Paul Léautaud chez les artisans & commerçants de Paris
Une page de Jean-Luc Souloumiac publiée le premier avril 2024. Temps de lecture : 34 minutes
Debauve & Gallais — Jules Chevrel — Charles Renaudie — Les frères Manuel — Le Café Mahieu — Notes
La chocolaterie Debauve & Gallais
Située nos 26-30 rue des Saints-Pères, VIIe arrondissement, la chocolaterie est une très vieille maison fondée en 1800 et encore debout aujourd’hui. Imagine-t-on qu’à l’époque, le chocolat est considéré comme un médicament ? Pourtant, cette annonce de L’Écho rochelais1, du dix-neuf août 1834, présente :
Le chocolat analeptique ou réparateur, le chocolat adoucissant au lait d’amandes, dit rafraîchissant, de l’invention de MM. Debauve2 et Gallais3, rue des Saints-Pères, no 26, à Paris… comme un aliment précieux pour les convalescents et les valétudinaires, pour les enfans4 et les vieillards, pour les personnes d’un tempérament délicat et pour celles dont l’estomac est affaibli par des affections morales, par des travaux d’esprit, ou par l’abus des fruits et du régime débilitant ; il ramène promptement l’embonpoint, en rendant à l’estomac sa puissance digestive. Le chocolat au lait d’amandes convient dans la convalescence des gastrites, ainsi que dans les rhumes, les catarrhes et les indispositions, qui sont la suite d’un tempérament échauffé.
Il fallait donc un pharmacien, Sulpice Debauve (1757-1836), qui fut celui de Louis XVI, pour fonder en 1800, une chocolaterie qu’il implanta « près de la rue Saint-Guillaume, ci-devant5 rue Saint-Dominique, no 4 ». Fournisseur de la famille royale, de nouveaux locaux sont construits en 1819, rue des Saints-Pères. En 1823, Debauve s’associe à son neveu, le pharmacien Jean Baptiste Auguste Gallais (1787-1838). La marque Debauve & Gallais était créée.
Gallais décédé, Théry prend la succession jusqu’en 1857, à l’arrivée de Nicolas-Eugène Hugon.

Le Charivari du 17/11/1844 (Retronews.fr)
En 1858, Hugon construit une usine avec machines à vapeur, qui ferme ses portes en 1966.

Étiquette Debauve & Gallais de 1870 (Gallica.BnF.fr)
Son fils Gustave Hugon6, à partir de 1873, puis ses fils Maurice et Georges, et petits-fils Jacques et Robert Hugon, assurent jusqu’à nos jours, avec de nouveaux propriétaires, la pérennité de la marque Debauve & Gallais.
Léautaud, grand amateur de chocolat, amer de préférence, fréquente de temps en temps les belles chocolateries renommées, comme ce vendredi trente-et-un décembre 1920(7), Debauve & Gallais, et nous avoue son petit larcin :
J’ai bien fini l’année. Je suis allé ce soir à la chocolaterie Debauve et Gallais, rue des Saints-Pères8, acheter du chocolat pour moi et quelque gourmandise pour les enfants de mon voisin Poinçon9, chez qui vit, à son gré, mon chat Cendré. Dépense de 10 frs 80. Il y avait queue à la caisse. Ces choses sont chères. Ces gens gagnent un argent fou. Ma foi ! je suis parti sans payer.

Debauve & Gallais en 1924 (Le Ruy-Blas du 15/11/1924 — Retronews.fr) »
Et si le Petit Pierre10 d’Anatole France, paru en 1921, dit qu’ :
Il faut louer dans ce vieux magasin l’enseigne en lettres bien proportionnées, bien carrées ; les fenêtres cintrées et leur imposte en éventail, le fond du magasin arrondi comme un petit temple, et le comptoir en hémicycle qui suit la forme de la salle…
en ajoutant :
Quand maman avait fait son emplette, la matrone qui présidait cette assemblée de vierges sages [les vendeuses] prenait dans une coupe de cristal placée à son côté une pastille de chocolat qu’elle m’offrait avec un pâle sourire
Léautaud, lui, fait le dégoûté le trois avril 1942 :
[…] J’ai touché mon premier chocolat de vieillard. De Debeauve [sic] et Gallais. Fort mauvais. J’avais le choix. Une autre fois, j’en prendrai un autre.
Si le magasin de vente est situé rue des Saints-Pères, l’atelier de fabrication de Debauve & Gallais est implanté, depuis 1858, no 51, avenue de Ségur, même arrondissement. Dans la période qui nous occupe, il n’est pas conduit par des membres de la famille Hugon. Les recensements de 1926, 1931 et l’état-civil11, indiquent qu’à cette adresse réside le chocolatier Henri Prestat Louis, né à Crouy-sur-l’Ourcq (Seine-et-Marne), le seize février 1874, fils de Henri Désiré Louis et de Victorine Louise Brulé. Décédé le vingt-sept mai 1936, il habitait alors Malakoff, no 20 rue J.-J. Rousseau, avec son épouse Clotilde Eugénie Frelon, sans profession, née le vingt-sept août 1877 à Oigny (Aisne). Ils eurent deux enfants : un fils, Edmond, né en 1902 et une fille, Lucie Alice Louis, née le quinze décembre 1906, employée de bureau. Mariée à Malakoff le deux août 1941 avec Martial Gratadoux. Elle décède le trente-et-un mars 2009 à Ivry-sur-Seine.
Pour visiter Debauve & Gallais — Chocolatier des Rois de France.
La librairie Jules Chevrel
Né à Reims le quatre juin 1859, fils d’Adrien Jules Chevrel et d’Adélaïde Magdeleine Moulie, il épouse Lucie Marchand, née à Paris en 1876(12). Jules Adrien Chevrel, libraire-éditeur, tient son commerce au no 29 rue de Seine à Paris (VIe). On lui doit quelques ouvrages illustrés de gravures, signées Martin Van Maele (1863-1926) ou de son pseudo Van Troizem. Ce dessinateur commence, au début du XXe siècle, à travailler pour l’éditeur érotique Charles Carrington13, puis il illustre pour Jules Chevrel :
Paul Verlaine14 : Trilogie érotique, 1907, enrichie du Sonnet du trou du cul, en collaboration avec Arthur Rimbaud15. — Choderlos de Laclos16, Les Liaisons dangereuses, 1908, vingt eaux-fortes. — Jules Michelet17, La Sorcière, 1911, quinze eaux-fortes. — Denis Diderot18, La Religieuse, 1916, dix eaux-fortes. — Charles Baudelaire19, Les Fleurs du Mal, 1917, douze eaux-fortes.
Léautaud se rend chez Jules Chevrel le mardi 6 septembre 1921 :
[…] Sur l’indication de Rouveyre20, je suis allé tantôt chez le libraire Chevrel, dont j’ai trouvé le nom dans les papiers de Henri Albert21, pour négocier la vente ou la reprise de sa collection d’ouvrages libertins, 29, rue de Seine, au 2e sur la cour, deux petites pièces poussiéreuses, pleines de livres. Chevrel m’a fait le suivre dans la seconde pièce, plus éloignée de la porte d’entrée. Je lui ai dit : « Voici. Un de mes amis, qui vient de mourir, a laissé une collection de certains livres… Sa femme ne veut pas les garder. Elle est embarrassée pour les vendre. Elle m’a chargé de m’en occuper… » J’avais remis ma carte à Chevrel, pour lui ôter toute méfiance. Quand j’ai dit : un ami… il m’a dit aussitôt : Henri Albert ? -— Du moment que vous savez qui, lui ai-je dit, l’affaire est simplifiée. » Naturellement, Chevrel a joué son rôle. « J’ai procuré ces ouvrages à Henri Albert pour lui être agréable, m’a-t-il dit. Moi, je ne vends pas de ces livres-là. Je connaissais Henri Albert depuis longtemps. Il m’avait dit qu’il préparait un travail. Quand il voulait un livre, il me le disait. Je sais où on les vend et je les lui procurais. » Il est entendu que je donnerai un rendez-vous à Chevrel, pour venir rue de Harlay22.
Étrange que Jules Chevrel déclare ne pas vendre « de ces livres-là ». Pourtant son Verlaine en 1907, et son Baudelaire en 1917, nous prouveraient le contraire :

Le rendez-vous a lieu le samedi suivant, 10 septembre 1921 :
J’avais laissé hier un mot chez Chevrel lui donnant rendez-vous aujourd’hui, à 2 heures et demie, chez Mlle de Decken23. Il a lu sur mon mot : 2 heures, est arrivé à 2 heures, et moi, qui l’ai attendu devant la porte jusqu’à 3 heures moins dix, ce qui fait que quand je me suis décidé à monter, il avait déjà tout examiné et fait son estimation. Il a beau dire qu’il ne vend pas de ces livres, en tout cas il les connaît bien et est très ferré sur cette bibliographie galante. J’avais l’intention de lui demander en cadeau un petit volume imprimé en 1801 ou 1802, recueil de gravures fort libertines, avec un frontispice composé de tout un encadrement de phallus avec leurs attributs, les gravures représentant diverses poses amoureuses, cadeau que je voulais offrir à la Panthère. Son estimation faite, et la présence de Mlle de Decken — que nous n’aurions pas eue si nous nous étions trouvés ensemble pour l’examen des volumes et l’estimation — m’en ont empêché. Il a repris la plus grosse partie de ces volumes pour une somme de 774 francs, ce qui représente certainement pour lui une bonne affaire. Mlle de Decken a gardé le Casanova illustré, jusqu’à nouvel ordre. Chevrel lui a dit être prêt à le prendre pour 500 francs, ce qui doit bien représenter 800 ou 1000 francs comme vente.
Jules Chevrel, quatre mois exactement avant sa mort, se rend au Mercure de France24 pour une curieuse démarche que Léautaud note le vingt-neuf septembre 1931 :
[…] Tantôt visite de l’ex-libraire de polissonneries Chevrel, venant me demander la permission de me faire donner à sa mort une collection de manuscrits de lui : souvenirs personnels, souvenirs et anecdotes sur des éditeurs, des écrivains, etc., dans lesquels tirer quelque chose d’intéressant, selon lui. Je ne pouvais pas dire non. Il a 72 ans. Il va donc laisser un mot pour sa femme, pour que ses papiers me soient remis à sa mort.
Jules Chevrel décède le vingt-neuf janvier 1932 à son domicile parisien, no 79 boulevard Montparnasse, à l’angle de l’impasse Robiquet. Lucie Marchand, veuve Chevrel, qui habite toujours à cette adresse en 1936, a-t-elle honoré le vœu de son défunt mari ?
L’imprimerie Charles Renaudie
La rue de Seine abritait un maître-imprimeur, Charles Renaudie, qui tenait boutique au n°56(25), et imprima plusieurs titres du Mercure de France, tels :
— le Château singulier de Remy de Gourmont26 en 1894. — Les éditions successives de L’Almanach des Poètes27. — Les Lettres rustiques de Pierre Quillard28 en 1895. — Laus Veneris, poème de Swinburne29 traduit par Francis Vielé-Griffin30 la même année. — Sylvie ou les émois passionnés d’Eugène Montfort31 en 1896. — Ubu Roi d’Alfred Jarry32 en 1896 suivi de l’Almanach illustré du Père Ubu en 1898, avec vingt dessins orignaux à la plume de Pierre Bonnard33. — Le Bouclier d’Arès de Sébastien-Charles Leconte34 en 1897.
C’est encore lui qui imprima la revue poétique éphémère de Pierre Louÿs, Jean de Tinan, Henri de Régnier et quelques autres, Le Centaure35.

Le colophon du second volume du Centaure, imprimé en 1896
Charles Émile Renaudie naît à Paris le quatre janvier 1864, fils de Charles Louis Renaudie et Catherine Ernestine Josèphe Poudré. Marié en premières noces avec Mathilde Augustine Pommier, il se remarie avec Elisa Augustine Boury36.
Léautaud, d’après son Journal littéraire, l’a peu fréquenté. Le vendredi six avril 1906, il note :
Rencontré Gourmont place Saint-Germain-des-Près. Été ensemble sur les quais. Nous avons trouvé une Chartreuse, édition Delahays37, 0,50 — et une première édition Rome, Naples et Florence38 — 8 francs, qu’il a achetées39. Gourmont a trouvé le titre d’un journal : L’État40. J’en ai vu le prospectus chez Renaudie et il va faire le dépôt légal du titre qu’il espère vendre à un groupe de financiers.
Puis, le mardi dix suivant :
J’avais rendez-vous avec Gourmont à 3 heures pour aller déposer au Palais le titre de son journal, mais Renaudie a manqué de parole, rien de prêt.
Il faut croire que Renaudie mit les bouchées doubles car le surlendemain, le jeudi douze :
Été aujourd’hui avec Gourmont déposer au bureau de la Presse, au Palais, le titre de son journal L’État, dont il m’a donné deux exemplaires de prospectus.
Dix-huit années s’écoulent avant que Léautaud ne consigne, le mercredi vingt-quatre décembre 1924 :
[…] Comme elle [le Fléau41] a besoin de cartes de visites, je m’offre à les lui faire faire chez Renaudie. En allant chez Renaudie, je pense à des marrons glacés pour elle.
Les gens du Mercure de France semblent avoir une petite ristourne sur les travaux d’imprimerie de Renaudie, car Remy de Gourmont, le 23 mai 1912(42), le conseille aussi à l’amazone Natalie Clifford Barney43 :
Amie, nous avons oublié G. Apollinaire44, 37 rue Gros. Pensez-y. Cela me fera plaisir et à lui aussi.
Le reste est fait selon vos indications.
Si vous manquiez d’invitations, en envoyer une à l’imprimeur avec le papier. Renaudie, 13, rue de Sèvres.
« …
Adieu, divine amie.
Votre R.
Si Renaudie, en 1906, semble toujours occuper le no 56, rue de Seine, en 1909 il demeure au no 13, rue de Sèvres et décède le quatorze août 1926 au no 37 rue Saint-Placide, à Paris.
En 1930, les nos 11 et 13 de la rue de Sèvres sont occupés par les Éditions G. Crès & Cie, avec au no 11, la Revue Française et l’imprimeur-typographe Jacques Grou-Radenez (1905-1945), futur résistant mort en déportation45. Pour mémoire, c’est son frère Jean Grou-Radenez (1904-1972), qui imprime la version française de Mein Kampf d’Hitler pour les Nouvelles Éditions Latines en 1934.
Les Frères Manuel, photographes
Bien situé près de la place de l’Étoile, no 47 rue Dumont-d’Urville, le studio des Gaston et Lucien Manuel, fondé en 1900, est spécialisé dans le portrait artistique. Leur frère Henri ouvrira son propre commerce en 1913. Bien des personnalités du monde politique, artistique et littéraire ont pris la pose chez eux, comme ici l’auteure Rachilde46 en 1919, épouse du directeur du Mercure de France, Alfred Vallette47, et la célèbre libraire de la rue de l’Odéon, Adrienne Monnier48 :

L’Alliance littéraire49 du 1er janvier 1932, page 4, consacre à Gaston et Lucien « une photographie » sous le titre Reportage instantané, signé Charlotte Davy50 :

Très souvent on appelle Lucien Gaston, et Gaston Lucien, mais ils rectifient d’eux-mêmes. Les malins disent simplement Monsieur Manuel, et ils sont sûrs de ne pas se tromper.
Révolutionnaires certes (leur boutonnière est teintée de rouge) que de têtes couronnées et princières tombèrent sur leurs plaques sensibles !… À vrai dire, bien des hommes politiques furent exécutés par eux, ce qui leur permet de se proclamer tout aussi bien réactionnaires. En fait, pour échapper aux représailles, l’un et l’autre se cachent dessous un voile noir, derrière lequel il vise la victime qui généralement sourit.
Cette douce mort vers la Postérité attire les jolies escadrilles des vedettes.
Le frère de Gaston et Lucien, Henri Manuel, est né à Paris le vingt-quatre avril 1874, 9 place de la Corderie, IIIe arrondissement. Fils de Jacob Manuel, représentant de commerce, 29 ans, et de Célestine Lévy, sans profession, vingt-deux ans, il épouse à Bâle le cinq août 1901, Rachel Camille Meyer51. En 1913, Henri Manuel se sépare de Lucien et de Gaston et s’installe no 27 rue du Faubourg Montmartre dans le IXe. Il termine sa carrière en 1939 et décède à Neuilly-sur-Seine le onze septembre 1947, no 63 boulevard Victor Hugo.

En 1930, plusieurs adresses pour les trois frères Manuel52 :
— 12 rue de Presbourg (XVIe) : La galerie d’art de Gaston et Lucien ;
— 47 rue Dumont-d’Urville (XVIe) : studio photographies-portraits de Gaston et Lucien ;
— 15 rue Royalee (VIIIe) : studio photographies de Gaston et Lucien ;
— 46 rue La Pérouse (XVIe) : studio photographies-portraits de Gaston et Lucien ;
— 27 Faubourg Montmartre (IXe, bien davantage populaire) : studio d’Henri, photographe éditeur.
Les rapports de Léautaud avec les Manuel sont rares, et lorsqu’il doit se rendre chez eux pour répondre aux besoins d’un organe de presse, c’est une véritable corvée. Qui peut être intéressé de voir s’exhiber un vieux monsieur, laid de surcroît ?
Le huit janvier 1923, il nous annonce qu’ :
À midi 10, comme j’allais partir déjeuner, visite dans mon bureau de Florent Fels53, qui descendait de chez Vallette, pour me reparler du petit volume qu’il m’a demandé pour la collection qu’il dirige à la librairie Stock. Le portrait qu’a fait de moi le dessinateur qu’il m’a envoyé ne le satisfait pas. Il a assez des interprétations un peu fantaisistes auxquelles se livrent ces artistes. Il a pris le parti de donner des photographies. Il m’indique un photographe, Manuel frères, rue La Pérouse, chez qui je n’ai qu’à aller quand je voudrai. Je ne suis pas prêt d’y aller, ne sachant même pas si je trouverai de quoi faire ce petit volume.

Le portrait de Léautaud des Nouvelles littéraires du 06/01/1923
Les Nouvelles Littéraires54 (N. L.) le pressent aussi, et le onze mai suivant :
[…] Il [Maurice Martin du Gard] veut faire un article sur moi dans les N. L. avec mon portrait. Il m’a demandé d’aller chez le photographe des N. L., les frères Manuel, du côté de l’Arc de Triomphe.
C’est au tour de Comœdia55 de demander la pose, qu’il n’oublie pas de noter le vingt-sept juillet 1926 :
Tantôt au Mercure, arrivée d’un photographe de la Maison Manuel, pour me photographier pour Comœdia. Pas moyen de me dérober. Ce sera certainement exécrable.
pour ajouter le onze août suivant :
Manuel m’a envoyé une épreuve des deux poses prises dans mon bureau au Mercure. C’est affreux, pas moi du tout, expression ridicule.
Comœdia insère la photographie le vingt-huit juillet :

L’affreuse photographie Manuel prise à mon bureau du Mercure
accompagnée du texte suivant :
Paul Léautaud
Naguère critique et féroce critique dramatique au Mercure de France puis à la Nouvelle revue française sous le pseudonyme de Maurice Boissard, Paul Léautaud a maintenant maille à partir avec sa propriétaire qui prétend le rendre responsable des déprédations commises par les animaux que le misanthrope héberge. C’est la première fois, croyons-nous, que Paul Léautaud le sauvage a été photographié dans ce simple appareil fort pittoresque d’ailleurs.
En cette fin des années vingt, la photographie commence à supplanter le dessin artistique pour illustrer journaux et revues. Aussi, les professionnels, plus fréquemment sollicités, pressent-ils les vedettes du jour à impressionner la plaque. Mais Léautaud, le onze mars 1929, ne l’entend pas ainsi :
Une lettre aussi du Photographe Manuel me demandant de vouloir bien venir poser, afin qu’il puisse répondre aux demandes qui lui sont faites par des journaux et des libraires de ma photographie. Je vais lui faire tous mes remerciements et lui dire que je suis trop vieux monsieur pour m’offrir ainsi à la vue des gens.
Quarante-huit heures après :
J’ai répondu aujourd’hui aux photographes Manuel pour les remercier… et refuser.
Mais ce repoussant portrait le poursuit, et le onze avril 1929, la coupe est pleine :
Encore reçu ce matin un article sur Passe-Temps56 orné de l’affreuse photographie Manuel prise à mon bureau du Mercure, quand à commencer mon affaire avec ma propriétaire. J’ai refusé il y a quelques jours à Manuel d’aller poser chez lui. Alors, il donne cette horreur. Je me suis décidé aujourd’hui à lui écrire pour le prier de ne plus la donner.
Toutefois, pour la bonne cause, en pleine affaire avec sa propriétaire57, Léautaud autorise la visite chez lui, à Fontenay-aux-Roses, d’un photographe de chez Henri Manuel afin d’illustrer l’Excelsior58 du vingt-huit juillet 1926. Il note ce jour-là :
Marie59 a ouvert hier à un photographe venu pour Excelsior. Elle est ce matin dans ce journal, avec une partie des animaux, et moi dans un médaillon, une des deux poses prises hier au Mercure. Il semble me rappeler en effet qu’il s’est nommé comme venant de chez le photographe Manuel et il m’a dit être auparavant allé chez moi.

Photographie Henri Manuel reproduite dans l’Excelsior du 28 juillet 1926
Deux liens généreux :
Henri Manuel sur Gallica (bnf.fr).
Bibliothèques spécialisées et patrimoniales de la Ville de Paris.
Le Café Mahieu
Parlerait-on encore aujourd’hui de cet établissement disparu dans les années soixante, si Paul Verlaine ne l’avait fréquenté ? Les Cafés de Paris, par un flâneur patenté (Étienne-François Bazot) est un petit ouvrage édité en 1819. Il recense le Procope, le Manoury, le Tortoni, ceux de l’Ambigu et de la Gaîté, celui du Caveau ou de la Rotonde, et bien d’autres. Mais le boulevard Saint-Michel n’existant pas encore, le Café Mahieu devra attendre la percée de cette voie projetée par le baron Haussmann. L’ordonnance du trente juillet 1859 décrète la création de ce boulevard, mais le guide Paris Illustré d’Adolphe Joanne, édité chez Louis Hachette et Cie en 1867, ne le cite pas encore. Son ouverture à la circulation date probablement de la fin du Second Empire ou peu après la Commune de Paris.
Le guide Paris et ses environs, de la collection des Guides Baedeker, édité à Paris en 1896, chez Ollendorff, lui réserve une petite place dans les cafés de la fameuse rive gauche parisienne :
[…] Les nombreux cafés du boulevard Saint-Michel sont surtout fréquentés par les étudiants et les « étudiantes ». À mentionner : le Café Soufflet ; le Café Vachette, aux coins de la rue des Écoles ; le Café du Musée de Cluny, au coin du boulevard Saint-Germain ; le Café de la Source, au 35 ; le Café d’Harcourt, au 47, et le Café Mahieu, au 65 (rue Soufflot), peut-être le plus sérieux.
Le Café Mahieu, le plus sérieux ? Cela semble être l’avis des frères Tharaud60 qui, dans Mes années chez Barrès, se souviennent que :
La rue Soufflot, qui mène au Panthéon entre une double haie des plus tristes fleurs qui soient, les thèses de doctorat en droit, n’était pas beaucoup plus gaie que l’humble rue Cujas. La taverne du Panthéon, avec sa terrasse déserte pendant les jours d’hiver, si animée dès le premier printemps, n’existait pas encore, et dans les profondeurs du non-être elle attendait ses destinées sous les caleçons et les chaussettes d’un magasin de nouveautés. En face, le Café Mahieu, où de vieux étudiants s’installaient dans les habitudes de leur futur café provincial, n’était pas fait pour égayer beaucoup la funèbre avenue.
Des deux surfaces commerciales qui occupent le rez-de-chaussée du 65 boulevard Saint-Michel, seul le Café Mahieu avait une seconde entrée, 23 rue Soufflot, vu que l’immeuble qui les abritent en fait le coin.

Le Café Mahieu vers 1910
Si nos recherches pour retrouver le fondateur de ce Café, qui devait logiquement s’appeler Mahieu, n’ont pas abouti, nous avons toutefois rencontré quelques patrons du Mahieu :
— 1909-1910 : Pierre Virgile, qui l’exploitait probablement avant 1909 ;
— 07/07/1910 : Louis Tétrel reprend le Mahieu ;
— 1911 : Louis Tétrel, avec au no 65, le Bureau de la Compagnie Générale des Omnibus ; le Tabac Héraud ; Joseph Hild, avocat à la Cour d’Appel et le domicile du libraire Marescq ;
— 1913 : Louis Jean Eugène Tétrel décède le neuf mars à Saint-Cloud. Sa veuve, Désirée Lucie Tétrel, née Sollier, poursuit l’activité. Au no 65 : le Bureau de la Compagnie Générale des Omnibus ; le Tabac Héraud ; Joseph Hild, avocat à la Cour d’Appel. Le libraire n’y habite plus ;
— 1914 : le Café est toujours au nom de Louis Tétrel ; au no 65, Le Bureau de la Compagnie Générale des Omnibus et Héraud, tabac et vins ;
— 1918 : Le Mahieu est au nom de Veuve Tétrel. Son jeune fils, André Louis Tétrel, né à Paris le quatre octobre 1907, meurt le vingt-et-un octobre. Au no 65, Héraud, tabac et vins, est remplacé par Girard ;
— 1921 : Situation inchangée ;
— 1926-1927 : Girard, tabac et vins, est remplacé par Boscus ;
— 1928 : Le patron du Mahieu est L. Méjard ;
— 1930 : L. Méjard au Mahieu. Boscus est remplacé par L. Dulac, tabac et vins.
Comme dans les chemins de fer, un Mahieu(x) peut en cacher un autre :

Le Café Mahieux, 11 place d’Italie et 182 bd de la Gare,
devenu bd Vincent Auriol en 1976.
Si l’histoire littéraire est jalonnée de cafés mythiques, depuis le Procope de Voltaire jusqu’à ceux de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir, on remarque que dès la fin du dix-neuvième siècle et la première moitié du suivant, deux grands boulevards, le Saint-Michel et le Saint-Germain, rassemblent bien des enseignes encore familières, même pour les provinciaux :
Déjà Oscar Wilde avait promené de la rive droite à la rive gauche sa déchéance et son atroce misère d’ancien dandy, et si Jean Moréas allait encore jusqu’au Napolitain, ce n’était déjà plus, il s’en fallait, un pur du Boulevard ; il était surtout de la rive gauche où la nouvelle génération fréquentait aux Deux Magots, au Café de Flore, chez Balzan, à la Source, au Panthéon, au François Ier, cher à Paul Verlaine, au Steinbach, où Maurice Barrés avait fait une conférence aux serveuses, au Mahieu, à la Lorraine, au Vachette, quartier général de Moréas, des frères Berthelot, de Malvy, de Desrousseaux, dit Bracke, et, tout en haut, à Montparnasse enfin, la Closerie des Lilas. Mais le boulevard Saint-Germain, la rue des Écoles, le boulevard Saint-Michel n’ont été qu’une transition rapide ; aujourd’hui c’est Montparnasse qui a définitivement remplacé le Boulevard et qui règne sans conteste, quoi que l’on en puisse dire61.
Si le Mahieu est le lieu de rendez-vous des étudiants et des étudiantes, il l’est aussi pour les écrivains établis ou en devenir. Ainsi Louis Dumur62, avec son groupe la Pléiade63, revue poétique éphémère qui laissera place au Mercure de France dès le premier janvier 1890. Dans leur article Montparnasse, Gustave Fuss-Amoré et Maurice des Ombiaux ajoutent :
[…] L’esprit d’Apollinaire était protéiforme. Sans doute l’homme était-il toujours sincère, mais sa sincérité variait suivant les milieux. Pour défendre le cubisme, ses arguments marquaient des différences selon qu’il tentait de persuader Louis Dumur, dont le groupe tenait alors ses assises au Café Mahieu, ou qu’il voulait séduire le public de la Rotonde64.

Louis Dumur
Dans son roman Les Défaitistes65, Louis Dumur ne l’oublie pas :

Harald sortit. Il se mêla au flot de la rue Gay-Lussac et se laissa entraîner vers la place Médicis, déjà noire de monde. Au bout d’un quart d’heure de tâtonnements, de glissements, de faufilements, il parvint à se loger, à la hauteur du café Mahieu, derrière plusieurs rangs de dos, de nuques et de chapeaux, contenus par un cordon de soldats, et que sa taille élevée lui permettait de dominer. Une mer de têtes couvrait l’immense carrefour, noyait les perspectives, inondait l’emplacement du bassin, battait la grille du Luxembourg, assaillait les kiosques, montait à l’assaut des maisons, éclaboussait les fenêtres, les balcons et jetait son écume jusque sur les toits.
De même Léo Larguier66 qui :
[…] a fait la guerre. Il a été blessé. Guéri, il a de nouveau rejoint les armées. Le Double bouquet67 (novembre) publie une troisième série des notes de ce beau poète. Elles sont la sincérité même. Ici, nulle « étiquette » : humain, tendre, véridique, tel est M. Léo Larguier :
« Mon dépôt est maintenant à Saint-Cyr. J’arrive à Paris un pluvieux samedi de mars, à la nuit tombante. Quelle émotion ! Un fiacre me cahote vers la rue Soufflot que je n’ai pas revue depuis vingt mois. Mes yeux sont mouillés. L’averse m’a cinglé le visage à travers les portières de la voiture. Je ne peux guère avouer que je pleure en revoyant la boutique de mon libraire, le Café Mahieu et l’épicier au coin de la rue Saint-Jacques68. »
S’il faut encore se convaincre de l’attrait du Mahieu pour les gens de lettres, voici :
— le poète Paul-Napoléon Roinard (1856-1930)69 :

[…] qui vient de mourir, fut, comme Verlaine qu’il avait bien connu, un habitué des cafés du Quartier Latin. Ce fut un des plus fidèles du Procope. On le voyait encore récemment au Mahieu. Devant ses « mominettes », sur le coup de sept heures, après plusieurs tournées, il était d’une éloquence éblouissante70. »
Léautaud nous a laissé quelques mots sur ce Roinard, mort à Courbevoie, qui « est une sorte de vague poète bohème, révolutionnaire et ignoré71. »
— le romancier et journaliste André Thérive72 :
Si vous voulez être sûr de rencontrer l’auteur d’Anna73, allez entre minuit et deux heures du matin boulevard Saint-Michel, au Café Mahieu. Thérive, qui est, affirme-t-il, « un partisan bien convaincu de la vie de café » et qui déclare hautement que le Mahieu « devrait être reconnu d’intérêt public » a fixé là ses pénates littéraires après avoir, en 1920, fréquenté la Rotonde, puis, vers 1923, le Cluny, qu’il quitta en 1925 pour son café actuel. Là il ne rencontre pas seulement le garçon qui, autrefois, au Vachette, servait Moréas, mais encore un égyptologue, vieil ami de Moréas, qui, malgré ses quatre-vingt-sept ans, vient assidûment, la nuit, au Mahieu et aussi Dumur, Pierre-Paul Plan, des professeurs allemands, polonais et même un nationaliste coréen74 !
— l’écrivain Antoine Albalat75 qui :
[…] avait fait les beaux jours du Café Vachette, puis du Café Mahieu où naguère encore il se réunissait, avec le groupe de Louis Dumur, le vendredi : mais il avait élu une petite brasserie de la rue Gay-Lussac76, « Chez Adolphe », qui, pendant dix ans, faillit devenir un coin littéraire77. »
et jusqu’à Émile Faguet78 qui :
[…] naissait il y a cent ans à La Roche-sur-Yon, le classique critique que Léon Daudet a si cruellement écorché dans ses souvenirs79 fut bien le type du vieil étudiant fidèle à son petit bric-à-brac de la rue Monge et au Mahieu, où, sur un coin de table, il rédigeait rapidement une chronique80.
À la lueur de quelques articles des Nouvelles Littéraires, il semble que le Mahieu connaît une transformation radicale au cours du second semestre de l’année mil neuf cent trente-cinq, œuvre probable d’un nouveau propriétaire qui introduit un style moderne à ce café déjà bien ancien. Certains croient même à une cessation d’activité :
Ce sera un évènement littéraire que la prochaine disparition du Mahieu. Le Café Mahieu avait conservé, en effet, une clientèle très littéraire. On y rencontrait, à des heures et à des jours différents, le groupe des populistes, les Amis de Moréas, les coloniaux de l’Indochine.
On assure que les populistes transporteront leurs assises à la Closerie des Lilas. Les Amis de Moréas, et les coloniaux suivront sans doute le mouvement, et la Closerie, après une longue éclipse, va connaître, de nouveau, des fastes littéraires81.
Mais, en décembre 1936, la métamorphose rend nostalgique l’auteur dramatique Eugène Heltaï82 qui :
s’est retrouvé avec joie dans ce Paris qu’il aime, qu’il a servi et qu’il connaît mieux que beaucoup de vieux Parisiens. Chaque rue, chaque maison, chaque pierre a pour lui son histoire. Au quartier Latin, que nous traversons avec lui, il se remémore les cafés, maintenant disparus, où il se mêla aux grandes querelles littéraires du début de ce siècle. Il soupire devant le Mahieu tout nickel d’aujourd’hui, et hoche la tête devant la Source, qui a abandonné la moleskine d’antan pour la peluche et le simili-cuir83.
Sous le titre : « Quartier Latin en 1936 — Étudiants d’hier et d’aujourd’hui », Les Nouvelles Littéraires84, observent que :
Cette jeunesse laborieuse, libre et joyeusement mêlée, quand on a passé l’âge de l’immatriculation et perdu le goût d’affronter la cohue des cours publics, où du reste elle se perd, c’est dans les cafés qu’on peut le mieux la coudoyer et apprendre à la connaître. Une tradition qui ne s’est pas perdue, veut que l’étudiant médite ou discute devant un bock ou un crème, la leçon qu’il emporte de la Faculté.
Chers vieux cafés bourrés de souvenirs ! Autre sujet de regret pour l’antiquaire mélancolique. L’un après l’autre, ils font peau neuve. On ne les reconnaît plus. Leur éclat, leur tapage, transforment le Boul-Mich’ du bon temps en un Broadway de la Rive Gauche. La Taverne du Panthéon, cette espèce de cave, solennelle comme une antichambre du Sénat, s’est couverte de peintures, et éclabousse de feux rouges la moitié de la rue Soufflot. Le Mahieu, autre sentinelle de la même rue, a remplacé ses sièges antiques par des squelettes de chaises en nickel. L’illustre d’Harcourt85, capitonné de velours derrière des rideaux sagement croisés, tient encore bon, mais cache depuis peu un orchestre dans ses plantes vertes. Enfin, le Soufflet, qui fut longtemps le plus tranquille, renferme désormais toutes les tentations qu’offrent à leur clientèle ces établissements d’un luxe facile où l’on affirme que tout est bon.

Le Mahieu dans les dernières années de son activité avant de devenir un McDonald’s
Dès la seconde page du premier tome de son Journal littéraire, Paul Léautaud, le vingt-quatre août 1894, note sa rencontre avec Paul Verlaine au Café Mahieu :
Je retournais chez Berr87 après déjeuner. En passant devant le Café Mahieu, je vois à la terrasse Verlaine avec cette femme88 qui l’accompagne toujours. J’ai acheté un petit bouquet de violettes89 à la fleuriste qui se trouve à côté de la pâtisserie Pons et je le lui ai fait porter par un commissionnaire, allant me poster sur le terre-plein du bassin pour voir de loin l’effet. Il a porté le bouquet à son nez, pour en respirer le parfum, en regardant de tous côtés d’où il pouvait lui venir. J’ai repris mon chemin, enchanté de mon geste90.
Cette relation est celle du Journal littéraire édité en volumes et insérée d’abord dans la revue du Mercure de France du premier janvier 1940(91).
Mais trois autres versions existent. D’abord, celle qui est peut-être l’originale :
Vendredi 24 Août. — Offert par l’intermédiaire d’un gamin, un bouquet de violettes à Verlaine assis au café qui fait le coin de la rue Soufflot et du boulevard Saint-Michel, en face le bureau des omnibus.

Paul Verlaine au François Ier (Photographie Dornac, 1892)
Ensuite la version refaite en 1938 :
Vendredi 24 Août. — Je passais à une heure devant le café Mayeux [sic]. À la terrasse, Verlaine, avec cette femme qui l’accompagne toujours. J’ai acheté un bouquet de violettes, que je lui ai fait porter par un gamin, regardant de loin l’effet. Il l’a pris, respiré, regardant de tous côtés d’où cela pouvait lui venir. Je suis parti très heureux.
Puis cette ancienne version retrouvée :
Le bouquet à Verlaine. Un jour, le 25 août 1894, je notais déjà ma vie au jour le jour, je passais une après-midi B. St.-Michel. À la terrasse du café qui fait le coin du Boulevard et de la rue Soufflot, je vis Paul Verlaine assis, à côté de son habituelle compagne. J’achetai un bouquet de violettes et le lui envoyai remettre par un commissionnaire92.
Léautaud n’entrait que très rarement dans un café, lieu qui le dérangeait à la fois à cause de sa timidité et de la présence de consommateurs indélicats ou grossiers qu’il pouvait y rencontrer. Mais la guerre, l’occupation allemande avec la raréfaction de nombreuses denrées, l’ont conduit à pénétrer ces lieux où l’on peut encore lui servir un ersatz de repas et de café. Accompagné de Marie Dormoy93 (M. D.), il prend l’habitude de déjeuner chez Polidor94 puis de prendre le café chez Mahieu.
Ainsi :
— le dix-neuf décembre 1941,
Déjeuné avec M. D. chez Polidor, comme la dernière fois, restaurant de la rue Monsieur-le-Prince, pas mal, où on obtient des plats en supplément, [ce] qui fait qu’on a à peu près mangé. Ensuite, le café, au Café Mahieu, où (dans la partie : café) on a un morceau de sucre, et non de la saccharine95. »
— le neuf janvier 1942,
[…] Ensuite, déjeuner chez Polidor rue Monsieur-le-Prince. Ensuite le café au Café Mahieu.
— le seize janvier 1942,
Déjeuné avec M. D. chez Polidor, rue Monsieur-le-Prince. Nous allons prendre le café, comme d’habitude, au Café Mahieu. À cette heure, c’est bondé. Nous trouvons deux mauvaises places dans un recoin, à une table de l’autre côté de laquelle trois hommes fort bien, pas des étudiants, sont assis et parlent.
— le vingt-trois janvier 1942,
Déjeuné avec M. D. au restaurant végétarien de la rue Monsieur-le-Prince. Elle venait de déposer mon testament chez son notaire du boulevard Saint-Michel. Ensuite, le café au Café Mahieu, toujours aussi archi-plein. Puis quelques minutes à la Bibl. D.
Léautaud fait brièvement référence au Café Mahieu le huit mai 1942, puis le cinq juin suivant où la qualité se dégrade :
Je suis allé à Paris, comme je le devais. Déjeuné à la gargote de la rue Le Goff. Quel déjeuner ! Pris ensuite un café sur le zinc du Café Mahieu. Quel café !
Et voici Léautaud à une « table asiatique » le dix-neuf juillet suivant :
[…] En sortant de prendre le café au Café Mahieu, après le déjeuner au restaurant chinois de la rue Cujas…
Puis, le vingt-quatre :
J’ai retrouvé Marie Dormoy à midi et demie à la gare du Luxembourg. Pour la première fois, elle était arrivée avant moi. Excellent déjeuner dans un restaurant chinois rue Monsieur-le-Prince (pour la première fois) à côté du restaurant Polidor. Ensuite, comme d’habitude, café au Café Mahieu.
Et le trente-et-un :
Déjeuné avec M. D. au restaurant chinois de la rue Cujas. Excellent déjeuner. Ragoût de lapin et salade de tomates. Du riz à la place de pain. Je m’y fais. Boisson : du thé. Et, mon Dieu ! d’un prix acceptable : 39 francs 75 chacun, le 10 % compris. Il faut bien compenser les maigres repas de toute la semaine.
L’année suivante, le vingt-huit mai 1943, le rituel se poursuit :
Déjeuner ensemble au restaurant indochinois de la rue Cujas. Les petits restaurants prennent de plus en plus les façons des grandes exploitations, sans pudeur, du client. Dans celui-ci, par surcroît, l’Indochinois qui nous sert est d’une impolitesse de manières complètes. Au Café Mahieu ensuite, comme d’habitude.
La dernière référence au Café Mahieu date du vingt-huit octobre suivant :
Déjeuné ensemble au restaurant de la place de l’Odéon, coin de la rue Corneille96. Il y avait du colin. Nous nous en sommes aperçus en le voyant servi à d’autres clients. Cette canaille de garçon ne nous en avait pas proposé, — il ne figurait pas sur le menu. Nous en aurions mangé avec plaisir. Le poisson est si rare. Il y avait à côté de nous une jeune femme extrêmement brune, d’un noir de corbeau. Après le déjeuner, le café au Café Mahieu.
Notes
1 L’Écho rochelais : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32763114s/date.
2 Sulpice De Bauve (ou Debauve) naît le six décembre 1757. D’une famille de robe, d’un père, Louis Bienvenue, médecin, qui l’établit en 1779 à Saint-Germain-en-Laye, il est breveté pharmacien du Roi dans les domaines de Versailles et Saint-Cloud. Il laisse passer la Révolution, puis reprend son activité protégée par Joséphine de Beauharnais et s’installe en 1800, rue Saint-Dominique à Paris. Les années qui suivent sont celles du développement, de la recherche et de la renommée. En 1816, une lettre de créance de Louis XVIII lui confère le titre de Chocolatier du Roi. Devenu un homme d’affaires très occupé, il transmet la chocolaterie à son neveu Jean-Baptiste Gallais. Sulpice s’éteint à Paris le douze avril 1836, et inhumé au cimetière du Père Lachaise.
3 Jean-Baptiste Auguste Gallais, né en 1797, fils de Jean Gallais, médecin militaire pendant la Révolution et l’Empire, et d’Anne Guillemot, se consacre davantage à la recherche que son oncle. Chocolatier du Roi en novembre 1824, il est installé no 26 rue des Saints-Pères. La nouvelle décoration, achevée en 1819, est confiée à Percier et Fontaine à qui l’on doit un intérieur en demi-cercle meublé d’un imposant comptoir de même forme, une façade avec des fenêtres cintrées et colonnades dites « en perroquet ». Gallais, décédé en 1838, avait publié en 1827, une Monographie du cacao ou Manuel de l’amateur de chocolat, 216 p, éditée chez Debauve et Gallais, imprimée à Paris par Lachevardière Fils (Monographie du cacao par A. Gallais).
4 Cette graphie enfans était courante jusqu’à la réforme de l’orthographe, confirmée en 1835 avec la parution de la sixième édition du dictionnaire de l’Académie.
5 Ci-devant indiquait ce qui datait de l’époque précédant le Révolution.
6 Gustave-Maurice Hugon dépose le douze avril 1890, au tribunal de commerce de la Seine, une marque de dimensions et de couleurs variables. « Elle s’imprime sur des cartons ou autres emballages renfermant chacun une tablette du produit. Dans le cercle que l’on remarque sur la vignette est placé un verre ou un morceau de gélatine qui permet de voir, collé à l’intérieur de l’empaquetage un dessin chromolithographique représentant un monument de Paris ou autre sujet. » (Bulletin officiel de la propriété industrielle et commerciale du 01/05/1890).
7 L’édition du Journal littéraire utilisée est celle en dix-neuf volumes parus au Mercure de France.
8 Rappelons que Remy de Gourmont habite le no 71 de cette rue.
9 Poinçon habite no 18 rue Guérard à Fontenay-aux-Roses et Léautaud le no 24.
10 Roman autobiographique publié chez Calmann-Lévy Frères, 3 rue Auber à Paris.
11 Les recensements et l’état civil sont disponibles sur le site des Archives numériques de la ville de Paris.
12 Archives numériques de la ville de Paris.
13 Charles Carrington, né en 1867 en Angleterre, se spécialise dans l’édition d’ouvrages à caractère érotique. Il meurt le quinze octobre 1921 à Ivry-sur-Seine.
14 Ce Prince des Poètes est né en 1844 à Metz et meurt en 1896 à Paris, dans une déchéance et une misère peu communes. Voir https://leautaud.com/notices-3/#verlaine.
15 Poète indissociable de Verlaine, il naît en 1854 à Charleville et meurt en 1891 à Marseille peu après l’amputation de sa jambe droite. Paul Léautaud connut la sœur d’Arthur, Isabelle, qui se maria à Pierre Dufour, alias Paterne Berrichon : « J’ai vu plusieurs fois au Mercure Isabelle Rimbaud, d’une ressemblance étonnante avec son frère » (JL, 19/01/1933). Voir https://leautaud.com/notices-3/#rimbaud.
16 Pierre Choderlos de Laclos (1741-1803), officier de carrière surtout connu pour son roman épistolaire de 1782, Les Liaisons dangereuses, adapté avec succès au cinéma.
17 Jules Michelet (1798-1874), historien français.
18 Denis Diderot (1713-1784), écrivain, philosophe et encyclopédiste français des Lumières. Son Neveu de Rameau est particulièrement apprécié de Léautaud.
19 Charles Baudelaire (1821-1867) est un poète français et un des premiers traducteurs des œuvres d’Edgar Allan Poe. Les Fleurs du Mal datent de 1857.
20 André Rouveyre (1879-1962) est un écrivain et caricaturiste français, grand ami de Léautaud. Fils d’Édouard Rouveyre, auteur de Connaissances nécessaires à un bibliophile et éditeur parisien installé rue des Saints-Pères.
21 Henri Albert (1869-1921), de son vrai nom Henri-Albert Haug, est surtout connu comme traducteur de Friedrich Nietzsche. Rédacteur en chef du Centaure, il collabore au Mercure de France d’octobre 1891 à sa mort. Il y tient l’importante chronique des « Lettres allemandes ». Cette revue lui consacre un « Écho » dans son numéro du 15/08/1921.
22 Henri Albert habitait vraisemblablement au numéro 20. De nos jours la rue de Harley ne comporte plus que deux immeubles, qui ont leur entrée sur les rues faisant l’angle. Cette rue ne comporte donc aucun numéro et l’on peut donc dire, stricto sensu, que plus personne n’y habite.
23 « Mme K… » dans l’édition papier. Journal littéraire au premier février 1956 : « J’étais en train de travailler au Journal, année 1921, passage sur la mort de Henri Albert et cette dame de K… avec laquelle il vivait depuis 20 ans dans une vieille maison de la rue Mazarine. »
24 No 26 rue de Condé, VIe arrondissement.
25 Cette même rue de Seine abrite aussi le libraire Pierre Saunier, au no 22.
26 Remy de Gourmont (1858-1915) est un écrivain à multiples facettes et un des fondateurs du Mercure de France. Pour approfondir http://remydegourmont.org/.
27 L’Almanach des Poètes, ajoutons symbolistes, est édité pour les seules années 1896, 1897 et 1898, au format in-12 et illustré par Auguste Donnay (1896 et 1898) et Armand Rassenfosse pour 1897.
28 Poète français (1864-1912). Voir https://leautaud.com/notices-3/#quillard.
29 Algernon Charles Swinburne (1837-1909), poète britannique scandaleux sous l’ère victorienne, par ses références fréquentes aux déviances sexuelles.
30 Poète d’origine américaine (1864-1937). Voir https://leautaud.com/notices-3/#viele-griffin.
31 Eugène Jules Montfort (1877-1936), écrivain, romancier, fondateur de la revue Les Marges. Il édite Vingt-cinq ans de littérature française en deux volumes illustrés. Le compte rendu de Rachilde dans le Mercure de France de décembre 1896, de Sylvie ou les émois passionnés, est disponible sur le second site du créateur de leautaud.com : https://rachilde-e.fr/montfort-e.
32 Alfred Jarry (1873-1907) écrivain et artiste multiforme, ami de nombreuses figures du Mercure de France. Avec Remy de Gourmont il publie L’Ymagier. Son personnage, le père Ubu, est entré dans la langue française sous la forme ubuesque, synonyme de clownesque, grotesque, burlesque. Le trois novembre 1907, Léautaud assiste à son enterrement jusqu’à l’inhumation au cimetière parisien de Bagneux.
33 Pierre Bonnard (1867-1947) est peintre, illustrateur, graveur et sculpteur. Relevons qu’il est né à Fontenay-aux-Roses.
34 Poète français (1860-1934). Voir https://leautaud.com/notices-2/#leconte.
35 Le Centaure, recueil trimestriel de littérature et d’art, revue de jeunes gens à rédaction fermée, qui n’eut que deux numéros. Aux fondateurs : Jean de Tinan, Pierre Louÿs, André Lebey et Henri Albert, s’ajoutèrent Henri de Régnier, André-Ferdinand Hérold, Paul Valéry et André Gide.
36 Archives numériques de la ville de Paris.
37 La première édition date de mars 1839. Delahays réédite La Chartreuse de Parme en 1854.
38 La première édition, chez Delaunay et Pelicier à Paris, est de 1817.
39 La passion de Léautaud pour Stendhal et la fréquentation d’Adolphe Paupe qui prépare la correspondance du romancier, ont séduit Gourmont qui se met alors en quête d’éditions bibliophiliques et originales, ce qu’illustre ce passage du Journal littéraire. Rappelons que Gourmont et Léautaud adhèrent au Stendhal-Club, le premier comme « président » et le second comme « membre ».
40 Aucune trace de ce journal. Probablement un projet abandonné.
41 Anne Cayssac, maîtresse en titre de Léautaud qu’ : « il appelle Le Fléau, La Panthère, ma chère putain, cher et adorable cul, Madame… Jamais Anne Cayssac. Ce sont des rapports… alors là on peut parler… d’obscénités… », dixit Édith Silve chez Bernard Pivot en 1986. Voir https://leautaud.com/silve-pivot-2/ et le Journal particulier 1933.
42 Remy de Gourmont, Correspondance, tome II, 1900-1915, pp. 444-445, édition Vincent Gogibu, Éditions du Sandre, 2010.
43 Natalie Clifford Barney (1876-1972), femme de lettres américaine, est connue pour ses nombreuses aventures sentimentales masculines et féminines, de Remy de Gourmont à Liane de Pougy qui raconte ses aventures dans Idylle saphique (1901). Gourmont tombe amoureux d’elle et lui adresse ses fameuses Lettres à l’Amazone, surnom qu’elle reprend dans ses Nouvelles Pensées de l’Amazone éditées au Mercure de France en 1939, qui avaient été précédées des Pensées en 1920 chez Émile-Paul Frères. La Correspondance amoureuse de Natalie et Liane est éditée chez Gallimard en 2019. Elle tient un salon littéraire à Paris, no 20 rue Jacob. Le Mercure de France réédite en 2002 ses Traits et Portraits de 1963, dont quelques pages sont consacrées à Paul Léautaud.
44 Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire (1880-1918), poète et écrivain, mort de la grippe espagnole. Grand ami de Léautaud qui le fait connaître au Mercure de France. Alcools et Calligrammes y sont édités en 1913 et 1918. La rencontre de Léautaud avec la mère de Guillaume est décrite dans le Journal littéraire au 20 janvier 1919.
45 Pour plus de détails : https://urlz.fr/pgv0.
46 Marguerite Eymery (1860-1953), dite Rachilde, épouse Alfred Vallette (note suivante 47). Son Monsieur Vénus, édité à Bruxelles en 1884, lui donne une notoriété d’antiféministe. Elle collabore au Mercure à partir de 1890 par des articles littéraires, et une chronique Romans de 1896 à 1924. C’est à son domicile no 26 rue de Condé et siège du Mercure de France, qu’elle tient salon et qu’elle meurt âgée de quatre-vingt-treize ans. Pour les curieux : https://leautaud.com/rachilde-02/.
47 Alfred Vallette (1858-1935), fondateur à la fois des éditions du Mercure de France et de la célèbre revue du même nom, pour laquelle il collabora activement. La bibliographie de ses articles, établie par Pierre Dufay, est insérée dans la « Revue de la Quinzaine » du Mercure de France du 01/12/1935, pp. 436-440.
48 Adrienne Monnier (1892-1955) libraire et éditrice. Sa librairie, La Maison des Amis des Livres, située no 7 rue de l’Odéon, donc très près du Mercure de France, reçoit souvent la visite de Léautaud. Lire ou relire Passage de l’Odéon de Laure Murat et visiter la page https://leautaud.com/adrienne-monnier/.
49 L’Alliance littéraire est dirigée par Alexandre Mercereau (1884-1945) et éditée chez Eugène Figuière à Paris.
50 Auteure d’Une Femme, chez Eugène Figuière, avec une préface de Henri Barbusse (1927) ainsi que d’un volume de Lettres en 1929, chez le même éditeur.
51 Archives numériques de la ville de Paris.
52 Annuaire du Commerce Didot-Bottin, édition 1930.
53 Ferdinand Florent Fels (Felsenberg) (1891-1977) journaliste et écrivain d’art, crée aux éditions Stock la collection Les Contemporains.
54 Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques est un hebdomadaire d’information, de critique et de bibliographies, édité de 1922 à 1958 par la librairie Larousse. Son directeur de publication, Maurice Martin du Gard (1896-1970) est le petit-cousin du romancier Roger Martin du Gard (1881-1958) auteur des Thibault et prix Nobel de littérature en 1937.
55 Comœdia, journal fondé par Henri Desgrange, édité de 1907 à 1914, puis de 1919 à 1937, avec des suppléments : Comœdia illustré (1908-1936), bimensuel, et Comœdia-journal (1926-1936), quotidien.
56 Passe-Temps, recueil de nombreux textes, est paru au Mercure de France le douze février 1929.
57 Madame Sommet. Pour plus de détail : https://leautaud.com/fontenay-01/#Expulsion.
58 Excelsior, un des premiers journaux illustrés par la photographie, est créé en 1910 par Pierre Lafitte. Il s’achève en juin 1940.
59 Marie Guyon, née en 1866 à Tallans dans le Doubs, est la domestique de Léautaud, no 24 rue Guérard à Fontenay-aux-Roses.
60 Jean (1877-1952) et Jérôme Tharaud (1874-1953), écrivains « à quatre mains », prix Goncourt de 1906. Jean est secrétaire de Maurice Barrès de 1901 à 1914, d’où son livre Mes années chez Barrès, paru chez Plon en 1928.
61 Extrait du long et premier article de Gustave Fuss-Amoré et Maurice des Ombiaux intitulé Montparnasse et inséré dans le Mercure de France du premier novembre 1924, pp. 677-712, https://urlz.fr/pgFo.
62 Louis Dumur (1863-1933) d’origine suisse, commence sa carrière au Mercure de France comme rédacteur en chef, dès sa création en 1890. Devenu le directeur littéraire, il se charge des manuscrits apportés au Mercure et décide ou non de leur édition. Après 1918, ses romans se radicalisent avec des titres comme Nach Paris ! (1919) ou Le Boucher de Verdun (1921), puis Dumur s’intéresse à la Russie communiste avec Les Fourriers de Lénine (1932) et Les Loups rouges.
63 La Pléiade dite la Seconde Pléiade, est une revue artistique et littéraire créée par Rodolphe Darzens en 1886 et poursuivie par Louis-Pilate de Brinn’Gaubast en 1889.
64 Voir la note 61.
65 Roman paru en 1923. Extrait du Mercure de France du premier janvier 1923 : Louis Dumur, « Les Défaitistes » : https://urlz.fr/pgI5.
66 Léo Larguier (1878-1950) poète, critique littéraire, essayiste, membre de l’académie Goncourt. Léautaud lui consacre près d’une centaine de pages du premier au dix-huitième tome de son Journal.
67 Le Double bouquet est une revue poétique parue de 1911 à 1917 sous la direction d’André Germain (1881-1971). Dans ses Défaitistes, (Albin Michel 1923), Louis Dumur fait dire à un de ses personnages, page 131 : « Monsieur, comptez sur moi. Nous leur en ferons, une revue ! Le Double Bouquet et le Mercure de France n’ont qu’à se bien tenir !… »
68 Charles-Henri Hirsch dans sa chronique des « Revues » du premier décembre 1916, page 529.
69 Voir https://leautaud.com/notices-3/#roinard.
70 Les Nouvelles littéraires du huit novembre 1930, page deux.
71 Journal littéraire du 24 mars 1906.
72 André Thérive, de son vrai nom Roger Puthoste (1891-1967), écrivain et critique littéraire du Temps et fondateur de l’école populiste. Il avait au Mahieu son petit cénacle composé d’« Elie Richard, rédacteur en chef de Paris-Soir ; l’éditeur Bernard Grasset ; les poètes André Mary, Castagnou ; les critiques Georges Le Cardonnel, Henri Clouard ; les écrivains Marcel Dugas, Charles de Saint-Cyr, Maxime Revon, Pierre Bathille, Louis Morpeau ; les historiens Becheyras, Jean de Salis ; les philosophes Gilbert Maire, Krakowsky ; le critique d’art Pierre du Colombier ; les professeurs allemands Boch Karl, Graefer Witehelen, Friedman ; les hellénistes Mario Meunier, Victor Magnien ; l’historien d’art Louis Dimier ; l’orientaliste Hippolyte Boussac ; le géographe de Vilmoreuil ; les dessinateurs Gallo, Doès, d’Ostoya ; les sculpteurs Poncin, Bacqué ; la peintresse Marewna » et bien d’autres encore. (Reproduction partielle du livre Lorsque tout est fini… Souvenirs d’un chansonnier du quartier latin, de Georges Millandy, paru chez Albert Messein en 1933, nombreuses illustrations).
73 André Thérive, Anna, Grasset 1932, 289 pages.
74 Les Nouvelles littéraires du dix-neuf novembre 1932, page deux.
75 Antoine Albalat (1856-1935) écrivain et critique littéraire. Son Art d’écrire enseigné en vingt leçons (1899) connut de nombreuses éditions mais il est impossible de ne pas signaler dans cette page son Trente ans de quartier latin — Nouveaux souvenirs de la vie littéraire — paru à la Société française d’éditions littéraires et techniques d’Edgard Malfère au printemps 1930.
76

Antoine Albalat, Trente ans de quartier latin op. cit. page 161.
77 Les Nouvelles littéraires du vingt-huit septembre 1935.
78 Auguste Émile Faguet (1847-1916) écrivain et critique littéraire, élu à l’Académie Française en 1900.
79 Léon Daudet a écrit plusieurs volumes de souvenirs et souvent ce pauvre Émile Faguet y a été crucifié, comme par exemple dans cette troisième partie « L’entre deux-guerres » de ses Souvenirs des milieux littéraires, politiques artistiques et médicaux (671 pages), édités à la rentrée 1920 par la Nouvelle librairie nationale. Ici page 330 :

80 Les Nouvelles littéraires du seize octobre 1947.
81 Les Nouvelles littéraires du trois août 1935.
82 Le Hongrois Jenő (Eugène) Heltai, né Eugen Herzl (1871-1957) écrivain, dramaturge et journaliste, est correspondant de presse à Paris à la fin des années 1890. Metteur en scène et dramaturge du Théâtre de la Gaieté à Budapest (1914-1918).
83 Les Nouvelles Littéraires du cinq décembre 1936.
84 Les Nouvelles littéraires du quatorze novembre 1936.
85 Le Café d’Harcourt, no 47 boulevard Saint-Michel, à l’angle nord de la place de la Sorbonne.
87 La note qui suit est produite par Léautaud, dans le premier tome du Journal littéraire, vraisemblablement ajoutée à l’occasion de la première parution d’extraits du Journal littéraire dans le Mercure du 1er janvier 1940 (page 26) :
« Fabricant de gants, rue Jean-Jacques Rousseau, chez qui j’étais « tribun ». Parent de Georges Berr, de la Comédie-Française. Un excellent homme. Mon père lui avait parlé d’une place pour moi, lui disant qu’il me donnerait ce qu’il voudrait, que c’était pour mon argent de poche. Quand il me raconta cela, et que je le renseignai, lui disant que mon père ne me donnait pas un sou et qu’il me fallait gagner ma vie, il se confondit presque en excuses de ne pouvoir me paver mieux et de me voir dans un pareil emploi. »
Ajoutons qu’Édouard Berr est l’oncle du comédien Georges Berr et qu’il est né à Paris, le quatorze août 1848, fils de Charles Berr et de Clara Hartogs épousée le six octobre 1847. Déclaré fabricant de gants lors du rétablissement de son acte de naissance le quatorze août 1878, il habite déjà la rue Jean-Jacques Rousseau, mais au no 37, Ier arrondissement. Les éditions successives de l’Annuaire du Commerce Didot-Bottin, depuis 1909 à 1926, situent son atelier au no 14 de cette rue. Léautaud a-t-il donc travaillé chez Berr au no 14 ou no 37 ? En 1909, Berr est-il encore fabriquant de gants ? Le même Annuaire le qualifie d’agent dépositaire de peaux chamoisées et ganterie de peau. Resté célibataire, il décède le neuf novembre 1920 à son domicile de la rue J.-J. Rousseau (Archives numériques de la ville de Paris).
88 Eugénie Krantz, ancienne artiste du bal Bullier, rencontrée par Verlaine en mai 1891, surnommée « Nini Mouton ». C’est chez elle, no 39 rue Descartes, qu’il décède le huit janvier 1896. Morte en 1897.
89 Cette fleur odorante symbolise la pensée affectueuse. Elle est surtout très bon marché.
90 Des emprunts concernant le JL de Léautaud, ce passage est probablement celui qui est le plus reproduit dans la littérature, que les ouvrages traitent ou non de Paul Verlaine. En voici quelques exemples : Robert Courtine, La Rive gauche, La Vie parisienne, vol. III. — Jean-Jacques Lévêque, Paul Verlaine. — Thierry Beinstingel, Vie prolongée d’Arthur Rimbaud. — François Gibault, Céline. — James Harding dans Lost Illusions : Paul Léautaud and His World (Fairleigh Dickinson University Press, 1974) ne reprend pas à la lettre l’extrait, mais sous sa plume, voici ce que l’on peut lire à la page 50 : In the early aftemoon of Friday, 24 August 1894, Paul happened to be walking by the Café Mahieu. Among the people sitting at tables outside he glimpsed a face that was familiar : the Mongolian mask, piggy eyes and wispy beard of Verlaine, a syphilitic hulk slouched over his absinthe. At a ?orist’s nearby he bought a bunch of violets and sent an errand boy over to give them to Verlaine. Then he stood on the other side of the street to see what happened. The poet raised the violets to his nose and smelt their scent. He looked in puzzlement to right and left, trying to discover who had paid him this unexpected tribute. Paul went on his way, delighted with his gesture. Ce que l’on peut traduire par « En début d’après-midi du vendredi 24 août 1894, Paul se promenait devant le Café Mahieu. Parmi les gens en terrasse, il aperçut un visage familier : le masque mongol, les yeux cochons et la barbe vaporeuse de Verlaine, une carcasse syphilitique affalée sur son absinthe. Chez un fleuriste voisin, il acheta un bouquet de violettes et envoya un garçon de courses les remettre à Verlaine. Puis il se tint de l’autre côté de la rue pour voir ce qu’il se passait. Le poète porta les violettes à son nez et sentit leur parfum. Il regarda avec perplexité à droite et à gauche, essayant de découvrir qui lui avait rendu cet hommage inattendu. Paul poursuivit son chemin, ravi de son geste. »
91 Mercure de France, no 993, tome CCXCVI, pp. 25 à 40, https://urlz.fr/pfZh.
92 Ces trois versions sont reproduites dans Pages retrouvées du tome dix-neuvième du Journal littéraire, p. 41.
93 Marie Dormoy (1886-1974) fut directrice de la bibliothèque littéraire Jacques-Doucet de 1932 à 1956. Elle fréquenta les milieux littéraires et artistiques, les Bourdelle, Michelot, Suarès, Perret, et bien d’autres. Malgré quelques ouvrages spécialisés, ne serait-elle pas oubliée si elle n’avait été la dernière amante de Paul Léautaud, qui lui accorda la saisie, sur machine à écrire, du fastidieux manuscrit qui allait devenir le Journal littéraire et qu’elle poursuivit, après sa mort, l’édition de la Correspondance et du Journal particulier consacré au Fléau, autrement dit Mme Cayssac ?
94 Le restaurant Polidor situé no 41, rue Monsieur-Le-Prince, existe encore. Pour s’y rendre : https://www.polidor.com/.

Le Polidor, à l’angle de la rue Monsieur-le-Prince et de la rue Racine en avril 2021
95 La saccharine, édulcorant artificiel, est découverte en 1879, puis commercialisée. Son usage se développe avec le rationnement du sucre (saccharose) pendant la Seconde Guerre mondiale.
96

L’angle de la rue Corneille, place de l’Odéon. À gauche, le débouché de la rue Racine, au fond les arbres du jardin du Luxembourg, à droite, le théâtre de l’Odéon