Vollard. Marie Dormoy le connaissait bien, elle fut à partir de 1930 sa secrétaire suppléante, ou sa dame de compagnie, comme on voudra.

Marie Dormoy, Souvenirs et portraits d’amis.

Lisons Marie Dormoy : « C’est parce que j’avais vu son nom, comme éditeur, sur un livre dont il était l’auteur, que j’allai, un jour, trouver Ambroise Vollard dans son capharnaüm de la rue de Gramont4. »

Une vieille maison, un escalier sans tapis, mal ciré. Sur le palier du dernier étage que Vollard occupait tout entier, un ramassis d’objets hétéroclites, sièges boiteux, cadres dédorés, détritus de toutes sortes. Je sonnai. Un long silence. Je re-sonnai. Même silence. Alors que j’allais redescendre, j’entendis la porte s’ouvrir et je vis apparaître, dans l’entrebâillement, un géant aux yeux tristes dans un visage bouffi, appuyé nonchalamment sur le chambranle.

En 1922, Paul Léautaud a un peu aidé Marie Dormoy à écrire son article « L’Enseignement du maître sculpteur Antoine Bourdelle », paru dans le Mercure de France du premier mai 1922 mais il la connaît à peine. Ils ne seront amant que dix ans plus tard, au début de 1933.

La première fois que Paul Léautaud a évoqué Ambroise Vollard, c’est à propos du « prix des peintres ». Ce prix littéraire avait été imaginé par Ambroise Vollard avec cette particularité que le jury ne serait composé que de peintres. Nous sommes le quatorze mai 1923, dans les bureaux du Mercure de France :

L’après-midi, montant à la rédaction, je trouve Vollard, venu au sujet du Prix des peintres. Il se déclare enchanté de me voir. Il me dit : « Eh ! bien, voilà. Je le disais à ces messieurs. Il est question de vous pour le Prix des peintres. Je venais demander si on ne pourrait pas me donner quelque chose de vous, comme échantillons, puisque je ne sais quelle brochure est hors commerce… » J’explique à Vollard que je n’ai aucun volume pour ce prix. Il me dit : « Cela ne fait rien. On trouve que vous êtes un grand écrivain, que vous écrivez une langue admirable, on veut vous donner le prix comme cela, sans volume. Cela changera des gens qui font des volumes exprès en vue d’un prix. »

Ce prix des peintres n’a été attribué qu’une seule fois, à Paul Valéry.

Cinq ans plus tard, le

25 août 1927

Ce matin, visite de Vollard, m’apportant un exemplaire de sa Sainte Monique5-6. Nous avons bavardé. Je sais maintenant ce qu’il voulait me dire7. Ce n’est pas du tout ce que je pensais. C’est la demande du Petit Ami pour une édition de grand luxe8. Comme droits pour moi : environ 25 000 francs. Je lui ai dit oui, pour le jour que j’aurai fini mon nouveau texte, s’il n’a pas changé d’avis. Il m’a dit : « Je ne change jamais d’avis quand j’ai proposé quelque chose. Vous pouvez compter sur moi. »

Je lui avais demandé auparavant si sa Sainte Monique marche bien. Il m’avait répondu en riant : « Eh ! bien, non, il paraît que ça ne marche pas. » Je lui avais dit qu’il y a en ce moment une sorte de crise, on vend moins, une crise surtout sur les livres de luxe. Il m’a répondu : « Sur les livres de demi-luxe, oui. Mais pas sur les vrais livres de luxe. Je vous réponds que lorsque vous faites vraiment un livre de luxe, un livre qui coûte trois ou quatre mille francs, au bout de quinze jours il n’y a plus un exemplaire. Je vous assure, par exemple, que les livres que je fais… » Il m’a parlé alors des éditions qu’il fait, par exemple une Maison Tellier9, avec des illustrations de Degas, Le Chef-d’œuvre inconnu de Balzac10 avec des illustrations dont il a lui-même donné le thème et qui est : le tableau dans tous ses états successifs et finalement la toile, sur laquelle il n’y a plus rien. Il fait fabriquer des papiers spéciaux, recherche des caractères rares. Enfin, ce doit être, évidemment, des choses très belles, — pour ceux qui aiment les livres ainsi. On peut évaluer qu’une édition de ce genre doit bien lui revenir à 100 000 frs.

J’ai parlé ce soir à Auriant de la visite de Vollard — il était du reste présent ce matin, à son arrivée — et de sa proposition. Auriant est au courant de ses éditions par celle que Vollard doit faire de La Belle Enfant11 de Montfort. Il m’a dit que Vollard est un homme qui ne lésine pas, et qui donne même l’argent à l’auteur, au dessinateur, avant que rien soit fait. On touche ses droits dès l’affaire signée, et quelquefois le volume paraît seulement deux ans, trois ans après. C’est fort joli, mais, pour moi, reste à terminer mon nouveau texte du Petit Ami et Dieu sait quand j’aurai terminé.

Et le 28 novembre de cette même année 1927 :

[Ambroise Vollard] est venu me voir aujourd’hui vers cinq heures pour me demander mon avis sur une enquête qu’il veut proposer au Mercure12 : Écrire à des personnalités de tous les domaines, pour leur demander leur avis sur les « fusillés » de la guerre reconnus par la suite innocents et l’érection d’un monument à leur mémoire. J’ai dit à Vollard : « Mon cher, on va tout de suite deviner que vous voulez vous ficher du monde. » II a ri, pour me dire : « C’est étonnant, je ne peux rien dire, avoir une idée, un projet, sans qu’on m’accuse aussitôt de vouloir me moquer des gens. » Il est bien certain qu’il y a dans l’idée d’enquête de Vollard une idée satirique et subversive au premier chef. J’ai dit à Vollard : « Les deux augures là-haut (Vallette et Dumur) sont si tardigrades, rétrogrades, patriotes et bien-pensants, que je ne pense pas qu’ils vous accueillent… — Alors, m’a répondu Vollard, ce n’est pas la peine que je leur en parle ? » Je me suis levé de mon fauteuil, je me suis approché de lui et je lui ai dit : « Mais si, il faut venir leur en parler, quand ce ne serait que pour voir la tête qu’ils feront. »

1929

Quatre février :

À cinq heures, visite de Marie Dormoy. Elle me demande si je veux signer les volumes de moi qui se trouvent dans la Bibliothèque Doucet. Il est entendu qu’elle me les apportera. Me demande si je veux venir dîner un soir chez Vollard. Je dis que si je dois me trouver avec des gens que je ne connais pas, je n’y tiens pas, manquant complètement d’aise en pareilles circonstances. Elle me dit que si je veux nous serons seulement nous trois : Vollard, elle et moi. Je réponds que je ne peux me permettre pareille exigence, que je demande seulement qu’on ne me mette pas avec des pontifes. Elle me dit : « Certainement non. On ne vous invitera pas avec des officiels, des ministres, ce serait assommant. Mais Cendrars13, par exemple. » Je réponds que je ne le connais pas, mais que lui, ou des gens comme lui, cela m’est égal. Je lui dis en tout cas, pas avant un mois ou deux. Pas gai de rentrer la nuit à cette saison. Elle me dit que la voiture de Vollard me ramènerait à ma porte.

Nous parlons de Vollard. Je lui dis combien il me plaît, combien je lui trouve de talent littéraire, combien je suis à l’aise, très camarade avec lui, qu’on peut lui dire tout ce qu’on veut, qu’il prend très bien tout, s’en amuse, ce qui est le signe de tout le contraire d’un imbécile. Elle me dit : « Je crois bien. Il est au contraire très fin. » Elle me parle de sa réussite, une « réussite étonnante » jusque dans le monde officiel, et qu’il a chez lui tous les « personnages » qu’il veut. Je lui dis qu’il doit être considérablement riche. Elle me répond par un jeu de physionomie qui équivaut à : incalculablement. Je lui dis qu’il est dommage de ne pas le voir faire un certain emploi de son argent (je pensais en moi-même sans en dire un mot à ce qu’un homme comme Vollard pourrait faire pour moi, par exemple, et qui serait pour lui une bagatelle). Elle m’a répondu : « Évidemment… Maintenant, vous savez, il a une “pompe”, “une pompe sérieuse”, je vous en ai déjà parlé… » (Une vieille liaison de Vollard, cette femme obtenant de lui tout ce qu’elle veut14.) Elle me raconte que Vollard a des pudeurs d’enfant et me dit que Vollard n’a jamais voulu lui montrer un envoi que je lui ai mis sur un volume de moi, parce que trop élogieux. Je dis à Marie Dormoy que ce doit être le volume Mélange, sur lequel j’ai écrit : à Ambroise Vollard, maître du portrait écrit — ce qui est réellement mon avis.

En parlant à Marie Dormoy de l’esprit avec lequel Vollard accepte tout ce qu’on peut lui dire ou dire de lui, je lui cite comme exemple ce que j’ai écrit de lui dans une chronique dramatique et dont il a été le premier à s’amuser15. Elle me dit qu’elle ne connaît pas cela, et voudrait bien le lire, elle collectionne tout ce qu’on écrit sur Vollard.

1933

Cette année 1933 marque — sans qu’il s’en soit vraiment rendu compte — un tournant dans la vie de Paul Léautaud : Marie Dormoy devient sa maîtresse en février. La chose n’est pas exceptionnelle en soi mais celle-ci va bouleverser l’avenir de Paul Léautaud, à deux titres au moins. C’est par elle qu’il connaîtra Robert Mallet, lecteur à la bibliothèque Doucet en janvier 1941, et c’est elle qui va dactylographier son Journal. C’est aussi elle qui accompagnera ses dernières années et ses derniers jours.

L’amour que Paul Léautaud — chez lui le mot est particulier — va porter à Marie Dormoy va pour la première fois être accompagné de jalousie et particulièrement de jalousie à propos d’Ambroise Vollard.

Ambroise Vollard — à travers les témoignages que nous recueillons dans le Journal littéraire — semble un grand gros balourd, pas très affuté et fonctionnant essentiellement à l’instinct. Sans certitude aucune on peut penser qu’il est peu vraisemblable qu’il ait été l’amant de Marie Dormoy ; mais avec une personnalité comme celle de Marie Dormoy, sait-on jamais ?

Comme dans les comédies de boulevard, ou comme dans Le Chandelier16, que Paul Léautaud a parfois évoqué, le véritable amant n’est pas toujours celui qu’on croit. Autant Paul Léautaud a été jaloux d’Ambroise Vollard, autant il l’a peu été d’Auguste Perret, qui était pourtant l’amant de Marie Dormoy depuis l’été 1925 et l’est resté vraisemblablement aussi longtemps que lui, sans être davantage un Apollon.

Auguste Perret

Journal particulier, lundi 30 janvier 1933

Vendredi matin, un mot de M. D. me disant que Vollard voudrait bien me voir, et me donnant rendez-vous chez elle, aujourd’hui, entre 6 et 8, petite réception d’amis au nombre desquels Vollard17-18.

J’y suis allé. Vollard arrive tard. En conversation avec des gens. Moi pris également par des gens, pas la hardiesse d’aller lui demander ce qu’il me veut, ensuite obligé de partir à cause de l’heure. Je ne sais donc rien de ce qu’il pouvait avoir à me dire, — si toutefois il avait quelque chose à me dire.

Comme souvent, Paul Léautaud s’est embêté à ce dîner.

Cinq jours plus tard, il est devenu à son tour l’amant de Marie Dormoy :

Journal particulier au Samedi 4 février

Passé la soirée chez M. D. […] Toilette de circonstance, c’est-à-dire à peu près nue sous une robe de foulard ouverte de tous les côtés. J’étais là depuis dix minutes, déjà mon entrain tombé. C’est elle qui a commencé : les baisers, la réunion sur un divan. Elle a des seins, bien plus que j’en avais jugé, et fort potelée partout. Comme je voulais passer la main… je m’aperçus qu’elle avait un pyjama et fermé. Au bout de quelques minutes, elle se leva : « Une minute ! Il faut que j’aille voir quelque chose. » Elle revient. Je m’étais remis debout. Elle se jeta à nouveau à mon cou. Plus de pyjama […]

La lettre du mercredi suivant (huit février) nous offre une de ces surprises auxquelles le plus aguerri des Léautaldiens ne s’habituera jamais, Elle commence par Chère Mademoiselle et se termine par Hommages très respectueux. En clair, quelqu’un se fiche du monde. Cette lettre ne se trouve pas dans la Correspondance générale de Paul Léautaud mais dans les Lettres à Marie Dormoy éditées par elle-même chez Albin Michel en 1966. On peut donc penser à d’importants aménagements. De même que les souvenirs de Marie Dormoy — dans différentes publications — seront très différents de la description par Paul Léautaud de leur première soirée, de même ces détails de correspondance ont, à l’évidence, été considérablement aménagés.

Que dit le corps de cette lettre ?

[…] Les déjeuners en ville, en société, sont pour moi une corvée. M. Perret est charmant. Mais qu’a-t-il à me dire et moi à lui dire ? Rien ? Alors ? Je suis déjà venu l’autre soir parce que Vollard voulait me voir, il m’a vu. Si ce n’était que cela ?…

Le Léautaldien est moins surpris.

Avec Ambroise Vollard, cela se passe mieux, semble-t-il qu’avec Auguste Perret. Dans une lettre à Marie Dormoy du cinq septembre 1933, adressée à Vittel où Ambroise Vollard est toujours en cure, Paul Léautaud écrit :

Vraiment, Vollard, vous trouvez qu’il n’est pas brillant. Cela me chagrine. Vous savez la réelle sympathie qu’il m’inspire, certainement sans qu’il s’en doute. Il est au nombre des gens qui me plaisent, qui sont rares.

Depuis plusieurs années, Paul Léautaud envisage de publier des extraits de son Journal concernant Remy de Gourmont19, qu’il a bien connu. Le 19 septembre, en commentant une lettre de Marie Dormoy qu’il vient de recevoir :

[Marie Dormoy] m’a raconté que Vollard a parlé de moi avec elle, — Conversation amenée par elle. Il lui a demandé ce que je fais. Elle lui a dit que j’écris un livre, que je m’occuperai ensuite de publier mon journal. Grand travail à cause des copies à faire. Il l’a chargée de me dire qu’il met à ma disposition sa dactylographe, dont il ne fait rien.

Mais en octobre, l’impatient Paul s’agace.

Journal particulier au lundi deux octobre :

Dix heures et demie du soir. M. D. pas venue. J’aurai certainement une lettre demain. Nous allons voir ce qu’elle va raconter. Probablement malade, ou obligée d’aller chez Vollard. Elle commence à m’agacer avec son esclavage Vollard. Je m’attends à ce qu’elle me dise un jour, elle aussi : « Mais, mon cher, vous ne me faites pas vivre. Quand on veut qu’une femme soit à votre disposition, on la fait vivre. »

Puis, toujours dans le très précieux Journal particulier au quatre novembre (toujours de 1933) :

M. D. est entrée à Sainte-Geneviève20 à 14 000 francs. Elle est maintenant à 21 000. Elle a en plus son secrétariat chez Vollard, et les articles de critique d’art qu’elle écrit de temps en temps.

Vollard vient dîner demain dimanche chez elle. Tous les dimanches, je crois. Elle donne comme raison que sa cuisinière ayant congé ce jour-là, il ne sait où dîner. Curieux tout de même que riche comme il est, il l’oblige à faire la cuisine, au lieu, lui, de l’emmener dîner au restaurant. Je voudrais bien être derrière un rideau quand il est chez elle.

Mercredi 5 Décembre

Il est entendu qu’elle [MD] va demander à Vollard la permission d’utiliser sa dactylographe, qui n’a rien à faire, souvent, pour lui faire « taper » les parties de mon Journal concernant Gourmont pour le volume que je dois donner au Mercure depuis plusieurs années.

À propos de ce que Paul Léautaud nommera le « Journal Gourmont », lisons ce que Marie Dormoy écrit dans sa très précieuse « Histoire du Journal » :

Vallette […] proposa de publier en un seul volume les passages relatifs à Remy de Gourmont. […] Léautaud donna tout de suite son accord, mais survint une difficulté : impossible d’envoyer les feuilles manuscrites à l’imprimerie. Il en fallait établir une copie lisible, donc dactylographiée. Cette dépense ne pouvait être assumée par Léautaud et, à ce moment, je ne songeais pas à m’en charger. J’en parlai à Vollard, qui, tout de suite, mit sa secrétaire à ma disposition. La copie fut rapidement achevée, nous la corrigeâmes, la secrétaire et moi, aussi vite que cela nous fut possible. Léautaud m’adressa des remerciements, en adressa de plus grands encore à Vollard, publia quelques passages de ces textes dans le Mercure, 15 septembre et 1er octobre, dans la Nouvelle Revue Française, 1er décembre (1935).

1934

Lettre de Paul Léautaud à Marie Dormoy le lundi cinq février 1934 :

Je viens d’envoyer mon acceptation à Vollard.

Puis le surlendemain mercredi, dans son Journal :

Je dîne demain chez Vollard, rue de Martignac21. Nous devons ensuite aller à l’Opéra-Comique entendre Le Barbier22. Il y a demain séance à la Chambre23, la rue de Martignac est à deux pas. Je dois être chez Vollard, avec Marie Dormoy que je prendrai chez elle, pour sept heures et demie. Pourrons-nous y arriver ? Et ensuite aller à l’Opéra-Comique, en pleine région des manifestants ? Nous verrons bien.

Je voudrais n’avoir que quarante ans, pour avoir le temps de voir encore beaucoup de choses.

Madame de Galéa à la méridienne (actuellement en mains privées)

Jeudi 8 Février

Dîner chez Vollard, avec Marie Dormoy. Son hôtel rue de Martignac. De grandes pièces. L’air d’avoir emménagé d’hier. Partout, des toiles, des cadres, debout contre les murs24. Dîné dans une pièce superbe, comme dimensions et hauteur de plafond. Au mur, un très beau Renoir, des nus de femmes. Une autre, moins à mon goût, un peu violent de couleurs, un peu bazar, portrait de la maîtresse de Vollard, Mme de Galéa (je ne sais s’il y a vraiment la particule), celle à qui, au dire de Marie Dormoy, ira tout ce que possède Vollard. Pas mal de temps que j’avais vu Vollard. Trouvé bien changé, bien vieux monsieur. Soixante-huit ans. Il n’a plus que par moments cette physionomie vive que je lui connaissais. Il devait nous emmener à l’Opéra-Comique pour Le Barbier de Séville. Nous y avons renoncé, le quartier n’étant pas sûr, avec toutes les manifestations actuelles. Il m’a montré des maquettes de quelques livres illustrés en préparation. Je n’ai aucun goût pour ce genre d’ouvrages, si cher qu’ils coûtent. Par exemple, une Maison Tellier avec des dessins de Degas, non faits pour l’ouvrage, mais utilisés pour celui-ci. J’ai trouvé cela extrêmement vulgaire. Quelques petites histoires charmantes à la Vollard, racontées par lui après le dîner. Je lui ai dit qu’il devrait en faire une petite suite, que je la lui ferais passer quelque part. Il est extrêmement réactionnaire, anti-peuple, anti-ouvrier. Il est question maintenant de manifestations communistes. Il souhaite qu’on « leur casse la gueule ». Un détail extrêmement choquant pour mon goût : de la salle à manger dans laquelle nous nous trouvions, on entendait le bavardage des domestiques réunis dans une autre partie de l’hôtel. Comme j’en faisais la remarque à Marie Dormoy en repartant, et elle tout à fait de mon avis, elle me dit que c’est toujours ainsi et que cela ne gêne pas du tout Vollard. Ce n’est pas la peine, à mon avis, d’habiter un si vaste hôtel pour y subir cet inconvénient.

Mais tout n’est pas perdu, Ambroise Vollard semble tenir à ce Barbier de Séville.

La place de Boieldieu (image Google)

29 avril 1934

Ce soir, à l’Opéra-Comique au Barbier de Séville, avec Vollard, qui avait loué des places pour nous trois et Marie Dormoy. À un entr’acte, sorti seul un moment sur la place Boieldieu25, à revoir ce quartier, ces rues que j’aime tant, la rue d’Amboise, la rue Saint-Marc, la rue Rameau, à l’égal de celles qui avoisinent la place Louvois26.

Dimanche 7 Octobre

M. D. m’avait écrit cet été que Vollard, arrivant à Vittel, lui avait appris qu’il avait retrouvé un assez gros argent sur le dessus d’une armoire, en cherchant deux ou trois tableaux qui lui manquaient, notamment un Degas et un Daumier. Elle m’a complété l’histoire aujourd’hui en me disant qu’il ne s’agissait de rien de moins que de 400 000 francs en billets de banque. Vollard à son arrivée lui avait dit, avec cette voix zézayante qu’elle imite quand elle cite ses propos : « Je n’ai pas retrouvé mon Degas ni mon Daumier, mais j’ai retrouvé d’assez jolies vignettes, représentant des femmes, avec une corne d’abondance, qui sont assez appréciées… » Comme elle ne comprenait pas : « On appelle cela des billets. » Il y en avait pour 400 000 francs. M. D. explique la trouvaille ainsi : Vollard a dû vendre un jour à un amateur quelques tableaux représentant cette somme. L’amateur a payé. Vollard a mis, pour s’en occuper ensuite, les billets sur le dessus d’une armoire. Puis il les a complètement oubliés.

Billet de 1 000 francs dit « Cérès et Mercure » mis en circulation en janvier 1929

Il y a déjà pas mal d’années, Vollard a acheté, par traité, à Rouault27, toute sa production moyennant 50 000 francs par an. Quand il est venu s’installer rue de Martignac, il n’a rien trouvé de mieux que de donner à Rouault un étage de son hôtel. Ils sont aujourd’hui à couteaux tirés. Ne s’adressant pas la parole, n’échangeant pas un mot aux repas, se disant ce qu’ils ont à se dire par lettre. Surtout Rouault, qui écrit à chaque instant à Vollard des lettres de huit pages que Vollard se fait lire par M. D., à cause de sa mauvaise vue. Ces lettres sont souvent à propos de rien. Par exemple pour dire que le chat de Vollard a pissé à tel endroit, que son plat était sans sciure, ou qu’il a renversé sa sciure, des détails domestiques les plus insignifiants. Ce Rouault, qui était, je crois, l’élève préféré de Gustave Moreau28 et qui a été nommé et est encore conservateur du Musée Gustave Moreau, bigot accompli, je crois bien, par-dessus le marché, ajoute certains procédés comme ceux-ci : chaque année il refait son traité avec Vollard, et marque : une feuille de timbre : tant. Depuis qu’il est chez Vollard, il a peint beaucoup de tableaux, qui restent là puisqu’ils sont la propriété de Vollard. Ces tableaux ont été rangés sans avoir été signés. De temps en temps, Rouault les reprend pour les signer. Il compte alors, pour chacun : Signature : cinq francs.

     À Ambroise Vollard

Dimanche 16 décembre 1934

     Cher Monsieur Vollard,

(Le mot cher, ici, n’a rien de banal. Vous savez que vous m’avez toujours plu infiniment et, si vous le permettez, que j’ai éprouvé pour vous, dès le premier jour, la plus vive sympathie.)

C’est tout à fait gentil à vous de m’accorder le concours de votre dactylographe pour les copies, dans mon Journal, destinées à composer le volume sur Remy de Gourmont que le Mercure attend depuis plusieurs années.

J’avais commencé ces copies et les bras m’en étaient tombés de l’ennui d’un pareil travail. Je vous devrai de me l’avoir évité et de m’avoir facilité cette publication. Ce n’est pas cent remerciements que je vous fais, mais mille, le plus cordialement du monde, comme nous sommes vis-à-vis l’un de l’autre quand j’ai le plaisir de vous voir.

Paul Léautaud

Vendredi 21 décembre 1934

[Marie Dormoy] m’a fait regarder, dans le dernier numéro d’une revue Minotaure, un portrait de Vollard, photographié avec son chat, illustrant un article de lui29. Comme je parle une nouvelle fois du talent d’écrivain de Vollard dans ses livres sur Degas, Renoir et Cézanne, sa façon de si bien peindre les gens qu’on croit les voir et les entendre, elle me dit que la façon dont il les montre n’est peut-être pas si vraie et elle me dit que Léon Werth a même écrit une fois, rendant compte du livre de Vollard sur Renoir : « Jamais Renoir n’a été comme cela ! »

Elle me cite à l’appui cet exemple. Il y a deux ans elle a été à Bruxelles avec Vollard pour une exposition qu’il faisait là-bas dans une sorte de Musée dépendant des monuments royaux. Ils furent reçus par un monsieur en uniforme, tout chamarré de galons, un officier, dont la présence s’expliquait par cette dépendance justement. Or, rentré à Paris, Vollard s’amusait à raconter partout : « Figurez-vous que j’ai été reçu là-bas par un monsieur si couvert de galons que je croyais que c’était un huissier et que j’ai voulu lui donner un pourboire. Or, c’était un officier de la maison du roi. »

Or, ce n’était pas vrai. Vollard inventait. Elle pense qu’il doit y avoir dans ses livres pas mal de choses de ce genre. Comme je le lui disais, il serait curieux que Vollard ait aussi inventé dans ses livres des traits si biens présentés et mis à leur place qu’ils ont tout le ton du naturel et de la vérité.

1935

Jeudi 17 Janvier

Je me suis trompé sur l’installation de Rouault chez Vollard. Il n’y a qu’un atelier, — que Vollard a mis à sa disposition — et où il lui arrive en effet quelquefois de coucher, mais il a un domicile, — Vollard trouve même singulier comme procédé que Rouault ne lui ait jamais donné son adresse. Rouault a une femme et quatre enfants. Il a aussi à s’occuper du Musée Gustave Moreau comme conservateur.

[Marie Dormoy] m’a raconté, il y a quelque temps, je dois l’avoir noté, qu’accompagnant un dimanche Vollard chez le fils de Cézanne et témoignant, au départ, sa surprise de voir ce fils Cézanne si bien installé dans sa maison paysanne, Vollard lui avait dit : « Mais il a gagné au moins un million avec les tableaux de son père » — ce qui avait de la saveur dans la bouche de Vollard qui en a gagné plus d’un de la même façon.

Pendant ce temps, Gaston Gallimard fait paraître de petits hebdomadaires, peu glorieux — Détective, Marianne, Voilà… — qui assurent le quotidien et permettent ainsi de « perdre de l’argent avec La NRF30 ». C’est ainsi que le quinze janvier, Florent Fels a demandé à Paul Léautaud des articles pour Voilà31.

Lundi 11 février 1935

[Marie Dormoy] m’avait déjà parlé de son projet de faire pour Voilà un article sur Amants de Donnay qu’on redonne en ce moment à l’Odéon32-33. Ayant relu la pièce l’un et l’autre, même impression : en vérité, une petite chose. J’avais dit qu’il était peut-être risqué d’en parler sans l’avoir revue. Nous nous étions dit que pour gagner 1 000 francs nous pouvions bien dépenser 50 francs. Elle a eu l’idée de demander à Vollard de lui avoir des billets Quinson : moitié prix34. Vollard lui a dit : « Mais moi, j’irais bien aussi. » Elle lui a expliqué que son intention était d’y aller avec moi. Il a dit tout de suite que dans ces conditions il n’y avait qu’à prendre une place de plus. Il est donc entendu que jeudi nous dînerons chez Vollard et irons ensemble à l’Odéon. Peut-être y aura-t-il un quatrième : le frère de Vollard35.

Elle m’a fait part d’un mot amusant de Vollard au sujet d’un petit volume de Rouveyre qu’elle avait pensé faire, sur le modèle d’Amour, avec les articles de Rouveyre sur Valéry et sur moi (Crapouillot et Vient de Paraître), projet auquel elle a renoncé, l’article sur Valéry étant impossible, avec les relations qu’elle a plus ou moins avec lui, comme membre du comité de la Bibl. Doucet. Elle a raconté cela à Vollard, lui disant que le volume se serait appelé, selon le titre trouvé par Rouveyre : Les deux Paul. « Pourquoi les deux Paul ? a demandé Vollard. — Parce que Paul Valéry et Paul Léautaud. » Alors Vollard : « Il aurait aussi bien pu faire un article sur moi et mettre Les deux Ambroise36. Je m’appelle aussi Ambroise, moi ! »

Même date du Journal particulier

Je suis tenté de dire une fois de plus, qu’elle ne se cache en rien de Vollard pour ses relations avec moi, — relations au moins de camaraderie. Je me reprends un peu. Elle m’a assez dépeint Vollard comme ayant toujours eu les femmes des autres, s’étonnant qu’il n’ait jamais paru tenir à avoir une femme à lui, ce qui lui eût été, et lui serait encore facile avec sa fortune. Vollard n’est pas du tout gêné par Blaise Cendrars pour son amie Raymone37, par Franz Toussaint38 pour la femme de celui-ci. Il peut très bien n’être pas du tout gêné par moi, s’il suppose que… Je ne saurai certainement jamais à quoi m’en tenir sur ce sujet.

Jeudi 14 Février

Ce soir chez Marie Dormoy. Elle arrive à 7 heures passées. Nous partons dans sa voiture. Nous arrivons chez Vollard que nous trouvons à sa porte descendant de voiture. Dîner. Vollard est décidément un homme sans conversation. On s’étonne qu’un homme qui a écrit des livres si délicieux puisse être à ce point stupide en société. Son frère, espèce de névrosé. Voilà dix ans qu’il me parle d’un travail considérable sur la justice qui va sortir et tout révolutionner.

Même date dans le Journal particulier

Ah ! Mes amours ne marchent pas. Juste le temps de s’habiller pour partir ensemble dîner chez Vollard. Je lui dis que je suis peu enchanté de la soirée. Il eût été facile de prendre deux places pour nous et d’y aller tous les deux, au lieu de la société de Vollard et de son frère. Elle me dit : « Laisse donc. C’est très amusant de se trouver avec des gens qui ne se doutent de rien. » Je lui dis : « Oui, mais nous aurions été mieux tous les deux. » Elle a ce mot charmant : « Nous serons tous les deux, samedi. »

En s’habillant, elle me raconte qu’elle a été hier soir à l’Opéra, pour je ne sais quel spectacle39. Je lui demande : « Tu y as été seule à l’Opéra ? » Elle me répond : « Mais oui. J’y suis allée seule. Pourquoi ? » Je réponds : « C’est drôle. »

Nous partons dans sa voiture. Nous passons boulevard Montparnasse devant un établissement La Palette. Je dis : « Tiens, c’est ça la Palette. Je ne connaissais pas. » Elle me répond : « Oui. C’est là que je suis venue prendre hier soir Fernand Léger40 pour l’emmener à l’Opéra. » Je lui dis : « Mais je croyais que tu y étais allée seule. C’est absolument un mensonge que tu m’as fait tout à l’heure. » Elle est tout de même un peu embarrassée. Elle a une lettre à déposer rue de la Grande-Chaumière.

[…]

À l’Odéon, je suis placé à côté d’elle, les deux frères Vollard de l’autre côté.

Le spectacle terminé, la voiture de Vollard reconduit d’abord le frère à Robinson, puis moi au coin de ma rue et repart vers Paris avec Vollard et Marie Dormoy à laquelle je n’ai pas pu dire le moindre mot, genre de séparation qui m’est extrêmement pénible.

Je me suis trouvé chez moi à minuit et demie. Je me fais du café, n’en ayant pas eu chez Vollard, et j’écris cette note.

Je me couche, furieux, navré au possible de cette histoire.

À partir de ce début de 1935, le nom d’Ambroise Vollard est souvent revenu sous la plume de Paul Léautaud en proie à la jalousie — et surtout au doute — donnant des pages moins intéressantes qu’il est inutile de reproduire ici. Relevons juste pour les chercheurs une petite anecdote dans le Journal particulier au 29 avril (toujours 1935) :

M’a annoncé, hier, qu’elle va avoir probablement plusieurs dimanches à n’être pas libre même la journée, Vollard se décidant à s’occuper activement (autant que l’activité puisse être dans son caractère indolent et hésitant) de la préparation de l’exposition Degas qu’il veut faire dans son hôtel41.

Puis ce sera, comme tous les ans, un mois de cure à Vittel. En septembre, c’est la mort d’Alfred Vallette et en octobre la parution du « Journal Gourmont » dans le Mercure grâce à la dactylographie de la secrétaire d’Ambroise Vollard. En novembre, Ambroise Vollard, qui n’en veut pas, donne un chat à Paul Léautaud, qui nomme ce chat Ambroise (lettre au vingt novembre 1935).

1936

Journal particulier au 2 janvier

Hier au soir, [Marie Dormoy] a été un peu peinée que je lui aie dit que le génie d’un Bourdelle, d’un Maillol — des grandes admirations à elle — est une vaste blague. C’est comme ce qu’elle a écrit dans un article de l’Ubu de Vollard42 : « Un maître livre », alors que c’est une pure ineptie. Il est vrai que c’était là une admiration intéressée.

Il a pourtant bien fallu qu’elle reconnaisse hier soir, qu’il y a chez Bourdelle, une préméditation de faire torturé, indéniable. Et les écrits de Bourdelle, comme ceux de Rodin ! Deux jolis sots.

Dimanche 5 Avril

Je demandais ce soir à Marie Dormoy ce que devient la publication chez Stock des Mémoires de Vollard43, qui ont paru il y a quelque temps dans l’édition américaine et qui doivent aussi paraître dans une édition anglaise. Elle me dit que l’éditeur anglais a demandé des suppressions à Vollard, tout comme l’avait fait l’éditeur américain. Ce qu’on veut surtout, ce sont des mémoires sur les artistes qu’il a connus. Il s’est mis à raconter sa jeunesse, son arrivée en France. On trouve cela sans intérêt, surtout, me dit-elle, parce qu’il l’a raconté d’une manière sans intérêt. Elle me dit qu’il travaille avec Raoul Narsy44 à arranger tout cela. J’apprends ainsi que Narsy a mille francs par mois pour venir une soirée par semaine mettre en français littéraire les écrits de Vollard. Voilà qui entame joliment mon admiration pour ses livres sur Degas, Renoir, Cézanne, si parfaits de tous points, si simples, si naturels, montrant si bien les gens dont il parle. Je demande à Marie Dormoy si Narsy y a travaillé. Elle n’est pas renseignée sur ce point.

Elle a lu dans l’année 1927 de mon Journal45 ma rencontre avec Betty Suarès à l’enterrement de la femme de Tronche46, les propos qu’elle m’a tenus à notre retour ensemble après la cérémonie… « C’est bien Betty Suarès. Pas un mot de vrai dans tout ce qu’elle vous a raconté. » Betty Suarès m’invitant à venir voir Suarès, qui serait enchanté de mes visites, et sur ma question de l’heure à laquelle venir, me disant qu’il sort tous les jours à cinq heures et de venir à cette heure. J’ai noté, devant cette contradiction, que j’ai dû mal comprendre. « Avez-vous été assez godiche ! C’est exprès qu’elle vous disait de venir quand Suarès n’était pas là. Elle aurait été lui raconter que vous lui aviez sauté dessus. « Tu vois, c’est toujours quand tu n’es pas là qu’il vient. » Je note cela comme propos de femme sur une autre femme.

Vendredi sept août 1936

Fragment d’une lettre de Marie Dormoy à son amant Auguste Perret :

Les vacances approchent. Je n’ai aucune envie de partir ! Je te quitte, j’ai ce soir à dîner Vollard, Eugène Nageotte47, Jean Gribelin48, peut-être Matisse. Je leur fais une soupe aux poivrons. Il faut que j’aille aux Halles avec ma voiture. Je finirai ma lettre demain. Je t’embrasse, je t’embrasse.

Journal littéraire à la même date

Dîner chez Marie Dormoy, avec Ambroise Vollard, le fils de la doctoresse Nageotte et le neveu de Marie Dormoy, le jeune Gribelin.

Vollard nous a raconté beaucoup d’histoires de sa vie de marchand de tableaux. Il est visiblement heureux de parler de lui. C’est compliqué en diable et difficile à retenir. Au reste, elles doivent se trouver dans ses Mémoires.

À table, il nous a cité ce joli trait d’un auteur avec lequel il est en affaires, lequel auteur, lui écrivant pour lui demander le solde du prix convenu entre eux pour fourniture d’un texte et sollicitant un petit supplément pour quelques feuillets ajoutés, s’est exprimé ainsi : « Vingt billets ne me feraient pas peur. »

 .  .  .  .  .  .  .  .   Une ligne de points49.  .  .  .  .  .  .  .  

L’autre histoire est celle-ci. Vollard donne une série d’articles à Candide. Souvenirs sur Degas, sur Rodin, etc. Dans l’article sur Degas, racontant une visite qu’il lui faisait, il avait écrit : « Je lui dis : Monsieur Degas, voilà ce qui m’amène. » On lui a retourné son texte, en lui demandant de corriger (ce n’était pas la seule correction) et de mettre, par exemple : … voilà l’objet de ma visite50.

Ces gens de Candide ne sont pas pour le style familier. Ils aiment mieux les clichés.

On a levé le siège à onze heures et demie.

Fragment d’une lettre de Marie Dormoy à Auguste Perret

8.8.36, 8h ½ mat :

Mon chéri, je te finis ma lettre ce matin. Elle va partir tout à l’heure, et moi je reste là51. J’ai fait peser hier à la poste mon papier. Je ne peux mettre qu’une feuille. Comment as-tu fait pour en mettre deux ? Quand aurai-je ta prochaine lettre maintenant ? Il fait ce matin un temps d’automne. Mon dîner d’hier soir a été très réussi. Mais chaque fois que je regardais ma perle, je me disais que tu n’étais pas là ! Le Miton52 était tout guilleret, Vollard aussi. Il a fini par faire peindre sa salle à manger en gris perle avec les boiseries en blanc. C’est affreux ! C’est Robert de Galéa qui est derrière, et la vieille mère aussi !53-54

9 novembre 1936

Chaque neuf novembre, la commémoration de la mort de Guillaume Apollinaire (en 1918) est l’occasion pour ses amis de se retrouver devant sa sépulture du Père-Lachaise, puis de déjeuner ensemble. Ces déjeuners du neuf novembre sont tous passionnants. Ils seront réunis ici en une page le premier novembre 2022.

Ce n’est qu’à la fin de cette journée qu’est évoqué Ambroise Vollard.

Le texte de ce neuf novembre 1936 n’a que peu de choses à voir avec Ambroise Vollard, cité juste en fin de journée. Son intérêt a paru suffisant à ce qu’il soit donné en entier.

J’ai tout de même esquissé une question, sur le propos de Billy : « C’est un curieux homme, ce Vollard ? — Lui ? Une brute ! Un homme qui ne s’intéresse à rien. » Il nous raconte que Vollard a, à Bois rond55, une maison qu’il a fait construire, qui lui a coûté deux millions. Elle est entièrement vide. Pas un meuble. Si, une chaise de paille. Sur le devant de la propriété, la maison du garde. « Je me contenterais facilement de la maison du garde, dit Billy, qui lui a coûté six cent mille francs. Un domaine immense. Neuf cents hectares. Vous voyez cela d’ici : neuf cents hectares ! Une petite ville ! Quelquefois, le dimanche, Vollard arrive, dans sa voiture. Il descend, s’assied sur le marchepied. Le gardien arrive, sa casquette à la main. Vollard demande : Rien de nouveau ? — Rien de nouveau, Monsieur. Vollard dit : Bon ! remonte dans sa voiture et repart. » Il a appelé en témoignage Picasso : « N’est-ce pas ? Picasso ! Vollard, sa maison de Bois-rond. Il n’y a rien dedans ? » Picasso : « Absolument rien. »

Billy raconte aussi ce que lui a dit un jour Vollard : pour gagner de l’argent, il faut dormir. Un jour, un Américain se présente chez lui pour acheter un Cézanne. Vollard se reposait. C’était après déjeuner. « Dites que je fais la sieste, que je ne peux pas recevoir. » L’Américain revient une quinzaine de jours après. Vollard était encore en train de faire la sieste. Il fait faire la même réponse. L’Américain revient encore, mais six mois plus tard. Pendant ce temps, les Cézanne avaient considérablement monté. « Vous voyez, lui dit Vollard, comme conclusion. Pour gagner de l’argent, il faut dormir. »56

Mercredi 11 novembre

À six heures, visite de [Marie Dormoy]57. Je devais dîner chez elle. Je lui avais téléphoné le matin de ne guère compter sur moi.

Je lui raconte le propos de Billy sur la propriété de Vollard à Boisrond. Elle me dit qu’il exagère beaucoup quant au prix des constructions. La maison du gardien est un ancien petit bâtiment plus ou moins de ferme, qu’il a fait arranger et un peu agrandir. L’habitation, dans laquelle il n’y a qu’une chaise, en effet, quelque chose comme un rendez-vous de chasse, tout au plus, avec quelques chambres pour des invités. Elle dit qu’il a dû acheter ce domaine, considérable, en effet, pour sa vieille maîtresse Mme de G58… qui n’a jamais voulu y mettre les pieds. Elle dit que Billy parle de Vollard comme un homme encore qui a la haine des gens qui ont de grosses fortunes. À noter une chose curieuse. Je ne lui ai pas dit le propos de Billy sur son compte à elle59. Mais quand je lui ai dit qu’il m’a parlé de Vollard : « Ah ! il a parlé de Vollard ?… » il ne lui [est] pas du tout venu « Il n’a rien dit de moi ? » Est-ce prudence, adresse, présence d’esprit, — ou que c’est la vérité qu’il n’y a absolument rien, et que le propos de Billy, alors, ne rimerait à rien ?

Je lui ai parlé aussi des histoires de Picasso avec sa femme, dont il est en instance de divorce depuis un an60. Elle me met au courant. Une danseuse des Ballets russes. Extrêmement jolie, fine, d’une beauté extrêmement rare, originale, petite, mince, elle l’a vue un jour, dans je ne sais quelle soirée, vêtue d’une robe en pailleté bleu ciel, une véritable apparition. D’une séduction extrême. Je lui dis l’impression que j’ai retirée en écoutant Fleuret raconter ce que tout cela est devenu : elle transformée en furie, en cauchemar pour Picasso, lui la trouvant partout, sa vie actuelle gâchée. Alors que, certainement, ils ont dû s’adorer. Aujourd’hui, deux ennemis. Qu’on ne peut considérer cela presque sans pitié. Je pensais à la note que j’ai écrite dans Amour : on s’adore pendant plus ou moins de temps. Un jour, on s’étranglerait.

M. D., elle, voit dans une conduite de femme de ce genre un manque de dignité, ce n’est pas à son avis avoir aimé vraiment, c’est n’avoir jamais été guidée que par l’intérêt. Je continue à penser, quand je l’entends parler ainsi, qu’elle n’a jamais dû savoir ni connaître beaucoup ce que c’est que la passion.

Je lui parle de la présence au déjeuner Apollinaire de Carco et de sa femme, qui doit être l’ancienne femme de ce richissime industriel d’Alexandrie. Elle me dit son nom : Elyane Aghion, mariée, en effet, à un juif d’Alexandrie ayant gagné des millions dans les cotons. Épousée par lui bien que n’ayant pas un sou. Pour sa beauté. D’une très grande beauté, en effet, a-t-on dit. Ce que je n’ai pas trouvé pour ma part. On n’est jamais pour moi une très grande beauté quand on est de petite taille. Elle me dit qu’elle a divorcé pour épouser Carco. Elle était venue autrefois à Paris, exprès pour voir Perret pour se faire construire là-bas une sorte de palais. La construction achevée, Perret fut même invité à faire le voyage pour voir l’édifice élevé sur ses plans. Elle a plusieurs enfants de son premier mari. Je l’ai en effet entendu au déjeuner parler de « mes enfants » qui doivent être aussi à Paris, m’a-t-il semblé. Elle a aussi dit, à propos de leurs séjours à Barbizon, qu’elle n’aime pas la campagne, qu’elle ne se plaît qu’à Paris, il lui en faut le bruit, l’animation. « Je sors avec mon chien… Francis travaille jusqu’à quatre heures du matin… » Parlé aussi d’un moment sans bonne, ni femme de chambre, obligée de balayer, faire le ménage…

 .  .  .  .  .  .  .  .   Une ligne de points61.  .  .  .  .  .  .  .  

Dimanche 27 Décembre

Marie Dormoy me dit que son amie Rose Adler62, qui a lu les mémoires de Vollard, dans l’édition anglaise (ils ont paru d’abord dans cette langue), a trouvé cela assommant. À son avis, pleins de détails que Vollard doit trouver drôles, et qui ne le sont pas du tout. Des longueurs à n’en plus finir. Une grande monotonie.

1937

Le douze mars, Paul Léautaud écrit à Ambroise Vollard :

     Cher Monsieur Vollard,

J’ai lu avant-hier dans Marianne votre page presque entière sur Degas63. J’y ai pris tant de plaisir que je fais l’indiscret et que je viens vous le dire. Je retrouve là la meilleure veine de vos souvenirs, de votre façon de peindre les gens à la fois minutieuse et malicieuse, qui m’a séduit tout de suite, vous le savez, ce n’est pas d’aujourd’hui, dans vos livres je suis bien sûr d’ailleurs que vous aurez eu d’autres lecteurs aussi enchantés.

Je pense que vous allez bien, que vous savez toujours prendre la vie et les gens comme ils se présentent. Je vous prie de vous souvenir de ma respectueuse cordialité.

P. Léautaud

En fait il n’en pense pas un mot :

Dimanche 21 Mars

Vollard désirant donner au Mercure un fragment de ses Souvenirs qui doivent paraître prochainement en volume, j’en ai parlé il y a quelque temps à Duhamel64, et, il y a quelques jours, me suis offert, par l’intermédiaire de Marie Dormoy, à le guider un peu pour le choix des morceaux, de façon à donner un ensemble un peu amusant. Dîné avec lui ce soir chez elle. D’abord que je note sa façon répugnante de manger, prenant ses morceaux de poulet à deux mains et mordant dedans comme un animal. Après le dîner, il nous a lu ce qu’il se propose de donner au Mercure, un long morceau sur la création de l’Almanach du Père Ubu avec Jarry65. C’est au-dessous de tout. Ni intérêt ni drôlerie. Du même genre que son Ubu à la guerre, qui est une pure ineptie. Le pire, c’est qu’il trouve cela extrêmement amusant. Je me suis chargé là d’une fichue commission. Je voulais, moi, piquer çà et là dans tout le volume, pour prendre les passages drôles, — s’il y en a, — sans aucune idée de lien ou de suite. Pas possible, des chapitres entiers ayant déjà paru dans des journaux.

Journal particulier du lendemain :

Chez Marie Dormoy, à huit heures. Parlons d’abord de Vollard. Tout à fait de mon avis sur l’insanité de ce qu’il nous a lu. Le volume, plein de choses de ce genre, paraît-il, et qu’il trouve amusantes. Je lui dis combien je reviens sur son compte, comme écrivain. […]

Journal particulier au deux avril :

Vollard est venu me voir, hier matin, au Mercure, et revenu ce matin, pour la partie de ses Souvenirs qu’il veut donner au Mercure. Il a fini par se ranger à peu près, à mon idée. Je l’ai présenté, hier matin, à Duhamel. Je dînerai avec lui, dimanche soir, chez elle, pour décider des passages. Je lui ai dit, ce soir : « Tu n’as pas l’air de te douter que je fais tout cela pour te faire plaisir, car les Souvenirs de Vollard, je m’en fiche. » […]

Début du texte dans le Mercure du premier juin 1937

Journal particulier au dix août :

Dîné, chez elle, avec Vollard et le fils Nageotte.

Vollard, décidément stupide et insupportable, ne parlant que de lui, de ce qu’il écrit, du prix qu’il paie ceci ou cela, de la considération qu’on a ou qu’on oublie d’avoir pour lui, paraissant faire grand cas des anecdotes qu’il raconte, et qui ne sont que des niaiseries.

Si je ne me retenais, je lui enverrais un petit mot anonyme : « Monsieur Vollard, quand nous donnerez-vous un “Ubu, marchand de tableaux” ? »

En octobre, le volume d’Ambroise Vollard est paru.

Lundi 25 octobre

Ambroise Vollard m’a mis un envoi un peu bien bêbête à mon exemplaire de ses Souvenirs d’un marchand de tableaux. À Paul Léautaud qui écrit si bien. J’avais envie de le montrer à Duhamel.

En octobre toujours Paul Léautaud commet une gaffe. Depuis février il écrit dans la Chronique filmée du mois. Il s’agit d’« une petite revue de publicité de spécialités pharmaceutiques appartenant au Docteur Roussel66 » (Journal littéraire au neuf janvier 1937) et dirigée par un Paul Caldaguès.

Journal particulier au 22 novembre

Ce soir, me téléphone. Je lui ai envoyé, ce matin, pour la Chronique filmée, mon article sur les Souvenirs de Vollard67. Furieuse que j’aie utilisé les propos que Matisse lui tint à elle et qu’elle m’a racontés. Furieuse, absolument. Vollard va savoir qu’il s’agit de Matisse. Il lui en voudra à mort ; il saura également que je les ai appris d’elle. Situation délicate pour elle. J’aurais pu, au moins, lui demander son avis, ce qui est vrai. Comme je lui expliquais que j’ai trouvé ces propos plutôt flatteurs pour Vollard, elle m’a répondu que je ne connais rien, que je vis dans un autre monde, que je n’ai aucune idée de ce que sont les gens… Je me suis retenu de lui répondre : « Heureusement ! » Il est certain, après cela, que rapporter les propos de Vollard : « Je ne connais rien à la peinture » peut ne pas lui plaire. Cela, c’est un impair, de ma part.

Le texte de cet article est reproduit ci-dessous en annexe I

Jeudi 9 décembre

Déjeuné avec Marie Dormoy à la pâtisserie de la rue Saint-Sulpice. Elle a eu ensuite l’idée d’aller faire un tour au Musée du Luxembourg68. Il y avait bien trente ans que je n’y avais mis les pieds. Les horreurs d’autrefois ont fait place aux horreurs d’aujourd’hui. Je suis sorti de là avec le sentiment encore accru de l’inutilité complète de tous les arts. Quel intérêt l’Odalisque de Matisse69, grand peintre, paraît-il, des sculptures de Maillol, grand sculpteur, paraît-il, de celles de Bourdelle, autre grand sculpteur également ? Les peintres ne sont pas loin de leurs confrères en bâtiment, et les sculpteurs de leurs confrères en maçonnerie. Pour une toile qui éveille un peu la rêverie, cinquante, cent, ne sont qu’une barbarie de couleurs. Dans les Souvenirs d’un marchand de tableaux, Vollard, dans un chapitre sur Rodin, le montre trouvant subitement pour une de ses sculptures le nom qu’il lui cherchait depuis quelque temps : La Terre en gésine70. Il y a au Musée du Luxembourg une petite femme nue de Maillol, s’avançant le nez et les seins en l’air qui est intitulée Île de France71. Cela doit lui être venu comme cela, sans trop savoir pourquoi, comme à Rodin sa Terre en gésine. Il y a aussi dans une salle une grande toile, aux personnages grandeur nature, représentant Curnonsky attablé dans une maison bretonne et servi là par deux femmes72. C’est positivement une horreur de vulgarité, et on se demande ce que cela fait dans un musée. Je n’en voudrais pour ma part à aucun prix chez moi, tout comme je ne donnerais pas cent sous de l’Odalisque de Matisse, chez lequel il me paraît y avoir beaucoup de prétention. La peinture d’aujourd’hui, comme l’architecture, n’est décidément que laideur. Il semble même qu’il y ait, dans la première, préméditation à cette laideur, comme à cette barbarie de tons violents. On pense à la grâce, l’élégance, la rêverie, même la poésie, dans les personnages et dans les paysages d’un Watteau, d’un Fragonard, d’un La Tour, à l’esprit même de leurs œuvres, — qualités qu’on peut appliquer également à l’architecture et au mobilier de ce temps, — tout cela remplacé aujourd’hui par tant de laideur, de vulgarité et de prétention bête.

1938

Jeudi 6 Janvier

Visite de Mme Fernande Olivier. […] Elle a acheté les Souvenirs de Vollard et dit qu’il ne s’y trouve pas un seul détail vrai.

Curieusement, ni le Journal littéraire ni le Journal particulier, cette année 1938, n’évoquent Ambroise Vollard, sinon pour mentionner, le 17 novembre qu’il ne s’est pas endormi lors d’une représentation des Parents terribles73, de Jean Cocteau.

1939, la mort d’Ambroise Vollard

Dimanche 23 Juillet

À 2 heures, après le déjeuner, continuant à lire mon journal en prenant mon café, je vois l’annonce de la mort de Vollard, avant-hier vendredi, sur la route de Pontchartrain, d’un accident à sa propre voiture, faute certainement de son fou de chauffeur, d’après tout ce que je sais de lui.

Je n’ai pu voir Marie Dormoy qu’à 7 heures du soir, pour parler avec elle de cette nouvelle.

L’accident est arrivé vers une heure. La voiture devait aller à 130 à l’heure. Vollard devait somnoler à son habitude. La voiture a plus ou moins dérapé, s’est jetée dans deux arbres, qu’elle a littéralement coupés en deux, et est allée tomber dans un fossé, entrée, là, plus qu’à moitié. Vollard a dû être jeté verticalement, dans un saut (le coup de raquette, comme on appelle cela en automobilisme), contre le plafond de la voiture : deux vertèbres cervicales rompues et une fracture du crâne. On a eu beaucoup de peine à le sortir de la voiture, enfoncée dans ce fossé comme elle était, et grand et gros comme il était. La tête en sang. On l’a épongé tant bien que mal. Il avait gardé sa connaissance. On a fait venir une voiture d’une clinique de Versailles. On l’y a emmené. On lui a fait sur-le-champ deux points de suture à la tête, sans l’endormir, à cause de son âge et de son état général, et qui l’ont fait beaucoup souffrir. On l’a ensuite mis dans un lit, dans une chambre. Il a très bien reconnu sa petite amie Raymone, chez qui il allait déjeuner, et accourue aussitôt. « Ah ! c’est toi, Raymone ! » Il a dit ensuite à deux reprises : « Un notaire. Un notaire. » Il a eu aussi ce mot : « Je suis fini… » Puis il a commencé à divaguer. On lui a fait une injection anesthésiante. Il s’est endormi. Il est mort dans ce sommeil vers 3 h.½ du matin.

Le chauffeur Marcel, absolument rien. Le malheureux, désespéré. Il était bien temps. Il aurait mieux fait d’être moins fou. Il s’est jeté à genoux, tout en sanglots, devant Vollard, quand il a été sur le brancard. « Je vous demande pardon, monsieur Vollard, je vous demande pardon ! — Oui, oui, mon pauvre Marcel. — Il aurait mieux valu que ce soit moi… — Mais non, mais non. C’est bien comme cela. » Pauvre et bon Vollard. Ces mots de sa part me font venir des larmes.

J’ai écrit, ce soir, aussitôt rentré, un Écho pour le Mercure74.

La mort d’Ambroise Vollard, Par Marie Dormoy

Texte extrait de Souvenirs et portraits d’amis.

Le 21 juillet 1939, Vollard s’étant, le matin, disputé avec l’une de ses égéries, décida brusquement, au lieu de déjeuner avec elle, de s’en aller au Tremblay, chez Raymone, qui lui était toute douceur et toute gentillesse. Il quitta son hôtel de la rue de Martignac à midi passé, en retard comme toujours et, comme toujours, voulant arriver à l’heure. La voiture partit à bonne allure, le chauffeur Marcel, attentif, Vollard dormant à poings fermés. Un orage éclata. Au carrefour Sainte-Apolline, redouté de tous les conducteurs, la voiture patina sur le sol mouillé. Marcel parvint à la redresser. Quand il se retrouva dans l’axe de la route, il donna, comme on le conseille, un coup d’accélérateur. Pour des causes inconnues, la voiture fit une embardée, se retourna trois fois sur elle-même, faucha trois jeunes arbres qui bordaient la route et retomba en travers du fossé.

Marcel, par miracle indemne, se porta au secours de son maître. Celui-ci, enfin réveillé, n’avait que deux légères blessures au crâne. Quand on voulut le descendre de la voiture, on s’aperçut qu’il avait les jambes paralysées. Un poste de secours, heureusement tout proche, fournit un brancard. Toutes les voitures qui passaient s’arrêtaient, tout le monde vint au secours du blessé, même Mme Segond-Weber, une amie de toujours, qui s’en fut, impuissante et bouleversée. Vollard, étendu sur un brancard, avait toute sa connaissance. Marcel, prostré à côté de lui, sanglotait, répétant sans cesse : « C’est moi qui devrais être blessé, et pas Monsieur… » Vollard finit par lui répondre : « Il vaut mieux que ce soit moi, vous avez deux enfants. » Après ces mots cornéliens, il demanda s’il ne pourrait pas déjeuner parce qu’il avait très faim. Une ambulance finit par arriver. Le brancard du poste de secours, n’étant pas de dimensions réglementaires, ne put être placé dans la voiture. Il fallut transporter une fois encore Vollard, qui pesait plus de cent kilogs, sur un autre brancard. Nouvelle cause de souffrances.

Vers 2 heures de l’après-midi, il arrivait enfin chez les Franciscaines, à Versailles. On lui fit des points de suture au crâne, mais, à cause de son âge, on préféra ne pas l’endormir. Cette opération lui fut très douloureuse. On le coucha. Tout en dormant, il gémissait. Raymone, prévenue, arriva. Il lui dit quelques mots puis se rendormit. Elle comprit qu’il se savait perdu. Il demanda un notaire. Marcel, ne se rendant pas compte de la gravité de l’état de son maître, répondit qu’il irait en chercher un, sans faute, le lendemain matin. Vollard n’eut pas de réaction. K.-X. Roussel75 qui déjeunait rue de Martignac à l’heure où se produisait l’accident, arriva, anxieux. On le rassura si bien qu’il s’en retourna chez lui, convaincu qu’après un repos de quelques jours Vollard reprendrait sa vie normale. Dans la nuit, veillé par Marcel toujours désespéré, vers 3 heures du matin, Vollard poussa un léger soupir et rendit son âme enfantine.

Cette même nuit, avant l’aube, prévenue par Marcel de l’accident, je pleurais l’ami disparu. Au matin, je me rendis sur le lieu du drame. La voiture était toujours dans la même position. Un mouchoir, taché de sang, était tombé à terre. Je le ramassai, je ne sais pourquoi.

Désemparée, je me rendis chez les Franciscaines de Versailles. On venait d’installer Vollard dans la chambre mortuaire.

Couché sur un brancard, il était calme, détendu, tel que Picasso, par une extraordinaire intuition, l’avait représenté sur la toile de la collection Tchoukine, et, par un hasard qui ne pouvait arriver qu’à lui, sur la tête il avait un bonnet chiffonné de telle sorte qu’il ressemblait au Père Ubu.

ANNEXE I
M. Ambroise Vollard
et les Souvenirs d’un marchand de tableaux76

Par Paul Léautaud

Combien y a-t-il de temps que je connais M. Ambroise Vollard ? Pas mal de temps. Je commence à le compter au nombre de mes souvenirs de jeunesse. C’était au temps où j’avais des loisirs, où je flânais dans Paris, mes fonctions de clerc d’avoué me menant au surplus dans tous les quartiers. Le temps aussi où on trouvait chez les marchands de la rue de Seine des Constantin Guys77, et souvent des plus beaux, pour trois francs.

La page 13 de la Chronique fikmée du mois de novembre 1937

Quelle belle collection on pouvait se faire, pour peu d’argent, des merveilles du « peintre de la vie moderne » cher à Baudelaire ! Hélas ! trois francs, alors, représentaient ma subsistance de deux jours. Il fallait me contenter de regarder, d’admirer et de filer mon chemin. J’étais grand amateur de peinture, en ce temps, que je dis. Pas une exposition des galeries alors nombreuses rue Laffitte que je n’aille visiter — une, notamment, de ces galeries, je me le rappelle, qui avait entrée rue Laffitte et rue Le Peletier — jeune amateur fort désargenté, qui goûtait fort, je m’en souviens bien, les Pissaro, où je trouvais un rendu champêtre extraordinaire, les Bonnard, qui me faisaient envier des intérieurs pareils, les Luce78, les Vuillard, les Sisley, les Degas, les Berthe Morisot, Manet, pour qui j’avais un culte — autant que j’abominais déjà Carrière, le truc fait peinture, tableaux pour Musées du soir, et Puvis de Chavannes79, faiseur de fresques pour gens qui s’en vont de la poitrine. Ce n’est pas sans timidité que j’exprime ici ces quelques vues80. Depuis que Paul Valéry m’a dit, à propos de Manet, que je parle peinture comme un homme de lettres, je me garde bien d’en dire un mot. Ce ne sont ici que propos de circonstance. Ma première connaissance de M. Ambroise Vollard remonte à ce temps. Une connaissance de vue, seulement ! Je le voyais à travers les vitres de son magasin de la rue Laffitte, mon Dieu ! à peu de chose près le même homme qu’aujourd’hui, avec son air de ne pas s’amuser beaucoup. Entrer, même un tableau ou un autre m’intéressait, je n’aurais jamais osé. Les galeries d’expositions, bon ! Mais le magasin d’un marchand, d’un marchand qui vend ! Quand on est dans l’impossibilité de rien acheter ! Je n’oserais pas davantage aujourd’hui, d’ailleurs. Je me dis que le marchand verrait tout de suite qu’il n’y a aucune vente à espérer avec moi. À moins que ma réputation soit parvenue jusqu’à lui et le fasse me prodiguer les salutations et les compliments. Hypothèse qui, illico, m’empêcherait également d’entrer. J’ai connu un peu mieux M. Ambroise Vollard plus tard, quand il venait au Mercure pour traiter pour une de ses éditions de grand luxe, et encore un peu mieux, quand ayant fait ainsi connaissance, il ne manquait jamais de s’arrêter un instant dans mon bureau. J’avais écrit, sans le connaître, ou peu encore, tout le bien que je pense toujours de ses livres sur Degas81, sur Renoir82, écrits si simplement, d’un ton si naturel si près de la réalité, où il semble, grâce à ces rares qualités, qu’on voit les gens, qu’on les entend parler. Il riait de mes compliments et voulait absolument me persuader que je ne pouvais me représenter tout ce que ces choses si simples, qui paraissaient de venue si facile, lui avaient coûté de peine et de travail. Je riais à mon tour. « Monsieur Vollard, vous vous moquez de moi. Vous voulez jouer au grand écrivain. » Il est d’ailleurs un personnage fort amusant dans son genre. En visite comme je le dis dans mon bureau, dix fois il se levait et prenait la porte et dix fois réapparaissait : « Dites-moi, vous ne savez pas si… » Il n’a pas changé sur ce point. Quand il vient maintenant encore, il y a toujours une petite série de « Dites-moi, vous ne savez pas si… » Je lui disais souvent en ce temps-là : « Et vos souvenirs sur vous, Monsieur Vollard, vos souvenirs d’un marchand de tableaux ? Quand les écrirez-vous ? Il doit y avoir de bien jolies choses, hein ? » Il se contentait de rire, en remuant sa grosse tête, avec un petit air de malice sur les lèvres. Eh bien ! les voilà écrits, et publiés, ces Souvenirs, et M. Ambroise Vollard a eu la charmante courtoisie de m’en apporter lui-même un exemplaire au Mercure. C’est un livre fort divertissant, très divers, extrêmement évocateur de toute une époque, où on voit défiler des peintres, des critiques d’art, des amateurs. des écrivains, Renoir et Degas, Monet et Pissaro, Henry de Groux83 et Picasso, Jacques Émile Blanche84 et Georges Rouault, Octave Mirbeau, Jarry et Apollinaire, le Comte Isaac de Camondo85 et le Baron Denys Cochin86, cent autres, avec des anecdotes malicieuses sur chacun d’eux, et au cours de tout cela M. Ambroise Vollard lui-même, depuis son arrivée en France87, ses études de droit à Montpellier, son arrivée à Paris, ses débuts dans le « métier », son premier client, ses expositions, ses éditions, ses voyages, et cette même rue Laffitte dont je parle plus haut, qu’il a lui-même tant contribué à illustrer, ressuscitée sous sa plume dans un chapitre extrêmement réussi. O jeunesse ! que d’années — et les embellissements(?) de Paris — font tout cela bien loin.

La forme d’une ville
Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel
88.

Il y a aussi des passages graves, respectueux, presque émus, sur certains peintres dont la vie autant que le talent forçaient l’estime et le respect. Un Pissaro, par exemple. Évidemment, il y a parfois une certaine fantaisie. M. Ambroise Vollard a l’esprit moqueur, de l’observation, un grand sens des ridicules. Il ajoute çà et là à la sottise de quelques-uns de ses personnages, au comique de certaines situations. Évidemment aussi, il n’a pas tout dit. Il manque même, paraît-il, des choses qui eussent été toutes à son avantage. Un peintre aujourd’hui célèbre89, qui le connaît de longue date, après avoir lu les Souvenirs d’un marchand de tableaux, raconte : « Il n’a pas tout dit. On se demande même pourquoi il n’a pas raconté certaines histoires. Elles n’auraient pu, pourtant, que le rendre très sympathique. Par exemple, un jour, je lui signale Derain, comme un peintre de talent, à qui quelques achats feraient grand bien. Aussitôt : “Allons-y.” Nous prenons une voiture. En route, il me dit : Vous savez, moi, je ne connais rien à la peinture. » Arrivés chez Derain, il prend sans regarder tout ce qu’on veut bien lui donner, donne quinze mille francs, et nous partons. Une autre fois, je lui signale de même Vallat90. Nous allons chez Vallat. On lui fait un paquet de tableaux qu’il ne regarde même pas, donne de l’argent et s’en va. Quinze jours après, Vallat, lui rendant visite, voit ce paquet dans un coin, pas même défait. » En effet, tout autre aurait voulu examiner, faire le connaisseur, aurait cru bon de faire des remarques, des observations. M. Ambroise Vollard, lui, savait qu’il pouvait avoir confiance dans l’artiste qui lui signalait ces peintres. Il se taisait et se contentait de profiter du bon conseil, sans regarder à l’argent, dont on peut bien penser que les intéressés n’étaient pas fâchés. Je ne sais pas s’il manque vraiment dans les Souvenirs de M. Ambroise Vollard les « bien jolies choses » sur lesquelles je le plaisantais autrefois, mais son silence sur des traits comme ceux rapportés ci-dessus, c’est une jolie discrétion.

M. Vollard avait un chat, qu’il n’a pu garder. Il a bien voulu me demander de l’accueillir au nombre de ceux qui peuplent ma maison. En hommage à son premier maître, je l’ai appelé : Ambroise.

Paul Léautaud.

Les trois pages de cet article dans cette Chronique filmée du mois de novembre 1937 seront envoyés sur simple demande ici.

ANNEXE II
Nécrologie d’Ambroise Vollard,
parue dans le Mercure du quinze août 1939

L’« Écho » du Mercure

Ambroise Vollard est mort à 73 ans, dans un sot accident d’automobile, sur la route vers Pontchartrain, le vendredi 21 juillet. C’était une célébrité du monde de la peinture, comme marchand de tableaux, pour ses curieux débuts dans cette carrière et la belle fortune qu’il y avait faite. Né à la Réunion, venu en France pour faire son droit, il s’intéressa à la peinture, eut la devination de l’avenir de peintres, à cette époque, ou fort critiqués ou peu connus, comme Renoir et Cézanne, Bonnard et Vuillard, bien d’autres, achetant leurs toiles, les emmagasinant dans sa boutique et son sous-sol de la rue Laffitte, les deux bientôt célèbres dans le monde des amateurs. Un beau jour, la célébrité de tous ces artistes fit sa fortune. Ambroise Vollard n’était pas que ce marchand de tableaux à l’heureuse devination. Il était aussi un écrivain d’un merveilleux talent fait du naturel le plus accompli, d’un art extrême pour présenter ses personnages, au point que lorsqu’on le lit, on croit voir et entendre les gens dont il parle, amusé en même temps par tous ses traits malicieux. Ses livres sur Renoir, Cézanne, Degas, sont d’étonnantes réussites dans ce genre et on leur a souvent emprunté pour ce qui a été écrit sur ces peintres. Il était également éditeur de livres d’art de très grand luxe qu’il mettait des années à établir, l’illustration des textes confiés à des peintres comme Bonnard, Dufy, Roussel, Picasso, Rouault, Degas, Émile Bernard, Laprade, des sculpteurs comme Aristide Maillol. On peut citer : Parallèlement, Daphnis et Chloé, Les Réincarnations du Père Ubu, Sagesse, Les Fêtes galantes, La Belle Enfant, L’Odyssée, Gaspard de la nuit, L’Imitation, etc. Sa mort en laisse en chantier quelques-uns dont on se demande ce qu’ils deviendront. Ambroise Vollard a fait également des conférences, jusqu’en Amérique, sur les artistes qu’il a connus. L’homme était original, pittoresque, charmant, simple, plein de malice, de la plus grande courtoisie, obligeant et bienfaisant sans le répandre, le premier à rire quand on lui faisait des compliments sur ses qualités d’écrivain. Sachant qu’il allait mourir, il a encore montré cette bonté cachée en lui par des paroles de pardon et de résignation qui touchent profondément. Son dernier livre : Souvenirs d’un Marchand de tableaux, est une mine de renseignements, de portraits, d’anecdotes sur des peintres, des écrivains, des amateurs d’art qu’il avait connus depuis ses débuts jusqu’à ce jour. Il travaillait à un livre de souvenirs personnels sur son enfance et sur sa jeunesse. Ses obsèques ont eu lieu le 28 juillet à Sainte-Clotilde, à deux pas de son hôtel de la rue de Martignac, un vrai musée.

Paul Léautaud.


1       Journal littéraire de Paul Léautaud au dix février 1935 : « [Marie Dormoy] dit qu’intellectuellement il ne dépasse du reste guère un enfant de quinze ans. »

2       Entretiens avec Robert Mallet (fin de la deuxième émission) : « Ce fromage valait quatre sous. Eh bien, pendant huit ans, j’ai déjeuné et dîné d’un fromage de quatre sous, d’un morceau de pain, d’un verre d’eau, d’un peu de café. »

3       Marie Dormoy, Souvenirs et portraits d’amis, Mercure de France, mars 1963, 307 pages.

4       Marie Dormoy ne donne pas de dates mais on peut situer cette rencontre vers la fin des années 1920.

5       Ambroise Vollard, Sainte Monique, Émile-Paul frères, Paris 1927, 12 x 19 cm. Une autre édition paraîtra en novembre 1930, tirée à 390 exemplaires : illustrations de Pierre Bonnard, dont 29 lithographies hors texte, dix-sept eaux-fortes (dont quatorze non utilisées dans la première édition et trois servant de table des gravures) et 178 bois dans le texte dont la vignette de couverture, la vignette de titre et 37 bois refusés. En feuilles, couverture imprimée, étui moderne, 33 x 25 cm. Un exemplaire a été vendu 4 000 euros en avril 2014.

6       Peu de temps avant la guerre de 1939, Vollard fit un voyage à Rome ayant pour but d’offrir au Pape un exemplaire de sa Sainte Monique, illustrée par Bonnard. Le Pape reçut ce présent avec une courtoisie de commande. Heureusement qu’il ne l’ouvrit pas. Il y aurait eu de grandes chances pour qu’il ait fait mettre immédiatement le livre à l’Index.

7       Lors d’une précédente visite ayant eu lieu le 19 août.

8       Comme souvent, Paul Léautaud ne fera rien et l’affaire ne se fera pas.

9       Paul Léautaud ne précise pas s’il s’agit de la seule nouvelle de Guy de Maupassant ou, plus vraisemblablement, du recueil de nouvelles paru sous ce titre chez Victor Havard en 1881 (308 pages) (puis dix ans plus tard dans une édition augmentée des Tombales, chez Paul Ollendorff, 314 pages).

10        Cet ouvrage sera en définitive illustré par Pablo Picasso et paraîtra en 1931 en 340 exemplaires dans un format de 33 x 25 cm. présentant treize eaux-fortes hors texte (dont le frontispice et celle servant de table) et 67 bois (dont sept en pleine page), couverture rempliée illustrée d’un bois sur chaque plat. Un exemplaire sur vélin de Rives (second papier) se vend de nos jours entre 20 000 et 30 000 €uros.

11        Eugène Montfort : La belle enfant ou l’amour à quarante ans, Vollard, 1930. « In-4, maroquin prunus avec grand décor aux filets dorés et à froid, couvrant les plats et le dos lisse, représentant des éléments de paysages inspirés de Dufy, titre frappé à l’or sur le premier plat avec pièces mosaïquées de maroquin chocolat, encadrement intérieur du même maroquin, doublure de maroquin chocolat avec éléments, au centre, aux filets dorés et à froid, gardes de soie chocolat, tête dorée, couverture et dos, chemise demi-maroquin à recouvrements, étui (Gruel). Première édition illustrée, ornée de 94 eaux-fortes originales en noir de Raoul Dufy, dont seize planches hors-texte et la première de couverture. Tirage à 390 exemplaires. » (Cornette de Saint Cyr). Mise à prix : 8 000-10 000 €uros en 2018.

12        Trois textes d’Ambroise sont parus dans le Mercure : « L’Atelier de Cézanne » (seize mars 1914), « Une figure de “grand amateur”, le comte Isaac de Camondo » (seize décembre 1916) ; et un extrait de ses Souvenirs d’un marchand de Tableaux : « La rue Laffitte », premier juin 1937. Pour le livre, voir note 43.

13        Blaise Cendrars (Frédéric Sauser, 1887-1961), écrivain suisse naturalisé français en 1916. Blaise Cendrars est l’archétype de l’aventurier, de l’écrivain voyageur et du grand reporter.

14        Madeleine Moreau (1874-1956), née à la Réunion comme Ambroise Vollard qu’elle a rencontré à Paris, est la jeune veuve du diplomate Edmond de Galéa. Sa collection de poupées a été la base du musée national des Automates et Poupées d’autrefois de Monaco. Il nous reste un portrait de Madeleine de Galéa par Auguste Renoir, en 1912, oubliable et très coloré, en mains privées, que Paul Léautaud va évoquer, reproduit ici.

15        Chronique du 1er décembre 1919 : « Il faut savoir, pour goûter cette anecdote que M. Ambroise Vollard a une physionomie… comment dire ?… une physionomie… hum ! c’est peut-être délicat à dire ?… une physionomie… baste ! il ne se fâchera pas, je peux bien dire le mot… une physionomie… un peu simiesque, oui, c’est bien cela, un peu simiesque, et d’ailleurs extrêmement sympathique. Un jour, il était allé voir M. Renoir dans le Midi, à sa propriété de Cagnes. Ils étaient tous les deux dans le jardin. À un moment, M. Ambroise Vollard se mit, par jeu, à se suspendre des deux mains à une branche d’arbre et à se balancer ainsi pendant quelques secondes. M. Renoir le regardait : « Vollard, mon ami, lui dit-il, ce n’est pas un cocotier. »

16        Alfred de Musset, Le Chandelier, comédie en trois actes d’abord parue dans La Revue des deux Mondes en 1835 avant d’être créée au Théâtre-Historique le dix août 1848, sans succès, et avant d’être reprise enfin à la Comédie-Française le 29 juin 1850 avec une musique de Jacques Offenbach. Le chandelier en question est un jeune homme inoffensif qui a pour objet de détourner sur lui la jalousie du mari afin que mieux dissimuler l’amant véritable. Cette pièce est parfois reprise de nos jours.

17        D’après une note d’Édith Silve, Ambroise Vollard avait engagé Marie Dormoy comme secrétaire afin de classer des papiers que le collectionneur ne voulait pas confier à sa secrétaire en titre. Ce rôle de secrétaire parallèle se doublait d’un rôle de dame de compagnie. Ambroise Vollard venait dîner le dimanche soir, chez Marie Dormoy. En août, elle l’accompagnait à Vittel, gérait l’intendance et veillait à ce qu’il suive convenablement sa cure.

18        L’architecte Auguste Perret (1874-1954) était présent à ce dîner, ainsi que nous le verrons ci-après. Marie Dormoy a eu deux amants en même temps, Auguste Perret l’étant vraisemblablement depuis l’été 1925. Il restera son amant des années encore, vraisemblablement jusqu’à la fin de ses jours. Aucune étude des rapports de Marie Dormoy et d’Auguste Perret ne peut être entreprise sans la lecture de leur correspondance éditée par Ana bela de Araujo parue aux éditions du Linteau en 2009 (épuisée). Ces éditions du Linteau ; 52, rue de Douai, sont spécialisées dans les ouvrages ayant trait à l’architecture.

19        Remy de Gourmont (1858-1915), romancier, journaliste et critique d’art, proche des symbolistes, fut l’un des personnages les plus importants du Mercure de France.

20        La bibliothèque Sainte-Geneviève a récupéré les fonds de la bibliothèque Doucet.

21        Ambroise Vollard habite au 28, rue de Martignac depuis 1924. Cette rue proche des Invalides, relie la rue de Grenelle à la rue Saint-Dominique.

22        Il s’agit évidemment du Barbier de Séville, sur un livret du très-oublié mais non regretté Cesare Sterbini d’après Beaumarchais sur une musique très enlevée de Rossini.

23        C’est le Gouvernement Chautemps VIII (il y aura neuf gouvernements Chautemps en moins de dix ans (juin 1924 à janvier 1934). Entre le VIIIe et le IXe, pendant un mois, du 26 octobre au 26 novembre 1933, sera le premier Gouvernement d’Albert Sarraut, qui aura Camille Chautemps comme ministre de l’Intérieur. Et de nos jours on se plaint !

24        Marie Dormoy, Souvenirs et portraits d’amis, chapitre « Ambroise Vollard », Mercure de France 1963 : « Il termina sa vie dans un immense hôtel [28, rue de Martignac] dont il n’occupait, pour son usage personnel, que deux pièces : la salle à manger et sa chambre à coucher. Tout le reste était hermétiquement clos, parce que contenant ses collections. »

25        L’opéra-comique est dans un de ces petits quartiers bien agréables du IIe arrondissement, entre les grands Boulevards et la rue du Quatre-septembre. De nos jours, la petite place Boieldieu, entièrement piétonne est fort propice aux entractes.

26        La salle Montansier, que l’on a aussi appelée « Opéra de la rue Richelieu » a été détruite dans les années 1820 pour laisser place à ce que l’on a nommé la place Richelieu. Un square a ensuite été aménagé à cet endroit qui a pris le nom de square Louvois. Il suffit de descendre la rue de Gramont sur trois cents mètres pour atteindre la rue de Louvois, puis le square, qui donne aussi sur la rue Richelieu où Paul Léautaud a toute sa vie rêvée d’habiter, dans une mansarde.

27        Georges Rouault (1871-1958), peintre et graveur, admis à l’École des beaux-arts en 1891, conservateur du musée Gustave-Moreau à son inauguration en 1898. Au début du siècle, Georges Rouault fait la connaissance de Léon Bloy, de Huyssmans et de Jacques Maritain. C’est en 1917 qu’Ambroise Vollard lui a acheté l’ensemble de ses toiles, soit plus de 700 œuvres.

28        Gustave Moreau (1826-1898) est entrée à l’école des Beaux-Arts en 1846 sans y achever sa formation et a entrepris des peintures à sujets historiques ou mythologiques. Le musée Gustave Moreau de la rue de La Rochefoucauld est un endroit charmant.

29        Ambroise Vollard, « Souvenirs sur Cézanne », Minotaure numéro six, décembre 1934, pages13-16. Ce numéro comprend aussi des textes de Paul Éluard, « Physique de la poésie », deux articles de Paul Valéry : « Réflexion sur le paysage » et « Art moderne et grand art » et un texte d’Antoine de Saint-Exupéry. Minotaure, revue d’art contemporain favorable aux surréalistes, paru sur treize numéros de juin 1933 à mai 1939. Il s’agit de l’unique citation de cette revue dans le JL.

30        Journal littéraire au 19 novembre 1931 : « Vallette parlant tantôt de la Nouvelle Revue française et répétant le mot de Gallimard : “Je perds de l’argent avec la Nouvelle Revue française, mais j’en gagne avec Détective”, ajoutait : “Comme Natanson avec la Revue blanche : Je perds de l’argent avec la Revue blanche, mais j’en gagne avec [Le Cri de Paris]. »

31        Parfois sur un canevas de Marie Dormoy, sept textes signés Paul Léautaud paraîtront dans Voilà, ensuite repris dans Passe-Temps II, parfois dans un ordre ou un titre différents. Le premier a été Actualités amoureuses (02/02) puis Occasions pour cinéma (02/03), Amants (30/03), Le Mépris de l’amour (11/05) Le Lion amoureux (25/05), Vacances (03/08), Français choisi (28/03/1935).

32        Avec André Brûlé et Madeleine Lély. Paul Léautaud, sous le nom de Maurice Boissard, avait déjà chroniqué cette pièce dans La Nouvelle revue française du premier décembre 1921. Cette comédie en cinq actes a été représentée pour la première fois au théâtre de la Renaissance le jeudi six novembre 1895 avec Jeanne Granier et Lucien Guitry. Le texte de la pièce est paru en 1897 chez Paul Ollendorff (259 pages).

33        L’article de Marie Dormoy et Paul Léautaud a été reproduit dans Passe-Temps II.

34        Ces « Billets Quinson », du nom de l’initiateur de cette pratique, fonctionnaient sur le principe de l’abonnement pour plusieurs théâtres. Le souscripteur recevait chez lui tous les mois deux ou trois billets à utiliser obligatoirement sauf à être exclu de la liste des abonnés. Lorsqu’un spectacle commençait de ne plus remplir la salle, les directeurs de théâtre faisaient appel à ce monsieur Quinson qui expédiait, en se fiant à son expérience, des billets à la quantité nécessaire d’abonnés. L’autre intérêt était que les traités établis à l’occasion des tournées en province s’effectuaient en regard du nombre de spectateurs « quinsonnés » ou non.

35        Ambroise Vollard était, semble-t-il, l’aîné de six frères et trois sœurs. Il semble s’agir ici de Lucien Vollard (1874-1952).

36        Paul Valéry a comme prénoms Ambroise Paul Toussaint Jules.

37        Raymone Duchâteau (1896-1986), actrice, a rencontré Blaise Cendrars (ici note 13) en 1917 et ils resteront unis jusqu’à leur mort sans que forcément elle accompagne Blaise Cendrars dans ses voyages. Ils se marieront en 1959. Raymone a continué sa carrière de comédienne après sa rencontre avec Blaise Cendrars et on peut la voir dans de nombreux films, notamment Des pissenlits par la racine de Georges Lautner où Raymone chante « Y’a un cadavre dans la contrebasse » ou dans son dernier film, Que la bête meure, de Claude Chabrol (1969) où elle est la « Mère de Paul », lui-même interprété par Jean Yanne.

38        Franz Toussaint (1879-1955), orientaliste et traducteur de plusieurs langues rares, a épousé en 1925 Adelaïde Etelca Braggiotti. Franz Toussaint a écrit une dizaine de textes pour le Mercure de France avant-guerre.

39        Note d’Édith Silve. : Il s’agit de Salade, œuvre de Darius Milhaud, partition pour voix et piano, que Marie Dormoy est allée écouter, le 13 février 1935, à l’Opéra, en compagnie de Fernand Léger. / C’est un portrait très fouillé de Léautaud par lui-même, enfermé dans une jalousie maladive, qui se dégage, en réalité, de ce compte rendu de journée. » Salade, ballet chanté (mai 1924), a été créé à l’opéra hier, 13 février pour une chorégraphie de Serge Lifar.

40        Fernand Léger (1881-1955), peintre cubiste. La Palette se trouvait rue de la Grande Chaumière où habitait Fernande Olivier.

41        L’exposition « Pastels et dessins de Degas » se tiendra en 1936. Marie Dormoy sera aussi en charge du catalogue (lettre à Auguste Perret du 14 septembre 1935). Dans ses lettres à Auguste Perret, Marie Dormoy évoque souvent Ambroise Vollard.

42        Plusieurs ouvrages d’Ambroise Vollard peuvent correspondre : Le père Ubu à l’aviation, deux dessins de P. Bonnard, 15 pages, Crès 1916 ; Le Père Ubu à l’hôpital, Crès 1918 ; La politique coloniale du Père Ubu, 29 pages, un croquis de Georges Rouault, Crès 1919, Le Père Ubu à la guerre, 116 pages avec des dessins de Jean Puy, Crès 1920. Un volume général, Les Réincarnations du Père Ubu, a rassemblé plusieurs de ces plaquettes et d’autres titres, avec 22 eaux-fortes, 400 bois gravés par Georges Rouault 240 pages, Ambroise Vollard éditeur, 1919.

43        Ambroise Vollard, Recollections of a Picture Dealer, traduit depuis le manuscrit original par Violet M. Macdonald et publié à Boston en 1936 par Little, Brown and company (326 pages), puis en Angleterre la même année chez Constable mais il s’agit de la même traduction et de la même pagination. Ce n’est qu’à la rentrée de 1937 que le volume paraîtra en français sous le même titre : Souvenirs d’un marchand de tableaux, Albin Michel 1937, 446 pages. Le nom de Marie Dormoy n’y est pas cité.

44        Raoul Narsy (Louis Scarpatett, 1860-1941), secrétaire de rédaction du Bulletin de la semaine, bibliothécaire de l’Institut catholique de Paris de 1890 à 1913, journaliste et critique littéraire au Journal des débats (Gallica).

45        Le 18 mai.

46        Jean Gustave Tronche (1884 ?- ?), administrateur de la NRF entre 1912 et 1922. Voir le Journal littéraire au 18 mai 1927 : « Été ce matin à la levée du corps de la femme de Tronche, 106, boulevard Kellermann, un pavillon charmant avec jardin, tel que j’aimerais bien en habiter un dans Paris. Dans le jardin, j’ai vu venir à moi la femme de Suarès. Un type de femme, charmante, bonne enfant, amusante, pas la langue dans sa poche. Bavardé ensemble un bon moment… »

47        Marie Wilbouchevitch (1864-1941), médecin en 1893 a épousé en 1891 Jean Nageotte (1866-1948), médecin la même année 1893. Ils ont eu trois enfants, dont Eugène (1901-1965). Marie Nageotte est amie de Marie Dormoy

48        Jean Gribelin, cité mais jamais nommé dans le Journal littéraire, est le fils de Pierre Gribelin et Blanche, cousine de Marie Dormoy.

49        Ces lignes de points sont hélas très nombreuses dans l’édition actuelle du Journal littéraire. Elles masquent souvent — comme ici — des textes mettant en cause des personnes encore vivantes au moment de la publication dans les années 1950-1960. Ces lignes de points sont peu à peu comblées grâce à la détermination d’un correspondant grenoblois qui passe de très nombreuses heures à la bibliothèque de Grenoble sur le tapuscrit de Marie Dormoy.

50        Candide du 23 juillet 1936, page trois, « Les colères de Degas ». La phrase n’existe pas dans l’article.

51        Auguste Perret est depuis fin juillet en voyage en Argentine avec le Pen-Club. Cela explique, plus loin, les problèmes de nombre de feuilles de papier dans une lettre « par avion ».

52        Chat de Marie Dormoy. Il est prévu que le texte de Marie Dormoy Le Chat Miton soit publié ici en PDF le premier août 2022.

53        On se souvient de Madeleine de Galéa (note 14), la collectionneuse de poupées maîtresse d’Ambroise Vollard. Il semble s’agir de son fils. Marie Dormoy qualifie Madeleine de Galéa de « vieille mère » alors que, née en 1874 elle a deux ans de moins que Paul Léautaud.

54        Auguste Perret, dans sa réponse depuis Buenos-Aires datée du 17 août écrira : « J’en veux à cette vieille vache de Vollard d’avoir recouvert de sa crème le magnifique rouge de sa salle à manger. De loin comme ça, je me dis que je ne le reverrai plus jamais. »

55        Bois rond, dans la forêt de Fontainebleau. Cette propriété sera rachetée par l’armée en 1952.

56        Lire la suite dans le Journal littéraire. Ces déjeuners du neuf novembre sont tous passionnants. Ils seront réunis ici en une page le premier novembre 2023 ou 2024.

57        Vraisemblablement à Fontenay, le onze novembre étant férié depuis 1922.

58        Diane de Gonet, par ailleurs maîtresse du peintre Antonio de La Gandara (1861-1917).

59        Peut-être dans un passage supprimé.

60        Pablo Picasso (1881-1873) a épousé en 1918 la danseuse Olga Khokhlova (1891-1955). Entre 1927 et 1936, Pablo Picasso a entretenu une relation avec Marie-Thérèse Walter (1909-1977) puis, entre 1936 et 1944, avec Dora Maar (1907-1997). En 1961, âgé de 80 ans, il épousera la céramiste Jacqueline Roque (1926-1986).

61        Cette ligne de point est à la fin de la journée.

62        Rose Adler (1890-1959), relieuse et décoratrice, a écrit son Journal (1928-1959), paru en 2014 aux éditions des Cendres (490 pages).

63        Il s’agit peut-être des pages 266-268 des Souvenirs d’un marchand de tableaux.

64        Georges Duhamel a pris la direction du Mercure de France à la mort d’Alfred Vallette.

65        Chapitre XII : « Ambroise Vollard éditeur et auteur », titre III, à partir de la page 350. Il est vrai que la lecture de ces pages est assez vite abandonnée, au milieu de la première pour les plus patients des lecteurs. Il n’en est pas toujours de même, comme les pages 118-119, décrivant les logements d’Alfred Jarry.

66        Gaston Roussel (1877-1947), vétérinaire, puis, en 1909, docteur en médecine. En 1911, Gaston Roussel a installé un petit laboratoire à Romainville, origine de ce que seront, en 1952 les laboratoires Roussel-Uclaf.

67        Chronique filmée du mois numéro 43, novembre 1937, pages 13-15.

68        Vraisemblablement pour voir la dernière exposition du musée du Luxembourg, qui était à l’époque un musée d’art contemporain et qui a fermé ses portes à la fin de l’année 1937 pour être remplacé par le musée d’Art moderne du Palais de Tokyo à l’issue de l’exposition internationale. Ce remplacement sera d’abord incertain, le musée n’ouvrant effectivement qu’en 1942, puis timide jusqu’en 1947. Le musée du Luxembourg n’a rouvert qu’après plus de quarante ans de jachère, en 1979.

69        Les Odalisques d’Henri Matisse sont un ensemble d’au moins une douzaine de toiles, peintes essentiellement au début des années 1920 après un voyage en Afrique du Nord.

70        « La Femme en gésine » (années 1920). Souvenirs d’un marchand de tableaux, page 250.

71        Cette très belle femme avance, fièrement nue, les bras en arrière, les mains tenant une écharpe. Cette statue est de nos jours exposée dans le jardin des tuileries.

72        Il semble s’agir d’une peinture de Maurice Asselin (1882-1947), Curnonsky chez Mélanie Rouat, qui représente ces deux personnages attablés, une servante versant du vin blanc. Sur la table, huitres, homards et fruits d’automne (mois en r).

73        Les Parents terribles, drame en trois actes créé le 14 novembre au théâtre des Ambassadeurs, en alternance. La pièce n’a été jouée que neuf fois avant d’être interdite au début de janvier par la ville de Paris, propriétaire du théâtre. Cette pièce sera chroniquée par Paul Léautaud dans La NRF de janvier 1939. On ne confondra pas la pièce de théâtre Les Parents terribles avec le roman Les enfants terribles paru en 1929 chez Grasset (228 pages). Ce roman sera adapté au cinéma par Jean Cocteau pour un film réalisé par Jean-Pierre Melville sorti en 1950. La pièce Les Parents terribles a aussi fait l’objet d’une adaptation cinématographique réalisée par Jean Cocteau et sortie en 1948, avec Jean Marais.

74        À cause des délais de publication, cet écho — une page — n’a pu paraître que dans le Mercure du premier août. Il est reproduit en annexe II, ci-après.

75        Ker-Xavier Roussel (François Xavier Roussel, 1867-1944), peintre et graveur, a épousé Désirée Vuillard (1861-1948), sœur du peintre Édouard Vuillard. Dans Le Chat Miton (1948), Marie Dormoy décrira son retour d’exode avec Ker-Xavier Roussel (page 24).

76        Texte paru dans La Chronique filmée du mois de novembre 1937, page 13.

77        Dessinateur et peintre (1802-1892), Constantin Guys s’est attaché à la représentation de la société de son temps. Groupes de personnages, scènes de bal, nombreux cabriolets et chevaux.

78        Maximilien Luce (1858-1941), peintre, illustrateur et affichiste libertaire.

79        Le 23 septembre 1896, PL s’est rendu chez Durand-Ruel voir six panneaux de Puvis de Chavannes avant qu’ils partent chez leur commanditaire, la bibliothèque publique de Boston, où l’on peut encore les voir de nos jours sur les murs de l’escalier central (celui avec les lions).

80        On peut observer qu’aucun de ces peintres n’est né avant 1830 (Camille Pissaro) ou après 1868 (Édouard Vuillard).

81        Ambroise Vollard, Degas (1834-1917), Crès 1924, 121 pages.

82        Ambroise Vollard, Auguste Renoir, Crès 1910. En 1938, l’année suivant la parution de ce texte, Ambroise Vollard publiera chez Grasset En écoutant Cézanne Degas Renoir (321 pages).

83        Henry de Groux (1866-1930), peintre belge. Lire la page de Léon Bloy sur Le Christ aux outrages dans son Journal en février 1892.

84        Jacques-Émile Blanche (1861-1942), peintre, graveur et écrivain. Jacques-Émile Blanche, né dans la haute bourgeoisie, est le fils de l’aliéniste Esprit Blanche, qui a sa rue à Paris, la rue du docteur Blanche.

85        Isaac de Camondo (1851-1911), banquier, diplomate et collectionneur. Isaac de Camondo, fils d’une famille de banquiers de Constantinople s’est installé à Paris à l’âge de 18 ans pour y passer son bac. Suite à une donation, le musée du Louvre possède, grâce à Isaac de Camondo, près de 160 peintures dont une grande collection d’impressionnistes.

86        Denys Cochin (1851-1922), comme Isaac de Camondo, était issu d’une famille de la haute bourgeoisie (fondatrice de l’hôpital Cochin) et a été diplomate et collectionneur. Denys Cochin a aussi été six fois député de la Seine de 1897 à 1919, ce qui a dû le conduire à éviter de mettre en avant le titre de baron qui lui venait de son père.

87        En métropole ! (Ambroise Vollard est né à Saint-Denis de La Réunion).

88        Baudelaire, Les Fleurs du mal — Tableaux Parisiens : Le Cygne : « Le vieux Paris n’est plus (la forme d’une ville / Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel) ; »

89        Henri Matisse.

90        Aimé Vallat (1912-1993) est un peintre oublié. Beaucoup de paysages aux couleurs vives.