Petit supplément à une gazette scandaleuse

La Gazette « Religion » (quinze septembre 1927)
Petit supplément à une gazette scandaleuse (présentation)
Petit supplément à une gazette scandaleuse (texte)
Notes

Dans le Mercure du quinze septembre 1927, Paul Léautaud publie une petite Gazette d’à peine trois pages connue plus tard sous le titre « Gazette religion ».

Cette affaire a commencé le 29 août, date à laquelle nous pouvons lire dans le Journal littéraire :

Lundi 29 Août 1927

Hier soir dimanche, il m’est venu, comme cela, pour me distraire, l’idée d’écrire une Gazette, assemblage de petits morceaux sur des sujets divers. Cette fois-ci : petits morceaux sur un seul sujet : la religion. Je l’ai remise ce matin à Dumur. J’ai bien l’intention, s’il me fait attendre comme pour la Gazette Apollinaire1 […]

Jeudi 8 Septembre

[…]

J’ai trouvé un moyen pour amener Dumur à ne pas garder trop longtemps la Gazette que je lui ai remise le lundi 29 août. — Le moyen a été de lui en donner une autre2. Je lui ai donné cette autre, en effet le jeudi 1er septembre, en lui disant « c’est pour pousser l’autre ». À quoi il m’a répondu qu’il allait peut-être, du reste, la faire passer dans le numéro du 15. Et en effet, le lendemain, il me disait qu’elle était partie à la composition. J’ai attendu jusqu’à aujourd’hui pour noter cela, aujourd’hui jour de départ du dernier bon à tirer du numéro. Je n’étais pas très sûr en effet qu’on ne me dirait pas quelque chose, Vallette ou Dumur, sur un certain passage, assez vif, sur Jeanne d’Arc et la tombe du Soldat inconnu. Mais non. Vallette ne lit plus rien, et Dumur, qui a corrigé cette Gazette pour le bon à tirer, ne m’a pas dit un mot. Elle va faire sauter certainement bien des gens pour tout ce que je dis là sur la religion. Je ne me dissimule pas non plus qu’on peut me traiter d’esprit médiocre, sectaire, genre Homais3, etc., etc. Tant pis, tant pis. J’ai eu plaisir, je l’avoue, à satisfaire ma haine — il me faut avouer ce mot, — pour tout ce qui est religion. Mon seul regret, c’est la forme du morceau sur Jeanne d’Arc et la tombe du Soldat inconnu, qui n’est pas très bonne. Je n’ai pas eu le temps de faire mieux.

Et bien sûr :

Mardi 20 Septembre.

Ce matin, lettre d’un lecteur « assidu » du Mercure, Eugène Moulin, avocat à Marseille, au sujet de ma Gazette sur la Religion, et qui me traite de « sous-Homais ». C’était couru.

Mercredi 21 septembre

Ce matin, Vallette m’a donné à lire la lettre d’un abonné [depuis] vingt-cinq ans, déclarant qu’il ne veut plus recevoir le Mercure, après la Gazette sur la Religion. Je l’ai lue si distraitement, pensant surtout à ce que pouvait penser Vallette, que je ne sais plus du tout ce qu’il y a dedans. Vallette m’a parlé de cela très doucement, disant seulement : « C’est tout de même ennuyeux » (le désabonnement). Je me suis contenté de lui répondre que tous ces gens (celui-là et l’autre de la lettre arrivée mardi matin, dont Dumur m’a parlé et que je n’ai pas insisté pour voir) manquent vraiment de liberté d’esprit, et pour une fois que je fais une Gazette un peu osée… Vallette m’a répondu : « Que voulez-vous. Ils sont comme ça. » Je lui ai dit là-dessus : « Ce n’était pas ainsi autrefois. Notre public a tout de même vraiment changé. » Vallette lui-même a fait la remarque que c’est d’autant plus bête, de la part de cet abonné, qu’il y a dans le même numéro, quelques pages avant, une rubrique d’hagiographie, qu’il a pu lire4

La Gazette « Religion »

Il est temps de lire cette Gazette5 :

Religion

Dans une maison que je fréquente, des gens ont perdu un fils à la guerre du Maroc6. Ils étaient en vacances dans un petit village de l’Isère et ils sont aussitôt rentrés à Paris. Il paraît qu’on les entendait, de l’escalier, sangloter tous les deux chez eux, et aux amis qui venaient pour les réconforter ils disaient « Si c’est possible ! Mort ! Nous avions pourtant bien prié Dieu. Nous avions fait le sacrifice d’un bras, d’une jambe… Nous espérions qu’il nous entendrait. Mais tout, Seigneur ! tout !… » Ainsi, pour ces gens, Dieu est vraiment un personnage auquel on s’adresse, avec lequel on marchande, on négocie, on transige, lui cédant ceci pour avoir cela. Pour eux, Dieu pouvait décider à l’égard de leur fils ou seulement un membre emporté, ou la mort. Quelle profondeur de bêtise !

Premières lignes de la gazette “Religion”, page 747 du Mercure du quinze septembre 1927

Autre histoire à peu près du même genre. Mme X…, sœur d’une de nos femmes de lettres, femme fort jolie et fort répandue, catholique stricte et pratiquante, avait une petite fille d’une dizaine d’années, une merveille de grâce et de beauté. Un jour, cette enfant tombe malade et est rapidement emportée. Cette femme sent alors, dans l’excès de sa douleur, une sorte de révolte monter en elle, et s’adressant à Dieu (elle aussi comme s’il était une réalité et en état de l’entendre). « Comment ? tu m’as fait cela tu m’a pris mon enfant ? à moi, qui t’ai toujours prié fidèlement, qui ai toujours observé les pratiques de la religion, qui me suis imposé toutes les vertus ? Je suis jolie, je suis courtisée, j’aurais pu prendre un amant. Je me suis tout refusé. Je croyais pouvoir compter que tu m’épargnerais. Et tu m’as fait cela, tu m’as pris mon enfant, à moi qui ai toujours été une chrétienne parfaite ? Eh ! bien, non, non. C’est fini, bien fini entre nous, fini pour de bon. Ce serait trop bête, à la fin ! » Au moins, celle-là ne voulait plus être dupe. Mais quel exemple encore, cette histoire, comme la première, et toutes deux authentiques, que la religion, dans toutes ses manifestations, n’est qu’une affaire de marchandage.

On a célébré dernièrement le centenaire de Laënnec7. M. Léon Daudet8, qui joue depuis quelque temps au catholique fervent (on sait comment l’Église l’en a remercié), a voulu à ce propos nous démontrer que Laënnec ne fut un si grand médecin que parce qu’il était un grand mystique9. De croire en Dieu, cela faisait plus grande la sûreté de son diagnostic. Un pas de plus, et nous retournerions aux sorciers. M. Léon Daudet a accompagné sa démonstration de quelques extraits des « méditations » de Laënnec, « un morceau admirable ». Je copie celui-ci :

Pensée terrible et déchirante pour l’impie qui voit s’avancer un avenir auquel il n’avait pas songé, et auquel le passé n’offre plus rien. Combien ce moment est différent pour le chrétien qu’éclaire une foi vive, à qui une vie sans reproche ou sanctifiée par la pénitence permet de se confier à la miséricorde de son Dieu ! Malgré cette horreur si naturelle de la mort, cette horreur que Jésus-Christ lui-même a daigné partager, il peut encore regarder comme le plus beau des jours celui où il va faire l’échange d’une vie mortelle, semée de peines, contre le repos du ciel ; d’une vie sujette aux afflictions, aux infirmités, aux douleurs, contre une couronne immortelle, contre une paix que rien ne pourra plus troubler ; et il s’endort dans cette consolante assurance que son bonheur n’aura point de fin, vita in proemio.

Ici, la démonstration est irréfutable : si Laënnec fut un grand médecin, quel remarquable Esprit !

À un bout de l’an10 de Guillaume Apollinaire, à Saint-Thomas d’Aquin, auquel j’assistais, dans une chapelle voisine des gens communiaient. Ils étaient là à genoux devant l’autel. Le prêtre assistant se mit à cracher dans son mouchoir. Celui qui officiait se mettait les doigts dans le nez. Il offrit ensuite, des mêmes doigts, l’hostie à ses clients. Il fallait voir la figure de ces gens s’en retournant s’asseoir, ayant avalé leur rondelle de pain azyme. On n’exprime pas plus complètement la stupidité humaine. J’éclatai de rire malgré moi, malgré la « majesté du lieu ». On devrait cacher ces bouffonneries malpropres.

Il est bien dommage qu’on ne puisse pas mettre d’images au Sottisier11. Celle que je vais décrire irait parfaitement. C’est une photographie qui a paru dans un numéro de la Vie catholique et qui montre une collection de prélats, assemblés sur un rang, comme à la parade, en grande tenue : mitres, chasubles et crosses, à propos du sacre d’un évêque. Est-il possible qu’existent encore de pareilles mascarades ? Ce sont de vrais « cabots » ces gens-là, — et ce sont, en effet, les acteurs de la religion. Je n’exagère pas : on dirait la photographie d’une scène de revue des Folies-Bergères.

Il ne faut désespérer de rien. Toutes les comédies du mysticisme religieux ou civique sont possibles. Nous avons eu en Jeanne d’Arc une fille à soldats canonisée par l’Église et sacrée « héroïne nationale ». Nous avons vu, récemment, à Lisieux, l’invention d’une nouvelle « sainte », avec les restes, exhumés tout exprès, d’une petite religieuse faible d’esprit. On nous a élevé, à l’Arc de Triomphe, un autel de la dévotion à la guerre. Un homme de théâtre12, — c’était bien sa partie —, a donné l’idée d’y allumer une « flamme perpétuelle », toute pareille à la « lumière » du Saint-Sacrement dans les églises. On vient de parler, à son sujet, de « profanation » et de « purification » tout comme pour un sanctuaire religieux. Il y a des jours éternels pour l’idolâtrie et la superstition.

Les journaux ont annoncé que dans un petit pays de l’Ukraine, toutes les églises, de toutes les confessions, ont été fermées, aucun des habitants ne les fréquentant plus. Voilà toujours un petit coin de libéré.

C’est un, grand mot celui de Lichtenberg, le Chamfort allemand « Les saints en bois sculpté ont plus fait dans le monde que les saints vivants. »

Paul Léautaud

Petit supplément à une gazette scandaleuse

Toutes les contrariétés — et les satisfactions — provoquées par cette gazette conduiront Paul Léautaud, qu’il ne faut pas embêter, à écrire un « petit supplément » à cette gazette scandaleuse (c’est lui qui le dit). C’est ainsi que le

Dimanche 6 Novembre 1927

J’ai dîné et je pensais passer ma soirée à ne rien faire, quand je me suis mis à écrire en dix minutes une Gazette d’hier et d’aujourd’hui sur le ton bien-pensant, d’une assez bonne ironie. Je viens de la recopier lisiblement pour la remettre demain matin à Dumur. Nous verrons bien, mais je ne compte pas qu’elle passe.

Lundi 7 Novembre

J’ai remis ce matin, dès mon arrivée, ma Gazette (celle écrite d’un trait hier au soir) à Dumur. Il est bien probable, après l’algarade récente, qu’il la fera lire à Vallette. Passera-t-elle ? Me la refusera-t-on ? Je n’ai pas de prévision bien précise. Elle est d’une ironie si dissimulée qu’elle touche à la caricature. Vallette peut très bien dire qu’en la publiant, après les réclamations de certains lecteurs, c’est le Mercure lui-même qui va avoir l’air de se ficher desdits lecteurs, et pour cette raison, me la refuser. Il peut aussi se dire que je puis, aux yeux desdits lecteurs, être censé ignorer leurs lettres, et juger que le comique à froid qui s’en dégage amusera même lesdits lecteurs grincheux — pour qui elle sera en même temps une leçon, — elle en est une aussi pour lui. Enfin, je verrai bien.

Tout ça rendra un certain temps, le Mercure a de la copie d’avance. Tergiversations de Louis Dumur, embarras d’Alfred Vallette… et surtout impatience de Paul Léautaud. Le vendredi onze novembre, quatre jours après avoir remis sa Gazette à Louis Dumur :

Vendredi 11 Novembre

Je suis presque décidé à faire une petite brochure avec ma Gazette, si Vallette me la refuse. Ne m’a-t-il pas lui-même donné ce conseil : « Publiez de petites brochures ! » Je l’ai déjà préparée ce soir, la page de titre, la dédicace, l’épigraphe, le texte venant ensuite. Je demanderais à Texier, l’imprimeur du Mercure, ce qu’il me prendrait pour m’imprimer cela, à 50 exemplaires par exemple, sur une seule feuille qu’on plierait pour former brochure. La première page formant la couverture. Celle-ci serait ainsi :

PAUL LÉAUTAUD
GAZETTE D’HIER ET D’AUJOURD’HUI
PETIT SUPPLÉMENT À MA GAZETTE SCANDALEUSE
Chez l’auteur, dehors
Paris, Novembre 1927

Je voulais d’abord mettre comme dédicace :

à
ma chienne Barbette
qui a chez moi la liberté
d’exprimer toutes ses opinions.

Mais ce serait peut-être un peu excessif à l’égard de Vallette. Il ne faut pas que j’oublie que je suis employé. Je me suis rabattu sur ceci :

À
Auriant-Pacha.

Il a été au courant de toute l’affaire. Cela l’amusera.

Comme épigraphe, ceci (inventé) : Quelle époque a été plus belle que la nôtre ? La science, les arts, la littérature, l’esprit public ! On n’a certainement jamais été plus intelligent.

Bien que « presque décidé », le Paul ne se tient plus d’impatience. Chaque fois qu’il doit passer pour raison de service dans le bureau d’Alfred Vallette, il scrute. Hier jeudi c’était le jour de réunion du « comité de lecture » (Alfred Vallette et Louis Dumur). Aujourd’hui vendredi est férié (onze novembre), le pavillon de Fontenay est trop petit pour lui. Heureusement qu’à cette époque on travaille encore le samedi matin.

Samedi 12 Novembre

Hier, journée de congé, fête de l’Armistice. Ce matin rien de Vallette au sujet de ma Gazette. Rien non plus de Dumur. N’y a-t-il pas eu comité de lecture avant-hier ? ou est-ce qu’ils ne sont pas pressés ? Quand Auriant arrive à onze heures, je le mets au courant et je lui dis que j’attendrai jusqu’à jeudi prochain. Si le lendemain Dumur ne me dit rien, je lui demanderai des nouvelles.

À midi moins le quart, montant à Vallette des annonces pour le courrier de l’imprimerie, je vois en m’en allant Dumur, à sa table, en train de préparer, je crois bien, de la copie pour l’imprimerie et devant lui les feuillets de ma Gazette. Je suis passé et descendu sans rien demander.

Ce sont encore des paragraphes d’inquiétude et de supputations avec Auriant, qui partage son bureau et avec qui il s’entend bien. Les journées passent :

Lundi 14 Novembre

Je ne sais toujours rien de sûr pour ma Gazette.

Puis enfin, le mercredi seize :

Mercredi 16 Novembre

Ma Gazette ne passe pas. Vallette m’a servi cela ce matin à mon arrivée avec son ton le plus doucereux, et quelques compliments pour faire passer. Voilà le raisonnement qu’il m’a servi : « On ne comprendrait pas. C’est trop fort, ces gens qui vous connaissent, eux, vous comprendraient, parbleu, justement parce qu’ils vous connaissent. Mais les autres ? la majorité des lecteurs. C’est trop fort. C’est du Joseph Prudhomme13. Il y a des choses très drôles, d’ailleurs, du plus haut comique : mais ils se demanderaient pourquoi nous publions du Joseph Prudhomme. Vous avez dit une chose juste, dernièrement : vous êtes un écrivain pour gens de lettres… À mon avis, ce ne serait pas compris et c’est également l’avis de Dumur. » J’ai essayé de lui faire comprendre (pour l’argument Joseph Prudhomme) d’abord que publier cela dans, la rubrique d’un rédacteur n’était pas comme le publier d’un nouveau venu — ensuite, qu’à mon avis, ce serait au contraire très bien compris venant après la Gazette du 15 septembre et que même cette Gazette, par son ton caricatural, pourrait faire sentir aux lecteurs grincheux qu’ils ont été un peu excessifs dans leurs plaintes. Peine perdue. Il a mis tranquillement mon manuscrit dans les papiers de mon service. Il était inutile d’insister.

Il me prend pour un serin s’il croit que je suis dupe de son raisonnement. Et sa façon de me rappeler ce que j’ai écrit que je ne suis qu’un écrivain pour gens de lettres ? Un pendant au public de 400 lecteurs dont il m’a parlé l’autre jour. La vérité, c’est que je suis arrivé à lui déplaire par une trop grande liberté d’esprit et qu’il ne demande qu’une chose, c’est que je n’écrive plus dans le Mercure. Son raisonnement ne tient pas debout. Cette Gazette aurait été fort bien comprise. Elle n’avait de plus tout son sens que dans le Mercure. Où que je la publie ailleurs, elle perdra tout son sel, on se demandera ce que cela veut dire, on pourra même la prendre au sérieux.

J’ai tout de suite écrit un mot à Galtier-Boissière14 pour la lui proposer pour le Crapouillot. Mon mot écrit, j’ai pensé à la Nouvelle Revue française, mais l’idée d’entendre la petite voix méticuleuse de Paulhan15, de l’entendre peut-être me faire des objections, de n’avoir aucun résultat sûr et immédiat, et de plus, la petite note de la Gazette à propos de Jules Romains16 ?… J’ai renoncé et j’ai fait porter mon mot à Galtier-Boissière. Il me l’a renvoyé avec l’avis qu’il viendrait me voir vers 3 heures au Mercure.

[…]

Galtier-Boissière arrive. Il me parle de ce que je lui ai proposé pour le Crapouillot, me demande ce que c’est, qu’il n’est pas sûr de le faire passer dans son prochain numéro, à moins qu’il puisse faire sauter un article. Je lui réponds que cet article est ce qu’il est, qu’il l’emportera et qu’il le lira quand il sera chez lui. […]

Je n’ai pas à cacher que cette affaire de ma Gazette rendue ce matin, venant après tous les démêlés précédents, m’attriste un peu. Je perds une grande illusion, celle de considérer le Mercure comme ma maison, Vallette comme le soutien que je croyais avoir d’après le propos que Marnold m’avait rapporté (« Tant que je serai là, Léautaud pourra écrire dans le Mercure tout ce qu’il voudra »). Je suis maintenant sans endroit pour écrire, car je ne me sens guère de goût pour écrire en pesant tous mes mots, en pensant à l’examen de Vallette, ni pour supporter cet examen.

Jacques Bernard (lire la note 17), indépendamment d’être employé au Mercure est aussi éditeur d’une petite collection « La Centaine » (car, au début publié à cent exemplaires), 91, rue de Seine avant d’être 157 boulevard Saint-Germain.

Jeudi 17 novembre

[…]

Je garde toujours l’idée de faire une petite brochure avec ma Gazette refusée par Vallette, mais Bernard17, consulté par moi ce matin, me dit qu’il faut bien compter une centaine de francs, au moins quatre-vingts. J’hésite un peu.

Dans le numéro des Cahiers du Sud18 arrivé ce matin (revue de jeunes qui se publie à Marseille), citation avec grands éloges de ma Gazette du 15 septembre.

Dans Les Cahiers du Sud de novembre, page 340 plusieurs fragments de la Gazette19 sont reproduits avec ce commentaire :

Admirable Paul Léautaud ! Et pourquoi n’est-ce pas à lui que sont confiées les chroniques de Glozel20 ? Quel terrible rire n’entendrions-nous pas éclater sur les savants et leur science !

Lundi 21 Novembre

[…] lettre de Galtier-Boissière, enchanté de mes « pensées » comme il dit, qui passeront dans le Crapouillot du 1er janvier et dont j’aurai les épreuves dans quelques jours. Il me parle de son estime pour moi, de son plaisir de me compter dans les collaborateurs du Crapouillot et de son espérance de me voir continuer. Je n’en ai pourtant guère l’idée. Me voir, à mon âge, écrire dans un journal comme le Crapouillot et finir par là ? Et qui sait pourtant ? Si je n’ai plus que cela ?

Lundi 28 Novembre

Bernard a décidément l’air de vouloir faire ma Gazette refusée par Vallette dans sa collection de la Centaine. Je lui ai dit : « Attention au ridicule, surtout pour moi. » Il m’a demandé de lui faire un petit texte pour son annonce dans la Bibliographie.

Vendredi 2 Décembre

Bernard a envoyé aujourd’hui à l’imprimerie la brochure qu’il fait avec ma Gazette Joseph Prudhomme. Pour allonger un peu le texte, il a eu l’idée d’une Table des Matières. Une table des matières pour à peine cent lignes de texte ? J’ai trouvé cela si comique que je la lui ai faite aussitôt.

Lundi 5 Décembre

Bernard m’a dit ce matin qu’il a mis Vallette au courant de la publication de ma Gazette refusée dans un volume de sa collection. Vallette a trouvé cela très bien, ajoutant : « Il faudra mettre une petite note. Sans cela, on ne comprendrait pas. » Qu’il se rassure. Il y aura une petite note. Bernard n’a pas voulu la reproduire intégralement dans son annonce de la Bibliographie, à cause de Vallette, m’a-t-il dit, et pour ce qui le concerne, lui, Bernard, mais elle se trouvera entière dans la brochure.

Jeudi 15 Décembre

Les souscriptions à l’édition de ma Gazette à La Centaine marchent très bien. Il n’y a pas huit jours de l’annonce de la Bibliographie et hier Bernard était déjà à trente. On serait à quarante s’il n’avait ramené à 10 la souscription d’une libraire qui en voulait vingt.

Vendredi 16 décembre

Les souscriptions au petit volume de ma Gazette dans La Centaine sont aujourd’hui à 76. Bernard a laissé entière, à 20 ex., la souscription d’une dame Legendre, libraire boulevard Haussmann, je crois, bonne cliente à lui.

Jeudi 19 Janvier [1928]

Ce matin, un mot très aimable de Galtier-Boissière, avec un chèque de 250 francs pour ma collaboration au dernier Crapouillot. 250 francs pour ces bêtises ! Il est donc si riche, ou veut-il se ruiner. Il veut bien me dire, par-dessus le marché, qu’il espère bien qu’il ne s’agit pas d’une apparition fugitive et que je recommencerai. Le tout est tout à fait gentil. Je le lui ai dit dans un petit mot.

La vérité, c’est que cette façon de me payer si bien me gêne un peu pour lui redonner quelque chose. J’aurai l’air de vouloir encore avoir 250 francs.

Vendredi 20 janvier

Le petit volume de La Centaine (ma Gazette refusée par Vallette et parue dans Le Crapouillot) est arrivé tantôt de la brochure. Pas mal du tout. Bernard a fait tirer 20 exemplaires sur papier à part : 10 pour moi, 10 pour lui. Les souscriptions continuent à arriver, alors que depuis deux semaines tout est souscrit.

Tout sera rapidement épuisé et vendu très cher en seconde main :

Vendredi 20 Avril

Ma Gazette d’hier et d’aujourd’hui, dans la collection La Centaine (parue à 15 frs) — 75 francs chez Crès, 125 francs ailleurs. Madame Cantili, parue dans la même collection (à cent francs), 400 francs. Un bibliophile a dit cela tantôt à Mlle Blaizot. Les libraires vont bien !

Couverture de l’édition originale de janvier 1928

À propos de la bonne santé des libraires, le scandale de cette gazette est surtout le prix où elle est vendue de nos jours… quand on en trouve un exemplaire. C’est donc le texte du Crapouillot qui est donné ci-après. On peut aussi noter que le texte en a été reproduit dans les Propos d’un jour, paru au Mercure à la fin du mois de septembre 1947.

La gazette « Prudhomme »

MOTS, PROPOS ET ANECDOTES
Par Paul LÉAUTAUD

Est-il rien de plus charmant qu’un enfant ? Et qu’est-ce qu’une maison sans ce délicieux petit être ? Je ne comprends pas qu’on n’en ait pas, et mieux, qu’on n’en ait pas au moins, — je dis : au moins ! — une demi-douzaine. N’est-ce pas, d’ailleurs, le devoir de tout bon Français ?

La police est nécessaire. Non seulement la police en uniforme. Mais encore celle qui se dissimule sous les costumes les plus divers21. De celle-ci qu’ils ne peuvent reconnaître, les malandrins ne se méfient pas. Elle peut plus facilement leur mettre la main dessus. Il n’est pas de bonne société sans une bonne police, et surtout nombreuse. Le monde n’est pas composé, hélas ! que d’honnêtes gens.

Quand je dis : les malandrins, je n’exprime pas toute ma pensée. Il est d’autres gens encore plus néfastes. Ce sont les « libertins », comme on disait autrefois. On devrait encourager, par des récompenses, les citoyens à dénoncer ceux d’entre eux qui manquent aux bons principes.

Il est bien certain que la guerre de 1914 a été infligée par Dieu à la France pour la punir de son impiété. Saurons-nous comprendre la leçon ? Abrogeons les lois laïques, construisons des églises, établissons un seul enseignement : l’enseignement religieux, que toute famille d’au moins trois enfants mâles soit tenue d’en donner un à la prêtrise, que tout citoyen français majeur soit tenu de communier au moins une fois par mois, sous le contrôle d’un service établi à cet effet. Cela vaudra mieux pour assurer la paix que tous les Locarnos du monde22.

La vie ne m’a pas favorisé. Je suis resté un citoyen obscur. Mon ambition aurait été d’être général.

Jamais les mœurs ne se sont plus relâchées. On devrait surveiller l’union des sexes. N’en tolérer aucune hors le mariage. Sinon, les considérer comme un délit, et punir.

Ce qu’il y a de plus triste dans la mort de ces jeunes gens qu’on voit chaque jour mourir d’accidents du travail, ou de maladie, dans les hôpitaux, ce n’est pas qu’ils meurent. C’est qu’ils ne soient pas morts sur des champs de bataille.

L’homme ne doit pas vivre seul. Il doit vivre en société, fonder une nombreuse famille, se réunir chaque dimanche avec ses semblables, aller partout où il y a foule : aux courses, au cinéma, à l’église, au café, au théâtre, etc. L’homme qui vit seul a l’âme d’un criminel.

Je suis tenté d’en dire autant de l’écrivain qui écrit ce qu’il pense. La nation n’est pas faite d’un seul homme. Ce que peut penser un seul homme ne compte pas. Ce qui importe, c’est la pensée de tout le monde, c’est elle seule qui doit être exprimée — unanimement, comme a dit M. Jules Romains23.

L’homme qui sort dans la rue avec un chapeau, un vêtement, qui ne sont pas le chapeau et le vêtement de tout le monde, provoque, à juste titre, le rire et la compassion et même la méfiance. Il en est de même et tout aussi justement, de l’écrivain baroque qui exprime une pensée qui n’est pas celle de tous ses concitoyens.

Laissons dire les esprits faux, ou ceux qui veulent se singulariser. Le mensonge compte bien plus que la vérité. La preuve : n’est-il pas répandu à bien plus d’exemplaires ?

Dans une petite localité de la banlieue de Paris, à X…, sur la ligne de Sceaux, il y a une petite société patriotique composée d’une quinzaine d’anciens combattants de la grande guerre, tous revenus gravement infirmes de leurs exploits, l’un d’un bras, l’autre d’une jambe, celui-là d’un œil, celui-ci d’autre chose, etc. Chaque dimanche, ils se réunissent et parcourent les rues de la ville aux mâles accents d’un clairon. Voilà de véritables héros : tant d’épopée ne leur a pas suffi, et, si abîmés qu’ils en soient revenus, ils marchent encore.

Le grand mal dans nos affaires politiques, actuellement, vient de la liberté de la presse. On devrait supprimer toute la presse de gauche, et pour le reste, ne rien laisser publier, même la littérature, surtout la littérature, sans un visa rigoureux préalable.

Dans le même sens, il y aurait beaucoup à faire dans la librairie. Beaucoup de livres sont publiés qui ne devraient pas être permis. Là aussi, une bonne censure aurait les meilleurs effets.

Un bon moyen d’édification des masses, et bien propre à entretenir leur instruction religieuse, serait de ne donner aux rues que des noms de saints. On objectera que le calendrier n’en fournirait pas assez pour toutes les rues d’une grande ville comme Paris, par exemple. On tournerait aisément la difficulté en répétant les noms dans chaque arrondissement, et en les faisant suivre simplement de l’indication de celui-ci. Par exemple : rue Saint-Pierre 2°, rue Saint-Paul 14°, rue Sainte-Marie 5e, rue Saint-Louis : 19e etc., etc. Nul doute que l’état d’esprit des populations y gagnerait.

Rémy de Gourmont24 n’a écrit qu’un seul beau livre : « Le Pèlerin de l’Absolu », dans lequel s’exprime toute sa foi en Dieu. À moins que ce soit Léon Bloy25 ?

Maurice Barrès26 déclarait qu’il préférait avant tout dans son œuvre sa « Chronique de la grande guerre27 ». Ses livres comme « Le jardin de Bérénice », « Du sang, de la volupté et de la mort », auprès d’elle étaient pour lui absolument zéro. Quelle meilleure preuve que la littérature originale est sans intérêt ? La littérature doit être civique, un point, c’est tout.

Quel admirable spectacle, bien propre à enflammer les cœurs ces exploits d’avions au-dessus des mers ! On devrait apprendre aux enfants, dans les écoles, à traverser l’Atlantique.

« Credo quia absurdum », disait saint Augustin28. Et Pascal : « Dieu sensible au cœur, non à la raison29 ». Inclinons-nous devant ces grandes paroles ; elles sont toute la religion.

Méfiez-vous d’un écrivain qui a fait sa carrière sans rien demander à personne, et qui, au moins à quarante ans, n’est pas décoré. Ce ne peut être qu’un mauvais esprit, et dangereux.

Paul Léautaud

Notes

1       Cette gazette sur Guillaume Apollinaire est parue dans le Mercure du premier juillet précédent, pages 230-236.

2       Cette autre Gazette paraîtra dans le Mercure du quinze octobre 1927 pages 501-505 sur les thèmes : Littérature-Publicité. — Vieux Paris. — Ménagerie intime. — Simili-Charlot. — Mots, Propos et Anecdotes.

3       Monsieur Homais est un personnage de Madame Bovary. Petit-bourgeois ambitieux, Homais incarne à la fois la sottise prétentieuse et l’opportunisme nuisible. C’est un cuistre parfait.

4       Les « Notes et documents d’histoire » de Camille Pitollet, page 721.

5       Cette gazette a été partiellement reproduite à la fin de Passe-Temps, dans la partie « Mots, propos et anecdotes ».

6       Cette guerre — plutôt une guérilla — est plus souvent nommée « Guerre du Riff », mettant en présence, dans un conflit colonial, l’Espagne (en 1921), puis la France (en 1925), face aux Rifains, ethnie berbère du nord du Maroc, qui défendait son territoire.

7       Cette graphie avec un ë était plus courante qu’aujourd’hui et reste admise.

8       Léon Daudet (1867-1942), écrivain, journaliste et homme politique, député de Paris de 1919 à 1924, personnage influent de l’Action française.

9       Même si ce n’est pas à ce texte que Paul Léautaud fait allusion, voir les deux premières colonnes de une de L’Action française du treize août 1926. Au bas de la première colonne nous pouvons lire : « L’œuvre de Laënnec doit être considérée, à mon avis, sous l’angle de la méditation mystique. C’est de celle-ci qu’elle tire ses grandes lumières, les plus perçantes du XIXe siècle. »

10     L’action suivante ne s’est pas produite à l’occasion du « bout de l’an » mais au cours du cinquième anniversaire de la mort de Guillaume Apollinaire, le 9 novembre 1923. L’aspect assez écœurant de ce récit avait conduit à l’écarter de la page Les neuf 9 novembre.

11     La rubrique du « Sottisier » qui ferme chaque numéro du Mercure de France.

12     Gabriel Boissy (1879-1949), journaliste et critique dramatique, d’abord à Excelsior puis à Comœdia, dont il devint le rédacteur en chef. C’est en tant que rédacteur en chef de L’Intransigeant que Gabriel Boissy eu cette idée de flamme sous l’arc de triomphe, où une plaque mentionne ce fait.

13     Joseph Prudhomme est un personnage grassouillet créé par Henry Monnier, apparaissant dans plusieurs de ses œuvres. Ce personnage de gros bourgeois sot et sentencieux a été de nombreuses fois repris par différents auteurs, de Balzac à Sacha Guitry. Cette gazette est d’une complète ironie : « Est-il rien de plus charmant qu’un enfant ? » « La France est le premier pays du monde. » « La police est nécessaire… »

14     Jean Galtier-Boissière (1891-1966), journaliste et romancier. C’est dans les tranchées d’août 1915 que JGB sort les premiers numéros du Crapouillot, journal des tranchées, humoristique comme tous ses concurrents mais où la réalité de la guerre n’est pas absente, au point parfois d’activer la censure. Le nom du journal est celui d’un petit canon. À la fin de la guerre JGB a poursuivi la publication du titre, qui est devenu une revue littéraire et artistique bimensuelle accueillant des écrivains souvent atypiques, de gauche ou anarchistes. Le journal sera suspendu en 1939 et reprendra en 1947.

15     Jean Paulhan (1884-1968), professeur, écrivain, critique et éditeur. Entré à La NRF comme secrétaire de Jacques Rivière en 1920 il est devenu le directeur à la mort de Jacques Rivière en 1925. Pendant la seconde Guerre mondiale, Jean Paulhan, entré dans la clandestinité, collaborera à Résistance, participera à la création des Lettres françaises en 1941, et à la fondation des Éditions de Minuit, avec Vercors, en 1942. Jean Paulhan sera élu à l’Académie française le 24 janvier 1963 au fauteuil de Pierre Benoit, où il sera reçu par Maurice Garçon. Selon Jean Galtier-Boissière, Mon Journal dans la grande pagaïe (La Jeune Parque 1950, page 82), Paulhan se prononce Paulian (à cause du lh).

16     Jules Romains (Louis Farigoule, 1885-1972), normalien, agrégé de philosophie en 1909. Jules Romains est surtout connu pour son œuvre gigantesque Les Hommes de bonne volonté (parue de 1932 à 1946 en 17 volumes) et au théâtre pour Knock ou le Triomphe de la médecine (1923). Paul Léautaud se souvient bien que La NRF lui a refusé pour son numéro d’avril 1923, la critique de la pièce de Jules Romains Monsieur le Trouhadec saisi par la débauche, Jules Romains étant un auteur NRF.

17     Il faudrait bien rédiger ici un jour une ou deux grandes pages sur Jacques-Antoine Bernard (1880-1952), le plus souvent nommé Jacques Bernard. Jacques Bernard est arrivé au Mercure en 1907 sans qu’on sache vraiment à quel titre, mais sensiblement à la même époque que Paul Léautaud. Jacques Bernard et Paul Léautaud se sont assez bien entendus, au point que Jacques Bernard a publié il y a deux ans, en août 1925, une Madame Cantili accompagnée d’une Gazette dans sa collection La Centaine. Vers 1930 sont apparus chez Jacques Bernard, selon Paul Léautaud, des signes de goût pour l’autorité assez déplaisants. Jacques Bernard sera administrateur du Mercure en 1935, à la mort d’Alfred Vallette, sous la direction de Georges Duhamel, puis directeur au départ de celui-ci à la fin de février 1938. En septembre 1936, Jacques Bernard a eu un grave accident de moto qui lui a laissé des séquelles cérébrales dont on peut penser qu’elles l’ont conduit à ses excès. Pendant l’occupation, Bernard se livrera à la collaboration et sera jugé à la Libération pour « Intelligence avec l’ennemi » et condamné à cinq ans de prison (mais laissé en liberté), à la privation de ses biens et à l’Indignité nationale. Convoqué comme témoin en juillet 1945, Paul Léautaud, rétif à toute autorité, refusera de l’accuser. Pour l’anecdote, Jacques Bernard était prétendant (sans enthousiasme) au trône de l’éphémère et quasi-inexistant royaume d’Araucanie et de Patagonie.

18     Le premier numéro des Cahiers du Sud est daté d’octobre 1925 mais porte la mention 11e année et le numéro 72. C’est qu’il et le continuateur de Fortunio, revue littéraire artistique et théâtrale créée par Marcel Pagnol en 1913 (mais pas très active la première année). Les cinq premiers numéros des Cahiers du Sud ont porté le sous-titre Fortunio.

19     « Dans une maison que je fréquente… » « C’est un grand mot que celui de Lichtenberg » « Il ne faut désespérer de rien » et « On nous a élevé, à l’Arc de Triomphe » (dans cet ordre).

20     Ah ces chroniques de Glozel ! Dans la commune de Glozel, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Vichy, ont été découvert il y a trois ans un monceau d’objets préhistoriques. À partir de juillet 1926 le Mercure, sous plusieurs signatures, s’est enflammé pour cette découverte au point d’en écrire 148 articles jusqu’en février 1933 sans jamais accepter d’admettre qu’il s’agissait d’une supercherie.

21     Note de PL : « Il y en a, heureusement, en ce moment, de cette police, à chaque pas dans les rues de Paris. On se promène, bien surveillé. »

22     Allusion aux accords de Locarno, signés en octobre 1925 entre sept pays Européens, « visant à assurer la sécurité collective en Europe et les frontières de l’Allemagne » dans un projet de « paix perpétuelle entre les nations ».

23     Note de PL : « Rien d’un étranger. Ce nom est un pseudonyme. M. Jules Romains est un bon français. Il s’appelle, sur l’état civil, Farigoule. »

24     Remy de Gourmont (1858-1915), romancier, journaliste et critique d’art, proche des symbolistes, figure majeure du Mercure de France. Paul Léautaud a été son intime. Jean de Gourmont (1877-1928, cadet de 19 ans de son frère) sera salarié du Mercure de France. Remy de Gourmont — qui n’a évidemment pas écrit ce livre — est présenté ici comme l’opposé spirituel de Léon Bloy.

25     Le Pèlerin de l’Absolu est le quatrième tome (1910-1912) du Journal de Léon Bloy, paru à l’été 1914 au Mercure de France (111 pages). Les éditions du Journal de Léon Bloy parues au Mercure de France ont toutes été largement résumées. L’édition complète du Journal de Léon Bloy semble plus complexe que celle du Journal de Paul Léautaud. La seule édition complète est en cours de parution depuis 1989. Quatre volumes sont parus aux éditions L’Âge d’homme ne couvrant encore que les années 1892-1911, Léon Bloy ayant poursuivi son Journal jusqu’à sa mort en novembre 1917. Seuls les trois premiers volumes (78 €uros chaque) sont encore disponibles au moment de la rédaction de cette note.

26     Maurice Barrès (1862-1923), écrivain et homme politique, figure de proue du nationalisme français. Maître à penser de sa génération et de ce courant d’idées, sa première œuvre est un triptyque qui paru sous le titre général du Culte du Moi chez Alphonse Lemerre (Sous l’œil des Barbares, 1888, Un homme libre, 1889, et Le Jardin de Bérénice, 1891), tous trois lus et admirés, un temps, par Paul Léautaud.

27     La Chronique de la grande guerre de Maurice Barrès et un ensemble monumental de quatorze volumes parus chez Plon de 1920 à 1924. Le mot Chronique aurait mérité un s dans la mesure où cet ensemble n’est que la publication en volumes des chroniques de L’Échos de Paris destinées, comme toute presse de guerre, à soutenir le moral des troupes comme de l’arrière. Lire à ce propos l’excellente étude de Vital Rambaud (en ligne) : « Comment composer une œuvre en dépouillant son courrier : l’exemple de la Chronique de la Grande Guerre de Maurice Barrès » (https://is.gd/SseKbu).

28     « Je crois parce que c’est absurde. » La phrase est attribuée fautivement par l’usage à saint Augustin qui semble avoir plutôt dit credo ut intelligam : « Je crois pour comprendre ».

29     Autrement dit ; « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ».