1908 1909 1911 1916 1923-1925 1926 1927 1928 1929 1931 1935 1937 Mes souvenirs du symbolisme Notes
Page mise en ligne le 30 avril 2024. Temps de lecture : 46 minutes
Cette page n’était pas prévue, dans un calendrier déjà bien rempli. Pas prévue et même non souhaitée car elle ne pouvait être autre chose qu’un formidable agglomérat de parti-pris, insultant pour cet homme à la vaste culture.
Mais est arrivé par la poste, comme un ovni, l’ouvrage d’André Fontainas Mes souvenirs du symbolisme, paru en 1928 (221 pages).
Ce livre, qui tombe parfois des mains sans qu’on s’en aperçoive, chargé de trop nombreuses virgules qui manquent parfois ailleurs, a tous les défauts du monde (c’est un pensum) mais une grande qualité, c’est aussi un témoignage. Réédité en 2000 on ne sait sous quelle forme, il n’en existait pourtant pas d’édition électronique indispensable à tout chercheur. La voici maintenant disponible au bas de cette page, telle quelle, sans note et pratiquement sans correction.
Une fois la semaine passée à établir cette édition, il restait à en faire quelque chose d’utile à tous. Il n’existe aucun site web dévolu à André Fontanas à qui l’offrir ; il y en a qui dorment. Publier cette édition à l’état brut dans un site réservé à Paul Léautaud avait peu de sens, sauf à établir les relations de Paul Léautaud et d’André Fontainas. Ça allait forcément vers un champ de mépris peu agréable à lire. Mais aussi vers un témoignage.
André Fontainas est né le cinq février 1865 à Bruxelles, sept ans avant Paul Léautaud. Docteur en droit parce que fils d’un avocat1, il a abandonné cette carrière à peine son diplôme obtenu. Dans ses Souvenirs du symbolisme il écrira en ouverture de son troisième chapitre : « Lorsque, après un séjour de cinq années à Bruxelles, ma ville natale, je revins à Paris, j’avais vingt-trois ans. »
« je revins à Paris ». Il y était donc demeuré une première fois suffisamment longtemps pour pouvoir écrire qu’il y était revenu. Avant ses vingt-cinq ans, André Fontainas a obtenu, par décret en date du 27 janvier 1890, la naturalisation française, à laquelle il fera toujours honneur. On le retrouve l’année suivante, en 1891, bibliothécaire à l’office de Travail, qui venait d’être créé au sein du ministère du Commerce. En 1895 il est receveur à l’octroi de Paris jusqu’à sa mise en retraite le premier avril 1925 à l’âge de soixante ans.
En 1891, André Fontainas a épousé Gabrielle (ou Léonie) Herold (1867-1891), sœur d’André-Ferdinand Herold2, José Maria de Heredia étant témoin. Léonie lui a donné quatre enfants dont une fille, et un fils mort-né en 1895, semble-t-il. Le divorce a été prononcé en mai 1914.
André Fontainas a ensuite épousé, en 1915 Marguerite Wallaert (secondes noces pour eux deux), qui lui a donné une fille, Anne.
Pour le remariage d’André Fontainas, qui ne nous occupe pas ici, voir le Journal littéraire au 29 janvier 1916.
Le premier texte d’André Fontainas dans le Mercure de France est le poème « Épilogue », paru dans le numéro d’avril 1892.

Fragment du premier poème d’André Fontainas dans le Mercure d’avril 1892, page 300 (reconstitution)
En décembre 1893 André Fontainas a écrit quelques textes dans la rubrique « Livres » du Mercure, avant d’être titulaire en décembre 1896 de la rubrique « Arts » puis d’assurer avec André-Ferdinand Herold à partir d’octobre 1908 la chronique du « Théâtre », dans laquelle il alternera avec Maurice Boissard jusqu’à l’été 1911.
André Fontainas a été le lien entre les poètes symbolistes belges et français et écrira dans le Mercure jusqu’à sa mort (658 textes d’avril 1892 à février 1949). Il fait partie des Poètes d’aujourd’hui et sa notice a été rédigée par Adolphe van Bever. On lira sa nécrologie dans le Mercure de février 1949, page 300. C’est aussi page 300 qu’était paru, 57 ans plus tôt, son premier poème.
La première fois qu’André Fontainas est cité par Paul Léautaud dans son Journal est à l’occasion du repas organisé chez Jouanne le quinze janvier 1897 à l’occasion du « bout de l’an » de Paul Verlaine. Dans ce restaurant du dix avenue de Clichy sont cités Stéphane Mallarmé, Pierre Quillard, Léon Dierx3, Georges Rodenbach, Rachilde, Fanny4, Léon Deschamps5, Alfred Vallette, Paul Valéry, Paul Fort, Jean de Tinan, Édouard Dujardin, Alexandre Natanson6, André-Ferdinand Herold, Francis Vielé-Griffin et, en dernier, André Fontainas. Pourquoi en dernier ? peut-être Paul Léautaud a-t-il en tête l’ordre des convives autour de la table ? Il faut bien commencer quelque part.
Parmi ces auteurs connus — indiqués ici par des liens revoyant à leur notice — nombreux sont ceux qui figureront, au début de l’été 1900 dans la première édition des Poètes d’aujourd’hui ou dans les suivantes. On peut noter enfin que c’est Paul Valéry qui est intervenu, en 1936 pour qu’André Fontainas soit reçu chevalier de la légion d’honneur.

Signatures d’André Fontainas et de Paul Valéry côte à côte sur le procès-verbal de réception de chevalier de la légion d’honneur daté du quinze octobre 1936
1908
Il faudra exactement neuf ans (et quinze jours) pour que, le quatre février 1908, André Fontainas soit de nouveau cité dans le Journal littéraire.
Au début de 1908, le Mercure envisage d’éditer des biographies « genre Sansot ». Paul Léautaud écrit parfois bibliographies, ce qui fait qu’on ne sait pas trop mais conservons tout de même biographies. Ainsi le quatre février :
Van Bever a reparlé ce matin à Vallette des Bibliographies. C’est une affaire définitivement entendue. Il les fera toutes, à raison de vingt francs chacune.
Maintenant, attendons les brochures. Il y a dès maintenant, un Régnier7, un Kipling, un Renard8 et un Jammes qui vont paraître l’un après l’autre très prochainement. Il est probable que nous ne manquerons pas de voir arriver des candidats biographes avec leur grand homme, comme certains morts-vivants du Mercure, les Fontainas, les Danville9, sollicitant d’être biographiés à leur tour. Vallette cédera-t-il à la carte forcée, ou saura-t-il faire rentrer ces prétentions ?
André Fontainas mort-vivant. Bon.
Le samedi deux mai, Ernest Gaubert10 « est venu flâner cette après-midi au Mercure. » Paul Léautaud donne souvent le féminin à après-midi comme c’était l’usage à l’époque.
Nous avons ensuite parlé des ratés de la littérature […] Morisse11 disait que le Symbolisme aura beaucoup de ratés, si même il n’a pas que des ratés, tant il estime qu’il n’a rien produit. Le fait est que Fontainas, Danville, Rambosson12, Eeckhoud13, Lemonnier14, Leconte15, Mithouard16, pour ne citer que des certitudes, sont des ratés. Que les autres, pour être sortis, n’ont pas beaucoup de relief. Encore me sens-je pris de scrupules après avoir écrit ces noms. Être un raté parce qu’on a peu écrit et que ce qui vous plaisait, ou avoir réussi avec les âneries d’un Marcel Prévost17 ? Je le répète. Nous n’avons pu nous mettre d’accord. Si, pourtant, sur un point. C’est qu’un type indiscutable du raté, c’est Bergerat18.
Vingt jours plus tard, le 23 mai 1908, François Coppée meurt. Le lendemain c’est la mise en bière, il sera inhumé le 26 dans des circonstances peu glorieuses, avec intervention de la ligue des patriotes, tout cela décrit en détail par Paul Léautaud. En attendant, nous sommes le 25 :
25 mai 1908
Ce matin, au Mercure, Vallette a parlé de faire un Coppée et nous avons cherché qui pourrait bien le faire. Un Coppée bienveillant, sans parti pris. Le Mercure a dit depuis longtemps à Coppée toutes ses vérités. Recommencer maintenant qu’il est mort serait doublement inutile. Nous n’avons trouvé personne. Régnier, il n’y a guère moyen, à cause de ses histoires académiques. Quillard, ce serait l’éreintement. Gourmont, encore plus. Il faut plutôt un poète. On y a donc à peu près renoncé. À un moment, Fontainas est arrivé. Vallette a eu l’idée de lui demander l’article. Heureusement, Fontainas s’est dérobé. Fontainas écrivant un article sur Coppée, le « démolissant », le malheureux ne se doute certainement pas que ce sont des vers comme les siens qui font aimer les vers de Coppée.
Vallette m’a demandé de lui faire tout de suite un Écho pour le prochain numéro. Devant son insistance, il m’a bien fallu dire oui. J’ai écrit cela tant bien que mal après déjeuner, en courant. J’ai terminé par le joli mot de la Répétition générale19.
Depuis octobre 1907, Maurice Boissard tient au Mercure la chronique dramatique. Si l’on examine par ordre chronologique la liste des différents auteurs de cette chronique, une fois les premières années passées où tout le monde touche un peu à tout, les choses se stabilisent vers 1893 où l’on rencontre plus régulièrement les noms de Gaston Danville, d’Henri Albert20 et d’André-Ferdinand Herold. À partir du printemps 1896 on ne trouve plus que les signatures d’André-Ferdinand Herold (majoritairement) et de Louis Dumur, une fois sur trois ou sur quatre. Puis Louis Dumur, surchargé de travail abandonne à l’été 1901. André-Ferdinand Herold reste quasiment seul jusqu’en juillet 1907 avant d’être remplacé en octobre par Maurice Boissard.
À peine un an plus tard, le vingt août 1908, voilà ce que nous lisons dans le Journal littéraire :
20 août 1908
J’avais prévenu Vallette, il y a quelques jours, de mon intention d’abandonner la Chronique dramatique, ayant besoin de mon hiver pour mes travaux personnels. Fontainas l’ayant demandée au départ d’Herold, Dumur a tenu qu’on lui dise mon départ et s’il voulait toujours faire les Théâtres. Ce n’est pas qu’on envisage avec gaieté les Chroniques de Fontainas. Grand Dieu, non ! Vallette lui a écrit aujourd’hui. Il est venu m’expliquer ceci. Fontainas est en ce moment chez Herold21. Il se peut très bien que son désir de s’occuper des Théâtres soit passé, qu’il décline l’offre de me succéder. Il se pourrait que Herold, pour rendre en quelque sorte service, dise que, si on n’a personne, il peut reprendre. Il ne faut absolument pas, absolument pas, que Herold reprenne la Chronique, ce sont les mots mêmes de Vallette. On lui dira que M. Maurice Boissard ne quitte que pour laisser la place promise ou presque à Fontainas. Que, dans ce cas, il ne quitte plus. Il faudrait alors que je me « dévoue » avec la faculté d’avoir un second, Dumur, par exemple, qui ferait très bien de temps en temps l’Intérim. La chose en est là. Nous verrons la réponse de Fontainas. Mon sentiment ? Je ne serais certes pas mécontent de garder la rubrique, complète, ou momentanément à moitié. Je voudrais bien aussi avoir toute la paix désirable pour me débarrasser de mon livre22. De toute façon, avec mon emploi toute la journée, mon incapacité à faire plusieurs choses en même temps, si j’ai la Chronique dramatique je ne pourrai guère faire autre chose. J’entends même quand je serai débarrassé de mon livre, le travail de rédaction n’étant pas tout. Il y a encore les soirées passées au théâtre.
Et le six octobre 1908 :
La première Chronique de Fontainas, dont nous avons eu les épreuves ce matin, est très bien. Un style clair, rien des grands mots ni des grandes et nuageuses phrases qu’il a ordinairement. Elle débute par un petit couplet sur M. Boissard, très sympathique et un peu embrouillé. À mon avis, ce n’est pas un mauvais système de changer de temps en temps les rédacteurs des rubriques. Cela doit intéresser les lecteurs, en les changeant, en leur fournissant des comparaisons.
Cette première chronique d’André Fontainas paraîtra dans le numéro du seize octobre, page 718. La première pièce chroniquée est Le Cœur et la dot, comédie en quatre actes, de Félicien Mallefille23, représentée à l’Odéon le 24 septembre. Ainsi qu’est l’usage, en ouverture de sa première chronique, André Fontainas évoque son prédécesseur :

C’est un régal, la représentation de cette comédie délicieusement surannée, Le Cœur et la Dot, que M. Antoine nous a donnée pour la réouverture de l’Odéon. M. Maurice Boissard s’est trop hâté de me passer son « fonds » ; il y aurait goûté, avec la volupté des souvenirs de sa jeunesse, une joie bien tranquille et bien pure. Peut-être se fût-il étonné que l’auteur, dont les jeunes hommes d’à présent ignoraient le nom, après avoir passé pour audacieux et subversif, ne donne plus aujourd’hui que l’impression d’avoir été un amuseur anodin et charmant. M. Boissard, dont les lecteurs du Mercure ont pendant une année trop courte apprécié avec moi l’indulgente sagesse, n’a pas toujours, j’en suis certain, connu le même calme, la même sérénité d’esprit. Il a eu ses passions, ses ardeurs, ses enthousiasmes et ses injustices, tout comme un autre. Qui sait s’il n’a pas subi, avec Mallefille, certaines avanies pour avoir affiché des opinions hardiment républicaines, en des temps périlleux ? Mais je l’ai tout juste vu une fois, — et non pas au fond d’un café, fût-il du Commerce, à Rouen, — le jour où, par devant un officier ministériel, nous échangeâmes nos signatures24.
Il paraît moins âgé qu’il n’affecte de l’être. Ce doit être un homme à l’âme frileuse, attaché à ses habitudes et à ses manies, qui considère la vie comme le meilleur des spectacles, à peine tragique et toujours un peu grotesque. Il s’est ainsi formé une sorte de commode philosophie, où il dorlote sa pensée comme on dorlote ses membres sous la chaleur ouatée de moelleuses couvertures. C’est un homme qui méprise les hommes, vit à l’écart, et préfère à leur société la société silencieuse des chats. S’il trouve en la chronique que j’entreprends à mon tour un ton d’engouement un peu vif ou de dénigrement qui insiste, je le vois d’ici, dans un mouvement d’humeur, après avoir, de pitié, longuement haussé les épaules, regretter sa retraite volontaire, qui ne lui permet plus de ramener à leur vraie valeur moyenne et conventionnelle les productions de notre théâtre25. Mais qu’il en soit assuré, avec la déférence qui lui est due, je lui rendrai alors la place sans hésiter.
André Fontainas rédigera 38 chroniques dramatiques jusqu’au numéro du seize août 1911, parfois remplacé par Ernest Gaubert ou André-Ferdinand Herold. Maurice Boissard les reprendra en avril 1911 jusqu’au premier janvier 1921 et sera à son tour remplacé au Mercure par Henri Béraud26.
Dix octobre 1908
Marius-Ary Leblond, lequel des deux, je n’en sais rien27, c’est celui qui a toujours l’air si sale, est venu ce matin au Mercure. Il a dû attendre un moment dans notre bureau. J’étais en train de parler avec Morisse et van Bever. […] Entendant le nom de Boissard], Leblond demande à Morisse : « Qui est-ce, ce M. Boissard ? » Morisse répond : « C’est un vieux monsieur, 67 ans… — Qu’est-ce qu’il a fait dans la vie, reprend Leblond. Ce n’est pas un littérateur ? — Non, continue Morisse. Il n’a jamais écrit. C’est un bonhomme genre Harduin28, un amateur, un reste du Second Empire. » Je me retenais de rire, le nez dans mes papiers. « Il détonnait plutôt dans le Mercure », reprit Leblond. Morisse remue la tête sans rien dire. « Aussi, nous avons dû nous séparer de lui, se met à dire van Bever. — Ah ! dit Leblond, très étonné. Et qui le remplace ? — M. Fontainas, répond Morisse. C’est plus dans la norme. — Oui », répond Leblond.
Leblond est ainsi parti convaincu qu’on a flanqué M. Boissard dehors, au grand amusement de nous tous, y compris Vallette et Dumur, à qui nous avons raconté cela ensuite.
1909
Trois novembre 1909
Fontainas a écrit à Vallette une lettre dans laquelle il lui fait part de ceci :
Il a rencontré hier boulevard Haussmann, Jules Renard, qui l’a remercié de son compte rendu de La Bigote29. « Cela m’a fait d’autant plus plaisir, lui a-t-il dit, que j’ai vu que vous êtes libre de dire ce que vous voulez. — Mais, naturellement, lui a répliqué Fontainas. On est toujours libre de dire ce qu’on veut au Mercure. — C’est qu’on n’y a pas été très gentil pour moi, a repris Renard. Il y a des méchants partout. Votre compte rendu efface bien des choses. »
De quoi Vallette déduit ceci : Renard, qui s’était étonné qu’on n’ait pas fait de pression sur Rachilde, à propos de son compte rendu de Ragotte, pour lui éviter cette chose désagréable30, s’est également étonné qu’on n’ait pas fait de pression sur Fontainas pour lui faire écrire du mal de La Bigote. Si cette déduction est juste, c’est de la part de Renard bien mal connaître Vallette, l’homme le plus attaché à laisser sa liberté à tout le monde.
Sept novembre 1909
Fontainas m’a demandé, il y a quelques jours, de faire l’intérim, pour une quinzaine, de sa chronique dramatique. Commencé ce soir, avec l’Athénée : Page blanche31.

1911
Laissons passer un peu plus de deux ans pour arriver au…
Dix mars 1911
Je vais probablement reprendre au Mercure la Chronique dramatique. Herold est venu tantôt dire à Vallette que Fontainas est malade : crise de foie, rhumatismes, hydarthrose, et qu’il ne pourra peut-être pas continuer. Comme lui, Herold, a déjà fait ces derniers temps, la Chronique à la place de Fontainas en voyage32, il s’offrait à continuer. Vallette lui a fait observer qu’il y a Maurice Boissard, à qui la Chronique appartient un peu et qui, sans doute, serait peut-être prêt à la reprendre. Il est venu me le demander. J’ai dit oui, et à moins que Fontainas ne recouvre soudain la santé, c’est chose faite33. Détail amusant. Sitôt mon acceptation, Herold s’est mis à dire : « Fontainas va peut-être aller mieux, et alors… » Entendant cela, je me suis levé, et passant dans le bureau de Vallette : « Dites donc, ai-je dit, j’espère bien qu’il ne va pas se rétablir, maintenant ! » On a ri, Herold pas tout à fait mais Vallette, Gide34, et Morisse, et Vallette a dit : « Vous voyez, voilà déjà Monsieur Boissard qui réapparaît. »
Il y aura probablement une première la semaine prochaine au Vaudeville, Le Tribun, de Bourget35. Vallette m’a dit que Herold l’informerait de l’état de Fontainas. S’il est toujours malade, je commencerai, et finirai la saison. J’espère bien garder la Chronique, comme c’est mon droit. Il n’y aura qu’une question : le moyen de faire cela tout en continuant à travailler à mon livre. Toute chose qui ne dépend que de moi.
Vallette a dit : « Nous allons recommencer à recevoir des lettres pour Monsieur Boissard, car on vous écrivait souvent, Morisse va recommencer à crier parce qu’il n’aura pas sa copie à temps… — Et mon livre va encore se trouver en plan », ai-je ajouté.
Samedi 11 Mars
J’ai fait erreur hier à propos de la Chronique dramatique. Herold ne s’est nullement offert à remplacer Fontainas. Il a dit au contraire que devant quitter Paris dans quelque temps, il s’en trouvait empêché. Il venait uniquement avertir Vallette, lui demander s’il avait quelqu’un. Peut-être avait-il un candidat à proposer, puisque, de lui-même, il ne parlait pas de moi. C’est alors que Vallette a dit qu’il n’y avait pas à chercher, que Monsieur Boissard était là.
Il paraît que Fontainas est assez sérieusement malade. Coliques hépatiques. Il a été deux jours sans pouvoir uriner. Hier, il allait mieux. Herold l’a dit aujourd’hui à Vallette, tout en lui confirmant, Vallette lui demandant, devant ce mieux, ce qu’on devait faire, qu’il ne pourrait pas s’occuper de sa Chronique. J’ai dit de mon côté à Vallette ceci : « Pour la raison suivante, si je veux garder la Chronique, qui m’appartient, le pourrai-je, ou Fontainas sera-t-il en droit de la reprendre ? » Vallette m’a dit : « Vous n’aurez qu’à dire à Fontainas que vous continuez. Étant donnée la façon qu’il la faisait, il est probable qu’il a dit tout ce qu’il avait à dire. »
Je commence demain soir avec le Théâtre Réjane : L’Oiseau bleu36, de Maeterlinck. Fontainas n’a pu y aller le jour du service de seconde. Il en avait informé Maeterlinck, lui demandant d’autres places, pensant être rétabli. C’est moi qui en hérite.
Le 31 mai 1911, Paul Léautaud écrit à André Fontainas. On peut remarquer que ces gens qui se connaissent depuis des années se voussoient encore. On peut penser à la réflexion d’Alfred Vallette relevée par Paul Léautaud dans son Journal au 27 août 1908 :
On nous a traités de Cénacle ! Il n’y a jamais eu aucune intimité entre nous tous. Nous ne savons rien les uns des autres. Dumur, je le connais depuis 25 ans. Je ne sais rien de sa vie, de sa famille, de ce qu’il possède ou ne possède pas, s’il a une maîtresse ou non. Je ne sais pas si j’ai jamais parlé de ma vie et de mes affaires à quelqu’un, comme je viens de le faire avec vous.
À André Fontainas
Paris le 31 mai 1911
Cher Monsieur,
Je voulais déjà vous écrire quand vous avez demandé l’autre jour à van Bever de vous envoyer les volumes de votre case37. La chronique que nous avons reçue de vous hier est venue me le rappeler38.
Vous savez que c’est absolument de ma propre volonté que j’ai quitté la chronique dramatique en 1908. Quand vous l’avez prise alors, vous avez bien voulu me dire que vous me la rendriez très volontiers le jour où j’en manifesterais le désir. Si je me souviens bien, d’ailleurs, vous la preniez pour un an. J’avais à travailler. Cette année-là passée, je reprendrais ma place. Je n’ai pas voulu la reprendre de moi-même. Vous aviez la chronique. C’était bien ainsi. Je me disais : le jour où l’occasion se présentera, je verrai. Or, cette occasion s’est présentée, avec les circonstances qui vous ont obligé d’interrompre, et à vous parler franc, puisque je me trouve avoir repris la chronique, je ne vois pas pourquoi je ne la garderais pas. Notez que ce n’est même pas moi qui ai demandé à la reprendre, à l’annonce de votre interruption. C’est Vallette qui est venu me l’offrir. Mon seul acte a consisté à dire : oui.
En cet état, c’est donc moi puisqu’on a joint les 2 rubriques, qui dois prendre en charge la corvée de parler du théâtre public39 et c’est ce qui explique que van Bever ne vous a rien envoyé en volumes de cette matière. Toutefois, la chronique que vous avez faite ne sera pas perdue. Elle passera à la première occasion.
Cela nous a fait plaisir à tous de vous savoir en meilleure santé, sorti tout au moins de l’immobilité et de la douleur aiguë et nous vous disons tous bonjour fort cordialement.
P. Léautaud
Quelques années passent encore sans que le nom d’André Fontainas soit écrit dans le Journal de Paul Léautaud. En mai 1915, André Fontainas a divorcé de Gabrielle, la sœur d’André-Ferdinand Herold pour épouser Marguerite Wallaert, dont on ne sait pas grand-chose sinon qu’elle est divorcée elle aussi.
Nous voilà en 1916.
1916
Samedi 29 Janvier 1916
Une lettre était arrivée ce matin au Mercure pour Madame Fontainas (l’ancienne). Vallette me dit en riant : « Ne vous trompez pas. Ne l’envoyez pas à la nouvelle. » La conversation part de là sur le nouveau ménage de Fontainas, remarié depuis peu, remariage que Vallette qualifie de singulière opération, à cause des besoins d’argent que Fontainas semble montrer depuis peu, alors qu’on lui connaît depuis longtemps une assez belle situation dans l’administration de l’octroi. Dumur, qui assistait à la conversation avec Morisse, rappelait qu’un des griefs de Fontainas pour divorcer d’avec sa femme, la sœur d’Herold, était « qu’elle lui coupait l’inspiration » et encore « “qu’elle baillait” quand il lui lisait du Mallarmé ». Entre nous, pour ce dernier grief, nous pensons qu’il faut remplacer Mallarmé par Fontainas lui-même. C’est quand il lisait quelque chose de lui à sa femme que celle-ci baillait et il y avait de quoi, même s’endormir et ronfler. Vallette disait que si Madame Fontainas (toujours la sœur d’Herold) n’a jamais été bien séduisante, grosse, courte, figure épaisse, douée au surplus d’un pied bot, elle ne lui a jamais dit que des choses sensées sur leur séparation. Comme celle-ci, par exemple : « J’aurais compris qu’il me quitte après cinq ans de ménage. Mais au bout de vingt ans, des gens comme nous ayant de grands enfants ! ». Vallette ajoutait que le mariage de Fontainas pouvait assez passer pour avoir été un simple calcul. Arrivé de Belgique à Paris sans rien, il avait connu la famille Herold. C’est par le père Herold, ancien préfet de la Seine, qu’il était entré dans l’administration. Ensuite, il avait épousé la fille, nantie d’une assez belle dot. Ce n’est pas après vingt ans de ménage qu’on s’aperçoit qu’une femme comme la sienne n’a rien de séduisant, est infirme, etc…, etc… Je le rappelais alors à Vallette ce qu’on m’avait dit que tout le monde, dans la famille Herold, a pris, dans cette circonstance, le parti de Fontainas. Vallette me l’a confirmé. Jusqu’à la vieille mère Hérold, morte aujourd’hui, qui s’était mise contre sa fille. Morisse a dit alors qu’il devait y avoir eu dans tout cela l’action de la femme de Ferdinand Hérold, qui détestait sa belle-sœur.
Sept années passent encore.
1923-1925
Cinq mars 1923
Il y aura dans le prochain Mercure un long article de Fontainas sur Banville40. Fontainas écrivant sur Banville ! C’est un monde. Ce malheureux qui écrit en charabia et qui s’y applique, ce poète nuageux et pesant s’occuper d’un poète qui fut toute légèreté, toute clarté, presque la clownerie de la poésie ! Je disais ce matin à Vallette et à Dumur combien la chose est drôle. Ils étaient bien tous les deux de mon avis. Je dis : « Fontainas a de la chance de pouvoir écrire cet article dans le Mercure. On ne le lui prendrait nulle part ailleurs. » Vallette a répondu : « Oh ! certainement ! Nulle part ailleurs. Voilà ce que c’est que les vieilles camaraderies. Elles coûtent cher, quelquefois. Heureusement qu’il y a, après son article, les lettres de Glatigny41. Elles rachètent. On ne lira pas son article, mais on lira les lettres de Glatigny. » Vallette a parlé à ce propos des gens qui ne peuvent arriver à s’améliorer, à se corriger, à se clarifier. « Pour Fontainas, c’est comme ça qu’on doit écrire. Pas autrement. Il doit trouver que tous les autres écrivent platement. » Il riait bien en disant cela. Il montrait l’exemple contraire de Gourmont, arrivé à tant de simplicité et de clarté après avoir aussi écrit d’un style si tarabiscoté à ses débuts.
Dumur a dit là-dessus qu’il y a longtemps que l’article de Fontainas était là. Dès qu’il a été question du centenaire de Banville, il a retenu l’article pour lui, et il l’a donné tout de suite, il l’a écrit très vite. C’est le comble, écrire très vite un pareil galimatias. À d’autres, à moi, par exemple, il faudrait des mois. Ce pauvre Fontainas, lui, écrit cela le plus naturellement du monde. Cela, chez lui, coule de source. Heureux homme !
L’année 1924 du Journal de Paul Léautaud commence par quelques « Âneries », sans date. Il s’agit de réflexions sur des faits ou des citations parfois stupides, parfois pas. Parmi elles :
Il y a dans le numéro de janvier de la Nouvelle Revue française un chapitre de souvenirs d’André Gide. Portraits d’Herold, Fontainas, Mockel, extrêmement réussis, vrais et amusants42.
Trois décembre 1925
Ce soir, à 6 heures, Vallette, Fontainas et Dumur au comité de lecture. J’arrive. Je dis à Fontainas : « Si vous le permettez, j’ai des vers à vous soumettre, qu’on m’a envoyés. Je ne connais pas du tout l’auteur, mais pouvez-vous vous faire une opinion à l’audition ? Je vous dis cela, parce que ce poème est sans aucune ponctuation et que, si vous le lisiez, votre première impression en peut être défavorable. Alors, si vous voulez bien, je vous le lirai. Maintenant, si vous tenez à lire vous-même… » Vallette dit : « Mais non, lisez. » Et s’adressant à Fontainas : « Méfiez-vous. Si Léautaud lit… Méfiez-vous de la sirène… » Je me mets donc à lire le poème en question, intitulé : Adieu. La lecture terminée, je dis à Fontainas « Qu’en pensez-vous ? — Mais je trouve cela très beau », me dit-il. Vallette dit à son tour : « Vous l’avez d’ailleurs lu d’une façon merveilleuse. On ne peut pas mieux lire des vers. Vous savez lire les vers comme on voit rarement. » Je donne le poème à Fontainas, qui le relit silencieusement. Il garde son opinion : très beau, très particulier. Vallette, de son côté, partage cet avis. Il me demande l’adresse de l’auteur, pour la mettre après la signature, pour l’envoi des épreuves, je pense. Je dis alors : « Alors, on le prend pour le Mercure ? » Vallette me répond : « Mais certainement43. » Je montre alors à Fontainas les autres choses qui accompagnent ce poème. Il est de mon avis : sans intérêt. Vallette dit, en parlant de l’auteur : « Il ne fera peut-être jamais que ce poème. Il y a des gens comme cela. Ils font une chose bien dans toute leur vie, une seule. Le reste ne vaut rien. » Je dis que je vais alors répondre à l’auteur : « Dans tout votre envoi, il n’y a de bien que votre poème : Adieu. Le reste illisible. J’ai le plaisir de vous annoncer que le Mercure le publiera. » Il a été seulement décidé que, pour les lecteurs, on mettra la ponctuation.
En partant, j’ai dit à Fontainas : « Je vous remercie de votre attention. » Vallette m’a dit alors : « Et nous vous remercions, nous, de votre lecture, de votre merveilleuse diction. On peut dire désormais, pour savoir dire les vers : Moreno44 et Léautaud. » Je suis parti enchanté, autant pour la nouvelle à donner à l’auteur, à qui je l’écrirai dès demain, que pour mon petit succès personnel. […]
Quand Fontainas m’eut dit, après ma lecture, qu’il trouvait ce poème très beau, je lui ai dit : « C’est aussi mon avis. Je le trouve aussi très beau. Eh ! bien, quelqu’un à qui je l’ai montré, n’a pas été de cet avis. (Je n’ai pas nommé Montfort45.) Cela m’a rendu perplexe sur mon jugement, mais ce matin, je me suis rappelé l’histoire du poème d’Apollinaire. La Chanson du Mal-aimé n’a pas cessé d’être considérée comme un très beau poème46. Je sais donc fort bien ce que c’est que de beaux vers. Je suis enchanté de voir que vous êtes de mon avis pour celui-ci. »
J’aurais pu répondre aux compliments de Vallette et de Fontainas, qui a trouvé aussi que j’avais lu fort bien les vers en question, ceci : le secret de mon savoir à lire les vers (qui en valent la peine) vient uniquement de la grande sensibilité que j’ai gardée.
Nous voici en 1926 et Paul Léautaud est en passe de se faire expulser de son pavillon de Fontenay par sa propriétaire. C’est dans ce cadre qu’intervient l’affaire peu glorieuse mais inévitable de la vente des lettres qu’il détient de Paul Valéry.
À la fin de l’année dernière, le 19 novembre, Paul Valéry a été élu à l’Académie française et ses lettres autographes ont pris une valeur soudaine. Cette valeur — c’est toujours le cas — va retomber après quelques mois. En clair, c’est le moment de vendre. Paul Léautaud a une proposition ferme du libraire Robert Télin47, qui a un acheteur. Il hésite, comme toujours mais il hésite ici davantage encore car il a bien conscience de la médiocrité de son action. Il souhaite surtout s’assurer du secret de cette vente, ce qui est bien entendu illusoire. Illusoire parce que l’acheteur de Robert Télin est Julien-Pierre Monod (1879-1963), banquier. Indépendamment d’être le grand-père de Jean-Luc Godard qui va naître en décembre 1930, Julien Monod est un admirateur et un proche de Paul Valéry. Il collectionne tout ce qui le concerne et va jusqu’à le soutenir financièrement. Donc vendre des lettres de Paul Valéry à Jullien Monod correspond à informer Paul Valéry dans les 24 heures. Il ne faut jamais faire confiance aux banquiers. Voir également Les Nouvelles littéraires du 6 aout 1927, en une : « Le musée Valéry ».
Un autre, avant Paul Léautaud, a hésité moins longtemps, c’est André Fontainas.
1926
Sept juin 1926
Ce matin, visite de Télin. Encore rien de fait pour mon affaire des Valéry. L’amateur a demandé à réfléchir jusqu’à vendredi. Accordé naturellement. Télin lui a dit que s’il n’achète, pas, tout rentrera chez moi. Je ne vendrai pas dans d’autres conditions, je veux dire pour que ces papiers passent de libraire en libraire, pour arriver à l’Hôtel des ventes.
Télin me raconte mille choses sur toute cette spéculation qui se fait sur les écrits de toute sorte de Valéry. L’autre jour, il avait prononcé, chez lui, le nom de Fontainas. C’est bien Fontainas qui est l’homme dont m’a parlé Valéry avec écœurement, qui a vendu les lettres que Valéry lui avait écrites à l’occasion de son mariage. Fontainas les a vendues, par l’intermédiaire d’un nommé Gonon, au libraire Lang pour la somme de 10 000 francs. Télin me disait que lorsque Valéry a appris cela, il en a été malade.
Ce qui n’empêchera pas Paul Léautaud, aux abois et toujours inquiet de son avenir, d’en faire autant.
Voici une date introuvable dans l’édition papier du Journal littéraire. Elle provient du tapuscrit de Grenoble, relevé par Bertrand Vignon :
Deux décembre 1926
Dumur me parle des Mémoires de Fontainas, dont celui-ci a apporté un premier cahier : « Il est à la retraite. Il va faire comme Raynaud48 : écrire, écrire… »
Nous parlons des boulets que traîne le Mercure. Je lui demande ce qu’il va faire. « Je ne sais pas… ». Je lui demande ce qu’en dit Vallette. Réponse : Il ne le sait pas encore.
Émile Henriot49, Jules Bertaut50, J. Boulenger51, Bersaucourt52.
Et voici une autre date introuvable dans l’édition papier du Journal littéraire, provenant elle aussi du tapuscrit de Grenoble :
Quatre décembre 1926
Midi, rencontre Fagus : « Le Mercure de France est une revue de premier ordre… M. de Gourmont, et M. de Fontainas sont des esprits supérieurs ».
Fagus avait peut-être pris un peu d’avance sur ses libations quotidiennes.
1927
Le 19 juin 1927, Paul Léautaud a fini par conclure la vente des lettres de Paul Valéry à Robert Télin. Il aura mis un an à se décider et va en parler longtemps encore, comme ce…
Cinq août 1927
Je me demande toujours s’il [Valéry] sait que j’ai vendu, sauf trois, je crois, le lot de lettres que j’avais de lui ? Télin m’a bien assuré que le secret était garanti et c’est sûrement ce M. Monod qui a été l’acquéreur, mais sait-on jamais ? En tout cas, rien ne paraît chez Valéry et je crois qu’il ne se gênerait pas, que même il ne se serait pas gêné pour m’en parler, quand il m’a parlé des lettres vendues par Fontainas, qu’il ne m’a pas nommé, me disant seulement : quelqu’un que vous connaissez.
En fait Paul Valéry sait (voir le Journal littéraire au 17 janvier 1928) et, comme tous les grands, ne dit rien.
1928
L’Affaire de Mes souvenirs du symbolisme
Plus d’une année passe. Nous voilà au
19 novembre 1928
Fontainas publie un volume, aux éditions de la Nouvelle Revue critique : Mes souvenirs du Symbolisme. Dans l’exemplaire arrivé pour Vallette, dans l’envoi, ces mots : à qui ces souvenirs n’ont pas plu, et l’indication de la page 63. À cette page, tout un paragraphe amer, sur la trop grande prudence de Vallette, actuellement, qui non seulement ne s’intéresse pas aux nouveaux venus mais refuse même d’accueillir les anciens de la maison, qui se trouvent, de ce fait, sans éditeur.

Parlé ce soir avec Vallette de ce passage. Il me dit : « C’est peut-être vrai pour les jeunes. Je manque peut-être de clairvoyance. Je ne suis peut-être plus à la hauteur. Il se peut que j’aie baissé. Je suis peut-être devenu idiot, c’est possible. Je ne vois pas tous les talents qu’il y a. Mais pour les anciens du Mercure, comme dit Fontainas, c’est bien simple. Si nous avions publié et si nous publiions aujourd’hui des volumes comme ceux de Fontainas, où cela nous mènerait-il ? qu’est-ce que nous serions devenus ? La réponse n’est pas douteuse. » Puis, poursuivant « Il y en a un, des anciens, que nous avons accueilli, à qui nous avons donné une place, c’est Vielé-Griffin, avec les volumes de la Bibliothèque choisie. Et ce n’est pas parce que ces volumes sont de vente. Au contraire. Si je l’ai fait, c’est que j’ai trouvé que Griffin n’a pas dans le public la place qu’il mérite… » J’interromps : « C’est une réparation… » Il me dit : « C’est cela. Vous voyez : vous avez le même sentiment que moi. C’est parce que Griffin n’est pas connu comme il mériterait de l’être. Voilà pourquoi j’ai fait ces volumes. — Vous avez tout à fait bien fait. »
Il me montre un passage dans lequel Fontainas s’est fichu complètement dedans. Fontainas confond le moment de la fondation de la Société anonyme du Mercure, le moment de la publication d’Aphrodite et le moment où le Mercure eut quelques difficultés d’argent. Il place la publication d’Aphrodite en 1894, alors qu’elle est en 1896, et place la fondation de la société anonyme après Aphrodite, alors qu’elle est deux années avant. Comme dit Vallette « Et il était de la maison. Il a assisté à tout cela. Il y a même pris part. Il pouvait consulter nos documents. Alors ? »

Fragment de la page 66
Il rétablit alors les faits : fondation de la société anonyme du Mercure : 1894. Le Mercure avait si peu besoin d’argent, que les parts établies en apport moral et en apport d’argent, celui-ci se montant à 14 000 francs, ces 14 000 francs furent stipulés payables en trois années.
En 1896, publication d’Aphrodite. Le Mercure lancé comme maison d’édition. Nécessité de profiter de la circonstance. Manque de l’argent nécessaire comme fonds de roulement. Vallette a alors recours à un système d’emprunts, remboursables à la première demande. Il vit ainsi pendant quelques années. En 1901, augmentation du capital et création d’une nouvelle série d’actions. Succès de Claudine53. Départ rue de Condé. Expression même de Vallette : Augmentation de capital, justement pour boucher les emprunts.
Fontainas confond et mélange tout.
Puis, le lendemain vingt novembre :
Vallette me dit qu’il va répondre à Fontainas, dans le Mercure, touchant les points inexacts de son livre quant à certaines dates des affaires du Mercure.
On trouvera cette réponse dans le Mercure du quinze décembre 1928 pages 706-708 dans la rubrique des « Notes et documents littéraires » sous le titre « Le Mercure au temps d’Aphrodite »

Bas de la page 706 et début de la page 707 du Mercure du quinze décembre 1928
L’affaire ne s’arrête pas là. Quelques jours plus tard Alfred Vallette poursuit :
22 Novembre 1928
Vallette m’a reparlé tantôt du volume de Souvenirs de Fontainas, pour me dire qu’il n’est pas même bien écrit, me montrant à l’appui de son dire des phrases dans lesquelles deux fois le même mot, étonné de cela de la part de Fontainas, et d’autant plus que ces répétitions étaient facilement évitables.
Il me dit que Fontainas ne va sans doute pas être content de sa réplique, à lui, Vallette, mais que cependant il ne pouvait pas laisser passer des erreurs de faits aussi grosses.
Je lui demande s’il pense que la Nouvelle Revue critique a fait les frais de ce volume. Il me répond que certainement. Il me dit que le Mercure aurait très bien publié ce volume, intéressant pour la maison, et écrit, somme toute, par quelqu’un comme Fontainas, assez qualifié pour cela. Je lui rappelle alors les mots d’envoi sur son exemplaire : « Alfred Vallette, à qui ces souvenirs n’ont pas plu. » — Cela ne veut donc pas dire qu’on a refusé le volume à Fontainas ? Cela ne veut pas dire cela, en effet. C’est simplement allusion au refus qui a été fait à Fontainas du chapitre de ce volume, dans lequel justement il dit que le Mercure non seulement n’accueille pas les jeunes, mais même se désintéresse des anciens de la maison. On voulait bien lui publier ce chapitre, mais sans ce morceau, ce qu’il n’a pas accepté.
Vallette me dit : « Fontainas voudrait que nous lui publiions ses volumes de vers. Il nous avait apporté un volume de vers après la guerre. Eh ! bien non. Nous ne pouvons tout de même pas prendre des volumes qu’il faut aujourd’hui tirer à 4 ou 5 000, pour les garder là. Ce n’est même pas encore là l’unique raison. Il s’agirait de quelque chose de remarquable, d’un réel talent, mais qui ne doit pas se vendre… Ce serait autre chose. On pourrait le faire. Tout éditeur est prêt à faire cela. Mais Fontainas ?… Voyons ! Voyons ! — Fontaines trouve peut-être qu’étant de la maison, ces raisons-là ne devraient pas exister pour lui, qu’on devrait l’éditer quand même. — Eh ! bien, il se trompe. Il se trompe du tout au tout. — Fontainas doit avoir une grande amertume. Il avait peut-être compté sur beaucoup. On part avec d’autres. Trois ou quatre arrivent. On reste en route, ignoré. Ce ne doit pas être gai. Non, non, ce ne doit pas être gai avoir compté sur beaucoup, et se trouver devant rien. Il vaut vraiment mieux n’avoir compté sur rien, et se trouver un jour devant un petit quelque chose. — Certainement. Cela vaut mieux. »
Il a bien dû penser que je parlais un peu de moi, en disant cela.
Il m’a dit alors : « Il y a un cas que je trouve autrement triste que celui de Fontainas. C’est celui de Demolder54, par exemple. Demolder avait écrit de très beaux livres : La route d’Émeraude, Le Jardinier de la Pompadour. Il voulait écrire un livre sur le Directoire. Il avait mis deux ans à se documenter. Et vous savez, sérieusement. Demolder ne faisait pas les choses à la légère. Il fallait que ce fût parfait. Tout à coup, malade, presque gâteux. Il se remet à peu près, mais si diminué, qu’il ne pouvait plus écrire que de toutes petites choses, vingt lignes, trente lignes. Plus, cela flanchait, la tête n’y était plus. Et le pire, c’est qu’il s’en rendait compte. Il savait que c’était fini. Plus moyen d’écrire un livre, ce livre en vue duquel il avait tant travaillé. Alors, de temps en temps, il relisait son cahier de notes. Voilà ce que je trouve vraiment triste : un homme de talent, devenu incapable d’écrire, et s’en rendant parfaitement compte. »
[…]
À propos du reproche Fontainas à Vallette de ne pas s’intéresser aux nouveaux venus, aux gens du « dehors », Vallette m’a redit ce qu’il m’a dit un jour à propos de Porché. « Avec ça que ça nous a toujours réussi, d’accueillir les gens du dehors. Voyez Porché ! Je me rappelle toujours ce que j’ai dit à Quillard quand il me l’a amené : Vous le voulez ? Bien. Nous allons le prendre. Mais vous verrez. Et en effet, nous avons vu. »
1929
Vingt août 1929
La librairie Hachette fait paraître depuis un an ou deux un répertoire mensuel de librairie Tous les livres. Elle y a fait paraître, ces derniers mois, dans chaque numéro, une sorte d’historique des principales maisons d’édition, accompagné de documents photographiques. Le numéro qui vient de paraître, 15 août, contient l’historique du Mercure comme maison d’édition. Portraits de Vallette, de Verhaeren, de Dumur, de Régnier, de Rachilde, et de Fontainas. Et pas un Fontainas d’autrefois ! Un Fontainas d’aujourd’hui. Je disais ce matin à Dumur, fort étonné lui-même de trouver Fontainas dans cette affaire : « Présenter Fontainas comme une “étoile” du Mercure !… » Nous en avons bien ri tous les deux.
Vingt-sept août 1929
Vallette rentré de vacances ce matin. Il a trouvé le numéro de la publication Hachette Tous les livres contenant l’historique du Mercure. Dumur lui demande comment il se fait que la photographie de Fontainas s’y trouve, si c’est lui, Vallette, qui l’a donnée. Vallette répond : « Pas du tout. Je suis même étonné de la voir là. » Mais il ajoute ceci : « Je crois que Fontainas connaît l’homme qui s’occupe chez Hachette de cette publication. C’est un ami à lui. C’est cet homme qui a dû lui demander sa photographie. » Il a encore ajouté : « Ce qu’il y a d’embêtant c’est que j’avais demandé sa photographie à Duhamel exprès pour ce numéro et qu’ils ne l’ont pas mise. Ils l’ont remplacé par Fontainas. C’est tout à fait gênant à l’égard de Duhamel. »
1931
Douze février 1931

Dans le Mercure du 15, un article de Fontainas : Le vrai visage de Bourdelle55. Déjà, dans le titre, ce ridicule du mot visage qu’on voit maintenant employer partout, à propos de bottes, de la façon la plus niaise. L’article à pleurer de pitié. Un homme de cinquante ans passés56, qui en est encore à écrire ainsi ? C’est de la sottise, je n’effacerai pas le mot. Car c’est de la prétention, de la recherche, et les deux indiquent le sot. En 7 lignes prises au hasard, j’ai compté seize adjectifs.
Treize Février 1931
Parlé ce matin à Dumur de l’article de Fontainas. Il m’a dit : « C’est lamentable, je le sais bien. Que voulez-vous. On ne peut pas lui refuser un article. Personne n’en voudrait ailleurs. Ce sont les corvées de la maison. Est-ce que vous lisez quelquefois ses chroniques de Poèmes ? C’est bien autre chose. Il y a des fois qu’on n’y comprend absolument rien. On est forcé d’arranger un peu pour le lecteur. Il va y avoir bien pis. Un roman d’Herold. C’est au-dessous de tout. Nous allons le publier. Nous sommes bien forcés. C’est une pilule à avaler, et pour le lecteur aussi57. »
Quatorze février 1931
Et ce quatorze février Paul Léautaud insiste, jusqu’à coller des fragments des pages du Mercure dans le manuscrit de son Journal :
Je ne résiste pas au plaisir de coller ici quelques passages de l’article de Fontainas sur Bourdelle. C’est peut-être tout ce qu’on lira un jour de ce malheureux. C’est à lui que j’ai pensé, dans l’article sur Gourmont, en parlant des vieux écrivains symbolistes qui continuent à écrire comme au temps de leur jeunesse, n’ayant rien appris58. On arrive à la haine quand on voit des gens écrire de cette façon, un galimatias aussi bête, qui révèle aussi une prétention sans borne. C’est d’autre part une excellente leçon pour soi-même, contre le bavardage et les niaiseries du style. On peut le poser comme une règle générale : il n’y a pas de phrase dans laquelle sur vingt mots on n’en puisse supprimer cinq. Et en disant cinq, je suis modeste.
Voici les passages de Fontainas. C’est au reste tout l’article qui mériterait d’être retenu59.
22 Décembre 1931
Ce pauvre Raynaud, et ce pauvre Fontainas, ont eu l’idée de se faire donner un prix par la Société des Gens de lettres. Ils l’ont tout au moins accepté, car on a dû les pressentir. Et un prix de 3 000 francs. C’est pitoyable. À leur âge, jouer ainsi au bon élève récompensé. Fontainas, fonctionnaire de l’Octroi, retraité, et certainement une assez bonne retraite. Il avait, comme on dit, la Porte de la Chapelle. Une porte importante. Donc, de bons appointements. Donc, une retraite en conséquence. Raynaud, commissaire de police en retraite, une bonne retraite lui aussi, certainement, de plus propriétaire à Paris. C’est à les plaindre de se prêter à ce rôle.
Je suis monté en parler à Vallette qui n’a guère abondé dans mes sarcasmes. Fontainas n’est pas si à son aise, m’a-t-il dit. Raynaud, lui, c’est autre chose, en effet. Il n’a besoin de rien. J’ai quand même maintenu mon appréciation : se mettre dans cette posture pour 3 000 francs, c’est pitoyable. Je comprends, un écrivain, de talent, arrivé à la fin de sa carrière, qui ne s’est pas enrichi, à qui on donne un prix de 30 ou 40 000 francs et qui accepte. Cela peut aller. Mais 3 000 frs et à des gens qui ne sont pas dans le besoin !
1935
23 janvier 1935
Donc (note 58), le premier octobre paraîtra un numéro spécial du Mercure de France en hommage à Remy de Gourmont. Soit la parution était prévue au printemps, soit l’équipe du Mercure s’y est pris vraiment à l’avance mais on en parle depuis au moins ce janvier :
Je l’ai noté que, quand j’ai décidé avec Vallette de préparer les éléments de mon Journal Gourmont, j’ai remis, avec son consentement, à Bernard60, pour être envoyé à l’imprimerie pour le publier dans le Mercure, tout le morceau de mon Journal sur la Mort de Coppée61. Quinze jours après, pas encore d’épreuves. Je demande à Bernard, lui disant que je ne voudrais pas que mes feuillets soient perdus. Il me dit : « N’ayez aucune crainte. On a dit à l’imprimerie de ne pas se presser, la publication n’ayant rien d’urgent. » Une quinzaine se passe encore. Toujours pas d’épreuves. Ce matin, Bernard se trouvant avec moi devant Vallette, je lui demande de nouveau ce qu’on fait de cette partie de mon Journal, dont je n’ai toujours pas d’épreuves. Il me dit alors : « Il y a quelque chose qui ne va pas. On était gêné pour vous en parler. Le passage sur Fontainas… » Je me récrie : « Comment ! Mais je suis un homme à qui on peut tout dire. Le passage sur Fontainas ? Mais certainement. Je n’ai jamais pensé à le laisser. Il était bien décidé dans mon esprit de le supprimer. Je n’ai pas voulu simplement faire des ratures sur mes cahiers. Mais je le supprimerai sur les épreuves62. Je ne voudrais à aucun prix contrister Fontainas. J’ai acquis les meilleures opinions sur lui. Je me suis trouvé très souvent d’accord avec lui sur des questions de poésie. Je trouve de plus qu’il a des qualités de lecteur excellentes, tant au point de vue du savoir que du jugement63. Cela a même été une surprise pour moi. C’est aussi un homme charmant, simple, très cordial. J’ai écrit cela sur lui (le passage à supprimer), je ne l’écrirais probablement plus aujourd’hui. Il est donc tout à fait entendu que ce passage est à enlever. » Et m’adressant à Bernard : « C’est bien simple vous n’avez qu’à mettre l’indication nécessaire sur le manuscrit. »
Vallette a aussitôt abondé dans mon sens sur les qualités de Fontainas comme lecteur, disant qu’elles ont été une surprise pour lui aussi.
1937
Après Louis Dumur en mars 1933, Alfred Vallette est mort en septembre 1935. C’est Georges Duhamel qui prend la tête du Mercure. Pendant ces années, André Fontainas n’est évoqué qu’au détour d’une phrase. Il ne reprend la vedette que le…
19 mars 1937
Bernard me met au courant ce matin d’un entretien qu’il a eu hier avec Duhamel, chacun se parlant franchement. Duhamel, se sentant malade, disant qu’il s’est fait nombre d’ennemis avec sa direction du Mercure : il lui a parlé de donner sa démission. Il a dit de plus à Bernard qu’il a été mis au courant par Fontainas de son intention à lui-même de s’en aller, pour prendre une librairie et fonder une revue. Bernard le lui a confirmé et que cette revue serait une revue nationale. À quoi Duhamel lui aurait répondu : « Ne trouvez-vous pas pourtant que nous sommes revenus un peu à droite ? » Mais ils ont tout pour s’entendre, — au détriment du vieux Mercure. Finalement, d’accord pour en rester là pour le moment.
Bernard me raconte que Fontainas a envoyé à Duhamel sa démission de lecteur. Duhamel s’est précipité chez lui le lendemain matin à 9 heures et demie. Il a rattrapé la démission. Fontainas reste lecteur.
Treize juillet 1937
Bernard est furieux, se lamente. On va éditer un roman de Herold64, un nouveau roman de Hirsch65, deux pertes sèches pour la maison. Comme je lui disais qu’il aurait dû montrer plus de résistance pour sa part, plus d’autorité, il me dit que Herold est allé trouver Duhamel chez lui, l’a entortillé, que Duhamel a fini par céder. Et alors, prenant le roman de Hérold, on ne pouvait pas refuser le sien à Hirsch. Bernard me disait ce matin : « Le livre de Fontainas (Confession d’un poète)66, le roman de Hérold, le roman de Hirsch. Si la maison va de ce train, il n’y a pas longtemps pour qu’elle soit fichue. Et c’est un administrateur Hérold67… et deux commissaires aux comptes (Fontainas et Hirsch) qui grèvent ainsi la maison de dépenses sans aucun profit ensuite. C’est un comble. »
Vingt décembre 1937
Depuis la direction de Georges Duhamel le ton monte à propos des décisions littéraires de cet homme onctueux, membre de l’Académie française depuis novembre 1935, toujours prêt à rendre service à des amis.
Aujourd’hui, au Mercure, assemblée annuelle des actionnaires. Bernard m’avait dit que Hirsch, en plus de son rapport de commissaire aux comptes, devait faire un petit discours sur le nouvel esprit du Mercure depuis la direction de Duhamel. […] Je me suis mis alors à dire, à haute voix : « J’approuve complètement pour ma part ce petit couplet de Charles-Henry Hirsch. » […] Duhamel a repris sa justification : « Le Mercure est aussi libre qu’il l’a toujours été et Léautaud pourra toujours y écrire tout ce qu’il voudra. » Je me suis incliné de ma place : je suis bien persuadé du contraire.
La séance levée, Hirsch est allé protester de ses bonnes intentions auprès de Duhamel. J’ai dit au revoir à Duhamel : « Cher maître, je vous dis au revoir », ce qu’il a accueilli en riant comme à toutes mes salutations de ce genre. Pendant que Hérold, qui doit depuis longtemps aux idées morales de sa femme, d’être cocu dans les grands prix, clamait de sa voix chevrotante que personne ne songeait le moins du monde à se disputer68.
Ce vieux lâche de Fontainas69, qui s’est trouvé si souvent d’accord avec moi pour déplorer les changements survenus dans la ligne de conduite du Mercure depuis la direction de Duhamel, qui s’est plaint à moi qu’on mettait aux manuscrits refusés des poèmes sur lesquels il avait donné un avis favorable, pour en faire passer de médiocres parce que de gens qui faisaient leur cour à Duhamel, qui a même été il y a quelque temps jusqu’à envoyer par écrit à Duhamel sa démission de lecteur, ledit Fontainas, placé derrière Duhamel, quand Hirsch a eu achevé ses justes observations, est resté sans un mot.
21 décembre 1937
Le lendemain, donc :
Je suis monté tantôt parler à Bernard du rôle de muet si parfaitement tenu hier soir à l’assemblée par Fontainas. C’est encore mieux que je ne croyais. Fontainas est également commissaire aux comptes, comme Hirsch. Trois jours avant l’assemblée, il s’est trouvé dans le bureau de Bernard avec Hirsch. Hirsch leur a lu à tous les deux le petit couplet qu’il se proposait de lire, visant la direction de Duhamel. S’adressant à Fontainas : « Je peux compter sur vous, n’est-ce pas ? Vous êtes prêt à me soutenir ? — Absolument, répondit Fontainas. Sur tous les points. Vous pouvez compter sur moi. »
Hier seulement, quelques minutes avant l’ouverture de la séance, il a bredouillé à Hirsch quelques mots de lâchage.
Et le jour suivant, 22 décembre, absent de l’édition papier :
22 décembre 1937

Annonce du prix Lasserre à André Fontainas dans les « Échos » du Mercure du premier janvier 1938
Nouvelle lumière sur le silence de Fontainas. J’ai parlé ce matin à Mandin. Il s’écrie : « Parbleu ! Il s’est fait pistonner par Duhamel pour le Prix Lasserre, qui lui a été décerné hier. Et en effet, je vois dans les journaux : Prix Lasserre70, décerné par le ministère de l’Éducation nationale, 7 500 francs, à M. André Fontainas. Ce malheureux, qui se vend pour 7 500 francs ! Et s’il était pauvre, encore. Mais non ! Il avait un poste assez élevé à l’Octroi de Paris. Il est à la retraite. Et une retraite qui ne doit pas être la misère, tout de même.
Je pense qu’il devait avoir un peu honte, l’autre soir, vis-à-vis de Hirsch, pour s’être placé si loin de lui, alors que, commissaire aux comptes également, il devait être à son côté. Il s’est assis derrière Duhamel, comme un autre grand homme qu’il doit se croire être.
Puis c’est la guerre et nous ne lirons plus grand-chose sur André Fontainas dans le Journal de Paul Léautaud. En décembre 1942 André Fontainas écrira à Paul Léautaud une lettre non retrouvée. La réponse sera bien chaleureuse, se proposant même d’aller lui rendre visite, avenue Mozart.
On pourra lire l’assez peu intéressant article « Du symbolisme au classicisme, l’œuvre poétique d’André Fontainas » dans le numéro 41-42 des Cahiers Paul Léautaud (pages 96-101). La fin de cet article indique « (À suivre…) » mais la suite n’a en définitive pas été publiée, nous ne saurons sans doute jamais pourquoi..
Mes souvenirs du symbolisme
Le PDF ci-après est issu d’une retranscription exacte, en Word, de l’ouvrage original paru en 1928.
Notes
1 Charles Jean Fontainas (1838-1901), avocat en 1862, échevin de la ville de Bruxelles en 1873 et docteur en droit en 1892, soit peu de temps après son fils. Il est mort à Courbevoie à l’âge de 62 ans.
2 André-Ferdinand Herold (1865-1940), petit-fils du compositeur, chartiste, poète, conteur, auteur dramatique et traducteur. A.-F. Herold est auteur Mercure depuis 1891 et titulaire de la critique dramatique depuis 1896. Il a écrit 210 textes dans le Mercure entre février 1894 et décembre 1936.
3 Léon Dierx (1838-1912), que des pairs élurent « prince des poètes » à la mort de Stéphane Mallarmé. Voir un saisissant portrait de Léon Dierx dans André Billy, Le Pont des Saints-Pères (Fayard 1947) à partir de la page 156.
4 Arrêtons-nous un instant sur la moins connue, Fanny Zaessinger, peut-être née en 1877, comédienne dont Jean de Tinan disait : « Elle porte ses mains comme des bouquets » (Journal littéraire au treize janvier 1903). On l’a un peu vue au théâtre de L’Œuvre mais pour en savoir davantage, voir Ernest La Jeunesse, « De Fanny Zaessinger et des lettres », La Revue blanche de septembre 1896, page 204. Voir aussi S.-Ch. David, Histoire de Fanny Zaessinger, qui disparut, Le Sandre, 336 pages. « Qui disparut » (en 1898), le mot est exact, on ne l’a plus revue après cette date mais la légende reste vivante, et perdure.
5 Léon Deschamps (1863-1899), romancier et poète, fondateur de la revue littéraire La Plume en avril 1889, qui lui survivra jusqu’en 1914. On ne confondra pas Léon Deschamps avec le critique littéraire Gaston Deschamps (1861-1931).
6 Les Natanson sont trois frères, dont deux au moins seront cités à plusieurs reprises dans le Journal littéraire : Alexandre (1867-1936), Thadée (1868-1951), le plus connu et le plus cité par Paul Léautaud à cause de sa collaboration avec Octave Mirbeau pour Le Foyer, et Louis-Alfred (Athis) (1873-1932), juste évoqué (mais non cité) le 19 novembre 1931. Ils sont les trois fils d’Adam Natanson (1829-1908), banquier d’origine polonaise. Les trois frères fonderont ensemble, à la fin de 1889 en Belgique La Revue blanche. Le site du Musée d’Orsay indique : « Brillant homme d’affaires et journaliste, Alexandre Natanson fait partie de cette intelligentsia […] qui occupe une haute position dans la bourgeoisie parisienne, due à sa puissance financière, ses multiples activités dans le monde de la presse et le patronage d’artistes renommés ». On ne saura pas toujours aussi clairement qui est celui dont parle Paul Léautaud. L’auteur dramatique et dialoguiste Jacques Natanson (1901-1975), ne semble pas faire partie de la famille.
7 Il ne s’agit pas du texte de Paul Léautaud parue chez Sansot en 1904 et téléchargeable ici mais de l’ouvrage de Jean de Gourmont : Henri de Régnier et son œuvre paru au Mercure cette année 1908 dans la collection « Les hommes et les idées ». Cet ouvrage de 75 pages est accompagné d’une bibliographie et iconographie par Adolphe van Bever.
8 Jules Renard (1864-1910, à 46 ans), a été, en 1889, l’un des premiers actionnaires du Mercure de France. Il était aussi le plus important, achetant six parts sur vingt-cinq. Il sera membre de l’académie Goncourt le premier novembre 1907, au couvert de J.-K. Huysmans grâce à Octave Mirbeau, qui a dû menacer de démissionner pour assurer son succès.
9 Gaston Danville (Armand Abraham Blocq, 1870-1933), romancier Mercure (le plus souvent), a dédié Comment Jacques se suicida (1891) à Alfred Vallette, L’Ange noir (1892) à Louis Dumur et Le Rêve de la mort (1892) à Rachilde. Il semble avoir oublié Remy de Gourmont. Ces nouvelles ont été rééditées, avec celles d’autres auteurs (150 nouvelles en tout, plus de mille pages), en 2008 dans la collection Bouquins sous le titre collectif Petit musée des horreurs. Nouvelles fantastiques, cruelles et macabres. Gaston Danville est le promoteur d’une réforme de l’orthographe.
10 Ernest Gaubert (1881-1945), journaliste, romancier et poète. Ernest Gaubert a écrit la première biographie de Rachilde, chez Sansot en 1907 (74 pages).
11 Paul Morisse (1866-1946) a partagé le bureau de Paul Léautaud à partir de janvier 1908 jusqu’en 1911. Il est aujourd’hui connu pour être le traducteur des Hymnes à la nuit de Novalis en 1908 (voir le Journal littéraire au 26 octobre 1908) et aussi de Stefan Zweig pour son Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre en 1910. Voir J.-P. Glorieux, Novalis dans les lettres françaises à l’époque et au lendemain du symbolisme (1885-1914), Presses universitaires de Louvain, 1982 (526 pages). Voir aussi André Billy, Le Pont des Saints-Pères, Fayard 1947, pages 35-37.
12 Yvanhoé Rambosson (1872-1943), poète et critique d’art, conservateur honoraire des Musées de la Ville de Paris, expert auprès du Tribunal civil de la Seine, secrétaire général de la Fédération des sociétés d’art. Yvanhoé est le fils de l’astronome Jean Rambosson (1827-1886) et le mari d’Adèle Gonyn de Lirieux, dite Renée Maubel (fiche Gallica).
13 Georges Eekhoud (1854-1927), écrivain belge francophone et anarchiste. En 1899, paraît Escal-Vigor, son premier roman publié en France, au Mercure, et l’un des premiers traitant de l’homosexualité. Le livre fait scandale, Georges Eekhoud est poursuivi et acquitté sous la pression de ses pairs.
14 Camille Lemonnier (1844-1913), romancier belge de langue française, parfois surnommé « Le Zola Belge ».
15 Charles Leconte de Lisle (le prénom est généralement omis, 1818-1894) est unanimement considéré comme le maître des parnassiens, par son ancienneté, d’abord, par son charisme et par le fait qu’il a été le premier à en définir clairement la doctrine et enfin par sa publication de trois volumes de poésies rassemblant une centaine de poètes sous le titre Le Parnasse contemporain, chez Alphonse Lemerre entre 1866 et 1876. Cet ouvrage est resté la référence poétique de toute cette fin de siècle. La doctrine parnassienne peut être résumée par un certain retrait, un fort attachement à la forme stricte, un classicisme rigoureux et une référence constante aux mythologies. Charles Leconte de Lisle condamne donc fermement les lamentations débridées et autocentrées des romantiques, et pour tout dire les enterre. Très soutenu par Victor Hugo, Charles Leconte de Lisle sera élu à l’Académie française à la mort de celui-ci (en mai 1885), le remplacera au fauteuil quatorze en février 1886 et prononcera son éloge en mars 1887. Le 29 février 1928, Paul Léautaud émettra une opinion assez tranchée sur ce poète.
16 Adrien Mithouard (1864-1919), poète et essayiste politique, cofondateur, avec Albert Chapon, de la revue mensuelle L’Occident, qui a paru de décembre dernier à 1914. Il fut président du conseil municipal de Paris de 1914 jusqu’à sa mort en 1919. Une place de Paris, dans le VIIe arrondissement (où il vécut, au no 10), porte son nom.
17 Marcel Prévost (1862-1941), polytechnicien, romancier et auteur dramatique élu à l’Académie française en mai 1909. Après des premiers romans traitant de la vie de province, Marcel Prévost s’engage dans l’étude du caractère féminin. Les Demi-vierges (1894), lui vaudront la célébrité. Le filon sera exploité à satiété. Le 2 mai 1908, Paul Léautaud évoquera les « âneries d’un Marcel Prévost » et dans une lettre à Adolphe Paupe datée du trois mai 1907 il n’hésitera pas à s’octroyer, à titre de plaisanterie, la rédaction des Doubles déflorées, réponse à M. Marcel Prévost. On ne confondra pas Marcel Prévost avec son homonyme le poète Ernest Prévost (1872-1952).
18 Émile Bergerat, dit Caliban (1845-1923), poète et auteur dramatique. Chroniqueur au Voltaire et au Figaro, membre de l’académie Goncourt en 1919, il fut également directeur de publication de La Vie moderne de l’éditeur Georges Charpentier. En 1872 Émile Bergerat a épousé Estelle Gautier (1848-1914), fille de Théophile Gautier.
19 Ce texte paraîtra, non signé comme les Échos, dans le numéro du 1er juin 1908, page 574. À la mort de sa sœur, huit jours auparavant, François Coppée avait soupiré : « C’est une répétition générale ».
20 Henri Albert (Henri-Albert Haug, 1869-1921) signait de ses seuls prénoms et beaucoup pensaient ainsi qu’il se nommait Albert. Spécialiste de Nietzsche et auteur Mercure depuis 1891, il y tint une rubrique de « Lettres allemandes » de janvier 1893 à juin 1921. Dans d’autres journaux il utilisait parfois le pseudonyme de Matin Gale. Lire dans le Journal littéraire, à l’occasion de sa mort, un court portrait au trois août 1921.
21 Que signifie ce « Fontainas est en ce moment chez Herold » ? Nous savons qu’André Fontainas a épousé sa sœur. Est-il en train de déménager ? Nous savons qu’il habite le bel immeuble du cinq rue Benjamin Franklin, près des jardins du Trocadéro (l’architecte Auguste Perret, l’amant de Marie Dormoy, habitera au 27). Est-ce à cette époque qu’il va déménager pour le 21 avenue Mozart, s’éloignant davantage encore de la rue de Condé mais se rapprochant du bois de Boulogne ?
22 In Memoriam, qui paraîtra dans les deux numéros du Mercure de novembre 1908.
23 Félicien Mallefille (1813-1868) romancier et auteur dramatique tout à fait ordinaire.
24 On ne comprend rien à cette fin de paragraphe, d’autant qu’André Fontainas n’était pas du voyage à Rouen.
25 Cette phrase est du plus pur Fontainas.
26 Henri Béraud (1885-1958), avait bien commencé mais il a très mal fini. Journaliste aux premiers temps du Canard enchaîné, ami de Paul Vaillant-Couturier, de Roland Dorgelès et d’Albert Londres, il collaborait aussi au Crapouillot de Jean Galtier-Boissière. En 1922, Henri Béraud recevra le prix Goncourt pour son Martyre de l’obèse chez Albin Michel (244 pages). L’affaire Stavisky le trouble et en février 1934 il écrit dans Le Canard enchaîné un article favorable aux émeutiers d’extrême-droite du six février, ce qui lui vaut son éviction du journal satirique plutôt à gauche. C’est le début de la dérive d’Henri Béraud vers l’antisémitisme, puis la droite puis enfin l’extrême-droite à l’entrée de la guerre. À la Libération Béraud a été condamné à mort aux derniers jours de 1944 mais a été gracié par Charles de Gaulle. Atteint d’hémiplégie en prison, Béraud a été libéré en 1950 et est mort en 1958. Voir la note dans l’Avant-propos aux chroniques dramatiques, signé Marie Dormoy, rattaché à l’année 1908. Voir aussi le repas chez Florence Gould du onze janvier 1945.
27 Marius Leblond (Georges Athénas (1880-1953) et Aimé Merlo (1877-1958) sont cousins, natif de La Réunion et écrivent ensemble sous le pseudonyme de Marius-Ary Leblond. Ils ont obtenu le prix Goncourt 1909 pour En France, un peu autobiographique. « Celui qui a l’air si sale » est le cadet.
28 Aucun Harduin crédible n’a été retrouvé.
29 Mercure du premier novembre page 136.

30 Ce compte rendu par Rachilde paru dans le Mercure du seize janvier 1909, page 305 est particulièrement vachard : « En habit vert [la couverture est verte], ce livre se présente comme un espoir. Il est une fin fort honorable. Jules Renard, décoré de l’académie Goncourt et maire de son pays, n’a plus qu’à attendre les articles sur commande de ses meilleurs amis, je veux dire de ses amis de la dernière heure, de l’heure verte, de l’heure des palmes. J’en ai lu un dans le Gil Blas signé Edmond Sée. Il m’a paru si lourd de lauriers et de grosses bêtises, de ces bêtises de gens spirituels dont il se faut garer comme de la peste, que j’ai résolu de me taire… ça me paraît plus respectueux encore. » Rachilde accuse donc Jules Renard d’obtenir des « articles sur commande » en échange d’on ne sait quelles faveurs. Lire aussi l’avis très négatif de Remy de Gourmont (pas forcément très objectif) dans le Journal littéraire au 22 novembre 1908. Les palmes en question sont évidemment les rameaux d’olivier brodés d’or (Rachilde ne semble pas le savoir) qui ornent les tenues vertes de l’Académie française, la décoration des palmes académiques honorant les enseignants étant d’un bleu violet.
31 Ce sera la seule chronique de Maurice Boissard pour cette année 1909. Elle paraîtra dans le Mercure du premier décembre, page 525. Page blanche, comédie en quatre actes de Gaston Devore (1859-1949), dont on connaît une dizaine de pièces.
32 Après le remplacement du premier décembre 1909 par Maurice Boissard, Ernest Gaubert a effectué quatre remplacements à l’été 1910 et André-Ferdinand Herold quatre autres en janvier et février 1911.
33 La dernière chronique des théâtres d’André Fontainas paraîtra la semaine prochaine, seize mars. Il ne fera plus qu’un remplacement, le seize août 1911.
34 André Gide n’avait écrit que cinq textes dans le Mercure de France de 1894 à 1897, un en 1902 et un autre en mars 1908 à propos d’Emmanuel Signoret, mort à 28 ans en décembre 1900. La NRF l’a ensuite prise tout entier mais nous savons qu’il passait néanmoins au Mercure de temps à autre. Rien dans le Journal à cette date.
35 Paul Bourget, Le Tribun « chronique de 1911 », comédie en trois actes représentée au théâtre du Vaudeville du boulevard des Capucines le quinze mars 1911 à 21 heures avec Lucien Guitry et Henriette Roggers.

36 Maurice Maeterlinck, L’Oiseau bleu, féerie en six actes et douze tableaux créée au théâtre Artistique de Moscou le trente septembre 1908. Il s’agit ici de la création parisienne (et sans doute mondiale hors la Russie), le deux mars 1911 au théâtre Réjane du quinze rue Blanche, de nos jours théâtre de Paris. Le programme annonce environ 130 comédiens et figurants.
37 Un grand casier était disposé dans le bureau de Paul Léautaud. Les auteurs du Mercure disposaient chacun d’une case qui recevait leur courrier et les livres et revues qui leurs étaient adressés par les éditeurs en fonction de leur rubrique.
38 Cette prochaine chronique d’André Fontainas paraîtra dans deux mois et demi, dans le numéro du seize août et sera sa dernière chronique dramatique en remplacement de Maurice Boissard. Il y sera question de littérature dramatique, sujet ordinaire d’été alors que les théâtres sont fermés. On comprendra mieux pourquoi cet écart entre l’envoi de sa chronique par André Fontainas et la date de parution en lisant ci-dessous que cette chronique « passera à la prochaine occasion ».
39 « Sic » dans l’édition papier. Doit-on lire « théâtre publié » ? Le premier octobre, MB consacrera entièrement sa chronique de rentrée à la littérature dramatique.
40 Théodore Faullain de Banville (14 mars 1823-13 mars 1891), poète, auteur et critique dramatique. Considéré de son vivant comme un poète majeur, il était l’ami de Victor Hugo, de Charles Baudelaire et de Théophile Gautier. André Fontainas a écrit 24 pages en ouverture du numéro du quinze mars.

On ne nous en voudra pas d’arrêter là…
41 « Lettres d’Albert Glatigny à Théodore de Banville », première partie, trente pages. Suite dans les deux numéros suivants. Une publication en volume arrivera dans l’année. Albert Glatigny (1839-1873) a reçu, à titre posthume, le prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre.
42 La NRF de janvier 1924, page trente. Ce chapitre des « souvenirs d’André Gide » correspond exactement au chapitre X de Si le grain ne meurt. Ces souvenirs ont d’abord paru en deux volumes de 219 et 166 pages imprimés à Bruges en 1920 à treize exemplaires hors commerce avant de paraître en trois volumes à la NRF en 1924. Cette œuvre autobiographique en deux parties inégales (dix et deux chapitres) est de nos jours rassemblée en un seul volume. L’édition Folio de 1972 est de 384 pages. Ci-dessous la première mention d’André Fontainas, page trente (de La NRF de janvier 1924) :

Et la seconde, page 38 :

43 Ce poème, L’Adieu, d’Étienne Vincileoni paraîtra dans le Mercure du 15 février 1926, page 49.
44 Marguerite Moreno (Marguerite Monceau 1871-1948), a pris le nom de jeune fille de sa mère. Elle est entrée au Conservatoire dans la classe de Gustave Worms puis à la Comédie-Française en 1890. Après avoir été la maîtresse de Catulle Mendès, elle a épousé Marcel Schwob à Londres en septembre 1900 (il mourra en 1905 à l’âge de 37 ans). En 1903, Marguerite Moreno a rejoint le théâtre de Sarah Bernhardt, puis plus tard le théâtre Antoine. En janvier 1908 elle s’est remariée avec le comédien Jean Daragon (1870-1923), mort en janvier 1923. Pendant sept ans, elle a dirigé à Buenos Aires la section française du Conservatoire.
45 Eugène Montfort (1877-1936), créateur du mouvement littéraire « Naturiste », fondateur de la revue Les Marges, éditeur historique, le 15 novembre 1908, du premier « premier numéro » (il y en aura un second) de La Nouvelle revue française. Un portrait d’Eugène Montfort a été dressé par PL qui s’est rendu chez lui, rue Chaptal, le 28 septembre 1908. Un autre portrait en sera dressé par André Billy dans La Terrasse du Luxembourg, pages 297-298. Pour les circonstances particulières de la mort d’Eugène Montfort, voir le Journal littéraire au 13 décembre 1936.
46 C’est Paul Léautaud qui a fait découvrir Guillaume Apollinaire.
47 Libraire puis éditeur suisse établi à Paris, rue de l’Université. Robert Télin est également l’auteur d’Apparences et paradoxes, Paris, 1929. Le 31 octobre 1925 nous apprendrons que Robert Télin rédige une rubrique de bibliophilie dans L’Éclair. Voir, dans le Journal littéraire à cette date quelques autres détails sur Robert Télin, ainsi qu’au 27 octobre 1930.
48 Ernest Raynaud (1864-1936), écrivain et poète, était aussi commissaire de police, proche de l’Action française, auteur de Souvenirs de police, Mémoires d’un commissaire de police et de plusieurs autres ouvrages du genre. Ernest Raynaud sera le dernier survivant des fondateurs du Mercure. Voir le Journal littéraire au 12 octobre 1936 et sa nécrologie dans les « Échos » du Mercure du premier novembre 1936, page 659.
49 Ces auteurs ont peu écrit dans la revue et il y a longtemps. C’est donc davantage des auteurs de la maison d’édition qui sont cités ici. Émile Henriot (Émile Maigrot, 1889-1961), poète, écrivain, essayiste et critique. Membre de l’Académie française en 1945. Émile Henriot sera critique littéraire au Monde à la Libération. Ses Poèmes à Sylvie sont sa première œuvre publiée. Il sera parfois appelé « Le Petit Henriot » pour le distinguer de son père.
50 Jules Bertaut (1877-1959), écrivain, historien et conférencier.
51 Jacques Boulenger (1879-1944), chartiste, spécialiste de la littérature médiévale et de la Renaissance.
52 Albert Serpette de Bersaucourt (1883-1937), avocat à la Cour d’appel, conseiller d’arrondissement de canton, poète et critique littéraire. Cette liste évoque une autre liste, dressée le 29 août 1908 : « J’ai pris ce matin au Mercure, sur le Cahier dressé par Vallette, les noms des auteurs des volumes mis au pilon. Les voici : Beaubourg, Toulet, Querlon, Fontainas, Coulangheon, Malo, Judith Cladel, Kahn, Daurelle, Erlande, Péladan, Scheffer, Jarry, Delacour, Danville, Vernon, Krysinska, Batilliat. »
53 Willy, Claudine en ménage, Mercure de France 1902, le seul de la série qui n’ait pas été publié par la société d’Éditions littéraires et artistiques. Ce roman est paru sous le nom de Willy puis, plus tard sous « Willy et Colette Willy » jusqu’à la réédition de 1932 inclue. Un compte rendu de ce roman a été écrit par Rachilde dans le Mercure de juin 1902 page 750.
54 Eugène Demolder (1862 à Molenbeek-1919), romancier, conteur et critique d’art. Il s’agit ici de le seconde (et donc dernière) citation de cet auteur par Paul Léautaud. André Fontainas a cité lui aussi deux fois Eugène Demolder dans ses Souvenirs du symbolisme comme étant « le merveilleux romancier de La Route d’Émeraude et du Jardinier de la Pompadour » (pages 62 et 208 de l’édition originale).
55 « Le Visage de Bourdelle » (le mot vrai ne figure pas dans le titre). Mercure du quinze février, pages 82-92. Coïncidence ?, dans les pages de publicité au début du numéro, une annonce de la librairie Armand Colin : Sándor Krémeri, Le Visage de Bourdelle, préface d’Albert Besnard.

Antoine Bourdelle (1861-1929), élève de Rodin, n’a pas eu de chance avec le Mercure ; Marie Dormoy a déjà publié dans le numéro du premier mai 1922 « L’Enseignement du maître sculpteur Antoine Bourdelle », article lui aussi assez pénible à lire.
56 Cinquante ans passés largement, André Fontainas a eu 66 ans le cinq février dernier.
57 Louis-Ferdinand Herold, Les Amants hasardeux paraîtront dans les numéros du 15 avril au 15 juin avant de paraître en volume au Mercure cette même année 1931 et de faire l’objet de plusieurs reparutions au moins en 1937 et 1974, ce qui indique que ce roman n’est peut-être pas si épouvantable.
58 Lors de l’édition dans le numéro du Mercure en hommage à Remy de Gourmont (premier octobre 1935), ce passage sera supprimé. Voir ci-après au 23 janvier 1935.
59 Note de l’édition papier : « [blanc dans le manuscrit] »
60 Jacques-Antoine Bernard (1880-1952), est arrivé au Mercure en 1907 sans qu’on sache vraiment à quel titre, mais sensiblement à la même époque que Paul Léautaud, qui y a effectivement été embauché le 1er janvier 1908. Jacques Bernard sera administrateur du Mercure en 1935, à la mort d’Alfred Vallette, sous la direction de Georges Duhamel, puis directeur au départ de celui-ci à la fin de février 1938. Avant cela Paul Léautaud et Bernard se sont plutôt bien entendus. Pendant l’occupation, Bernard se livrera à la collaboration et sera jugé à la Libération pour « Intelligence avec l’ennemi » et condamné à cinq ans de prison (mais laissé en liberté), à la privation de ses biens et à l’Indignité nationale. Convoqué comme témoin en juillet 1945, Paul Léautaud, rétif à toute autorité, refusera de l’accuser.
61 À la fin de 1934 l’idée vient à Paul Léautaud de publier des extrais de son Journal. Le « Journal Gourmont », constitué de fragments de l’année 1908, paraîtra dans le Mercure du premier octobre 1935. L’article sur François Coppée, mort en mai 1908 est constitué de fragments de cette même année 1908. Il paraîtra avant le « Journal Gourmont », dans le Mercure du quinze mai 1935.
62 On peut lire ci-dessus au 25 mai 1908 le passage supprimé sur André Fontainas.
63 Ça n’a pas été noté dans le Journal littéraire mais on peut penser qu’à la mort de Louis Dumur en mars 1933, André Fontainas a été embauché comme lecteur par Alfred Vallette.
64 Dans l’édition papier du Journal littéraire, le nom d’André-Ferdinand Herold est masqué sous la lettre O.
65 Charles-Henry Hirsch (1870-1948), poète, romancier et dramaturge, responsable, au Mercure, de la rubrique des « Revues » depuis 1898. En même temps qu’il était employé de banque jusqu’en 1907. C.-H. Hirsch est aussi un auteur de romans populaires ou naturalistes, comme son célèbre (à l’époque) Le Tigre et Coquelicot de 1905 chez Albin Michel, ou licencieux comme Poupée fragile, chez Flammarion en 1907. En 1910, il a été un des défenseurs des Fleurs du mal. Charles-Henry Hirsch est l’un des auteurs Mercure les plus prolifiques avec 792 textes, d’août 1892 à décembre 1939. Il est aujourd’hui essentiellement connu comme l’auteur du scénario du film Cœur de lilas (Anatole Litvak 1931) avec Jean Gabin. On ne confondra évidemment pas Charles-Henri Hirsch avec son homonyme Louis-Daniel Hirsch, administrateur de la NRF.
66 Le livre d’André Fontainas Confession d’un poète est paru en février 1937, 221 pages.
67 Le Mercure disposait de deux administrateurs, Jacques Bernard et André-Ferdinand Herold. Il s’agit peut-être des Amants hasardeux parus dans la revue entre le 15 avril et le 15 juin 1932 et publié en volume le 29 juin 1938 (250 pages).
68 Cette dernière phrase, absente de l’édition papier, provient du tapuscrit de Grenoble.
69 Ces quatre mots au début de ce paragraphe proviennent, on s’en doute, du tapuscrit de Grenoble.
70 Ce prix de la fondation Lasserre créé en 1914 et qui jouissait d’un grand prestige était distribué par l’Académie française, de nos jours muette à son propos, il doit bien y avoir une raison. Il n’a pas survécu à la guerre. Il semble que les derniers récipiendaires aient été le poète Alphonse Méterie en 1942 et le journaliste et critique littéraire André Rousseaux en 1943, qui s’était sans doute bien comporté. L’objet de ce prix était de « distinguer et consacrer la vie entière d’un écrivain ». Il y avait aussi un prix musical décerné par la même fondation.