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1925 1928 1929 1932 1933 1940 1941 1942 Notes
André Castagnou (1889-1942), poète, traducteur et critique littéraire figure dans la dernière édition des Poètes d’aujourd’hui de 1930. Son œuvre sera essentiellement publiée au Mercure. Dans la revue nous trouvons seulement dix textes, essentiellement de la poésie.
Notice d’André Castagnou dans les Poètes d’aujourd’hui ►

André Castagou par Georgio De Chirico
La première fois que Paul Léautaud évoque André Castagnou dans son Journal est le dix juin 1908 :
Je racontais ce soir à Gourmont et à Vallette, qui en ont bien ri, mon entrevue hier matin avec le jeune poète Castagnou, récemment sorti du collège Stanislas, qui ne cesse d’apporter des vers au Mercure. Pendant que j’étais seul hier matin, il arrive encore, avec trois petits poèmes, écrits sur des chiffons de papier. « C’est entendu, lui dis-je. Donnez-les moi. Je les remettrai à M. Vallette. — Je voudrais bien vous les lire, me dit-il, si vous voulez. N’est-ce pas ? Vous me direz ce que vous en pensez. » Il me lit ses vers, assez insignifiants, faits de réminiscences. Je lui dis que ce n’est pas mal, naturellement. J’ajoute « Vous n’allez pas les présenter ainsi, sur de pareils torchons. » Je l’oblige à les recopier (avec des fautes d’orthographe) sur une belle feuille de papier écolier prise sur mon bureau. Quand il a fini, et comme il n’y a pas de titre, je le lui fais remarquer et lui dis qu’il en faut mettre un. Il réfléchit. « Eh ! bien, me dit-il, je vais mettre : À pleines voiles. » Il écrit ce titre. « C’est ça, lui dis-je, mettez À pleines voiles. C’est la jeunesse ! Dans cinq ans, vous mettrez : En canot. Cinq ans après : Dans le port. Encore cinq ans après : Sur la berge. Jusqu’à ce que vous n’osiez plus sortir de votre cabine. »
C’est ce même Castagnou qui m’arriva un matin, il y a un mois, avec un petit poème qu’il désirait remettre à Vallette. « Je l’ai montré à Tristan Bernard. Il l’a trouvé très bien. » Tristan Bernard arbitre poétique ! Il a dû bien s’amuser.
Puis rien jusqu’à la fin du mois de janvier 1925. Cette journée du 29 janvier 1925 provient du tapuscrit de Grenoble, relevé par Bertrand Vignon :
Jeudi 29 Janvier 1925
Visite de Castagnou. Le nom de Aubault de la Haulte Chambre1 vient dans la conversation. Il me raconte ceci : « Il m’a volé un jour 500 francs. Nous nous trouvions dans la même maison de santé. J’étais allé passer là quelques jours pour me reposer. Un matin, il entre dans ma chambre. « Vous n’auriez pas cent sous à me prêter ? », me dit-il. J’étais couché. Je lui dis : « Voyez sur cette étagère. Il doit y avoir de l’argent. ». Il a pris cinq cents francs. « Je ne l’ai jamais revu depuis. »
Je dis à Castagnou : « C’était bien fait pour vous. »
Il me répond : « Oui, j’aurais pu me lever… Mais que voulez-vous. Je n’ai pas osé me montrer à lui… ».
« Oui, ai-je dit, vous avez préféré perdre 500 francs que dix sous ».
Aubault de la Haulte Chambre pédéraste notoire. Saltas me racontait récemment qu’on a dû l’enfermer dans une maison de santé pour lui éviter des aventures fâcheuses. Il ne quittait plus les pissotières et aurait fini par se faire arrêter.
Ça fait déjà un an qu’une troisième édition des Poètes d’aujourd’hui est envisagée2. Le 25 mars 1925, Paul Léautaud a écrit aux poètes pressentis une lettre les en informant. Bien entendu le bruit se répand. Mais avant-même cela, André Castagnou vient voir Paul Léautaud au Mercure :
Vendredi 13 février 1925
Visite du poète André Castagnou qui m’a entrepris pendant une demi-heure pour que je le « mette » dans les Poètes d’aujourd’hui, à l’occasion du prochain troisième volume3. Voilà des démarches que je ne pourrais vraiment pas faire…
Le vingt octobre 1927, Paul Léautaud a un dîner avec Fagus et André Castagnou. On ne sait pas chez qui et n’en saurons pas davantage.
Et le quatorze décembre, André Billy passe voir Paul Léautaud dans son bureau du mercure :
Je lui demande s’il a lu le roman de Castagnou : Diana4. Il me dit qu’il l’a trouvé très joli et qu’il en a parlé très gentiment dans l’Œuvre.

Début de l’article d’André Billy en page quatre de L’Œuvre du six décembre 1927
Lundi 17 Décembre 1928
Ce matin, visite de Castagnou, de séjour à Paris pour un mois. La vie à Prague l’assomme. Il est là-bas parce que sa femme5 y gagne sa vie, et comme lui ne fiche rien et ne gagne pas un sou, c’est bien le moins qu’il vive auprès d’elle. Je pense que de temps en temps il obtient la permission de venir faire un tour ici.
La conversation vient sur Eugène Marsan6. Comme il me dit qu’il a une fille, je lui dis : « Comment, une fille ? Il est donc marié ? Il est même grand-père. » J’ai éclaté de rire. « Marié ? Une fille ? Grand-père ? Pour un dandy ? Mais c’est lamentable, pitoyable, ridicule. Un dandy de pot-au-feu, un dandy petit bourgeois, mais c’est complètement grotesque. Si jamais j’avais pensé cela. Non, c’est vraiment drôle, Voyez-vous Brummel grand-père ? »
Castagnou a répliqué « Il est bien probable que les Passantes7 (un petit recueil de Marsan, portraits de femmes) n’ont passé que dans son imagination. »
Castagnou me raconte que Marsan, qui signait Orion à L’Action française, a envoyé sa démission à Maurras à la suite de la création du Supplément littéraire, dont il réclamait lui-même la création depuis des années, et qu’il a appris, comme tout le monde, en lisant le journal, en s’en voyant en même temps complètement évincé, au profit de Varillon et je ne sais plus quel autre. Castagnou dit qu’à L’Action française, on sent si bien le vilain procédé qu’on a eu avec Marsan, qu’il n’est pas de numéro qu’on ne parle de lui en le couvrant de fleurs, et comme il est malade en ce moment, atteint d’une phlébite, tous les jours le journal envoie prendre de ses nouvelles.
Comme je demande à Castagnou qu’est-ce qui a bien pu valoir la rédaction du supplément de L’Action française à Varillon8, que je n’ai jamais vu rien montrer de bien remarquable, il me dit que voilà des années que Varillon lèche les pieds aux gros bonnets de L’Action française, disant de Bainville9 qu’on n’a jamais écrit mieux depuis Voltaire, de Léon Daudet depuis Rabelais, et de Maurras depuis Socrate (lequel n’a d’ailleurs rien écrit).
Castagnou me dit que Varillon l’a accueilli un jour devant des gens avec ces mots : « Eh ! bien, petit poète symboliste », mais qu’il lui a rendu la monnaie, un jour qu’il l’a rencontré à son tour, en lui disant : « Eh ! bien, Varillon, toujours obèse ? »
Castagnou me dit que Marsan gagne une quinzaine de mille francs par an à Comœdia où il fait le feuilleton littéraire. Auriant présent dit que c’est possible. Magne a 300 frs par feuilleton. Quatre feuilletons par mois. Cela fait en effet la quinzaine de mille francs.
Samedi 26 Janvier 1929
Un peu avant midi, visite d’André Castagnou, qui a fini ses vacances parisiennes et qui retourne à Prague reprendre sa vie conjugale. Il venait me dire Au revoir. Je lui demande à quoi il passe son temps là-bas. Il me répond : « À dormir. » Comme il est un peu buveur d’alcools et de bons vins, cela ne m’étonne pas. C’est très possible.
Invitation à déjeuner ensemble. J’ai refusé. Nous sommes partis ensemble, jusqu’à la rue de Seine. Il me parlait des bons restaurants du quartier, disparus maintenant. Un seul, selon lui, où on mange assez bien, — quand on est des gens de notre bourse, s’entend, — une sorte de restaurant alsacien qu’il y a boulevard Saint-Germain, à côté des Docks Saint-Germain10. Castagnou ajoute : « L’embêtant, c’est qu’on y rencontre Cremnitz11… […]
À Junia Letty
Paris le 12 octobre 1932
Madame,
Êtes-vous au courant ?
André Castagnou est depuis huit jours à Sainte-Anne.
À midi, seulement aujourd’hui, on m’a fait connaître la coupure de journal que je vous joins. Je suis allé aussitôt à l’infirmerie spéciale du Dépôt. J’ai appris là le transfert à Sainte-Anne.
Je crois qu’il vaut tout de même mieux que vous sachiez.
Je vais tâcher d’avoir des nouvelles à Sainte-Anne, si on veut bien m’en donner.
Avec mes hommages.
P. Léautaud
Mercredi 12 Octobre 1932
Je trouve à midi, rue de Buci, Fagus qui m’attendait au passage. Il me demande si je sais qu’André Castagnou a été envoyé, il y a quelques jours, à l’infirmerie du dépôt. Il a lu cela un soir dans La Liberté. C’est bien de Castagnou qu’il s’agit. On le donne comme homme de lettres, et on donne son adresse habituelle quand il est de passage à Paris, l’hôtel 52, rue de Seine12. Il paraît qu’il aurait tenu des propos incohérents au chauffeur d’un taxi qui le ramenait à son hôtel. Fagus se montre surpris que je ne sache rien.

Extrait du texte de La Liberté du trois octobre 1932, page trois
(l’incertaine lisibilité de l’original a conduit à le remplacer par une reconstitution exacte).
Je lui dis qu’il devrait aller se renseigner à l’Infirmerie spéciale du Dépôt. Ancien employé de la Préfecture de la Seine, il lui est facile d’avoir un moyen d’introduction et de se faire renseigner. Il fait l’embarrassé, me dit qu’il ne connaît personne, qu’il ne sait pas comment s’y prendre, enfin se dérobe.
Pendant mon déjeuner, je me dis que je ne peux pas me désintéresser de cette affaire. Castagnou, un garçon charmant, très joli poète, que je connais depuis longtemps. Il vit à Prague avec sa femme. Chaque année, il vient seul faire un petit tour à Paris. Un peu vivement porté sur la bouteille ! S’il a vraiment perdu la tête, il n’y a personne ici pour s’occuper de lui.
Après déjeuner, je me rends à l’Infirmerie spéciale du Dépôt, où je suis très bien reçu et où on me renseigne : l’arrivée de Castagnou remonte à huit jours. Il a été envoyé à Sainte-Anne en traitement. Je demande si on sait quelque chose sur son cas. On me renvoie au médecin de l’établissement, je demande si le docteur Heuyer13, médecin de l’Infirmerie, que j’ai rencontré à la Vallée-aux-Loups, est là. Il est absent pour maladie. Sans cela, je pense qu’il m’aurait reçu et que j’aurais su quelque chose.
Je vais chez Fagus le mettre au courant. Il me remet la coupure de La Liberté, par laquelle il a appris l’affaire. On raconte que Castagnou aurait pris un taxi pour se faire promener la nuit dans Paris. Arrivé place de l’Odéon, et descendu de voiture, il aurait déclaré au chauffeur n’avoir pas un sou pour le payer. Le chauffeur aurait appelé deux agents. Ceux-ci auraient demandé à Castagnou son nom et son adresse. Ceux-ci reconnus exacts. Mais l’hôtelier aurait déclaré au commissaire que depuis quelque temps Castagnou avait une conduite étrange : il parcourait la nuit tous les étages de l’hôtel, complètement nu, frappant à toutes les portes, et remonté chez lui déchirait les tentures de sa chambre. Castagnou, interrogé par le commissaire, lui aurait répondu de façon incohérente. D’où l’envoi à l’Infirmerie du Dépôt. Ainsi du moins racontait La Liberté.
Si Castagnou est vraiment dans cet état, il n’a peut-être pas dit qu’il vit habituellement à Prague et qu’il a là-bas sa femme et son enfant, et sa femme ne sait rien de ce qui lui est arrivé ? J’ai pris le parti d’écrire aussitôt à sa femme pour la mettre au courant, en joignant à ma lettre la coupure de La Liberté que Fagus m’a donnée à cette fin.
J’avais rendez-vous chez Saltas14, à 4 heures, pour un point de rhumatisme que j’ai depuis quelque temps au coude du bras droit, quelquefois fort douloureux. Je lui raconte l’histoire Castagnou. Il m’offre lui-même aussitôt de se rendre avec moi demain matin à Sainte-Anne pour avoir des nouvelles. Nous avons rendez-vous demain matin à 9 heures et demie à la gare Denfert-Rochereau, à deux pas de Saint-Anne, sauf si mauvais temps. Saltas n’est pas seulement l’obligeance, la serviabilité faites homme quand on le sollicite. Il est ainsi spontanément, naturellement, dès qu’on lui en donne l’occasion.
J’emporterai demain matin le tome I des Poètes d’aujourd’hui pour montrer au médecin de Sainte-Anne, si nous le voyons, que Castagnou n’est pas absolument le premier venu.
Jeudi 13 Octobre
Ce matin, à Sainte-Anne, avec Saltas dans le service du docteur Marchand. Nous avons d’abord vu le docteur, en train de passer sa visite dans une salle de malades couchés. Il a renseigné Saltas sur Castagnou : excitation maniaque, un peu de folie furieuse. D’abord, enfermé seul dans une chambre. Ce traitement déjà produit bon effet. On peut espérer la liberté prochaine. Il a ajouté : « Vous pouvez le voir en bas. » Nous sommes redescendus. Devant le pavillon, un petit jardin clôturé, avec un banc. J’ai tout de suite reconnu Castagnou, assis là dans l’uniforme de l’établissement, et lisant. Nous sommes allés à lui : « Eh ! bien, Castagnou, lui ai-je dit. Comment cela va-t-il ? » Il m’a tout de suite reconnu et très heureux de ma visite. « Vous me trouvez dans un singulier endroit. » Tout à fait son état habituel, gai, moqueur, plaisantant. Il reconnaît lui-même qu’il a dû passer par un singulier moment. Il n’en a pas au juste la mémoire, ne sait même pas très bien ce qu’il a fait ce soir-là, ni quelles gens il a vus exactement. Il parle de Cremnitz, de Fargue15, de Salmon16, de Thérive17. Il lui semble, du moins. Il dit qu’il est parti de Prague un peu malade. Pas à l’aise pendant le voyage. L’excitation de se retrouver à Paris a dû faire le reste. Il ne se plaint pas de son séjour à Sainte-Anne. Bien traité. Tout le monde charmant. La privation de liberté, voilà tout. Il apprécie la cure de repos qui lui est procurée. On le soigne au moyen de piqûres. Il a eu ces jours-ci la visite de Thérive, qui était, à l’entendre, au nombre des camarades qu’il a vus le soir en question, aux Deux-Magots. Il dit avec raison, d’autre part, qu’il n’avait pas à ce point perdu la tête, puisqu’il a très bien su donner son identité. Je l’ai trouvé un peu pâle et amaigri. Je lui ai demandé s’il avait besoin de quelque chose, d’argent. Il m’a dit : « De l’argent, oui ! » Saltas est allé demander si on pouvait donner de l’argent à un malade. On a répondu : « Oui, mais peu. Dix ou vingt francs. » J’ai donné vingt francs à Castagnou. Je me demande du reste ce qu’il en pourra bien faire. Il égarera sûrement ces deux malheureux billets. Il m’a dit au reste n’être pas sans argent et avoir certainement quelques centaines de francs dans son portefeuille resté dans sa chambre, à son hôtel, avec son passeport.
Il était allé rue Pierre-Nicole pour voir sa mère18 qui habite dans cette rue. Elle n’était pas là. Il a un frère, Maurice Castagnou19, inspecteur des Eaux-et-Forêts. Il était allé au ministère de l’Agriculture pour le voir. On lui a dit qu’il réside maintenant à Chartres.
Il y a trois ans et demi qu’il n’était pas venu à Paris.
Il est dans un service où on peut voir les malades tous les jeudis et tous les dimanches de 1 heure à 3.
Je lui ai dit que j’ai écrit hier à sa femme. Il ne sait pas si elle est encore à Prague, ou en Allemagne, ou en Belgique dans sa famille.
Il lisait le dernier numéro de la Nouvelle Revue française que Thérive lui a laissé.
Nous sommes restés avec lui sur ce banc une bonne heure. Autour de nous, sous la galerie du pavillon, d’autres malades, fort paisibles. Une très jolie chatte tricolore passait des genoux de l’un aux genoux de l’autre, preuve de leur état inoffensif. Les malades travaillent dans l’établissement selon leur capacité : balayage, corvées d’eau, même quelques-uns, anciens dans la maison et probablement sans famille, comme scribes.
L’endroit est merveilleux. Une sorte d’ensemble de petits cloîtres, avec des bustes, des statues, des jardins superbes, de petits bâtiments où grimpent des chèvrefeuilles. Tout ce que nous avons vu n’a rien de pénible. Il doit y avoir d’autres parties, les sections de fous furieux et dangereux.
Au nombre des malades qui nous entouraient, un seul a un peu gêné, et sans danger pour personne. Toutes les cinq minutes, il descendait les trois marches de la galerie se trouvant devant le pavillon, faisait le même trajet dans le jardin jusqu’au même angle de la clôture, en vociférant, se tenant la tête d’une main et de l’autre semblant menacer dans l’espace. Il revenait ensuite tranquillement dans la galerie. Toutes les cinq minutes, le même manège absolument, sans que les autres malades s’en occupent le moins du monde.
Dans la grande allée d’entrée, un malade balayait le sol, très soigneusement, très paisiblement. De temps en temps, arrêt, le balai levé comme pour menacer ou se défendre, puis, de nouveau, balayage paisible et minutieux. Sur des bancs, deux ou trois femmes, avec des visages extatiques ou véhéments.
Au fond, pour la partie que nous avons vue, un très joli lieu de calme et de repos. On y passerait volontiers quelque temps.
Quand je suis rentré au Mercure, j’ai trouvé Fagus qui m’attendait et que j’ai mis au courant.
Après déjeuner, été au commissariat de police en face le Mercure, où Castagnou a d’abord été amené par les agents sur la réquisition du chauffeur de taxi auquel il avait déclaré n’avoir pas d’argent pour le payer. Vu l’inspecteur Bourniche avec qui je suis très bien. C’est lui qui était de service. Le récit de La Liberté est exact. Bourniche l’aurait laissé partir, même après les renseignements fournis par l’hôtelier, mais le commissaire lui-même, devant ces renseignements, a jugé préférable de l’envoyer à l’Infirmerie spéciale du Dépôt. « Un homme qui se promène tout nu la nuit, dans l’escalier de l’hôtel, qui frappe à toutes les portes, n’est-ce pas ?… » Me dit aussi que l’affaire aurait pu tourner tout autrement si Castagnou avait nommé quelques-unes de ses relations, le Mercure, moi par exemple. Mais rien. Au contraire, un ton assez violent devant les questions du commissaire. Bourniche me dit aussi que l’hôtelier a dit qu’il allait télégraphier à Mme Castagnou.
Castagnou, amené au poste en face le Mercure, ne pensant pas à donner cette référence, il fallait vraiment qu’il eût la tête égarée. C’était aussi l’avis de Vallette tantôt, quand je lui ai raconté ma visite à Sainte-Anne.
Jeudi 13 octobre 1932
Il y a dans les vers de Castagnou des sortes d’ellipses excellentes, la suppression de pronoms et de verbes qui donne le meilleur effet. De même certaines inversions, non de mots, mais dans la façon de s’exprimer, qui ne sont pas non plus sans un grand charme, quand on sait les voir en lisant.
Au docteur Marchand
(Asile Sainte-Anne.)
Dimanche 16 octobre 1932
Monsieur,
Comme suite à la visite que j’ai pu faire jeudi dernier à mon ami M. André Castagnou, actuellement au nombre de vos malades, je me permets de vous déposer un ouvrage de morceaux choisis de poètes dans lequel il figure et qui pourra vous renseigner un peu sur lui (tome I, page 45).
Avec l’expression de ma considération très distinguée.
P. Léautaud
Dimanche 16 Octobre20
Visite à Castagnou à Sainte-Anne. Moins bien qu’à ma dernière visite. D’ailleurs, au dortoir, couché, et sans vêtements à sa disposition. Questionné l’infirmier : c’est que le médecin juge qu’il doit rester couché. En effet, dans toute la conversation, Castagnou dit des niaiseries, des choses sans suite, d’autres qu’il n’achève pas, demande du papier et un crayon pour écrire mon nom, l’adresse de Thérive que nous savons tous, le nom du Docteur Marchand dans le service duquel il est, ne sait pas ce qu’est devenu l’argent que je lui ai donné, répète qu’il a une mère, un frère, une femme, un fils, ne se souvient toujours pas de ce qui s’est passé et oublie son envoi à l’infirmerie du Dépôt, puis à Sainte-Anne. Il m’a répété plusieurs fois : « Vous êtes bien Léautaud, n’est-ce pas ? Je vous reconnais. »
Je me suis trouvé là avec une dame de Prague, une amie à lui et de sa femme, descendue au même hôtel que lui 52, rue de Seine. Le récit de La Liberté est toujours exact. Elle me l’a confirmé de point en point : les promenades la nuit, tout nu, dans l’escalier de l’hôtel, frappant à toutes les portes, etc. Elle était venue le voir jeudi dernier, dans l’après-midi. Elle aussi, aujourd’hui, l’a trouvé moins bien.
On attendait Thérive. Il n’arrivait pas. Cette dame s’est décidée à aller le chercher. Il habite à deux pas de Sainte-Anne, au Lion de Belfort. Je l’ai priée de dire à Thérive que je serais heureux de le voir, pour examiner avec lui, qui peut avoir de l’influence, ce qu’on peut faire pour Castagnou. Elle est revenue sans lui : impossible de bouger. Trois articles pressés à écrire21.
Est arrivé ensuite le poète André Mary22, de la rue Bourbon-le-Château23. Je ne le connaissais jusqu’ici que de vue, pour le rencontrer souvent24. Une figure papelarde, à la Rabelais. Une voix et un accent de paysan. Il faudra que je demande de quelle province il est. De longs cheveux noirs collés et droits comme des ficelles humides. Il connaissait depuis le premier jour le séjour de Castagnou à Sainte-Anne. Mais absent de Paris pour un enterrement. Pas pu venir plus tôt.
Nous sommes restés tous trois auprès de Castagnou jusqu’à 3 heures, fin du temps des visites. Cette dame nous a emmenés au service du Docteur Toulouse, pour voir Gilbert Maire, qui est attaché à ce service, pour lui demander si on ne pourrait pas mettre Castagnou mieux que dans ce dortoir, dont je parlerai plus loin. Gilbert Maire absent. Nous avons vu le secrétaire du Docteur Toulouse, un garçon charmant. Nous lui avons fait part de l’état moins satisfaisant de Castagnou. Je me suis permis de lui dire, en m’excusant préalablement de parler peut-être comme un ignorant, que ce n’est peut-être pas salutaire pour le retour au calme de Castagnou qu’il se trouve dans un dortoir plein de malades si véhéments, faisant des discours toute la journée, avec des voix de stentors. Il a bien voulu me dire que mon observation était très juste. Cette dame a pris rendez-vous avec lui pour demain 2 heures, pour voir le Docteur Toulouse et examiner ce qu’on peut faire.
J’avais apporté les trois tomes des Poètes d’aujourd’hui pour le Docteur Marchand, avec une lettre, que j’ai remis à l’infirmier en chef de son service.
En m’en allant avec cette dame et André Mary, j’ai appris bien des choses que j’ignorais. Il paraît que Castagnou est coutumier de ces crises d’excitation maniaque. Elles le prennent assez régulièrement tous les deux ans et demi. Depuis une quinzaine d’années, il a été déjà cinq ou six fois interné. Séjour dans des établissements à Orly, à Grignon25. À Prague, il fait de fréquents séjours dans des maisons de santé. Les gens qui le connaissent y sont habitués et ne s’émeuvent plus. La dernière crise remonte à 1929. Mary disait qu’il commençait à s’étonner de n’en pas apprendre une nouvelle. Il est parti de Prague déjà malade, excité. Il parlait avec fièvre de l’Exposition Manet qu’il tenait absolument à voir. Il est arrivé dans un état d’extrême excitation, fumant d’énormes cigares, fatigué par le voyage. La crise était fatale. Sa femme l’a laissé partir avec inquiétude, et en même temps soulagée d’être débarrassée de lui pendant quelque temps, car la vie, avec lui, paraît-il, n’est pas drôle. Sa femme se tue de travail, lui ne fait rien, ne gagne absolument rien. Elle avait 300 000 francs environ de dot. Tout a été mangé. De plus, leur fils26, âgé de 10 ans, commence à donner, lui aussi, des inquiétudes : extrêmement sensible ; frémissant, agité27. André Mary a été voir Castagnou dans ses séjours à Orly, à Grignon. Il dit que les moments d’excitation ne sont rien, que ce qui est pénible à voir, ce sont les périodes de dépression qui suivent, le malade inerte, hébété, comme une loque. Puis petit à petit, tout se remet en place, jusqu’à la prochaine crise.
Comme je m’étonnais encore aujourd’hui que le frère de Castagnou, pourtant prévenu, ne se montre pas, Mary m’a expliqué : « Vous comprenez. Il est en train de se marier. Il est probable qu’il ne tient pas à ce que sa fiancée, la famille, sachent qu’il a un frère à Sainte-Anne. »
Je les ai quittés tous les deux au Lion de Belfort, tous les deux se rendant chez Thérive.
J’en viens au dortoir dans lequel j’ai visité aujourd’hui Castagnou. De chaque côté, six ou sept lits, sans aucune chaise.
Suit la description détaillée et un peu pénible de l’état de quelques malades.
[…]
D’autres sont enfouis sous leur drap par-dessus la tête, à peine visibles. Par exemple, celui du lit tout proche de Castagnou. Il me dit à mon arrivée : « Asseyez-vous donc. » Il entendait : sur le bord de son lit à lui. Le lit voisin en question, avec son occupant si bien caché sous son drap, m’avait paru vide. À l’invitation de Castagnou, je m’assieds sur ce lit. Castagnou s’écrie : « Vous vous asseyez sur un malade ! » Je me relève aussitôt. Ledit malade n’avait ni bougé, ni dit un mot. Toujours enfoui sous son drap.
Mardi 18 octobre 1932
Tantôt, un mot du Docteur Marchand me remerciant des volumes. Il paraît très renseigné sur les crises périodiques de Castagnou.
Castagnou a envoyé il y a quelque temps des vers au Mercure. Dumur m’en parlait tantôt. Trois poèmes. L’un d’eux sur les Voyelles. Dumur dit qu’on ne peut le publier, après le Sonnet de Rimbaud28. Il voulait me les remettre pour que j’en parle à Castagnou. Je lui ai dit qu’il ne me paraît pas en état de lui parler de ces choses. On attendra29.
Mercredi 19 Octobre
Réponse fort aimable de Mme André Castagnou. Elle avait été mise au courant dès le premier jour.
Dimanche 23 Octobre
Visite tantôt à Castagnou à Sainte-Anne. Bien meilleur état. Changé de pavillon. Avec des malades un peu moins véhéments. Il a eu un mot drôle. Je m’étais étonné en arrivant de lui voir pousser la barbe, alors qu’il est toujours complètement rasé. Il me donne je ne sais quelle raison. Un moment après il se met à écrire au crayon une lettre pour sa femme, que cette dame de Prague, qui est là, emportera, pour la lui remettre. Il écrit d’un ton léger. Il fait cette réflexion pour nous qu’il vaut mieux rire des choses…, et passant la main sur sa joue : « Quoique Figaro ne soit pas là !…30 » Il m’a demandé de lui envoyer le Mercure. Je lui enverrai demain les trois derniers numéros, et rognés, car il n’a pas même un coupe-papier à sa disposition.
Au nombre des fous de ce pavillon, un type qui s’est garni sa veste de foule de petits lisérés de toutes les couleurs, ses décorations, et qui se montre ainsi, assis sur une chaise, plein d’importance. Seigneur ! si on enfermait tous les gens qui ont la manie des décorations ! Mais la moitié de Paris serait vide.
Dimanche 30 Octobre 1932
Relu ce soir le roman d’André Castagnou : Diana. C’est vraiment un beau roman. Il y a des tournures de style extrêmement séduisantes.
Jeudi 3 Novembre
Ce matin, petit mot de Castagnou réclamant ma visite. Été le voir tantôt. Beaucoup mieux, mais quand sortira-t-il ? impossible de le présager. Tout dépend du médecin. Aujourd’hui de nouveau couché, par ordre, parce que n’ayant pas dormi normalement cette dernière nuit.
Je lui ai dit que j’ai relu dimanche son roman Diana et tout le bien que je continue à en penser. M’a dit qu’il a été pour ce livre beaucoup aidé par sa femme, en traits, anecdotes, circonstances. Il y a tout lieu de penser que sa femme, qui paraît avoir de hautes relations à Prague, qui en est avec Castagnou à son second mariage, a beaucoup circulé et connu de gens.
Jeudi 17 Novembre 1932
Tantôt visite à Castagnou. Apporté ce qu’il m’a demandé dans une lettre : une plume d’oie et de l’encre. Plus le petit volume de Rimbaud nouveau : Vers de Collège31. Il m’a demandé de l’argent. Donné 10 francs. De l’argent à un homme bien plus riche que moi, qui vit dans le loisir et les voyages. Amitié, voilà bien de tes tours.
Fagus arrivé après moi. Lui ai dit mon avis franc sur son poème de 15 pages dans le dernier Correspondant, à lui payé 300 francs m’a-t-il dit, abominable de platitude et de bondieuserie32.
Castagnou depuis deux semaines dans une section de gens plus paisibles. Curieux, ces bonshommes, couchés, qui ont tous leur petite fêlure et qui passent leur temps à monologuer dans leur lit, pour eux tout seuls. Mon Dieu ! il y a nombre de gens du même genre qui se promènent en liberté.
Jeudi 1er Décembre 1932
Visite à Castagnou. À mon impression, tout à fait guéri. Nous avons corrigé ensemble les épreuves que je lui apportais, de quelques petits poèmes qui vont paraître dans le Mercure33. Se plaint d’être nourri non seulement fort mal, mais insuffisamment. Sa mère est venue le voir jeudi dernier, mais cinq minutes. Il m’a demandé de lui acheter quelques petits cigares, un paquet de cigarettes, du chocolat, des oranges. Les oranges manquaient à la cantine. J’ai dû me borner aux premiers articles. Coût 8 francs 25. Plus cinq francs que je lui ai remis pour les oranges dont la cantine sera munie demain, total 13 francs 25. Fagus présent, fonctionnaire retraité à 12 000 francs au moins. André Mary présent, fonctionnaire aux Beaux-Arts à des appointements probablement appréciables. Ni l’un ni l’autre n’ont eu le geste de mettre la main à la poche. Pas plus qu’aux visites précédentes. Thérive, qui habite à deux pas, et qui gagne de l’argent, et ami d’enfance de Castagnou, en deux mois est venu une fois et ne s’occupe en rien de lui. La mère de Castagnou est une dame fort à son aise. Elle pourrait s’occuper de son fils et pourvoir à ses besoins. C’est moi, l’homme pauvre, l’employé, qui casque, c’est à moi que Castagnou demande. Je le lui ai dit tantôt devant les deux autres : « C’est tout de même drôle. Je vous donne de l’argent… Alors que vous êtes un homme riche, à côté de moi. Vous vivez dans le loisir, vous passez votre temps à voyager… Tandis que moi je suis employé pour vivre. Enfin ! » Ce qui n’a pas amené André Mary ni Fagus à coopérer le moins du monde. Ils ne se faisaient probablement pas la réflexion que je me faisais, à l’égard de Castagnou : si j’étais à sa place, je serais bien content qu’on ait de petits soins pour moi.
Le « Fléau » s’amusait de bon cœur, ce soir, de me voir, moi, « l’avare » comme elle dit, obligé de sortir mon argent. Je suis du reste le premier à rire de la circonstance.
En nous promenant tous quatre dans le petit jardin attenant au pavillon dans lequel est Castagnou, conversation amenée par moi en parlant à André Mary de son changement de patron, Paul Léon34 remplacé aux Beaux-Arts par Bollaert35, l’homme d’Herriot36. Puis, par suite d’une confusion de Fagus prenant Paul Léon pour Pol Neveux37 et demandent « ce qu’il fait, celui-là, à l’Académie Goncourt » sur Pol Neveux, André Mary, qui paraît le connaître, disant qu’il est surtout un bon fonctionnaire et que son élection, a été une affaire combinée par Léon Daudet, pour avoir un opposant de plus à la publication du Journal des Goncourt, à cause des petites histoires galantes qu’il contient sur sa mère. Puis sur la non-publication de ce Journal, le manquement à leur devoir des académiciens Goncourt, l’intrusion abusive du Ministre dans cette affaire, l’erreur d’évaluation de temps, dans le délai pour la publication, commise par Edmond de Goncourt, enfin la certitude dans laquelle on peut être maintenant qu’il est impossible de laisser des papiers de ce genre avec l’assurance qu’ils seront publiés comme on le désire. André Mary a formulé alors une opinion qui est exactement celle à laquelle je suis arrivé : faire imprimer, soi-même, de son vivant, son Journal, à dix exemplaires, qu’on donne à des gens, qu’on dépose dans des bibliothèques bien administrées, de préférence bibliothèques de province. On est sûr de cette façon qu’à la publication, on ne pourra pas publier un texte tripatouillé, expurgé, tronqué, adultéré d’une manière ou d’une autre, puisque le premier venu pourra prendre connaissance du texte exact imprimé par l’auteur lui-même.
Castagnou peint Thérive, en chargeant peut-être un peu, comme un homme très occupé par ses ambitions académiques, et passant ses matinées enfermé chez lui, à s’oindre la tête de diverses mixtures dont il attend la repousse de ses cheveux.

André Thérive en une des Nouvelles littéraires du 25 août 1928
Parti et fait un bout de chemin avec André Mary. Il est d’avis que la dernière aventure de Castagnou : Infirmerie du Dépôt et Sainte-Anne, servira à calmer et servira de leçon à Castagnou dans ses moments de folie. Savoir si justement ces moments de folie ne comportent pas un oubli de tout. Castagnou ne se rappelle bien presque rien de sa dernière crise. Il le montre aussi comme un être insupportable, faisant la vie fort difficile à sa femme, et, allusion probablement à ses propos sur Thérive, débinant tous ses amis — Mary a répété probablement à dessein pour moi : tous — quand ils ne sont pas là. Je m’en fiche, pour ma part, complètement. Les gens me plaisent pour ce qui me plaît en eux, et non pour ce qu’ils pensent de moi.
Jeudi 8 Décembre 1932
Tantôt, visite de Fagus, retour de visite à Castagnou. Il s’est trouvé en présence de sa mère, qu’il peint comme une femme très ordinaire, s’exprimant comme une campagnarde, et qui « lui faisait des yeux !… comme probablement à un des camarades qui ont mis son fils dans cet état ». Castagnou va partir prochainement dans un établissement d’Épinay. Il nous préviendra de son départ, soit Fagus, soit moi.
Mercredi 14 Décembre
Ce matin, en arrivant dans mon bureau, Fagus qui vient me communiquer une lettre qu’il a reçue de Castagnou, installé dans un établissement de santé à Épinay-sur-Seine. Sa femme est à Paris. Il invite Fagus à déjeuner avec eux deux prochainement, ce qui ne ravit pas autrement Fagus, qui ne sait rien de Mme Castagnou et se demande quels propos il pourra bien tenir.
Mercredi 21 Décembre 1932
Ce matin, longue lettre de Fagus : 6 pages grand format, pour me rendre compte de la visite qu’il a faite à Castagnou à l’établissement d’Épinay et m’annoncer qu’il est libre. Sa femme lui a trouvé un petit pied-à-terre rue de Vaugirard. J’aurai prochainement la visite de Castagnou au Mercure. Il veut me demander, par une démarche au Commissariat de police rue Crébillon, à rentrer en possession de ce qui lui a été confisqué lors de son envoi à l’infirmerie du Dépôt : sa canne, ses papiers, son portefeuille, son argent.
Lundi 2 Janvier 1933
Le premier janvier étant un dimanche, ce deux janvier est férié et Paul Léautaud est chez lui, à Fontenay-aux-Roses.
Visite de Castagnou, à une heure moins un quart. Sans crier gare. Sans avoir prévenu. J’ai horreur des visites. Encore plus, inattendues. Je finissais de déjeuner. Je n’avais pas fini de m’habiller. Je l’ai fait attendre un moment dans le jardin. Temps de printemps. Il est monté ensuite, on a été lui chercher deux œufs. Une mandarine qui traînait dans mon armoire. Deux ou trois gâteaux secs. Je lui ai fait un peu de café. Il a déjeuné ainsi sur un journal en guise de nappe, comme moi. Il mange malproprement, le menton tout mouillé. Il est parti ensuite se promener du côté de Robinson. Il va retourner à Prague.
Mercredi 18 Janvier 1933
Castagnou est venu ce matin me faire ses adieux. Il retourne à Prague. Pas un mot de l’argent que je lui ai donné, « prêté » comme il a bien voulu dire en le recevant. Une cinquantaine de francs dont je suis refait, par un garçon riche, auprès de ce que je suis !
À la fin de l’année, le 28 novembre, Paul Léautaud écrira à André Castagnou pour l’informer de la mort de Fagus.
Quatre ans et demi passent…
Jeudi 26 Août 1937
Ce matin, visite de Castagnou, qui vient passer un mois à Paris. Il est monté chez Mandin lui remettre un manuscrit, augmenté, des vers qu’il a à paraître au Mercure38. En redescendant, il m’a fait cadeau (?) du précédent. Qu’en faire ? Ma foi, je l’annexe ici39. Il s’y trouve d’ailleurs des choses charmantes, comme dans tous ses vers.
Vendredi 17 Septembre
Charmant moment de conversation, tantôt, dans mon bureau, avec André Castagnou, qui repart mercredi ou jeudi prochain pour Prague. Nous avons la même admiration, c’est peu dire, le même goût (ce qui indique mieux la sensibilité) pour Molière, pour tout le XVIIIe siècle, dans sa littérature, ses arts, ses mœurs, son décor intérieur et extérieur : Voltaire, Diderot, Chamfort (j’oubliais pour la musique Lulli), Lichtenberg40, que je lui ai fait connaître, il se l’est rappelé ; pour La Chartreuse de Parme, le Brulard et la Correspondance de Stendhal, pour l’égotisme prodigieux et la vie de Chateaubriand, pour le « personnage » de Mérimée, pour le merveilleux conteur et poète qu’est Apollinaire, en peinture pour un Watteau, un La Tour, plus près un Courbet, riant de la réputation faite de nos jours à des peintres comme Henri Matisse, à des sculpteurs comme Bourdelle, faiseurs de pathos par-dessus le marché, nous trouvant d’accord dans une égale horreur du temps présent. Je lui ai demandé s’il n’écrit pas un autre roman, après sa délicieuse Diana, un livre, lui ai-je dit comme je le pense, que je voudrais bien avoir écrit, pour tout ce qui s’y trouve de tendresse, de rêverie, de raccourcis subtils, de ton à la fois désabusé et ému, tout ce dont mon réalisme un peu trop direct est bien loin. Il m’a dit si, il en écrit un autre, en train depuis dix ans, qui est écrit à moitié, ainsi que la fin. Comme je m’étonnais qu’on puisse ainsi écrire un livre, pendant dix ans, par à-coups, sans que le ton s’en ressente, il m’a dit qu’il ne cesse d’y penser, qu’il promène partout ses personnages avec lui, qu’il ne les quitte pas. Je lui ai parlé de Georgina de Pillement41, qu’il ne connaît pas. Je le lui apporterai lundi matin, pour qu’il le lise les deux ou trois jours qu’il a encore à passer à Paris.
Puis c’est la guerre, pendant laquelle André Castagnou va mourir, le treize mars 1942, à Paris. Paul Léautaud le rencontrera encore le douze octobre 1939.
Le quinze février 1940, J.-H. Rosny aîné42 meurt. Il est inhumé au cimetière de Bagneux. André Castagnou s’y trouve :
Mercredi 21 Février 1940
[…]
Visite également de Castagnou. Il me complète le personnage de Larguier43 aux obsèques de Rosny aîné. Castagnou est monté à l’appartement pour les discours. Larguier parlait au nom de l’Académie Goncourt. Il ne s’est rien refusé. Castagnou m’a répété cette phrase de son discours : « On pense ici à la mort de Balzac, un grand poète lyrique parlant sur la tombe du puissant écrivain », la pose et les gestes accompagnant les paroles. C’est tout à fait Delobelle44 tombé dans la littérature.
Vendredi 31 mai 1940
Visite aussi de Castagnou, puis de Bachelin. Bachelin ne reconnaissant pas Castagnou. Castagnou lui a rappelé qu’il est allé, autrefois, prendre l’absinthe chez lui. « Il paraît que vous avez une recette pour en faire45 ? — Mais oui, je l’ai même toujours sur moi. » Castagnou a désiré l’avoir. Bachelin a tiré son portefeuille, l’y a cherchée, l’a trouvée et l’a dictée à Castagnou, qui l’a écrite sur un papier. J’ai dit : « La sympathie dans l’ivrognerie. »
Lundi 6 Janvier 1941
Ce matin, au Mercure, quelques lignes de Castagnou, m’annonçant la mort de sa femme, hier matin dimanche. Je lui avais fait visite une après-midi, dans le courant de l’année dernière. Charmante, jolie, intelligente. Je suis allé voir Castagnou tantôt. Tuberculose du larynx. Elle avait en effet de légères suffocations en parlant, qui lui donnait d’ailleurs une sorte de charme. Il lui aurait fallu aller faire un séjour dans un sanatorium. Elle s’y est refusée.
Il a voulu que je la voie sur son lit. Une fille de Henry Charpentier46(47) était [en train] de prendre un portrait d’elle, ainsi morte. Quelle chose mystérieuse, curieuse, que la mort. Quelle tranquillité, quel repos, quelle sorte de bonheur même, sur ce visage. Quelque chose d’un très léger sourire à la bouche. Tout à fait le visage d’une femme qui fermerait les yeux pour recevoir des baisers. C’est à faire rêver. Ce serait à faire rêver s’il n’y avait pas la suite. Je serais resté là une heure à regarder. Quarante-sept ans bientôt. Et le pauvre Castagnou, si incapable devant la vie, que va-t-il devenir ? Les Pompes funèbres sont arrivées comme j’étais là, avec le cercueil. Il a eu ce mot : « Déjà ! » Les obsèques n’ont lieu que mercredi matin.
Jeudi 20 Février 1941
À 4 heures, visite d’Henry Charpentier. Il m’apprend que le pauvre Castagnou est de nouveau enfermé dans un établissement à Saint-Mandé. Il se promenait chez lui en poussant des cris. C’est son fils48 et sa mère qui ont pris cette mesure. Il devait, à sa dernière visite, venir me prêter des Action française qu’il a reçues de zone libre. Je ne m’étonne plus de ne pas l’avoir revu.
Mardi 8 Avril
Ce matin, lettre de ce pauvre Castagnou, de l’établissement dans lequel il se trouve, à Neuilly-sur-Marne. Il se plaint de n’avoir rien à lire et me demande de la lecture.
Jeudi 24 Avril
Ce matin, visite de Castagnou, sorti de la maison de santé de Neuilly-sur-Marne. Il me raconte qu’on l’y a fait dormir pendant quinze jours pour le désintoxiquer. Un acte de son dérangement d’esprit (une fois de plus !) : il se coiffait de son vase de nuit. Il m’agaçait. J’étais peu disposé ce matin à écouter ses bavardages. Appris toutefois ceci : à la Radio-Paris, on lui a fait une lecture de ses vers. Un quart d’heure. Il a touché 600 francs. Il m’a dit le nom du personnage qui s’occupe de ces lectures. Je l’ai mal retenu. En tout cas, voilà qui m’intéresse, dans la gêne d’argent dans laquelle je suis. J’ai bien envie de m’occuper de me faire faire une ou deux lectures de ce genre. Il y a dans Passe-Temps des chapitres qui s’y prêteraient fort bien, et nullement ennuyeux pour les auditeurs.
Mercredi 7 Mai 1941
Il y a eu des tracts dans tous les jardins voisins.
Ce matin, visite de Castagnou. Il va parler de moi au directeur de la Radio-Paris, un M. Dresher (un Allemand), pour des lectures de moi49. Il a emporté à cet effet un exemplaire de Passe-Temps. Mais Castagnou saura-t-il parler comme il le faut ? Je vais être un complet inconnu pour ce M. Dresher50.
Mardi 28 Avril 1942
[…]
J’étais boulevard Saint-Michel, devant le Café Capoulade51, au bord du trottoir, attendant pour traverser. Je suis abordé par le poète Philippe Chabaneix52. Il est rentré depuis un mois de la zone libre. Il était à Toulon. […] Il m’apprend la mort de Castagnou, au cours de l’opération de cette hernie qui lui était soudain venue après la mort de sa femme (je me rappelle que Duhamel lui avait donné un mot de recommandation à ce sujet).
Nous ne lirons plus le nom d’André Castagnou dans le Journal de Paul Léautaud.
Notes
1 Georges Aubault de La Haulte Chambre (1873-1935). En voici le savoureux portrait par Maurice Boissard dans sa chronique parue dans le Mercure du premier mai 1920 : « Trissotin, qu’on connaît depuis peu, paré d’un nom superbe, charmant d’ailleurs d’équivoque et de beau langage, prisant comme un abbé de Cour, saluant tous d’un « Je vous révère » assorti à sa personne, fait partie de tous les comités et jurys théâtres nouveaux, prix littéraires, élection de prince des poètes ou des prosateurs, hommage ou banquet à celui-ci ou à celui-là, jurant qu’on l’y a mis malgré lui, qu’on abuse de son nom, pirouettant comme un page et fort heureux en lui-même de ses farces. Autant qu’inverti notoire doublé d’un ivrogne, excellent latiniste, il a fait paraître une revue de grand luxe rédigée en latin : Janus. Comme il m’en faisait le service, à notre première rencontre je le remerciai : “Il y a une lettre de trop dans votre titre”, et lui, ravi du mot : “Ne l’écrivez pas. Vous me feriez du tort dans ma famille.” » Georges Aubault de La Haulte Chambre a publié La Prière sur l’Acropole dans le Mercure du 1er janvier 1918. Selon BNF Data on le trouve également sous les noms de Geo Aubaut, Jehan Le Povre Moyne ou Georges Plisson.
2 Voir le Journal au 10, 17 et 21 janvier 1924.
3 À plusieurs reprises, ces derniers temps (les 10 et 21 janvier et 22 décembre 1924), Paul Léautaud a écrit « troisième volume » pour « troisième édition », sans doute parce que cette troisième édition se fera en trois volumes au lieu de deux pour l’édition précédente de 1908 (et une pour la première, en 1900). Pour le détail de ces trois éditions voir la page Poètes d’aujourd’hui qui présente un tableau des auteurs présents dans chacune des éditions.
4 André Castagnou, Diana, Plon 1927, 254 pages.
5 Junia Letty (Juliette ou Antoinette Grégoire, 1893-1941), femme de lettres belge et journaliste, traductrice de l’italien et du tchèque. Installée avec André Castagnou (son second mari) à Prague en 1925, Junia Letty a collaboré à la Revue française de Prague et à L’Europe centrale et a tenu la rubrique « La grande roue » dans Le Flambeau (revue belge du monde slave) de 1921 à 1929. Junia Letty (le couple ?) a quitté la Tchécoslovaquie en 1939. Source : Laurent Béghin, « La revue Le Flambeau et les littératures slaves (1918-1940) », Textyles, 45 | 2014, 105-122.
6 Eugène Marsan (1882-1936), a fondé en 1908 avec l’éditeur Jean Rivain la Revue critique des idées et des livres, puis en janvier 1909, avec le stendhalien Henri Martineau, la revue littéraire Le Divan. Il tiendra la critique littéraire de L’Action française sous le pseudonyme d’Orion. Eugène Marsan, auteur de manuels de savoir-vivre et de romans légers, sera parfois plaisanté pour son dandysme. Il a épousé Blanche Kinkels (1882-1973). Leur fille Anna est née en 1906, s’est mariée en juin 1925 et a divorcé il y a un an le 19 décembre 1927.

Le logo du Divan
7 Eugène Marsan, Passantes, Le Divan, 1923, 170 pages.
8 Pierre Varillon (1897-1960), écrivain et journaliste royaliste, ami de Charles Maurras.
9 Jacques Bainville (1879-1936), historien, journaliste et écrivain royaliste.
10 D’après une publicité du Gaulois du 29 novembre 1897 (il y a plus de trente ans…), ces Docks Saint-Germain étaient une boutique d’articles de voyage au 131, Boulevard Saint-Germain, à l’angle de la rue Mabillon où se trouve de nos jours une brasserie Léon. L’endroit semble un peu loin de la rue de Condé…
11 Le poète et critique d’art Maurice Cremnitz (1875-1935), ami d’Apollinaire a parfois écrit sous le nom de Maurice Chevrier. C’est l’un des rares auteurs sous pseudonyme que l’on évoque le plus souvent sous son nom réel.
12 Un hôtel *** existe encore de nos jours à cette adresse, presque à l’angle de la rue Jacob. Petites chambres cosy.
13 Peut-être Georges Heuyer (1884-1977).
14 Jean Saltas (1865-1954), citoyen grec, est né en Asie mineure dans la province d’Éphèse avant que ce territoire soit rattaché à l’actuelle Turquie. Il semble que Jean Saltas ait été naturalisé français, comme Guillaume Apollinaire et de nombreux autres, suite à son engagement français lors de la première guerre mondiale. Jean Saltas ne semble avoir écrit qu’un ouvrage médical en 1892 et un article sur « Les derniers jours d’Alfred Jarry » dans Les Marges. Jean Saltas est le médecin de Paul Léautaud. Le onze août 1941, dans Je suis partout (page huit), Jean Saltas décrira ses premières rencontres avec Paul Léautaud. On peut consulter son dossier sur la base Léonore.
15 Avant de fréquenter les mardis de Rachilde, Léon-Paul Fargue (1876-1947), a été reçu aux mardis de Stéphane Mallarmé (1842-1898), où il a rencontré Paul Claudel, Claude Debussy, André Gide, Marcel Schwob, Paul Valéry… Il est devenu l’ami de Maurice Ravel. En 1924 il a fondé avec Valery Larbaud et Paul Valéry, la revue Commerce. Voir aussi son portrait au 28 décembre 1932 et sa nécrologie dans le Mercure du 1er janvier 1948 par Georges Randal (Auriant) (page 185) et « Fargue — Premières rencontres », par Adrienne Monnier dans le Mercure de février 1948 en ouverture de la revue.
16 André Salmon (1881-1969), poète, romancier, journaliste et critique d’art, défenseur du cubisme au côté de Guillaume Apollinaire.
17 André Thérive (Roger Puthoste, 1891-1967) utilise plusieurs autres pseudonymes. Agrégé de Lettres en 1913, André Thérive est, après avoir fait quatre années de guerre, professeur au collège (privé) Stanislas de la rue Notre-Dame-des-Champs. Il a obtenu le Prix Balzac (Bernard Grasset) en 1924. En 1926 il a été critique littéraire à la Revue critique des idées et des livres et à L’Opinion. En 1929, André Thérive a tenu la rubrique des « Consultations grammaticales » des Nouvelles littéraires et il succède à Paul Souday comme critique littéraire au quotidien Le Temps. Son malheureux ancrage à droite le fait participer, en octobre 1942, à la semaine du livre de Weimar, ce qui lui vaut à la Libération d’être frappé d’interdit par le Comité national des écrivains. Cette interdiction a été de courte durée comme toutes les condamnations prononcées à cette époque et André Thérive a continué de publier dans quelques journaux prestigieux.
18 Berthe Bois (1865-1956) a épousé en 1888 Jean Castagnou (1849-1909). La rue Pierre-Nicole relie le sud du jardin du Luxembourg à l’ancien hôpital du Val-de-Grâce.
19 Maurice Castagnou (1901-1994).
20 Début du volume X, paru le 1er juin 1961.
21 Ces jours-ci nous avons une « Querelles de langage » dans Les Nouvelles littéraires de la veille et dans le numéro du 22 octobre un grand article sur « Le procès Mouvault aux assises » (quatre grandes colonnes). Dans Le Temps du vingt, la chronique des livres dans laquelle il sera question de quatre ouvrages, dont La Femme maquillée d’André Billy qui vient de paraître chez Flammarion. Ci-dessous la couverture de l’édition bon marché de 1936.

22 André Mary (1879-1962), poète bourguignon et médiéval.
23 La petite rue Bourbon-le-Château, derrière l’église Saint-Germain-des-Prés, relie la rue de l’Abbaye à la rue de Buci.
24 Journal au quinze juillet de cette année 1932 : « André Mary, “poète et médiéviste”, vient de recevoir la Légion d’honneur. Je le voyais justement, après déjeuner, entrer dans un bobinard, 35, rue Dauphine. Pour montrer son ruban à ces dames. »
25 Grignon est une commune de Savoie, à une cinquantaine de kilomètres au sud d’Annecy.
26 Didier.
27 Le texte depuis « Sa femme se tue de travail », absent de l’édition papier du Journal littéraire, provient du tapuscrit de Grenoble, relevé par Bertrand Vignon.
28 Rimbaud, Voyelles, publié par Verlaine dans la revue Lutèce en octobre 1883.
29 Un poème sur les voyelles se serait bien trouvé dans l’œuvre d’André Castagnou. Il n’apparaît pas dans les poésies publiées dans les numéros suivants du Mercure (au moins ceux des quinze janvier 1933 et premier janvier 1937).
30 « Le Comte : Qui t’a donné une philosophie aussi gaie ? / Figaro : L’habitude du malheur. Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. » Beaumarchais, Le Barbier de Séville, acte I, scène II.
31 Mercure 1932, introduction et notes par Jules Mouquet, 111 pages.
32 Dans cette revue la chose est normale. La revue catholique Le Correspondant a été fondée en 1829. Après plusieurs crucifixions et résurrections, la dernière en 1871, le titre tombera, en 1937, dans l’escarcelle de la revue jésuite Études, toujours active.
33 Dans le numéro du quinze janvier 1933, pages 306-308, quatre poèmes un peu niais dont on peine à relever deux vers.
34 Paul Léon (1874-1962), directeur des Beaux-Arts (en 1919) et directeur général en 1928, élu à l’académie des Beaux-Arts en 1922, professeur au Collège de France en 1933.
35 Émile Bollaert (1890-1978), chef de cabinet d’Édouard Herriot en 1924 et 1932, président de la Chambre des députés en 1925, ministre de l’Instruction publique en 1926, directeur général des Beaux-Arts de décembre 1932 à février 1934.
36 Édouard Herriot (1872-1957), sénateur de 1912 à 1919 puis député radical-socialiste du Rhône (dix mandats) de 1918 à 1957, président de l’Assemblé nationale à trois reprises, six fois ministre et/ou président du Conseil. Maire de Lyon de 1905 à sa mort (sauf de 1940 à 1945).
37 Pol Neveux (1865-1939), inspecteur général des bibliothèques depuis 1902 et membre de l’académie Goncourt depuis 1924 (au deuxième couvert).
38 Cet ensemble de vers en sept parties paraîtra dans le numéro du premier novembre sous le titre Flutiaux d’exil, page 488. Assez peu intéressant.
39 Rien dans l’édition papier, pas même une note.
40 Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799), philosophe, écrivain et physicien allemand connu pour ses Cahiers d’aphorismes, republiés chez José Corti en 1997.
41 Georges Pillement (1898-1984) est auteur de livres d’art et de tourisme. Il est aussi auteur dramatique et romancier. Au début de la guerre de 1939 Georges Pillement entreprendra des publications destinées à la sauvegarde du patrimoine bâti. Georges Pillement, La vraie Georgina et l’autre, Grasset 1934, 221 pages.
42 J.-H. Rosny est le pseudonyme commun des frères Joseph Henri Honoré Boex (1856-1940) et Séraphin Justin François Boex (1859-1948), tous deux nés à Bruxelles et donc Belges. Dans son testament, Edmond de Goncourt a désigné les frères Rosny comme membres de la future académie Goncourt où ils occuperont les quatrième et cinquième couverts. Entre 1887 et 1908 ils écrivent en collaboration de nombreux contes et romans à dominantes scientifique ou fantastique, mêlant souvent les deux. En juillet 1908 les frères arrêtent leur collaboration et Joseph continue d’écrire sous le nom J.-H. Rosny aîné, pendant que Séraphin signe J.-H. Rosny jeune. Rosny aîné aura droit à son portrait-charge dans Mots, propos et anecdotes.
43 Léo Larguier (1878-1950), est arrivé des Cévennes à Paris vers l’âge de 24 ans et a rapidement été reconnu comme poète, bien qu’un peu superficiel et à effets. Il a été, un temps, proche de Paul Léautaud qui a toujours moqué ses airs de romantique m’as-tu-vu. Cette attitude a pourtant réussi puisque Léo Larguier a été élu en 1936 membre de l’académie Goncourt au couvert de Léon Hennique.
44 Delobelle est un personnage du roman d’Alphonse Daudet Fromont jeune et Risler aîné, Charpentier 1874, 388 pages. Il est l’archétype du comédien raté. « On a beau être éloigné du théâtre depuis quinze ans par la mauvaise volonté des directeurs, on trouve encore, quand il faut, des attitudes scéniques appropriées aux événements. » (page six).
45 L’absinthe est à l’origine d’une longue histoire française, largement chargée de fantasmes, entre aphrodisiaque, source de vigueur intellectuelle et effets thérapeutiques divers. Ce breuvage est le distillat d’un mélange d’absinthe, d’anis et de fenouil, selon les recettes de chacun, qui donnent toutes un résultat d’une grande amertume et d’un fort taux d’alcool. L’absinthe pure devait donc être diluée dans plusieurs volumes d’eau que l’on versait très délicatement sur un sucre. Cette préparation d’abord consommée dans la bourgeoisie de l’est de la France et en Suisse a entraîné un cérémonial et les accessoires correspondants, cuillères, verres gradués ouvragés, fontaine à absinthe… Dans les années 1830, la conquête de l’Algérie a conduit les soldats à utiliser ce breuvage dans le but de contrer certaines maladies locales. Le goût pour ce breuvage nouveau s’est alors répandu en France au point de remplacer quasiment tous les autres apéritifs. Cette intense consommation permettant une baisse des coûts, de nombreuses contrefaçons sont apparues et notamment, à la place de l’alcool, l’emploi du méthanol, neurotoxique mais moins coûteux. De nombreux désordres sociaux ont entrainé l’interdiction de cette boisson au printemps 1915. Cette interdiction a logiquement conduit à des manœuvres de contournement dans la population, d’où d’innombrables « recettes » plus ou moins réalistes, le particulier disposant rarement d’une distillerie. De nos jours la fabrication d’absinthe est de nouveau autorisée.
46 Note de Jean-Louis Debauve (1926-2016) : « Le poète Henry Charpentier (1889-1952) avait publié en 1910 un Tombeau de Stéphane Mallarmé. Après la disparition du Dr Bonniot, il fut l’un des exécuteurs testamentaires chargés de veiller sur l’œuvre du poète ; vers 1929, il faisait partie de la direction du Mercure de France. Enfin, en 1950, il était secrétaire de l’académie Mallarmé qui comptait alors des membres aussi divers que Francis Carco, Jean Cocteau, Paul Fort ou le professeur Mondor. Il est question à diverses reprises de ce « pseudo-poète » dans le Journal que son auteur, qui ne l’estimait guère, qualifie en d’autres passages de tapeur et d’arriviste. » Henry Charpentier n’a jamais fait partie de la direction du Mercure mais de la revue d’extrême-droite Latinité.
47 Henry Charpentier a eu deux filles, nées la même année, Gabrielle (1921-2003) et Hélène (1921-2000).
48 Didier Castagnou.
49 Pendant toute la durée de l’occupation, Radio-Paris, 114, avenue des Champs-Élysées était placé sous la direction d’Alfred Böhfinger, ancien directeur de Radio-Stuttgart.
50 Cette affaire n’ira pas plus loin.
51 Ce célèbre café se trouvait depuis 1934 au 63, boulevard Saint-Michel (à l’angle de la rue Soufflot), à l’emplacement de l’ancienne Taverne du Panthéon. En 1944, le nom Taverne du Panthéon sera de nouveau affiché, ce qui crée parfois un doute sur la date des photographies. À l’autre angle de la rue Soufflot se trouvait le café Mahieu, où Paul Verlaine avait reçu, en août 1894, les violettes de Paul Léautaud. Nous avons de nos jours un Burger King et un Mac Donald.

Le Capoulade en 1944 en train de reprendre l’ancien nom de Panthéon.
À la droite de l’image, en limite de cadre, le Mahieu
52 Philippe Chabaneix libraire au 12 rue des Beaux-Arts avant la guerre, va ouvrir une nouvelle librairie « Au balcon », dans cette petite maison de deux étages du 33, rue Mazarine.