Louis Mandin

Page mise en ligne le 15 mai 2024. Temps de lecture : 38 minutes

Le Lion et son Jean-Fille1933Frappez, j’ai quatre enfants à nourrir1936Une soirée chez Émile BernardL’affaire Ernest RaynaudL’affaire Hirsch/Fels1938Le drame de novembre 1941Le rôle de Jacques BernardLe rôle de Jean SaltasEn l’honneur de Louis MandinNotes

Louis Mandin est né en avril 1872, trois mois après Paul Léautaud. Cette proximité ne les rapprochera pas davantage que leur petite taille (Louis Mandin mesure un mètre 61).

L’un des rares portraits de Louis Mandin

La source la plus sûre de ce que furent les cinquante premières années de la vie de Louis Mandin vient de la rédaction par lui-même de sa notice des Poètes d’aujourd’hui parue en 1930, dans laquelle la date de 1924 est la plus récente.

Cette notice est reproduite ci-dessous par commodité pour le lecteur y compris les notes.

Né le 14 avril 1872 à Paris, en plein quartier latin1, d’une mère creusoise et d’un père provençal, il est encore enfant quand il perd celui-ci, et il doit vivre plus de quinze années dans un petit bourg de la Creuse. Sans livres, sans un guide intellectuel, c’est là pourtant que s’éveille sa vocation poétique. Mais il lui faut gagner son pain et celui de sa mère. Il n’a pas dix-sept ans quand il entre dans une étude de notaire ; il y reste six années. Puis, secrétaire de mairie, il se trouve malgré lui mêlé aux querelles de deux factions locales qui se disputent la domination de la commune. Pour lui arracher son pauvre emploi, l’une de ces factions s’acharne, jette sur lui le député de l’arrondissement, s’adresse au préfet, même au ministre. Traqué, obligé de veiller jour et nuit pour soigner sa mère atteinte d’une maladie longue et mortelle, il tombe malade à son tour, crache le sang, mais fidèle à sa devise : Ne jamais abdiquer, il tient tête à la meute, la met en déroute. Il est devenu rédacteur en chef d’un petit journal de Guéret ; il y démolit pièce à pièce le député2, y prépare l’élection de son successeur3, dont le voici secrétaire, et il peut enfin revenir à Paris (juin 1902). Il étudie la jeune littérature, se met un peu à la page et publie en 1905 un petit recueil, Les Sommeils4, qui n’est qu’un essai. Mais la lutte politique, incessante, l’absorbe pendant quatre ans. Enfin, grâce à une foudroyante campagne de presse, il voit son patron réélu en 1906 par plus de 17 000 suffrages, contre 5 000 à peine, réunis par deux concurrents. C’est la plus belle élection de France, proclament les journaux.

L’année suivante, nouveau recueil d’essai, Ombres voluptueuses5. En 1908, M. Louis Mandin lance (dans La Phalange et La Revue des Lettres et des Arts) le vers de quatorze syllabes, qu’il a régularisé, discipliné et a, le premier, préconisé comme un pendant à l’hexamètre des anciens, des Anglais. Ce vers, soigneusement césuré après la sixième syllabe, sera un jour, a-t-on dit, appelé vers mandinien.

En 1912. M. Louis Mandin fait paraître le premier de ses recueils qui compte à ses yeux : c’est Ariel esclave6, le premier volume d’une série intitulée L’Aurore du soir7. Ariel (un Ariel qui a paru onze ans avant le livre intitulé ainsi par M. Maurois8), c’est, non le poète visible, mais son âme étouffée, enterrée vive et qui chante encore sous la persécution des Calibans9. Ne jamais abdiquer ! La même inspiration anime Les Saisons ferventes10, pleines de paysages d’âme où fusionnent le moi et le non-moi. C’est dans ce livre que figure L’Automobile, poème écrit en 1911 et où l’auteur prédit que la France sera sauvée par les autos parisiennes11.

Les Saisons ferventes parurent12 au printemps de 1914. Quelques mois plus tard, la vision du poète se réalisait. Classé soldat auxiliaire, refusé pour le service armé en décembre 1914, M. Louis Mandin se résigne d’abord.

Mais la guerre s’éternise. Placé dans un bureau et ne voulant pas du prosaïque travail des embusqués, il demande avec instances le service armé. Mais myope, arthritique, qualifié de malingre, il est refusé encore par les médecins, rabroué par ses chefs. Il s’obstine, il finit par obtenir gain de cause.

Envoyé au commencement d’avril 1917 aux tranchées de Champagne, Puis devant Verdun, il resta au front jusqu’à la fin des hostilités et, outre de nombreux cahiers de notes d’où un livre de souvenirs sortira peut-être un jour, il en rapporta un recueil de poèmes en vers et en prose, Notre Passion13, où un profond patriotisme et un large sentiment d’humanité s’unissent et s’accordent. Il se marie à la fin de 1921(14), et il élabore un nouveau recueil, La Caresse de Jouvence15, qui paraît au printemps de 1927. En même temps, il publie, en collaboration avec Paul Fort16, une Histoire de la Poésie française depuis 1850, qui est jusqu’à nouvel ordre le moins incomplet des ouvrages de ce genre17.

À la fois clair et subtil, libre et discipliné, ardemment lyrique avec un fond de tristesse, mais vibrant de vie intérieure, jalousement indépendant et se posant en incorruptible, M. Louis Mandin veut être le poète qui a mis « de la volupté jusque dans le de profundis ». Il est, plus que tout autre, le chantre frémissant de la Solitude, une solitude de poète, faite de réalité douloureuse et de rêve enivré. Il a collaboré au Mercure de France, — à La Phalange, — à Vers et Prose, dont il fut secrétaire de 1909 à la Grande Guerre, qui tua cette belle revue, — au Feu, de Marseille, où il tint la chronique des poèmes de 1909 à 1912, — aux Marges, où il fait cette même chronique depuis avril 1925, — à L’Île sonnante, dont il fut l’un des fondateurs, — à La Vie, des frères M. A. Leblond, — à L’École et la Vie (1923-1924), etc., etc.

* * *

La première fois que Louis Mandin est évoqué par Paul Léautaud n’est pas dans son Journal mais dans sa chronique des poèmes du seize septembre 1917, à propos des poèmes de Charles de Saint-Cyr18. Cette chronique a été publiée ici le quinze mars 2024.

Louis Mandin n’entre dans le Journal littéraire que le cinq novembre 1926. C’est un homme à qui novembre va bien.

Louis Mandin est chargé, dans son emploi au Mercure, de la correction des épreuves. Je ne pouvais pas, comme collègue, ne pas lui donner mon volume. Je lui ai mis cet envoi : « à Louis Mandin, homme habitué aux épreuves. » Il a ri, lui qui ne rit pas souvent.

Le volume en question est la première partie du Théâtre de Maurice Boissard.

Le problème de Louis Mandin est qu’il semble être un petit employé falot faisant partie des meubles. La plupart du temps, Paul Léautaud le cite en passant, au milieu d’une phrase où il n’existe pas, comme ce quatorze janvier 1927 :

Je ne sais toujours rien de sûr pour ma Gazette. Je n’ai rien, demandé, même à Mandin.

« même à Mandin », c’est dire…

De temps en temps on tente de lui faire faire un travail dont personne ne veut, comme ce 18 décembre 1928 :

Vallette et Bernard ont remarqué, Bernard venant de lire mon étude d’autrefois sur Régnier19, et en parlant ensemble, qu’il n’y a pas au Mercure de volumes sur Régnier. Il y a un volume sur Samain. Il y a un volume sur Duhamel. Il y a un volume sur Gourmont. Sur Régnier, rien. Bernard me dit qu’on a essayé d’amener Mandin à écrire ce volume. Mandin a dit non : « Ce travail me demandera beaucoup de temps et ne me donnera aucune réputation », ce qui est vrai. Bernard dit qu’on espère pourtant le décider.

Bernard me dit que Mandin a un caractère dont on ne se douterait pas à le voir : d’abord, très patriote, très nationaliste, et ensuite ne supportant pas toujours la plaisanterie, répondant quelquefois avec emballement. Bernard dit : « Il faut faire attention. Je plaisante avec lui, quelquefois. Je fais attention à ne pas dépasser une certaine mesure. »

Un mois plus tard, le 24 janvier 1929 ;

Hirsch20 cite, dans sa prochaine rubrique des « Revues » (Mercure 1er février) des vers de Godoy21 particulièrement insignifiants22. Auriant, qui a vu cela en feuilletant les épreuves du numéro, en a parlé à Mandin. Mandin s’est exclamé : « Hirsch ! mais c’est un polichinelle. Il a passé sa vie à cela. Pour entrer dans un salon, il ferait n’importe quoi. »

Au début de février 1930 paraît, après bien des douleurs et la mort d’André Rouveyre, les Poètes d’aujourd’hui en trois tomes. Le premier mai dans le Mercure, Gabriel Brunet ouvre sa « Chronique littéraire » (page 643) par un compte rendu de la nouvelle édition des Poètes d’aujourd’hui. Louis Mandin est « à l’honneur », si l’on peut dire :

Il n’est pas possible de ne pas remarquer l’intérêt que porte M. Léautaud à un poète qui mérite sympathie et qui est M. Louis Mandin. La fervente notice arrête le regard, même si l’on se contente de feuilleter l’ouvrage. M. Louis Mandin n’appartient pas à cette catégorie de poètes qui sont aux aguets de la mode ou qui se fabriquent d’abord et fort laborieusement une théorie de la poésie qu’ils cherchent à réaliser par leurs vers. Non. M. Mandin tire sa poésie de sa vie même, et c’est le drame de sa vie qui est devenu tout naturellement l’étoffe de sa poésie. À défaut d’une conception volontairement nouvelle de la poésie, sa profonde sincérité lui a permis de posséder un thème vécu et devenu original par la manière intense qu’il a été vécu. Et ce thème est celui de l’esprit de poésie qui se saisit d’une âme, l’envahit, la subjugue et rencontre les plus cruelles entraves du réel. Le poète, ivre de l’essor surnaturel qui passe à travers lui, se sent étouffé par les implacables chaînes du réel. Ici, il ne s’agit pas de chaînes métaphoriques, il s’agit des pires contraintes matérielles. Impuissant à les vaincre, le poète chantera quand même ; il chantera en dépit de tout ; il chantera sans espoir, portant toutes les servitudes d’ici-bas sur ses fragiles épaules. Et ce chant sera sa raison de vivre. M. Louis Mandin est le poète du Quand-Même et de la Fierté têtue. À la fois résigné et révolté, modeste et fier, tendre et âpre, il a son thème bien à lui et son accent propre. II emploie, pour se désigner lui-même, les expressions « d’enfant tendre » de « fier esprit » et de « blessé farouche ». Et l’originalité de son accent tient dans ces trois mots fier, tendre et meurtri.

Ce texte est stupéfiant et mérite qu’on s’y arrête. Dans son article, Gabriel Brunet cite huit poètes absents de l’ouvrage dont il parle et quatre qui s’y trouvent. Louis Le Cardonnel a droit à quatre lignes, André Salmon à trois, Jean Cocteau à une et Louis Mandin à 28… Gabriel Brunet a-t-il tant que ça besoin que l’on soigne la correction de ses épreuves ?

Après cela et comme d’habitude, Louis Mandin ne sera plus cité dans le Journal littéraire qu’en passant, comme un garçon de courses, au détour d’une phrase. Le début de 1931 voit les premiers signes inquiétants de la maladie de Louis Dumur, jusqu’à une première opération à la gorge, en mai. Louis Dumur donne des instructions à Louis Mandin, qui ira le voir à la clinique, lui porter des manuscrits à lire. Un garçon de courses. Et comme on a davantage besoin de lui, il est cité plus souvent, au même titre que la concierge, Madame Isambart, qui s’occupe du linge de Louis Dumur puisqu’il habite le dernier étage, au-dessus des bureaux du Mercure.

L’information quant à maladie de Louis Dumur se répand dans le petit monde de l’édition plus rapidement même que dans sa gorge et quelques vautours font entendre leur sinistre croassement. Le deux juin 1931, les gens du Mercure mesurent leurs forces :

Il faut d’abord voir ce que va devenir Dumur, ce qu’il pourra faire. Il y a aussi Mandin, qui a appris beaucoup de choses du Mercure, qui connaît très bien son affaire, qui se tire très bien des autres choses que lui a données Dumur.

On parle d’un enfant.

Le Lion et son Jean-Fille

Un an plus tard, le 27 avril 1932 :

Louis Mandin a publié dans le Mercure un roman : Le Lion et son Jean-Fille23. Le premier morceau était fort drôle, et amusant, un bon côté de caricature. De sa part, à le juger du moins par son extérieur, j’étais si renversé de le voir avoir écrit cela que je lui en ai fait les plus grands compliments. La suite, hélas ! est sans conteste au-dessous de tout, bavarde, terne, plate, pénible à lire, pour l’exemple du manque de sens critique pour soi-même qu’elle révèle. Je ne savais plus que lui dire, après mes compliments pour le début. L’autre matin, Auriant lui en parlant et Bernard également — et le sujet se prêtant à ce mot — je me suis joint à eux : « Oui, c’est mon impression aussi. Je trouve que c’est triste. » Cela pouvait s’entendre de deux façons.

Il semble que ce soit l’unique roman de Louis Mandin. Il n’est pas certain que cette première parution en plusieurs numéros du Mercure ait été suivie d’une édition en volume, même dans la maison qui l’employait. Ce roman peut donc être librement téléchargé ici en fin de page, après les notes.

En septembre 1932, Louis Dumur est au plus mal. Vers le vingt, Georges Duhamel accepte le principe d’être nommé administrateur du Mercure. Comme en juin 1931, il s’agit de s’organiser. Le vingt septembre :

[Alfred Vallette] a parlé de Mandin, qui connaît son travail, qui le fait bien et qui le conservera : réception et correction des épreuves, arrangements des manuscrits incorrects.

Alfred Vallette, lui, vieillit. Cet ancien homme de gauche se ratatine, paie mal ses employés. À cette époque, Jacques Bernard, qui n’avait pas eu son accident de moto, était encore un homme agréable. Ça ne durera pas. Une longue conversation entre eux a lieu le lendemain, 21 septembre :

Et la façon dont il fait travailler Mandin, en le payant comme il le paie. Travail ici, travail chez lui, courses à l’imprimerie24. C’est de l’exploitation.

1933

Louis Dumur va mourir le 28 mars d’un cancer à la gorge mais le cinq janvier :

[Louis Dumur prend] comme toujours, le plus grand soin de son travail. Le numéro du 1er février tout préparé. Emporté là-bas des manuscrits à lire. Mandin ira le voir tous les deux jours pour le tenir au courant et recevoir ses instructions. Une note détaillée laissée pour tout ce qu’il y a à faire le concernant.

Le lendemain :

Vallette parle de la fermeté d’âme de Dumur, de son souci du devoir. Il se fait donner par Mandin la note écrite par Dumur pour tout ce qui concerne le travail de la revue : les manuscrits acceptés et qui doivent passer, à telle place — les manuscrits refusés et à me donner, à telle autre, les manuscrits lus par lui, avec chacun leur note analytique et à remettre à M. Vallette pour qu’il statue, à telle autre encore, les manuscrits acceptés mais qui ne passeront jamais, ailleurs. Mandin 2 fois par semaine à la clinique lui apportant les manuscrits à lire et remportant les manuscrits lus, chacun avec leur note de lecture. Son courrier, les journaux. Tout cela bref, concis, impératif. Duhamel dit : « Le ton d’un testament ou d’un ordre du jour. »

Le 28 mars, donc, Louis Dumur meurt. Puis, comme souvent, vient l’été. Le 27 juillet, Paul Léautaud est de mauvaise humeur. La journée de la veille s’est mal passée (Journal particulier) et il massacre ce pauvre Louis Mandin :

I…, « Ariel esclave25 » qui s’occupe, au Mercure, de l’envoi, de la réception et de la relecture des épreuves et de la correction du Mercure, est le type de ces commis amers, bêtes de somme pour le travail, dissimulés, jaloux, dénigrants, la mine d’un chien battu et le plus grand orgueil couvant là-dessous, comme on en voit dans les romans de Dickens. Rien n’est bien de ce qu’on publie dans le Mercure. Les articles, mal faits, mal écrits, sans intérêt. Les vers, toujours mauvais. Voilà je ne sais combien de temps qu’il a à envoyer à la composition les vers de Roger Karl26. Les vers sont toujours là. Bernard, qui le connaît mieux que moi, pour vivre tout le temps avec lui, me disait ce matin que ce doit être jalousie du grand éloge que Fontainas a fait de ces vers : aucune réminiscence. Je remets hier matin à Bernard mes deux Gazettes en le priant de les faire composer, pour qu’une au moins passe dans le prochain numéro27. Il les passe tout de suite à I… en lui disant : « On pourra le donner à l’imprimerie aujourd’hui. » I… prit le manuscrit sans un mot. L’a-t-il envoyé ? Ne l’a-t-il pas envoyé ? Pas marqué comme il conviendrait sur le livre de copie. Il est probable qu’il l’a envoyé. Mais c’est pour dire : cet air grincheux, rébarbatif, muet, toujours, et à mon égard, moi qui suis de la maison, et bien avant lui et autrement que lui. Sa bouche, quand il parle, en découvrant ses vilaines dents, son sourire de même, jaune, comme un vilain chien qui se retient de mordre, tout son caractère se révèle là.

Il s’est produit une chose amusante, à propos de sa place dans les Poètes d’aujourd’hui, lors de l’édition en trois volumes. Je l’y ai mis au dernier moment, sur la demande de Vallette (parce que employé au Mercure). Je lui ai demandé d’écrire lui-même sa notice et de faire lui-même son choix de poèmes. Or, je ne sais combien de fois on m’a dit : « Ce pauvre I…, vous êtes-vous fichu de lui, dans sa notice. Mais c’est un grotesque, ce garçon-là. » Et c’est lui-même qui s’est joué ce tour.

Frappez, j’ai quatre enfants à nourrir

Le seize octobre 1933, un ragot insignifiant comme les aime Paul Léautaud :

Un nommé Marc Citoleux a publié dans le Mercure, 1er octobre, un article sur l’esprit français et l’esprit de Voltaire28. Je lis cet article deux jours avant la sortie du numéro. J’y vois cette citation : Frappez, j’ai trois enfants à nourrir, attribuée à Courteline. En arrivant le lendemain matin au Mercure, je la signale à Mandin, lui disant que ce doit être de Molière et dans Tartuffe. Je veux chercher dans le Molière de Vallette. Le tome contenant Tartuffe est perdu. Mandin me dit qu’il ne croit pas que ce soit dans Tartuffe.

Deux jours après, arrive de Fagus la citation en question pour le « Sottisier ». Mais sans indication de la vraie source. Je ne m’en occupe plus29.

Tout ce qui précède noté à propos de deux traits que Bernard m’a racontés ce matin sur Mandin. Il paraît qu’il est allé trouver Vallette un matin et lui a dit : « Vous savez, j’ai fait des recherches pour la sottise de Citoleux dans son article : Frappez, j’ai trois enfants à nourrir. C’est de Racine, dans Les Plaideurs30. » Or, d’après Bernard, c’est Brian-Chaninov31, qui, un jour, dans le bureau de Bernard, parlant de cette sottise, a dit : « C’est dans Les Plaideurs. »

Bernard me raconte aussi que Mandin ne rate pas une occasion, le plus petit détail de manuscrit ou d’épreuves, pour écrire aux auteurs, signant ses lettres : Louis Mandin, secrétaire de la rédaction.

Bernard peut se tromper, peut avoir fait confusion pour l’affaire de la sottise de Citoleux. Mandin a très bien pu rechercher lui-même et trouver. Il est loin d’être ignorant. Mais le second trait est drôle, et pitoyable. Ce besoin de se donner du brillant ! Et le mieux, c’est que cette rosse de Bernard se propose de raconter le tout à Vallette, pour aider à sa connaissance de Mandin. Je crois que, la vérité, c’est qu’ils se disputent tous les deux, sans en avoir l’air, la succession littéraire de Dumur.

Quelques mois plus tard, Louis Mandin — dont nous apprenons à cette occasion qu’il est un homme de droite… très à droite — se rend à la lamentable manifestation du six février 1934, place de la Concorde, une sorte de prise du Capitole, si l’on veut. Avec des morts aussi. Cette manifestation a été si violente, a tellement heurté l’opinion que l’on considère qu’elle a, par réaction, entraîné la victoire des gauches (58 %) aux élections législatives suivantes, qui se sont tenues les 26 avril et trois mai 1936, donnant le pouvoir à Léon Blum. Albert Sarraut, son prédécesseur, était pourtant un modéré.

Ce qui précède n’a sans doute aucun rapport mais le caractère de Louis Mandin agace, comme on peut le lire le six septembre 1935 ;

Caractère de Louis Mandin. Je lui dis ce matin : « L’imprimerie est bien longue à m’envoyer mes épreuves. » (Le morceau « Journal Gourmont » pour le no 1er octobre.) Il me répond : « Oui. »

Un moment après chez Vallette, Mandin parti à l’imprimerie, Bernard m’apporte le cliché qui doit prendre place dans ledit morceau. Je dis à Bernard : « J’indiquerai la place sur mes épreuves. — Si vous les avez. — Comment, si je les ai. » Il me répète : « Si vous les avez. » Je finis par dire : « Pourquoi ? » Il va alors me chercher mon manuscrit et me l’apporte. Pas envoyé à l’imprimerie.

Vallette rit. Il dit lui-même : « Il n’y a pas moyen de lui faire envoyer les articles à l’imprimerie. On le lui a dit cent fois. Il n’y a pas moyen. »

Le tantôt, Bernard m’explique que Vallette a décidé depuis quelque temps d’avoir toujours deux numéros composés d’avance. Il a donné les ordres nécessaires à Mandin. Mandin n’en fait rien.

∙  ∙  ∙  ∙  ∙  ∙  ∙  ∙ Ligne de points. ∙  ∙  ∙  ∙  ∙  ∙  ∙  ∙

Il était tellement plus simple de me répondre ce matin que mon manuscrit n’était pas encore envoyé à l’imprimerie. Il doit avoir une joie maligne à faire ainsi de petits tours.

Bernard m’a retenu de lui dire ce que j’en pense, comme je voulais le faire, en me disant que cela soulèverait des orages, que Vallette, qui bout en lui-même, s’en mêlerait peut-être, et qu’il valait mieux ne rien dire, d’autant que cela ne changerait rien.

Le tapuscrit de Grenoble nous donnera peut-être un jour le texte caché par la ligne de points ci-dessus.

Mais le vingt septembre, Paul Léautaud rectifie :

Eh ! bien, non, ce n’était pas mauvais procédé de la part de Mandin. Il s’est dérangé ces jours-ci à plusieurs reprises pour me signaler de petites choses dans mes épreuves. Il est ainsi, il n’en veut faire qu’à sa tête, bien ce que m’a dit Vallette.

Le 28 septembre 1935 Alfred Vallette meurt à son tour. Georges Duhamel le remplace selon ce qui avait été convenu à l’occasion de la mort de Louis Dumur. On s’organise dans la journée même :

Mandin a suggéré à Duhamel d’écrire quelques lignes, au moins, pour le prochain numéro (15 octobre) lesquelles à lui remettre lundi après-midi, premier jour de mise en page. Duhamel m’a dit : « Qu’est-ce que vous en pensez, Léautaud ? » Je lui ai dit qu’il est tout indiqué. Il m’a dit : « Eh ! bien, c’est entendu. Je vais écrire une page. J’y reviendrai ensuite plus longuement. Une page, c’est cela, sans signature. » Je lui ai dit : « Mais pas du tout. Mettez au moins vos initiales. C’est un hommage que vous lui rendez. Il faut marquer que c’est vous. » Il signera donc de ses initiales32.

Pendant l’absence de Duhamel et de Bernard, je me suis trouvé avec Mandin dans son bureau. Nous nous sommes mis à parler des changements qui vont peut-être survenir dans la maison. Mandin s’est mis à dire que tout dépend de celui qui prendra la place de Vallette.

La direction de Georges Duhamel, homme du monde et candidat à l’Académie française où il sera élu le 21 novembre ne va pas sans les habituelles compromissions de ces milieux pour qui il s’agit d’aider des amis, de pousser tel article et d’en empêcher un autre. Alfred Vallette, on le sait, n’avait pas l’échine très souple à ce propos et répondait courtoisement à ces solliciteurs qu’il était maître chez lui comme les auteurs l’étaient de leurs textes.

1936

Louis Mandin, en tant que correcteur et remplaçant de fait de Louis Dumur, se trouvait au premier poste pour avoir vent des bienveillances de Georges Duhamel. Le peu que l’on connait du caractère et du passé de Louis Mandin pourrait laisser penser qu’il se soumettait — voire approuvait — ces exercices. Cela révulsait néanmoins sa conscience et il lui est arrivé à plusieurs reprises de confier à ses collègues son malaise face à ces manœuvres, comme Paul Léautaud l’inscrit dans son Journal au quinze janvier 1936.

Pour comprendre cette minuscule affaire il convient de se souvenir qu’à cette époque Georges Huisman (1889-1957), était directeur des Beaux-Arts, soit l’équivalent du ministre de la Culture d’aujourd’hui. Il faut ajouter à cela que Georges Huisman était en même temps maire de Valmondois, près de Pontoise, où Georges Duhamel avait installé sa résidence secondaire.

[…] j’ai appris tantôt de Mandin qu’il y a cinq ou six jours, Duhamel a reçu une lettre du directeur des Beaux-Arts Huisman, se plaignant à lui (Mon cher ami…) de l’article de Mazel33 et que Duhamel lui a répondu aussitôt (Mon cher ami…) pour lui exprimer ses regrets, sans seulement voir l’article de Mazel, ni lui en référer, comme il a toujours été d’usage en pareil cas à l’égard d’un rédacteur.

Une soirée chez Émile Bernard

Louis Mandin est de ces personnages singuliers ayant à la fois une haute idée d’eux-mêmes et en même temps très sensibles aux compliments, ce qui ne semble pas très cohérent. Nous savons qu’Auriant est très ami avec le peintre Émile Bernard, qui publie parfois des textes dans le Mercure, comme celui sur « Le Symbolisme pictural » du quinze juin 1936. Indépendamment de ces textes pertinents, Émile Bernard publie aussi des vers. Le fait d’être ami avec Émile Bernard n’empêche pas Auriant de trouver ses vers sans intérêt. Or le vendredi soir 25 septembre, Émile Bernard organise chez lui une soirée :

Soirée donnée par Bernard uniquement pour leur lire ses vers. Auriant me dit qu’il en écrit énormément et qu’il ne peut pas se trouver chez lui, ou même le rencontrer dehors, sans qu’il se mette aussitôt à lui en lire, « et c’est long » dit Auriant.

Pour ne pas s’ennuyer seul, il a fait en sorte que Louis Mandin soit invité aussi. La veille, Auriant se confie à Paul Léautaud :

Auriant s’est mis alors à me dire que Mandin est de même. Auriant lui ayant dit, à propos de la corvée, pour eux deux, de subir la lecture des vers de Bernard, que ces vers ne valent pas ceux d’Ariel esclave, Mandin ne se tenait plus, malgré son application à le cacher. Aucun compliment ne lui paraît non plus excessif concernant sa connaissance de Shakespeare et ses articles à ce sujet. Auriant dit aussi que lorsqu’il s’amuse à répéter à Mandin tel ou tel compliment qu’on lui a fait à son sujet, Mandin le lui fait toujours redire.

L’affaire Ernest Raynaud

Le dix octobre 1936, Ernest Raynaud meurt. Écrivain et poète, il était également commissaire de police, proche de l’Action française et vraisemblablement aussi présent place de la Concorde le six février 1934. Il est auteur de Souvenirs de police, Mémoires d’un commissaire de police et de plusieurs autres ouvrages de cet ordre. Ernest Raynaud était le dernier survivant des fondateurs du Mercure. Louis Mandin, comme on s’en doute, se sent proche.

Mandin a parlé à Duhamel de la convenance qu’il y aurait à publier dans le Mercure, comme on fait pour tous les vieux collaborateurs, un article sur Ernest Raynaud, s’ajoutant, pour lui, que c’est le dernier des fondateurs qui disparaît. Duhamel a dit non.

Ernest Reynaud aura juste droit à un « Écho » rédigé par Louis Mandin dans le Mercure du premier novembre (page 659), suivi d’une bibliographie établie par Pierre Dufay (quatre pages et demie en tout).

Dans sa rubrique des « Revues » du quinze décembre 1936, Charles-Henry Hirsch dont nous allons parler ci-après, signale la parution d’un article sur Ernest Raynaud dans le numéro de La Muse Française du quinze novembre.

L’affaire Hirsch/Fels

Dans le Mercure du quinze novembre 1936, Charles-Henri Hirsch (note 20) se laisse aller à écrire nonchalamment sur le journaliste Edmond Frisch, que le Pape Léon XII fit conte de Fels en 1893. Emporté par son sujet et n’ayant pas de gomme sous la main, Charles-Henri Hirsch brode à l’envi sur ce « grand garçon distingué, mince, fort élégant en sa mise et ses manières, tout à fait le héros des romans mondains de Maupassant »… et nous donne trois pages comme cela. Comme le « conte de Fels » a épousé une héritière Lebaudy (les sucres), il jouit d’une immense fortune. Il est aussi directeur-fondateur de La Revue de Paris. On ne joue pas avec un tel personnage et Georges Duhamel de s’offusquer :

« Vous entendez, M. Mandin. Je vous demande instamment de surveiller les rubriques et de ne pas manquer de me signaler tout ce qui vous paraîtra suspect. Je compte absolument sur vous pour cela. »

Le pauvre Mandin me disait après dans son bureau en riant : « On ne pourra bientôt plus rien écrire. N’empêche que je me suis fait solidement laver la tête. J’avais bien vu le passage sur Fels… je ne pensais pas… Vous avez entendu ce qu’il a dit pour la critique ?… À condition qu’il ne s’agisse pas de Mauriac, ni de Bordeaux34… Bordeaux surtout, qui l’a reçu à l’Académie. »

Mandin de mon avis, que Hirsch doit avoir une dent contre La Revue de Paris. Quelque chose qu’on lui aurait refusé. Hirsch est très vindicatif. Il lui arrive de pincer les gens au tournant des années après.

Quelques jours plus tard, le cinq décembre (nous sommes toujours en 1936, année riche en événements), Paul Léautaud a eu une franche explication avec Georges Duhamel à propos de cette affaite Hirsch/Fels. Puis :

Je monte chez Mandin, pour affaire de service. Je le mets au courant de la nouvelle petite sortie de Duhamel. Il va à un carton, en tire une lettre, en me demandant absolument de n’en parler à personne. C’est une lettre du comte de Fels, réponse à l’article de Hirsch, et en demandant l’insertion à la même place et en mêmes caractères. Au crayon rouge, une note de Duhamel : à placer après les Revues. Mandin a cette opinion que cette lettre a été écrite par Fels d’accord avec Duhamel. C’est la première fois, je crois, qu’une lettre de ce genre, insultante au surplus pour le rédacteur qu’elle vise, sera placée ailleurs qu’aux Échos. Mandin trouve que devant un pareil procédé, Hirsch devrait donner sa démission. Ce serait peut-être beaucoup et donner l’avantage à Fels. Mais quelle jolie réponse, moqueuse en diable pour Duhamel et pour Fels, il pourrait faire, en célébrant la façon dont s’améliore le Mercure depuis la mort de Vallette ! Mandin était de mon avis : il vaut mieux, pour une revue, avoir pour directeur un bon commerçant qu’un écrivain célèbre et académicien, soucieux, sinon de plaire à tout le monde, de ne déplaire à personne.

Puis, le douze décembre, pour finir cette année 1936 :

À cinq heures, rentrant d’une course, je croise Hirsch, sortant du Mercure. Il me dit que Mandin vient de lui communiquer la lettre de Fels, qu’il est renversé que Duhamel ait consenti à la publier. Il me dit qu’il vient de la faire suivre de trois lignes qui se posent là, et qu’il retrouvera Fels un autre jour35.

Après cela le nom de Louis Mandin continue d’apparaître dans le Journal littéraire mais incidemment, en passant, à propos d’un manuscrit à lui remettre ou de corrections à porter, jusqu’en février 1938.

1938

Le onze février :

Voilà plusieurs fois que Bernard et Porteret36 me disent que la préface mise par Mandin au volume de vers que le Mercure va lui éditer (à ses frais) est un monde, mais Mandin a pris toutes les épreuves et on n’a pu me la montrer37. Je la verrai sur les bonnes feuilles. Mandin s’est déjà mérité un beau succès (qu’il ignore) avec sa notice des Poètes d’aujourd’hui, écrite par lui-même et au sujet de laquelle tout le monde a trouvé que je l’avais tourné en ridicule (croyant que j’en étais l’auteur). Il faut croire qu’il a recommencé avec cette préface. Au moins cette fois-ci, le succès lui reviendra-t-il directement.

À la fin du mois de février 1938, Georges Duhamel abandonne la direction du Mercure et laisse la place à Jacques Bernard.

Lundi 28 février [1938] :

Nous allons donc être maintenant, jusqu’à nouvel ordre, sous le régime de l’ignorance, de l’infatuation, du fanatisme et de l’autoritarisme de Bernard. Avec Duhamel, lettré, intelligent, compréhensif, on pouvait discuter, s’arranger, concilier. La vanité sans bornes de Bernard ne permettra guère cela.

Parlé tantôt de cela avec Mandin, complètement de mon avis, avec cette observation que, Duhamel parti, on aura sans doute un peu plus d’aise pour écrire certaines choses, Bernard n’étant pas, comme lui, ficelé par l’Académie, les relations, les petits intérêts. C’est possible. Nous verrons. Les premiers temps vont être drôles, avec tous les olibrius mâles et femelles, à manuscrits, qui vont se trouver désorientés par le départ de Duhamel.

Mandin m’a dit le plus simplement du monde que l’édition de son volume de vers lui coûte 8 000 francs. À ce propos, et je l’ai dit à Bernard et à ses compagnons Mlle Naudy38 et Porteret, je ne trouve pas la préface de Mandin ridicule comme ils me l’avaient dit. Ses vers ont de plus leur intérêt. Ce ne sont pas en tout cas les vers de tout le monde, des vers qu’on voit partout.

Puis c’est la guerre. Enfin, la « drôle » et le Mercure va paraître encore jusqu’en juin 1940.

Le seize février, Paul Léautaud :

Dans le prochain numéro du Mercure (1er mars), — j’ai vu cela sur les épreuves, — un long poème de Louis Mandin extrêmement curieux, une sorte de satire véhémente, railleuse, de notre époque, une chose tout à fait nouvelle dans son œuvre39. Je lui ai fait grand compliment, comme je le pense, de cette nouveauté chez un homme de son âge, — à deux mois près nous avons le même, — que c’est la marque d’une sensibilité restée intacte et qu’il doit en avoir lui-même quelque satisfaction. Mandin est un homme qui a toujours vécu, comme moi, isolé, à l’écart des groupes, réunions et discussions littéraires. Je lui ai dit pour son compte comme je l’ai noté pour moi, il y a quelques jours : la solitude conserve neuf.

Paul Léautaud apprécie l’originalité de ces vers au point que le 29 février il écrit à Jean Paulhan :

        Mon cher Paulhan,

Si vous en avez le loisir, lisez donc, dans le Mercure 1er mars, les vers de Louis Mandin.
Je crois qu’ils méritent d’être signalés.
J’espère vous voir ces jours-ci comme vous me l’aviez fait prévoir.
        Amitiés à tous les deux40.

P. Léautaud

Le quatorze mai, nous lisons dans le Journal littéraire un de ces paragraphes d’autant plus abscons que mutilés par l’éditeur :

Dujardin41 a apporté à Bernard un article sur l’Italie depuis le traité de Versailles, cela juste à la veille du moment qu’on s’attend à voir l’Italie se joindre à l’Allemagne contre nous, et étant donné ce qu’on connaît de Dujardin (…). Mandin se propose d’éclairer Bernard et dit que si l’article passe42, il ne pourra sans doute pas répondre à Dujardin dans le Mercure même, mais qu’il le fera ailleurs et vertement. J’ai dit à Mandin qu’il pourrait commencer son article à peu près ainsi : « M. Édouard Dujardin, qui est un poète, a mis cette fois-ci sa lyre au pluriel… » Auriant était là. Nous avons été tous les trois une bonne minute à rire43.

Mais Louis Mandin ne répondra sans doute dans aucun journal parce que dans quelques jours, la guerre, de « drôle » deviendra triste. Les Allemands entrent dans Paris le 14 juin et le 18 défilent sur les Champs-Élysées. Le Mercure de juin est sans doute déjà bouclé et le numéro de juillet ne paraîtra pas, ni aucun numéro avant décembre 1946. La maison d’édition continue de fonctionner, sous la direction de Jacques Bernard, collaborateur attentif aux désirs de l’occupant.

Les derniers jours de mai paraissent encore légers face à ce qui nous attend, comme ce vingt mai :

Mandin m’assomme à mettre dans mon Journal (dans le Mercure) une ponctuation régulière, exacte, qui n’est pas dans le manuscrit. Il enlève ainsi une partie du charme, du naturel, du spontané.

Mais le 27 mai :

Ce matin, conversation avec Mandin sur la situation (guerre), les Allemands ont pris Boulogne. Je trouve enfin en lui quelqu’un qui comprend mon état d’esprit : l’extrême désolation, stupéfaction, dégoût, mépris, devant tant d’incurie, de négligence, d’incapacité, de légèreté, d’imprudence dans tous les domaines : politique et social, du manque de profit des exemples offerts depuis un an par l’Allemagne, de ces huit mois de guerre, si peu mis à profit, aboutissant à rien. Il a ce mot : « Je vous comprends parfaitement. On finit par se dire que c’est une immense farce. »

Le 31 mai, on rêve encore :

J’étais aussi très préoccupé de mon morceau de Journal pour le Mercure 1er juillet, n’ayant fait que quelques pages hier soir. J’ai emporté la copie complète du Mercure. Après déjeuner, j’ai pu finir, et donner le morceau complet à Mandin pour l’envoi à l’imprimerie.

Et le onze juin :

Mandin est allé ce matin à l’imprimerie Firmin-Didot, rue Jacob. L’imprimerie est à Mesnil-sur-l’Estrée, Eure. Le téléphone est interrompu. On a bombardé Dreux. On ne sait pas ce qui se passe à l’imprimerie. Le Mercure 1er juillet en panne, probablement.

Le drame de novembre 1941

Puis c’est de drame de novembre 1941. Journal littéraire au 27 novembre :

En revenant, passé au Mercure. Appris cette chose stupéfiante : Mandin et sa femme arrêtés44. Propagande gaulliste, certainement. Ce détail : il y a quelque temps, Mme Mandin, qui avait un piano, l’avait vendu pour acheter une machine à écrire. On a saisi cette machine à écrire pour voir si les tracts que Mandin est accusé d’avoir distribués ou répandus correspondent à ses caractères.

[…]

Mandin a la passion de la politique. Il y a passé une grande partie de sa jeunesse comme secrétaire et agent électoral d’un député du département dont il est originaire45. Il a eu, dès le début, ses vues sur la guerre actuelle, chaudement anti-Allemand, n’en parlant toutefois jamais avec Bernard. Comme il ne venait plus qu’un moment le matin, n’ayant guère à faire depuis l’arrêt du Mercure, et que j’arrivais tard, je ne le rencontrais plus que rarement depuis plusieurs mois. Je savais qu’il utilisait ses loisirs dans la préparation d’un livre pour la documentation duquel il passait des après-midi à la Nationale. Je ne me serais jamais douté qu’il se serait lancé dans une propagande… Lui si prudent, si renfermé, si uniquement voué à la littérature. Quelle folie ! et quelle sottise, car, enfin, quel résultat croyait-il donc atteindre ?… Il devait me savoir d’opinions contraires aux siennes, pour ne plus me parler des circonstances que nous vivons.

Le rôle de Jacques Bernard

Dans son Livre de l’Amertume, journal 1925-1956, page 316, Georges Duhamel se remémore son témoignage lors du procès de Jacques Bernard qui s’est tenu le seize juillet 1945 :

Enfin je n’ai pas dit le plus grave. Voici : Le lendemain de l’arrestation de Louis Mandin, me trouvant au Mercure pour mes affaires, je vis Jacques Bernard tout à fait excité. « Mandin vient d’être arrêté, me dit-il. Moi, je ne veux pas d’histoires. Je suis monté dans le bureau de Mandin. J’ai pris tout ce que j’ai trouvé comme papiers sur sa table et dans le bureau. J’en ai fait un paquet et j’ai porté tout ça à la Gestapo. Je ne veux pas d’histoires. »

Le visage du bonhomme était horrible à voir.

Le rôle de Jean Saltas

Le hasard fait que le bon docteur Saltas, médecin personnel de Paul Léautaud et de nombreuses personnes des milieux littéraires s’est rendu chez Louis Mandin sans savoir que les Allemands s’y trouvaient :

Journal littéraire au 19 décembre 1941 :

[Jean Saltas] étant monté, ne sachant rien, chez Mandin, et s’étant trouvé, comme dans une souricière, devant trois Allemands qui l’ont chambré, interrogé, emmené à la Kommandantur, là encore interrogé, puis enfin ramené chez lui.

Il se trouve que Jean Saltas, Médecin en 14-18 a soigné plusieurs milliers d’Allemands, dont un général. Les Allemands de 1941 se sont renseignés, ont retrouvé et rendu compte au général en question. Il se trouve rempli de reconnaissance pour le docteur Saltas, qui en profite pour plaider l’innocence de Louis Mandin dans une lettre adressée au général46 :

Saltas va tout bonnement dans cette lettre plaider la cause de Mandin, se porter garant de son innocence, expliquer que les papiers à signes cabalistiques qu’on a trouvés chez lui sont des travaux sur Shakespeare, les fameux cryptogrammes qui se trouvent déjà dans l’ouvrage du général Cartier sur la question Bacon-Shakespeare-Lord Derby47, que Mme Mandin n’a pas du tout vendu son piano pour acheter une machine à écrire, mais un divan-lit (Mandin et sa femme désirant faire lit à part pour plus de repos), divan-lit pour lequel Saltas lui-même a fourni des bribes de tapisserie qu’il avait chez lui, que la machine à écrire a été fournie à Mme Mandin par un parent, chimiste de son état, qui habite Versailles, et pour lequel elle faisait des copies pour ajouter un peu d’argent dans le ménage. Le feu, l’ardeur de dévouement avec lesquels Saltas m’a développé tout cela ! Cœur merveilleux, et d’un si parfait désintéressement !

En attendant, Bernard, à ce qui m’a été dit encore aujourd’hui au Mercure, aurait déjà décidé de mettre Mandin dehors.

De temps à autre, Paul Léautaud se rend chez Jean Saltas prendre des nouvelles de Louis Mandin, comme ce 31 mars 1942 :

[…] monté chez Saltas. Nouvelles de Mandin. Il va passer en jugement. Saltas espère l’acquittement. Car, à son avis, si condamnation, c’est-à-dire : exécution, il n’y aurait pas de jugement. Dans cette perspective, je l’ai prié de me donner rendez-vous, à Mandin et à moi, un jour chez lui. Bernard a mis dehors Mandin du Mercure. Mandin reconnu innocent n’a pas à perdre sa place. Il devra la réclamer, ou, comme Porteret et moi, se faire indemniser. Je veux le renseigner à ce sujet.

Ou le seize avril :

Visite à Saltas pour avoir des nouvelles de Mandin. Il n’est pas encore passé en jugement. Il y a peut-être très peu de choses dans son cas, mais il doit y avoir quelque chose. Je dois l’avoir noté à propos de simples questions littéraires. Sous ses dehors peu parlants, taciturnes, très renfermés, Mandin est un passionné, à qui il arrive d’être fort véhément. Passion politique également, passion civique. À la guerre de 1914, quoique ayant passé l’âge, il voulait être envoyé au front. Il a cru de son devoir de prendre part à la manifestation du 6 février [1936], contre les parlementaires, à la suite de l’affaire Stavisky. Les deux ou trois fois qu’il m’est arrivé de parler avec lui de la présente guerre, à son début et lors de l’occupation, encore fort animé et vitupérant contre les occupants. Il a dû se laisser aller à des propos… Une indication : Saltas a dans ses relations un jeune étudiant en médecine qui l’a soigné quand il a été malade, très bon médecin, dit Saltas. Ce garçon sait l’allemand. Il est entré dans une industrie allemande dont je n’ai pas retenu le nom, dans laquelle il rend des services et est très bien payé. Comme Saltas lui parlait de lui et, lui disait l’emploi qu’il venait d’accepter, Mandin a éclaté : « Comment, vous continuez à voir cet individu, à lui serrer la main, vous un honnête homme ! » Encore un chez qui le sentiment obnubilait le jugement. Ferait-il pas mieux de voir les causes et où sont les responsables, et de s’en prendre à ceux-ci avant tous autres ?

Le cinq juin, toujours 1942, chez Gallimard :

Le Dantec48 m’apprend que Mandin condamné à mort, il y a quatre jours. Sa femme, à cinq ans de prison. Il me dit, en paraissant bien y avoir pris part, qu’on s’occupe de tâcher de le tirer de là, tant « Vichy » de son côté, qu’ici le ministre Abel Bonnard.

Le neuf juin, après un passage par le ministère de l’Éducation nationale pour demander des nouvelles de Louis Mandin à Yves-Gérard Le Dantec, le 26 juin :

Téléphoné ce matin à Duhamel pour avoir des nouvelles de Mandin. Réponse : « On ne sait rien. Valéry m’en a parlé hier (à l’Académie, probablement). Il ne sait rien. »

Puis le huit juillet :

Mme Izambard, la concierge du Mercure, m’a raconté tantôt, quand je lui ai remis ma lettre pour Bernard, en me demandant si je savais du nouveau pour Mandin : ces jours-ci, un parent de Mandin, son beau-frère, paraît-il (ce serait le mari de la sœur de sa femme), est venu voir Bernard. Il est résulté de cette visite une lettre de Bernard à K., qu’il a chargé Mme Izambard de lui remettre. K. a ouvert et lu cette lettre devant Mme Izambard. Bernard lui disait qu’un parent de Mandin est venu lui réclamer sa carte de tabac, que, ne fumant pas, il avait donnée à K., et le priait de la lui remettre pour qu’il puisse la renvoyer audit parent, carte que K. a dit ne plus avoir, l’ayant perdue. Or, il est obligatoire actuellement, que les cartes de tabac, comme au reste toutes les cartes des décédés, doivent être restituées. Faut-il en conclure que Mandin a été exécuté et que sa famille s’occupe de se mettre en règle ? Bernard, lui, doit savoir. Le parent a dû motiver sa réclamation. À entendre Mme Izambard, rien sur ce point dans la lettre de Bernard à K., ou celui-ci l’a tu.

De nombreux autres témoignages non retenus ici démontrent que Louis Mandin est toujours resté présent dans l’esprit de Paul Léautaud et des autres gens du Mercure.

Début octobre 1942, suite à un propos en l’air de Jacques Bernard, qui s’en fiche complètement, le bruit court que Louis Mandin a été fusillé, ce qui est faux. Le treize janvier 1943 à La NRF, nouvelle rencontre d’Yves-Gérard Le Dantec, qui affirme que Louis Mandin « est toujours en attente. Il a un cran superbe. »

Il sera néanmoins fusillé le 28 juin. Enfin, « fusillé », c’est ce qu’on dit, ça fait plus propre, plus militaire. Avec ce que nous savons des camps de concentrations allemands, imagine-t-on qu’on ait pris soin de le fusiller au sens que l’on entend habituellement : douze hommes, un lieutenant, un rituel au service d’une procédure ? Non. Il est mort, tout simplement, comme on mourrait dans les camps de concentration allemands, de faim, de froid, d’épuisement, de dysenterie ou, plus misérablement encore, sous les coups d’un gardien49.

En l’honneur de Louis Mandin

Les morts sont faits pour être oubliés. Paul Léautaud se souviendra pourtant de lui à quelques reprises, jusqu’à ce 25 juin 1953 :

Reçu tantôt, par la poste, cette carte :

« Monsieur Fernand Gregh50, de l’Académie française, président du “Comité Louis Mandin”, les membres du Comité vous prient de leur faire l’honneur d’assister à l’inauguration de la plaque qui sera apposée sur l’immeuble du 58 bis, rue d’Assas51, le mardi 30 juin 1953 à 11 heures précises

pour célébrer la mémoire de
Louis MANDIN
poète de L’Aurore du soir
et de Marie-Louise MANDIN
sa femme
“morts pour la France” en déportation

De la part de la famille.

Je n’ai pas changé d’avis sur l’histoire de ce pauvre Mandin. À 70 ans, en pleine occupation, s’amuser à taper à la machine de petits tracts anti-Allemands que sa femme distribuait, sans en avoir l’air, dans tout leur quartier et croire que cela aurait une portée et modifierait les circonstances. Vraiment, c’est bien la preuve que ce qu’on appelle le « patriotisme » fait quelquefois de fameux sots. Naturellement, les Allemands découvrirent le manège, Mandin, sa femme furent arrêtés, déportés en Allemagne, d’où ils ne revinrent pas. On va commémorer cela dans quelques jours, par une plaque sur la maison où habitaient les Mandin, « morts pour la France ». Quelle bouffonnerie ! Morts par l’effet de leur bêtise, oui. Et s’occuper encore après une dizaine d’années d’histoires de ce genre. Qu’on nous fiche la paix.

L’esprit du vieux Léautaud est aussi celui de la majorité des Français, de l’époque où l’on libère par centaines les condamnés pour collaboration, même les condamnés à mort : la guerre, il y en a marre, oublions ça et allons de l’avant. Rien que de très humain.

Et c’est la dernière fois que Paul Léautaud, qui va mourir dans moins de trois ans, évoque Louis Mandin dans son Journal.

Pourtant le Mercure d’août 1953, tout en fin de numéro, a rendu compte de la cérémonie du mardi trente juin, en deux pages d’une rubrique « Gazette », titrée « En l’honneur de Louis Mandin ».

Ce n’est pas une « Gazette d’hier et d’aujourd’hui », et ce n’est pas du tout du Léautaud. Cette « Gazette » qui paraît à cet endroit maintenant tous les mois à la place des anciens « Échos » n’est pas signée non plus. En voici le texte :

Une plaque, au no 58 bis de la rue d’Assas, à la mémoire de Louis Mandin et de sa femme Marie-Louise, a été inaugurée le mardi 30 juin.
Des discours ont été prononcés par MM. Fernand Gregh, Jamati53, Jacques Duron54, André Delacour55 et le Dr Maurice Delort56, président de « La Vérité française57 ».

De ce dernier hommage citons quelques passages :

« Sa vie déjà longue ne paraissait pas le prédestiner à la carrière d’un héros. Il avait été successivement clerc de notaire en province, correcteur d’épreuves, puis secrétaire au Mercure de France. C’était un petit homme modeste, voûté, myope, habillé de noir…

« La Résistance que j’ai le lourd honneur de représenter ici accepte d’être par lui symbolisée.

« C’est une forteresse indestructible composée de ces âmes de pierre…

« Si on avait dit à Louis Mandin qu’il était Résistant, qu’il faisait partie de la Résistance, il aurait été, je pense, étonné et pourtant il en fut un de la première époque, de ceux qui n’avaient ni technique, ni méthodes, ni hélas de méfiance, ni de discipline.

« Ce fut ainsi qu’il m’apparut en septembre 1941(58) dans l’unique visite qu’il me fit à propos de l’impression de nos tracts… Je le regardais avec stupeur, je n’en avais jamais vu de plus “absent”.

« Le 25 novembre il fut comme moi arrêté.

« Je le vis une fois en janvier à mes côtés à l’un des interrogatoires du “Terrass Hôtel59”, puis je le retrouvai au Conseil de Guerre. Je me rappelle son ineffable et fugitif sourire lorsqu’il y vit arriver sa femme.

« Elle prit plusieurs fois la parole de sa voix fraiche au cours des audiences.

« Lui, quand il se leva pour faire sa dernière déclaration d’accusé, osa de sa voix sourde, ce défi : “Je considérerais comme un honneur à mon âge de mourir pour mon pays”.

« Je le vois encore, j’étais à trois rangs derrière lui, je vois les épaules remontées, la tête aux cheveux blancs inclinée, je ne vois pas le visage, le corps entier est immobile.

« Les juges cependant n’infléchirent pas la décision. Seulement les Allemands reculèrent devant l’exécution et préférèrent attendre sa mort.

« Il repose au cimetière de Sonnenburg60 dans un cercueil qui ne porte pas de nom.

« Marie-Louise Mandin qui fut au camp un modèle de patience et de bonté disparut après avoir fait partie d’un convoi de malades qui se rendait de Mauthausen à Lüneburg61. »

Notes

1       Dans cette très méconnue rue de l’Hirondelle, qui commence pourtant place Saint-Michel, sous des arcades, et se termine rue Gît-le-cœur.

Début du poème de Louis Mandin Sous le symbole de l’hirondelle : « Petite rue, / Enfumée et vieille et perdue, / Et sans voitures, sans aurores, sans matins, / Car, entre tes murs noirs, l’ombre règne comme un destin ; / Toute petite rue, / Tronquée et mutilée, et qui dors inconnue / Au seuil du jeune et frémissant quartier latin, / Petite rue où je suis né, / Je souris en pensant que ton coin si fané, / Si reclus, si fermé, / Et qui te cache, ainsi qu’une captive mal vêtue, / Au bord bruyant de la fontaine Saint-Michel, / Ton nom, parmi les ténèbres accrues, / Porte du printemps et des ailes, / Car tu restes mon enfantine et vieille rue / De l’Hirondelle. »

2       Armand Berton (1859-1916), député radical-socialiste de la Creuse de 1898 à 1902).

3       Alphonse Defumade (1844-1923), trois fois député Républicain radical de la Creuse (1893, 1902 et 1908) et sénateur en 1907 et 1912.

4       Louis Mandin, Les Sommeils, Librairie de La Plume 1905, 104 pages. Louis Mandin a aussi écrit des textes, essentiellement des poèmes, dans quarante numéros du Mercure, entre 1910 et 1940.

5       Louis Mandin, Ombres voluptueuses, Sansot 1907, 132 pages.

6       Louis Mandin, Ariel esclave, Mercure 1912, 197 pages. Le 21 janvier 1913, pour les Archives de la parole de Pathé, Louis Mandin a enregistré sur cylindre quelques extraits de son Ariel Esclave, dont il a été pressé un disque que l’on peut entendre sur le site web de la BNF : https://is.gd/UhCsEX.

7       Après Ariel esclave, cette série comprend encore Les Saisons ferventes, L’Âge de foudre, La Caresse de jouvence et Les Ténèbres sacrées, l’ensemble ayant été réuni en volume de 320 pages en 1938, sans nom d’éditeur, vraisemblablement à l’initiative de l’auteur, peut-être en édition muette du Mercure. Chacun des recueils fera l’objet d’une note séparée ci-après.

8       André Maurois, Ariel ou la vie de Shelley, Grasset 1923, 358 pages.

9       Selon le Trésor de la langue française, un caliban est un personnage dont l’apparence grossière rebute la vue. Dans La Tempête, Shakespeare a donné ce nom au rusé et brutal esclave du duc de Milan, dont Ariel est proche.

10     Louis Mandin, Les Saisons ferventes, Mercure 1914, annoncé dans les « Publications récentes » dans le numéro du seize avril pages 884 et 986. Ce poème seul est paru dans le premier numéro de la revue bimestrielle de Lugné-Poe Poème & drame en novembre 1912, entre Georges Polti et Guillaume Apollinaire.

11     Allusion évidente aux taxis de la Marne.

12     Accord fautif selon nous, mais extrêmement répandu. Les Saisons ferventes est le titre d’un livre, d’un recueil de poésie ou d’une monographie si l’on veut. Il faudrait donc écrire « Les Saisons ferventes parut ».

13     Louis Mandin, Notre Passion, 1914-1918, poèmes en vers et en prose, La Renaissance du livre, 1920, 272 pages.

14     Le dix décembre 1921 avec Marie-Louise Alphonse (1896-1945).

15     Louis Mandin, La Caresse de Jouvence, Albert Meissein, février 1927 (111 pages). Quatre poèmes de ce recueil sont parus dans le Mercure du premier janvier 1922, page 77.

16     Paul Fort (1872-1960), poète et auteur dramatique, créateur du Théâtre d’Art (futur théâtre de l’Œuvre) au côté de Lugné Poe. Les premiers poèmes de Paul Fort paraissent dans le Mercure en 1896. En 1905, Paul fort a créé la revue Vers et prose aux côtés de Jean Moréas et André Salmon. Suite à un référendum dans des journaux, Paul Fort a été élu « Prince des poètes » en 1912. Son neveu, Robert Fort (1890-1950), épousera en 1911 Gabrielle Vallette (1889-1984), fille de Rachilde et Alfred Vallette.

17     Paul Fort et Louis Mandin, Histoire de la poésie française depuis 1850, Flammarion, H. Didier, et Privat à Toulouse, 1926, 392 pages.

18     Charles de Saint-Cyr (1875-1940), homme de lettres, chargé de mission du ministère de l’Agriculture. Charles de Saint-Cyr a publié un essai sur Garibaldi chez Félix Juven, sans date, 260 pages.

19     La « Notice Régnier » parue dans le Mercure de mars 1904 et ici-même.

20     Charles-Henry Hirsch (1870-1948), poète, romancier et dramaturge, responsable, au Mercure, de la rubrique des « Revues » depuis 1898 en même temps qu’il était employé de banque jusqu’en 1907. C.-H. Hirsch est aussi un auteur de romans populaires ou naturalistes, comme son célèbre (à l’époque) Le Tigre et Coquelicot de 1905 chez Albin Michel, ou licencieux comme Poupée fragile, chez Flammarion en 1907. En 1910, il a été un des défenseurs des Fleurs du mal. Charles-Henry Hirsch est l’un des auteurs Mercure les plus prolifiques avec 792 textes, d’août 1892 à décembre 1939. Il est aujourd’hui essentiellement connu comme l’auteur du scénario du film Cœur de lilas (Anatole Litvak 1931) avec Jean Gabin. On ne confondra évidemment pas Charles-Henri Hirsch avec son homonyme Louis-Daniel Hirsch, administrateur de la NRF.

21     Armand Godoy (1880-1964), poète symboliste cubain ayant fait fortune dans le tabac avant de s’installer à Paris vers 1919. Il parviendra à la notoriété grâce à son entregent et à son soutien financier à plusieurs revues. On trouve ses poèmes dans une douzaine de numéros du Mercure entre juillet 1925 et 1934 plus un en février 1956.

22     Page 670, des vers particulièrement niais provenant de son recueil Une Passion.

23     Dans les cinq numéros du 15 février au 15 avril.

24     En 1929, peut-être à l’été, Alfred Vallette avait abandonné l’imprimerie de Marc Texier, de Poitiers, au profit de l’imprimerie Firmin-Didot, 56, rue Jacob. Si l’inscription « Typographie de Firmin Didot » est toujours en place sur la façade de l’immeuble, l’entreprise, rachetée par CPI, a déménagé en province.

25     Allusion au recueil de poésies de Louis Mandin, Ariel esclave, Mercure 1912, 197 pages. Et c’est évidemment de Louis Mandin dont il s’agit ici sous l’initiale de I…

26     Roger Karl (Roger Trouvé, 1882-1984 à 102 ans), comédien, peintre et écrivain sous le pseudonyme de Michel Balfort. Michel Balfort publiera Avec moi-même, « réflexions » (Tschann, 1938, 1 500 exemplaires à compte d’auteur) dont PL le félicitera par lettre le 16 juillet 1939. Roger Karl a aussi publié Journal d’un homme de nulle part en quatre tomes. On peut lire dans la page sur Fernande Olivier le texte de la Radioscopie de Jacques Chancel invitant un Roger Karl de 95 ans en mars 1977.

27     Ce sera la Gazette du quinze août comprenant « Exagérations littéraires. — La rue Pierre-Trimouillat. — Mots, Propos et Anecdotes. » à partir de la page 242.

28     Marc Citoleux (seule apparition de ce personnage dans le JL) : « L’esprit français et l’esprit de Voltaire », page 96.

29     La citation mal attribuée est parue dans le « Sottisier » du Mercure du premier novembre, page 765.

30     Acte II, scène IV. « Frappez. J’ai quatre enfants à nourrir. » Pléiade de de Raymond Picard 1950, page 337 :

31     Nicolas Brian-Chaninov, historien et homme de lettres, a écrit en 1929 une Histoire de la Russie chez Fayard, 510 pages et alternera dans le Mercure, de 1932 à 1939, une rubrique de « Bibliographie politique » et de « Lettres russes ».

32     Le Mercure du 15 octobre 1935 ouvre par une page et demie encadrée(s) de noir, signée G.D.

33     Chronique de « sciences sociales » paru dans le Mercure du quinze décembre, page 588. Journaliste et auteur dramatique, Henri Mazel (1864-1947) est surtout connu pour avoir été, en 1890, le fondateur de la revue L’Ermitage. De 1897 à juin 1940, Henri Mazel a écrit 602 textes au Mercure. Une partie de son œuvre théâtrale en trois volumes édités en 1933 et regroupant huit pièces écrites de 1890 à 1897, était encore disponible en 2021 au Mercure de France.

34     Henry Bordeaux (1870-1963), avocat et romancier savoyard que l’on qualifierait aujourd’hui de « catholique de gauche ». Henry Bordeaux a été élu à l’Académie française en 1919 au premier tour. Il a été reçu par Henri de Régnier l’année suivante et a reçu à son tour Georges Duhamel le 25 juin dernier.

35     La lettre d’Edmond de Fels paraîtra en effet page 165 à la suite de la rubrique de CHH dans le Mercure du premier janvier 1937. Cette lettre est suivie de ces cinq lignes un peu hors-sujet : « La lettre ci-dessus m’ayant été communiquée, je dédaignerais d’y répondre si son auteur ne m’attribuait un sentiment de haine à son égard. Il satisfait seulement ma curiosité d’observateur de mon temps. J’en juge le guignol du haut d’une existence dont je ne renie pas un seul acte. C.-H. H. »

36     Léo Porteret, journaliste et écrivain et poète, est co-auteur, avec Bertrand Guégan et Maxime Laignel-Lavastine, d’une Histoire générale de la médecine, de la pharmacie, de l’art dentaire et de l’art vétérinaire… en trois volumes chez Albin Michel, parus de 1936 à 1949. Léo Porteret a aussi publié dans le Mercure du 1er avril 1933 Le Jardin inutile, poème. Léo Porteret est nouvellement employé du Mercure comme chef de fabrication.

37     Il s’agit du recueil L’Aurore du soir, réunissant des publications antérieures chez d’autres éditeurs : Les Saisons ferventes, L’Âge de foudre, La Caresse de jouvence et Les Ténèbres sacrées, 320 pages à compte d’auteur.

38     Dactylographe recrutée par Georges Duhamel pour le Mercure.

39     Louis Mandin, « Modernes ironies », pages 547 à 555. À la lecture de ces vers il n’est pas impossible que l’ironie en question provienne du mot anglais iron, qui désigne le fer.

40     « Les deux » sont Jean Paulhan et Germaine Dauptain, épousée en décembre 1933.

41     Édouard Dujardin (1861-1949), dandy, romancier, poète et auteur dramatique tombé dans la bondieuserie avec l’âge. Sa nouvelle Les Lauriers sont coupés le fera connaître comme l’inventeur du monologue intérieur. La technique apparaîtra en allemand treize ans plus tard chez Arthur Schnitzler et trouvera son expression considérée comme la plus aboutie dans Ulysse, en 1922. La chronique dramatique de Maurice Boissard du 16 août 1919 à propos de sa légende dramatique Les Époux d’Heur-le-port, propose un savoureux portrait d’Édouard Dujardin. Paul Léautaud en dressera un portrait à la date du 1er septembre 1919. Malgré sa réserve, Édouard Dujardin sera intégré aux Poètes d’aujourd’hui en 1930.

42     L’article ne « passera » pas dans le numéro 998 de juin, qui sera le dernier avant le numéro « 999-1000 » daté de « juillet 1940-décembre 1946 ».

43     À propos de la lire italienne, ce qui sous-entend qu’Édouard Dujardin aurait pu être rétribué pour cet article.

44     En septembre 1940, quelques amis de la droite traditionnelle dont Louis Mandin ont fondé le groupe de résistance « La Vérité française », qui est également le titre de leur journal clandestin. Ce groupe s’est spécialisé dans l’exfiltration de prisonniers de guerre évadés. Très rapidement, en août 1941, ce groupe a été infiltré par le Belge Jacques Desoubrie (1922, fusillé en décembre 1949) qui appartenait à la police secrète allemande. Le 25 novembre plus de quatre-vingt personnes ont été arrêtées et certains fusillés. En septembre 1942 Louis Mandin et au moins trois autres de ses camarades seront déportés au camp de Sonnenburg, réservé aux prisonniers politiques. Louis Mandin y mourra le 28 juin 1943. Madame Mandin, arrêtée en même temps que son mari, déportée dans divers camps de concentration mourra à Bergen-Belsen en avril 1945. Voir le Mercure d’août 1953, page 760.

45     Louis Mandin est né à Paris dans le très curieuse rue de l’Hirondelle mais suite à la mort prématurée de son père, sa mère, née Marie-Thérèse Lassarre est rentrée dans sa famille creusoise, emmenant son fils avec elle.

46     Une page web sur Jean Saltas sera publiée ici le quinze août 2024.

47     L’affaire est compliquée comme un roman policier britannique et s’étale sur plusieurs siècles, mettant en cause la paternité de Shakespeare sur les œuvres qui lui sont attribuées et la maternité d’Elisabeth Ire sur Francis Bacon. Des chercheurs ont inventé, bien avant l’informatique une machine capable de mettre en évidence des analogies entre les styles d’écriture de Shakespeare avec celle de Francis Bacon, d’où les « signes cabalistiques » en question. Voir « Le Mystère Bacon-Shakespeare un document nouveau » page 289 du Mercure du premier septembre 1922.

48     Yves-Gérard Le Dantec (1898-1958), licencié ès lettres, en poste à la Direction des bibliothèques de France, puis à l’Institut pédagogique national. Poète et chroniqueur au Correspondant de 1931 à 1933. Yves-Gérard Le Dantec a fait paraître dans le Mercure du 15 décembre 1934 « Pierre Louÿs et la genèse du “Pervigilium mortis” ».

49     Lire, dans le site web « Les Amis de Robert Margerit » le texte de Roger Kenette : « Le creusois Louis Mandin, doyen des poètes assassinés ».

50     Fernand Gregh (1873-1960), poète, critique littéraire et historien, président de la société des Gens de lettres en 1949-1950, membre de l’Académie française en 1953, à 80 ans, après treize échecs.

51     L’entrée du 58 bis rue d’Assas et la plaque commémorative photographiée en avril 2010 (source : Wikipédia).

Cette plaque, encore visible de nos jours, porte comme inscription : « À Louis Mandin, poète de L’Aurore du soir et à Marie-Louise Mandin, sa femme, arrêtés par les Allemands le 25 novembre 1941, morts en déportation »

53     Peut-être le poète Paul Jamati (1890-1960), traducteur du chinois et spécialiste de l’œuvre de Walt Whitman.

54     Jacques Duron (1904-1974), agrégé de philosophie, agrégé et docteur ès lettres directeur des lettres au ministère des Affaires culturelles.

55     André Delacour (1882-1958), licencié ès lettres et en droit, poète, romancier, critique et journaliste, chef des informations de Radio-Paris en 1935.

56     Maurice Delort (1884-1964), docteur en médecine en 1918, chef du service de gastro-entérologie à l’hôpital Saint-Michel à Paris, directeur de la revue Les Archives hospitalières, secrétaire de rédaction du Journal de médecine de Paris, fondateur du cercle médical, littéraire et artistique « Les Parallèles », critique littéraire et dramatique. Maurice Delort a été membre du réseau de résistance « La vérité française », ensuite rattaché au réseau du musée de l’Homme (Gallica).

57     « La vérité française » est à la fois le nom du mouvement et le titre de son journal, fondés l’un et l’autre le premier septembre 1940 soit à peine plus de deux mois et demi après l’entrée des Allemands à Paris. Le directeur « politique » est Jehan de Launoy. Le rédacteur en chef est Julien Lafaye. Le fait que le directeur politique ait pris le nom clandestin de Jean Chouan dit bien les références qu’il retient : ce ne sont pas des Résistants communistes. De sa fondation à la capture du réseau, quatorze mois se sont écoulés et trente-deux numéros du journal paraîtront avec une périodicité aléatoire. La page Wikipédia donne de nombreux autres détails.

58     Corrigé de 1951.

59     Corrigé de « Terras hôtel ». Cet hôtel se trouvait 74-76 avenue de la Grande-Armée, tout proche de la Porte Maillot. L’immeuble existe encore e nos jours.

60     Corrigé de Sonnenbourg

61     Corrigé de Lünebourg